- Théâtre contemporain
- Comédie Française - Théâtre du Vieux-Colombier
- Paris 6ème
Les oubliés, Alger - Paris

- Comédie Française - Théâtre du Vieux-Colombier
- 21, rue du Vieux Colombier
- 75006 Paris
- Saint-Sulpice (l.4)
Dans une démarche d’écriture de plateau, Julie Bertin et Jade Herbulot réunissent trois générations d’acteurs de la Troupe plus ou moins proches de cette histoire récente : la Guerre d’Algérie. Partant du « point de vue » des trentenaires dont elles font partie, elles s’interrogent sur la façon dont l’histoire se fait.
1958 : René Coty en appelle à l’homme providentiel – le général de Gaulle – pour trouver une issue à ce que l’on nomme alors les « événements d’Algérie ». De Gaulle accepte à la condition qu’une nouvelle constitution soit adoptée. L’Indépendance sera reconnue en 1962. Tel est le cadre contextuel de la nouvelle création de Julie Bertin et Jade Herbulot du Birgit Ensemble. Après s’être intéressées à l’histoire de l’Europe de 1945 à nos jours, avec notamment la tétralogie Europe, mon amour, elles débutent ici un cycle autour de la Ve République, née avec l’effondrement de la politique coloniale française. L’enjeu artistique rejoint la nécessité de comprendre en quoi et comment non-dits et tabous perdurent sur cette période qu’on a mis si longtemps à nommer guerre : « ces creux et ces silences, de l’État et des familles, qui un temps ont eu la vertu de permettre de se tourner vers l’avenir, présentent aujourd’hui leurs limites », relèvent-elles.
Dans une démarche d’écriture de plateau, elles réunissent trois générations d’acteurs de la Troupe plus ou moins proches de cette histoire récente. Partant du « point de vue » des trentenaires dont elles font partie, elles s’interrogent sur la façon dont l’histoire se fait, opérant un focus sur une «politique de l’oubli» et une société en mal de mémoire collective. C’est dans un métissage de registres de jeu et par un croisement de types de prises de parole que le spectacle, ancré dans le présent et en métropole, s’ouvre à la « grande histoire ». À travers des séquences de flash-back, elles convoquent discours et conversations d’antichambres du palais présidentiel et livrent, loin du pamphlet, un théâtre de brûlures, chargé de symboles et empreint de faits réels.
« L’écriture de plateau », une pratique largement utilisée, à partir d’improvisations des comédiens sur des canevas imposés, se révèle souvent très déceptive.
Cette approche bat son plein un peu partout et, même maintenant, à la Comédie Française… !
On pourrait croire qu’il n’y a plus d’auteurs dramatiques contemporains, ou alors, que certains « ego » aient envie de se déployer fort…
En dépit de leur talent et de leur jeu, les Comédiens Français ne sont pas arrivés à sauver ce spectacle.
Du théâtre dit documentaire (un nouveau créneau marketing ??) qui mêlerait grande Histoire, (avec des discours -mais ne vaudrait-il pas mieux voir les archives et les originaux ?- et des personnages archi-connus -sur lesquels on en sait maintenant beaucoup, mais présentés ici de manière succincte, un rien caricaturale) et des histoires personnelles anecdotiques, pour les personnages de 2019 (alors que certains de leurs vécus sont plutôt tragiques) et des situations créées, complètement artificielles -la fuite d’eau récidivante par exemple, un prétexte ?- )
A quoi sert ce projet, somme toute simpliste? On s’ennuie vite, on n’apprend rien de neuf, on n’est même pas ému ou intéressé.
On admire juste les comédiens qui s’acharnent à tenter de lui donner du sens. Ne pourraient-ils pas être employés à autre chose ?
Et on ne peut même pas partir avant la fin du fait de l’absence d’entracte et du dispositif bi-frontal.
Bref, qu'est on allé faire dans cette galère?
Je mets 4 juste pour les comédiens: ils doivent encore jouer pendant un mois... les pauvres !
Le Birgit Ensemble a choisi de mêler deux époques au sein de son spectacle : d’un côté, le mariage de Alice Legendre et Karim Bacri, aujourd’hui, en 2019. De l’autre, la naissance de la Ve République, avec des scènes allant de 1958 à 1961. L’une des histoires devrait servir l’autre, en permettre une meilleure compréhension, une meilleure appréhension. Mais l’effet produit n’est pas celui escompté : aucun lien ne se dégage de ces deux histoires. En cause, un texte frôlant le ridicule qui perd un peu plus le spectateur à chaque phrase.
Cet article risque de se transformer rapidement en une descente en flèche, mais je le veux aussi témoin de mon incompréhension. Comment est-il possible qu’Éric Ruf, dont l’intelligence, le talent, et les goûts artistiques ne sont plus à prouver, ait accepté qu’un tel projet voie le jour au Vieux-Colombier ? Sur quelles déclarations du Birgit Ensemble s’est-il appuyé ? Qu’ont-elles pu lui montrer qui l’ait poussé dans cette absurde décision ? Et surtout, quelle fut sa réaction lorsqu’il a découvert ce spectacle, pas même digne d’une troupe de lycéens ?
Par où commencer ? Il y a d’abord le dispositif bifrontal. A la réservation, comme dans le programme, il est indiqué que d’un côté se trouve l’Algérie, et de l’autre la France. On sent comme une inspiration d’un spectacle de Christiane Jatahy mais après tout, pourquoi pas. Seulement voilà, quand nous arrivons et que nous demandons à l’ouvreuse de quel côté nous nous situons, elle ne comprend pas de quoi nous voulons parler. Je m’étonne tout d’abord et comprend rapidement : le dispositif bifrontal n’est ici d’aucune utilité. Peut-être en avait-il une sur le papier préexistant au spectacle, mais pour une raison ou une autre, on a finalement dû abandonner le sens profond de ce dispositif pour n’en garder que la forme. Après tout c’est sympa, ça fait moderne, et puis il y a plus de gens qui voient bien. Soit.
Mais il y a surtout l’écriture. C’est le clou du spectacle. Mais pas celui qui entraîne des ovations. Plutôt celui qu’on plante dans une partie de ton corps à coups de marteau dès qu’un comédien ouvre la bouche. Je ne peux concevoir qu’un texte pareil soit joué sur la scène du Premier Théâtre de France. Imaginez : le niveau zéro de l’écriture. Un spectacle si didactique que tout ce qui touche à l’Histoire est en fait directement tiré de Wikipedia. Et je ne plaisante pas. Tout devient excuse pour réciter son cours de la manière la plus scolaire – et donc la plus plate – possible. C’est tellement gros qu’au moment où j’écris ces lignes je me dis que ce n’était pas réel. Et pourtant, ça a commencé dès les premières minutes.
Dans ce spectacle, tout est amené avec de grosses ficelles. On sent l’idée – c’est un grand mot – derrière chaque tournure de phrase. On voit exactement où on veut nous amener. Ainsi du mariage contractualisé par une maire évidemment femme, ce qui sera souligné rapidement par une phrase bien appuyée sur le fait qu’il y a quelques années, cela aurait été impossible. Ainsi d’un personnage de professeur, qui dès qu’il le peut nous récite Wikipédia dans l’espoir de donner un peu de contenu à ce spectacle – un échec. Ainsi d’une fuite d’eau résistante, métaphore ô combien subtile pour souligner ce mariage qui menace de couler. Ainsi d’une application iStoric qui permet d’établir des liens entre le mobilier de la mairie et le début de la Ve République.
Ainsi du spectacle entier. Tout est si grossier qu’on se demande comment l’écriture de plateau s’est déroulée. Je ne peux pas croire – je ne veux pas croire ! – que les comédiens aient pu cautionner un tel vide dans l’écriture. Les répliques se suivent et se ressemblent, toutes aussi décevantes les unes que les autres. Le pire se situe pendant les changements de décors nécessaires à indiquer les changements d’époque : sur un écran, chacun des personnages aura droit à une petite minute d’introspection. Filmés seuls face à leur miroir, on les voit se parler à eux-mêmes dans des monologues dignes d’une mauvaise série de TF1. J’ai mal pour eux, d’autant que s’il y a bien un point où on ne s’est pas moqué de nous, c’est bien sur la distribution réunie sur la scène du Vieux-Colombier. On leur souhaite bien du courage – allez, il ne reste qu’un mois.
Nous sommes d’abord en 2019, dans la mairie du 18ème arrondissement de Paris pour assister au mariage d’Alice Legendre et de Karim Bakri. Pendant la cérémonie, de vieilles histoires ressortent sur la période des « événements d’Algérie » et jettent un froid sur la cérémonie. Puis vient un flash-back : nous nous retrouvons en 1958 avec Bruno Raffaelli dans la peau de De Gaulle, entouré de René Brouillet (directeur du cabinet présidentiel) et Michel Debré (garde des Sceaux puis Premier Ministre) discutant tous trois du projet de Constitution à faire voter au parlement.
Dès ce premier aller-venu dans le temps, on a l’impression d’un exposé didactique, d’un cours de sur le mariage et les fondements de la 5ème République. Dans la mairie, on s’enlise dans des détails : un tuyau saute, un invité boit trop… Puis dans le passé, on assiste à une reconstitution historique longue et pas assez narrative. Les scènes passent lentement, certains personnages (comme les employés de la mairie) sont de trop.
Les acteurs ne sont pas mauvais (comment le seraient-ils au Français ?), d’ailleurs Bruno Raffaelli est convaincant : on sent qu’il a travaillé son personnage jusqu’à reproduire une gestuelle qui donne à son ombre l’allure De Gaulle. Une scène entre Danièle Lebrun et Elliot Jenicot est elle aussi plutôt réussie.
Mais une lecture attentive de la note d’intention me fait comprendre a posteriori que le Birgit Ensemble ne désire pas vraiment nous raconter l’histoire de ces Oubliés. En effet, la guerre d’Algérie n’est pas le noyau de cette création qui s’intéresse finalement plus à la 5ème République et à son cadre qu’aux traumatismes de la guerre d’Algérie vécus par des familles françaises et algériennes. Le côté démonstratif historique dépasse donc la trame narrative et cela se ressent beaucoup (à regret !).
N’ayant pas connu cette période et n’en ayant jamais vraiment entendu parler, je parle sans repères. Néanmoins je n’ai pu m’identifier à cette vision présentée qui m’a semblé à la fois impersonnelle et froide, comme une dissection de l’histoire habillée de personnages fictifs mais peu profonds.
Décidément, le pont entre Histoire collective et trajectoires individuelles ne prend pas, il aurait fallu voir moins grand pour rester plus dans la créativité théâtrale et moins dans le documentaire référencé. D’autre part, l’écriture de plateau n’est peut-être pas pour la meilleure option pour diriger la troupe de la Comédie-Française…
Conclusion : malgré toute la bonne volonté du Birgit Ensemble et des comédiens, il me reste une impression vague d’exposé désincarné…
"Prudence et clarté" intima Michel Debré (Eric Genovèse) à Charles de Gaulle (Bruno Raffaelli). "Prudence..." répondit le général. Le Premier ministre philosopha "quand on veut satisfaire tout le monde, on fait des déçus". Et quand on veut faire du politiquement correct au-delà du récit national, on fait du préconçu.
Les oubliés est une pièce qui parle de la guerre d'Algérie - disons-le d'emblée - de la façon la plus convenue et la plus entendue. Curieux choix dans le titre de la pièce puisque "Les oubliés" sont en fait ceux dont on parle toujours dans cet événement dramatique (sauf si vous n'avez rien écouté à l'école et que vous n'avez ni radio, ni télé, ni journal, ni internet chez vous). Le fils d'Algérien, qui est trop français pour les arabes et trop arabe pour les français, le beau-père raciste et l'ombre d'un aïeul paternel n'ayant pas œuvré dans le sens de la doxa, sont rassemblés pour célébrer le mariage du premier cité avec une architecte dont l'histoire familiale pied-noire débouche sur un grand déballage très prévisible. Madame le maire (Sylvia Bergé) célèbre l'union en s'interrogeant : qui aurait pu imaginer cette scène 50 ans auparavant ? La guerre d'Algérie était hier et les foyers de demain outrepassent les déchirements du passé. L'amour avant tout ! conclue-t-elle avant d'inviter la mariée à embrasser le marié. La fête bat son plein, on chante gaiement, même du Walt Disney : ce rêve bleu. Je n'y crois pas, c'est sucrailleux. Puis, la soirée tourne au vinaigre en raison des affaires familiales un peu trop enfouies et dévoilées au cours du repas. Entre-temps, la pièce fait des allers-retours avec les décisions politiques prises au plus haut niveau.
Les échanges à l'Élysée ne suffisent pas à rattraper un texte écrit avec les pouces pianotant sur les réseaux sociaux. Aucune nuance, ni finesse dans les propos rebattus qui se portent tout juste à la hauteur du café de commerce. Les personnages filment et prennent des photos avec leur iPhone et vantent les mérites d'une application qui permet de tout savoir sur les monuments, sans avoir à se creuser la tête. Afin de vous éviter le détour, je vous donne le point d'orgue du texte : la complainte du roux victime de racisme. Ah ça, c'est hautement du non-dit. Chaque personnage passe aux chiottes faire une introspection sur lui-même. Même Charles de Gaulle est montré comme un gueulard qui ne se maîtrise pas. Les bonnes petites phrases sont ressorties avec les gros sabots ("quand vous dîtes... je vous ai compris... je n'ai pas compris..."). La mariée, Alice Legendre (Pauline Clément), est tout simplement la cruche de service à qui bien des malheurs arrivent. Sa mère est absente pour "le plus beau jour de sa vie", son cousin (Jérome Pouly), pleurnichard, révèle d'un coup un secret familial et son compagnon, Karim (Nâzim Boudjenah), ne supporte pas son beau-père. Alice raconte avec niaiserie qu'elle est partie marcher pour laisser décanter ce qui vient de se passer. "J'avais l'impression d'être dans une comédie américaine" (sic). Après s'être lancée dans un karaoké sur Michel Fugain, elle remercie un à un ses invités pour ce beau moment de mémoire retrouvé (la révélation des infamies commises par sa famille). Tout cela aurait pu être insignifiant si la pièce n'était pas aussi manichéenne et grossière, sans compter les blagues douteuses ("vous voulez de l'eau ? C'est de l'eau de Vichy"). Ce qu'on appellera par convention "le texte", est issu d'une écriture de plateau, plutôt plate que haute, dans laquelle la Comédie-Française sera bien inspirée de ne plus se fourvoyer à l'avenir. Que de crispations et de lourdeurs face à des propos aussi bruts et péremptoires. Et ce n'est pas la fuite d'eau venue de nulle part qui apporte un peu de fraîcheur.
Représente-t-elle le naufrage ? Si tel est le cas, c'est une belle mise en abyme de la pièce elle-même. Très étonnant de voir la troupe s'abaisser autant. D'une certaine manière, une pièce difficile à oublier.