- Classique
- Comédie Française - Studio Théâtre
- Paris 1er
Singulis, Hamlet, à part

- Loïc Corbery
- Comédie Française - Studio Théâtre
- 99, rue de Rivoli
- 75001 Paris
- Louvre-Rivoli (l.1)
Hamlet est seul. Seul avec ce secret, avec son deuil et ses fantômes. Loïc Corbery confronte la solitude d’un personnage à celle de l’acteur qui tente de l’incarner. Seul avec Hamlet, devant les spectateurs.
C’est une didascalie. Une des nombreuses dans la pièce qui mentionnent à leur façon la solitude que Shakespeare impose à Hamlet. Le chemin naturel que Loïc Corbery emprunte pour ce seul-en-scène. Parce que la nuit, sur les remparts du château d’Elseneur, le spectre de son père lui apprend qu’il a été assassiné par son propre frère Claudius, Hamlet cherchera à révéler le meurtre perpétré par cet oncle qu’il abhorre depuis qu’il a épousé sa mère et usurpé le trône. « Y a-t-il plus de noblesse d’âme à subir la fronde et les flèches de la fortune outrageante, ou bien à s’armer contre une mer de douleurs et à l’arrêter par une révolte ? »
Hamlet est seul. Seul avec ce secret, avec son deuil, seul avec ses fantômes. Loïc Corbery prend au mot le jeu du Singulis et confronte la solitude d’un personnage à celle de l’acteur qui tente de l’incarner. Seul avec Hamlet, devant les spectateurs. Dans cette traversée commune, il explore, au-delà du mythe et de l’histoire, un pan de poésie pure – faite de doutes et de révolte, de violence et de mystère. En quête de son identité, comme toutes les grandes figures du répertoire, dans sa tragique histoire, Hamlet ne parle que de théâtre. Il le définit comme matrice de la vérité. La scène comme seul endroit où on dit vraiment, où on est vraiment. Et Shakespeare y inscrit certains de ses plus beaux monologues, où le rationnel combat corps-à-corps avec le surnaturel. (Hamlet seul); (Tous sortent sauf Hamlet); (Hamlet lisant) ; (Hamlet, à part)... Attendre Hamlet, l’entendre et, à partir de lui, tisser un imaginaire de personnages et de poètes, pour se raconter un peu.
Loïc Corbery a définitivement répondu à cette question, lui qui nous propose un passionnant et singulier Singulis.
Tout est parti d'une didascalie, (Hamlet, à part).
Ce sera un épatant voyage littéraire et dramaturgique dans le monde de ce pauvre prince du Danemark, LE personnage de théâtre s'il en est.
Ce sera un montage on ne peut plus judicieux de différents textes, classiques ou contemporains.
Shakespeare, bien entendu, avec des extraits de la pièce en question.
Et puis bien d'autres, qui vont nous mettre en perspective ce type étrange, avec ses failles et ses démons. Un type qui n'a pas fini de faire jaser dans les chaumières des metteurs en scène, des comédiens et du public.
Loïc Corbery a minutieusement établi une sélection de morceaux choisis qui auront pour principal intérêt de nous plonger dans les multiples thèmes de la pièce.
La famille bien entendu. Le père, décédé récemment, remplacé ignominieusement aux yeux du fils.
La mère, que ce même fils juge renégate, pour ne pas dire plus...
Le comédien nous parlera d'amour, d'Ophélie, des femmes (Avec notamment un texte sublime de Sarah Bernhardt abordant de façon presque contemporaine la question du genre.)
De politique.
Qu'est-ce qui fait qu'Hamlet a été la première pièce jouée dans le théâtre de Pristina, la principale ville du Kosovo, une fois la guerre des Balkans terminée ?
Sera évoqué également le métier d'acteur. Quel rôle questionne le mieux l'homme (ou la femme) qui interprète un tel personnage ? Dans quel état ce rôle plonge-t-il le comédien ?
La solitude du comédien et celle d'Hamlet.
Et puis, la mort.
Aussi. Parce qu'elle est omniprésente. Le crâne de Yorick, ce qu'il représente, ce qu'il nous dit... (Un très bel hommage sera rendu à un autre bouffon... Je n'en dis pas plus...)
La mort, cette que l'on se donne volontairement...
Le comédien réussit parfaitement à mettre en abyme cette multitude d'enjeux dans lequel nous plonge Shakespeare, grâce à ce subtil florilège littéraire.
Il y a le fond. Il y aura la forme. Eclatante, la forme !
Loïc Corbery va déployer une folle énergie, une vraie fougue à nous dire, nous interpréter, nous jouer les mots des différents auteurs.
Et pourtant, c'est allongé qu'il nous accueille dans la salle, au pied d'une table sur laquelle trône une platine vinyle sortie tout droit des années 70-80, ampli et tuner incorporés, avec les petits vu-mètres qui ne servent à rien, mais qui font joli. Une platine qui joue un 33 tours très rock.
En effet, le comédien se transformera souvent en Mc Loïc, DJ pour un soir.
Il a choisi d'illustrer ses propos avec presque autant d'extraits musicaux que de textes dits.
Le plus souvent, avec un décalage très drôle.
Je ne vous dévoilerai évidemment pas les titres joués, mais ce sera un véritable régal.
Il nous diffusera également lui-même des extraits d'interviews sur cassettes à bande magnétique. (Oui oui, ça existe encore...)
Et puis surtout, surtout, Loïc Corbery interprétera ces morceaux choisis.
Bien entendu, il nous dira Shakespeare, de façon elle aussi un peu décalée. Son interprétation du spectre est jouissive de drôlerie.
Il va déployer tout son art, tout son métier, tout son talent, avec une incroyable palette.
Il prononcera les mots goulument, avec avidité, envie et passion.
C'est un véritable délice de la voir dans ses œuvres, à nous faire rire (souvent), à nous émouvoir ou nous étonner. (Ses adresses au public sont très drôles...)
Je vous conseille vraiment cet étonnant objet théâtral qu'est ce Singulis. Un hommage à un auteur, qui depuis plusieurs siècles n'en finit pas de nous décrire et de nous dépeindre les passions humaines.
Un hommage au théâtre, un hommage au métier de comédien, à cet étrange art qui fait qu'un être humain se plante devant cent cinquante autres et les fascine.
Ces quatre-vingt-dix minutes passent beaucoup trop vite, M. Corbery.
Goodbye Stranger,
It's been nice !
« Je puis dire que j'ai eu la chance rare, et je crois unique, de jouer trois Hamlet : le noir Hamlet de Shakespeare, l'Hamlet blanc de Rostand, l'Aiglon, et l'Hamlet florentin d'Alfred de Musset, Lorenzaccio.» (Sarah Bernhardt)
Un fil, des fils, une trame, voilà le Singulis de Loic Corbery, (Hamlet, à part).
Le fil, la pièce Hamlet Prince de Danemark. Les fils, les personnages, Le père, la Mère, le fils, le revenant. La trame, le Théâtre et son amour pour ce rôle emblématique depuis la nuit des rois..
L’équilibriste sur ces fils, Loic Corbery. Des rôles multiples, des voix portantes et portées par la musique, un jeu périlleux mais équilibré. Une acrobatie parfaite et réussie.
«Les rôles d'hommes sont en général plus intellectuels que les rôles de femmes. Voilà le secret de mon amour. Il n'est pas de caractère féminin qui ait ouvert un champ aussi large pour les recherches des sensations et des douleurs humaines que l'a fait celui d'Hamlet. Phèdre, seule, m'a donné le charme de fouiller un cœur vraiment angoissé. » (Sarah Bernhardt)