- Théâtre contemporain
- Théâtre Antoine
- Paris 10ème
Les Enfants du Silence
- Théâtre Antoine
- 14, boulevard de Strasbourg
- 75010 Paris
- Strasbourg Saint Denis (l.4, l.8, l.9)
Jacques Leeds, orthophoniste dans une école pour sourds et malentendants, est persuadé que l’intégration des sourds dans la société doit passer par l’apprentissage de la langue parlée et obtient des résultats exceptionnels auprès de ses élèves. Il se heurte à Sarah Norman, une ancienne élève de l’école devenue femme de ménage, qui revendique le silence comme un droit, refusant d’apprendre à parler et à lire sur les lèvres.
Elle rejette le principe d’une langue normative à laquelle les sourds devraient se soumettre, sous peine d’être exclus de la société. Se noue pourtant une réelle histoire d’amour entre Sarah et Jacques que les difficultés de communication éloignent peu à peu, les renvoyant dos à dos à leur solitude, à leur silence originel.
Alternant langages parlé et signé, Les Enfants du silence est un plaidoyer en faveur du droit à la différence et de la langue des signes.
Les Enfants du Silence est une pièce de théâtre américaine écrite par Mark Medoff. Son adaptation française avait été récompensée de deux Molières en 1993, celui du meilleur adaptateur de pièce étrangère et celui de la révélation féminine.
La critique de la rédaction : 5/10. Je n'ai hélas pas spécialement été touché par cette pièce portant pourtant sur un sujet émouvant.
Les Enfants du Silence aborde la difficulté de se comprendre entre sourds-muets et entendants. Une jeune femme refuse d'apprendre à parler. Elle préfère que ce soit les entendants qui fassent pour une fois l'effort d'apprendre son langage, eux qui la regardent toujours comme une handicapée.
La moitié des dialogues est donc en langue des signes. C'est très joli à regarder, les gestes sont parfois poétiques, parfois amusants.
Les acteurs ont beaucoup de talent mais le rythme des échanges pèche. Effectivement, le texte n'est pas très fluide et manque de bons mots. Par ailleurs, la posture agressive de la femme sourde-muette devient peu à peu lassante.
J'ai apprécié suivre la naissance de son couple mais ne me suis pas du tout intéressé à la procédure judiciaire en seconde partie de pièce.
J'aurais aimé être plus sensible à cette histoire.
En-dehors des autres sourds de naissance, personne ne peut imaginer le monde dans lequel elle vit. « Etre sourd n’est pas le contraire d’entendre, c’est un silence rempli de bruits ». Un monde où la musique est perçue par des vibrations. Un monde dans lequel on se sent exclu des entendants, mais aussi des malentendants. « Les malentendants pensent qu’ils valent mieux que les sourds ». Jacques est persuadé que Sarah pourrait apprendre à lire sur les lèvres, et sans doute même à parler. Par conscience professionnelle pour l’élève d’abord, par amour pour celle qu’il a épousée ensuite, il revient patiemment à la charge, jour après jour.
« Toute ma vie, j’ai été la création des autres ; la première chose que j’ai pu comprendre, c’est que tout le monde devait entendre et que c’était bien. Et que moi je ne pouvais pas et que c’était mal. »
Mais Sarah ne s’en laisse pas plus compter par son mari que par sa mère : aucune raison pour elle de se soumettre à cet apprentissage. Ceux qui veulent communiquer avec elle n’ont qu’à étudier son propre jargon : celui des signes. Dans le rôle de Sarah, réfugiée dans un silence qu’elle accepte, qu’elle aime, dont elle est fière, Françoise Gillard nous livre un discours empli d’émotion, d’intensité, de bruissements d’âme. Il fallait toute la virtuosité de cette comédienne rare pour nous faire poser le premier pas dans le monde des sourds.
Face à elle, Laurent Natrella fait défiler toute la palette de son talent pour la contraindre au dialogue. Tantôt délicat et tendre, tantôt brusque et violent, toujours subtil et terriblement touchant.
Dans les parages de ces deux-là, on croise Denis et Lydia, deux autres élèves de l’institut. Malentendants, ils ont appris à lire sur les lèvres et à parler. La langue des signes est devenue pour eux un outil d’interprétation. Une sorte de pont entre le monde de Sarah et celui de Jacques.
Aux yeux de Sarah, ces deux-là sont forcément des traîtres, des vendus. Anna Cervinka et Elliot Jenicot ont « réappris » à parler. Qui ne les a jamais vus sur scène pensera qu’ils sont réellement malentendants. Certaines de leurs scènes provoquent l’hilarité, notamment lorsque l’avocate (impeccable Coraly Zahonero) s’immisce dans ce dialogue de sourds.
En 2015, la Comédie-Française avait relevé le défi de faire jouer ce texte par des entendants sur la scène du Vieux-Colombier. C’était une première. Cette saison, le Théâtre Antoine remporte un autre pari : celui d’accueillir la prestigieuse troupe dans ses murs. Célébrant ainsi une autre rencontre entre deux mondes encore bien éloignés l’un de l’autre, eux aussi…
Jusqu’à la fin du mois, direction les grands boulevards pour secouer bien haut les mains. Les sourds et malentendants applaudissent ainsi : bienvenus chez eux…
Femme de ménage dans l’institution, elle suit, sans trop le vouloir, les séances d’orthophonie qui lui permettraient d’apprendre le langage labial et la prononciation. Jacques, son nouvel orthophoniste se bat pour elle, pour quelle accepte de parler, pour qu’elle sorte de son refuge de silence, pour qu’elle vive aussi en dehors de la communauté des Sourds et celle des malentendants, pour qu’elle ait une vie sociale plus ouverte.
De leurs échanges difficiles du début nait une attirance, une amitié amoureuse puis un amour. Ils se marient et s’installent dans une maison en face de l’institution. Une vrai fausse vie apaisée commence alors. Mais trop vite Sarah ne supporte plus cette nouvelle normalité, cette obligation de plus en plus pressante de « parler ». Le couple en pâtit, la séparation dans le respect profond des deux époux s’amorce. L’amour n’est pas mort.
Combien il est difficile de voir ces distinctions qui vont jusqu’à creuser sournoisement des fossés entre la déficience et le handicap, entre l’amour et la compassion, entre la pitié et la reconnaissance, entre la quête identitaire et la norme sociale.
La pièce de Mark Medoff est créée en 1979. L’auteur y dépeint avec humilité et précision cette extraordinaire histoire d’amour, pleine de joies, d’espérances et de souffrances partagées. Sans jamais sombrer dans la tragédie, le texte nous embarque avec puissance dans les situations, les jeux et les silences des personnages.
La troupe de la Comédie-Française magnifie le récit, nous rudoie des sensations qui s’en dégagent, nous saisit du trouble qui nous enveloppe et jusqu’à la fin, nous fait espérer le bonheur assumé, dans la conjugaison heureuse des deux univers.
Ce spectacle est beau, très beau. Nous en sortons profondément touchés. Un grand moment de théâtre intense, émouvant et mémorable.
J'ai beaucoup aimé la pièce qui est certes un peu longue mais c'est necessaire pour bien camper les différents personnages. La confrontation entre sourds et entendants est presque violente et si au début de la pièce, on pense qu'il est presque normal d'attirer les sourds et malentendants dans l'univers des entendants, la pièce nous permet de comprendre le point de vue de Sarah la jeune femme sourde de naissance qui ne veut pas de ce basculement.
Une pièce qui fait du bien vu le contexte du moment : l'exclusion, l'acceptation de la différence sont des sujets du quotidien.
La troupe du français a beaucoup travaillé : apprendre la langue des signes et à parler comme un malentendant. Quelques recherches me confirment ce qu'il me semblait : ils ont vraiment très bien appris.
Le résultat : C'est juste superbe !
C’est toujours intéressant de se plonger dans un univers dont on ne connaît pas les codes. Ici, les comédiens utilisent souvent le langage des signes mais cela nous reste toujours accessible, soit parce que cela nous est traduit simultanément, soit parce que les signes sont suffisamment expressifs.
L’histoire est celle d’une jeune femme qui refuse de céder au dictat du directeur de l’établissement où elle vit depuis son adolescence. Il veut qu’elle oralise, c’est à dire qu’elle lise sur les lèvres et fasse semblant de parler. Elle refuse voulant que ce soit les autres qui fassent un effort pour communiquer avec elle et non l’inverse. Les comédiens sont impressionnants.
J’ai aimé la fluidité de la mise en scène, sans temps morts, une histoire qui glisse jusqu’à sa fin qui laisse dans la bouche un gout amer, celui des combats sans issue.
Aristote, dans son traité « De sensu et sensibilibus » laisse entendre que « Sans la parole, pas de raison ». Eh bien, il n’a pas vu Les enfants du silence. Sarah, jeune sourde de naissance, et par voie de fait muette, est bien plus raisonnée que certains bien entendant. Son monde de silence, elle le revendique haut et fort. "Je vois comme je pourrais entendre. Mes yeux sont mes oreilles. J'écris comme je peux signer. Mes mains sont bilingues. Je vous offre ma différence. Mon cœur n'est sourd de rien en ce double monde".
Même Jacques, le professeur d’orthophonie dans l’école où Sarah a trouvé refuge, ne va pas réussir à le lui faire quitter. Même leur amour ne va résister à sa détermination... Mais pourquoi vouloir la changer ? « L'amour, c'est se dépasser soi-même, essayer d'accepter l'autre tel qu'il est. Avec ses différences »
Une belle interpellation sur la différence. Une belle interprétation de la différence. Françoise Gillard, Laurent Natrella, Anna Cervinka, Elliot Jenicot, bien entendants, « signent » avec justesse et naturel sur scène. Je reste sans voix !