- Classique
- Théâtre 14 Jean-Marie Serreau
- Paris 14ème
L'Idiot (Théâtre 14)

- Arnaud Denis
- Thomas le Douarec
- Théâtre 14 Jean-Marie Serreau
- 20, Avenue Marc Sangnier
- 75014 Paris
- Porte de Vanves (l.13)
C'est pour moi un immense plaisir et un grand honneur de clôturer cette nouvelle saison du Théâtre 14 dirigé par notre cher Emmanuel Dechartre !
Quoi de mieux que de monter l'Idiot pour rendre le plus bel hommage à ce grand homme de théâtre. Je me souviens encore du jeune spectateur que j'étais, montant de ma province, quand je découvris Emmanuel dans le rôle du prince Mychkine au théâtre de la Madeleine : j'en sortis conquis au point d'y retourner quelques jours plus tard au premier rang.
Quel bonheur ce fut pour moi de voir pour la première fois une adaptation théâtrale aussi réussie de l'un de mes romans préférés : L'Idiot. Emmanuel l'a joué plus de 500 fois, ce fut l'un de ses grands succès ! Mais au-delà de l'hommage à un ami, c'est avant tout ma passion pour ce roman qui me pousse à l'adapter à mon tour au théâtre. Sans parler de ce merveilleux phénomène avec "certains chefs-d’œuvre" qui fait évoluer notre regard à chaque relecture !
Aussi, le succès de ma précédente adaptation d'un autre roman Le Portrait de Dorian Gray me conforte dans ce choix et me donne la force et la confiance de m'attaquer à beaucoup plus grand : l'adaptation de ce monument de la littérature mondiale et à ses 1000 pages ! Et puis, lorsque Arnaud Denis m'a dit "oui" tout de suite sans avoir lu une seule page, je n’ai plus hésité ! Signe du destin ? Du coup, par fidélité, j'ai proposé à mon équipe de Dorian de me suivre dans l’aventure ; Caroline Devismes, Fabrice Scott et moi-même ferons donc également partie de la distribution...
Il me faut encore trouver une dizaine de comédiens pour me suivre dans cette folie qui, je l’espère, sera à la hauteur de mes rêves et des vôtres.
Thomas le Douarec
L'histoire : le prince Mychkine est de retour en Russie après une longue convalescence en Suisse. Il rencontre Rogojine dans le train et prend connaissance des derniers potins de la bonne société de St Petersbourg grâce à Lebedev. Possédant une vision du monde un peu particulière et fondamentalement bon, le prince sera accepté dans cette société russe hypocrite et décadente qui le surnomme l'Idiot mais aura du mal à trouver sa place.
La pièce se divise en deux parties : la première jusqu'à l'anniversaire de Nastassia Philippovna est un vrai bonheur. C'est dynamique, intéressant, je suis restée sous le charme de cette partie, d'autant que les comédiens ont de beaux costumes qui correspondaient bien à l'image que je m'en faisais. La seconde partie est plus difficile à appréhender car découpée en de nombreuses petites scènes elliptiques qui cassent le rythme et le denouement n'est pas à la hauteur de ce qu'on pouvait attendre. J'aurais préféré un entracte et plus d'explications.
Le casting masculin a particulièrement retenu mon attention tant ils ont tous été excellents : Arnaud Denis est un prince parfait : il oscille entre naiveté et bonté avec justesse. Gilles Nicoleau campe un Rogojine plus vrai que nature, Bruno Paviot est un lebedev veul à souhait, Fabrice Scott est un Ganiavolguine réaliste et Daniel-Jean Colloredo qui incarne les deux généraux (Epantchine et Ivolguine), m'a séduite avec ses deux personnages.
Pour la distribution féminine : Caroline Devisme joue une Nastassia plutot en retenue, j'ai assez apprécié son rôle dans ce registre. La jeune Marie Oppert fait sans doute preuve de trop de fougue et son texte est plus souvent crié qu'à son tour, c'est un peu dommage. Marie Lenoir et Solenn Mariani sont justes.
Un point m'a surprise : pourquoi le décor est il aussi triste ? Deux estrades en tout et pour tout et le rideau noir au fond présent presque tout le temps qui plombe un peu l'ambiance. des projections auraient égayé la pièce. Non ?
L’idiot désigne le Prince Mychkine, jeune homme considéré comme tel en raison de sa maladie – il est épileptique. Au début du roman, il rentre en Russie après un long séjour dans un sanatorium de Suisse ; il est alors presque tout à fait guéri. S’il reste d’une naïveté à toute épreuve, le Prince est aussi un personnage attachant, profondément gentil, qui sait trouver le bien chez chacune de ses fréquentations. Dès son arrivée en Russie, il rencontrera Nastassia Filippovna dont il tombera amoureux – mais il n’est pas le seul. L’idiot suit Le Prince dans son entrée progressive dans la société russe, ses analyses psychologiques pertinentes de ceux qui l’entourent, ses amitiés naissantes et ses fréquents pardons.
C’est toujours étrange – et risqué – lorsqu’un personnage né dans notre imaginaire prend forme humaine sur scène. Mais on peut faire confiance à Arnaud Denis pour s’effacer derrière son personnage et, véritable caméléon, se rapprocher au plus près des traits dessinés par l’auteur et, fatalement, tracés dans notre esprit. Dès que j’ai découvert l’affiche, la transformation de son regard m’a frappée : il n’était plus le comédien assuré qu’on connaissait mais déjà ce Prince Mychkine au regard à la fois doux et inquiétant, ce personnage mystérieux en décalage avec la société russe qu’il se prendra de plein fouet. Sur scène, la promesse est tenue : le personnage est incarné avec puissance et intériorisation. Et oui, chez Arnaud Denis, les deux ne sont pas incompatibles.
Cependant, Arnaud Denis aurait pu briller encore davantage s’il n’avait été brimé par ses partenaires de jeu. Du côté des hommes, le travail est très correct. Mais c’est du côté des femmes que cela pêche, ce qui est bien dommage puisque les deux intrigues amoureuses que mène Le Prince sont intrigantes et passionnantes. On imputera sa jeunesse à Marie Oppert pour expliquer son Aglaé particulièrement agaçante par des cris répétés – malheureusement cela n’a jamais été synonyme d’intensité au théâtre. C’est plus difficile d’excuser Caroline Devismes, déjà rencontrée dans les créations de Thomas Le Douarec, et qui campe une Nastassia démesurément vide, se contentant de réciter platement le texte de cette femme qui devrait soulever les foules. C’est un comble d’incarner un personnage si clivant avec pareille apathie. Quelle déception !
Et ma contrariété ne s’arrête pas là. J’ai eu du mal avec l’adaptation proposée par Thomas Le Douarec. Il faut dire qu’adapter Dostoïevski en 2h20 a quelque chose d’impossible. Si le livre I a été à peu près respecté, le second livre subit ellipse sur ellipse tant et si bien qu’on sent dans la deuxième partie du spectacle le rythme s’accélérer, jusqu’à passer parfois à côté de l’histoire : pourquoi ce revirement soudain de Mychkine vers Aglaé ? Le Prince est-il sincère, ou cette déclaration d’amour n’est-elle qu’une déclaration d’amitié maladroite ? Difficile à dire. Et enfin que dire de cette fin ? Étrange, maladroite, incompréhensible, et surtout bien loin de la fin dramatique du roman, voilà une fin qui conclut le spectacle d’une bien mauvaise manière. Osera-t-on ? Une fin idiote.
Pour un auteur russe, il y a presque plus d’actions qu’il n’en faudrait ! La première partie du spectacle jusqu’à l’anniversaire de Nastassia Philippovna est vraiment excellente. Tout est si beau, si clair qu’on passe un instant d’émerveillement ! Dans le rôle de l’idiot, Arnaud Denis adopte le ton juste, basculant entre ingénuité enfantine et paroles philosophes, dévoilant une palette de jeu pleine de candeur qui crée de la sympathie et du respect pour le personnage.
Dans les rôles des deux généraux Epantchine et Ivolguine, Daniel-Jean Colloredo est exquis. Général vénal aux mœurs légères puis général à la retraite devenu un peu fou, tout lui va, il s’amuse et nous aussi ! Je retiendrais d’ailleurs l’histoire du bichon qui, ainsi racontée, est assez jubilatoire. Avec sa gestuelle, Fabrice Scott dans le rôle de Ganiavolguine a un petit air d’Eric Ruf fort plaisant. Du côté des actrices, j’ai un peu plus de réserve. Aglaé semble tempêter à tout va et Nastassia en fait parfois trop.
Mais ce « trop » se ressent surtout dans la seconde partie où s’enchaînent une foultitude de petites scènes qui peinent à nous mener jusqu’au dénouement. Mais comment s’attaquer au texte de Fiodor Dostoïevski (environ 800 pages) sans essuyer quelques longueurs ? De là surtout une deuxième partie étirée. On notera cependant les très beaux costumes qui, en plus de nous en mettre plein les mirettes, participent à créer une atmosphère de débauche et de démesure digne d’une Traviata à la russe.
Découverte avec le portrait de Dorian Gray, la compagnie Thomas Le Douarec continue de m’impressionner. C’est une troupe talentueuse qui propose une belle (mais longue) interprétation du roman du grand Dostoïevski : allez-y !
Quelques longueurs, mais ce n’est pas aisé d’adapter un roman comme celui-ci ! A découvrir pour l’interprétation et les superbes costumes de José Gomez.
Plus de kopec pour le décor, ni même quelques chaises ! mais tout a été mis dans les costumes. je suis d'accord, la seconde partie, on regarde quand même sa montre.