- Théâtre contemporain
- Théâtre de l'Odéon
- Paris 6ème
Le Passé
Mis en scène par Julien Gosselin
6,2/10
- Théâtre de l'Odéon
- place de l'Odéon
- 75006 Paris
- Odéon (l.4, l.10)
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Le théâtre ne se conjugue-t-il qu’au présent ?
Julien Gosselin lui préfère le futur antérieur.
Ce n’est pas par hasard qu’avec la compagnie Si vous pouviez lécher mon cœur, il s’est fait connaître par une adaptation des Particules élémentaires, de Michel Houellebecq, suivie de travaux sur l’écriture romanesque de Roberto Bolaño ou Don DeLillo, présentés à l’Odéon en 2014, 2016 et 2018.
Toutes les critiques
Pièce sombre, que des cris, aucun lien entre les scènes : à fuir. Sortir d'un spectacle qu'on a pas aimé / pas compris, ca passe, mais sortir vraiment plombée c'est pas supportable.
Malheureusement, ce spectacle était de trop, en novembre, à Paris. Et encore : je ne peux parler que de la 1ère partie du spectacle (2.30), car je suis partie plombée, après l'entracte, comme beaucoup de spectateurs.
En bref : c'est l'histoire d'une famille russe, un huis clos à la Tchekhov, ou il ne se passe rien sauf le déchainement des passions humaines. Un mari jaloux à mourir veut tuer sa femme, persuadé qu'elle l'a trompé. Il la rate. Sa femme fuit, elle se réfugie chez la seule personne qui veut bien l'héberger avec ses enfants. Elle devient folle, et couche avec son hébergeur. Son mari revient la chercher : elle culpabilise d'avoir trompé son mari (qui pourtant l'a chassé, et l'a jeté dans la gueule du loup). S'en suivent des scènes de folie, très insupportables/extrêmement violentes. A cette histoire principale, Gosselin intercale d'autres textes d'Andreiev : le viol d'une femme russe, l'histoire d'un enfant frustré sexuellemnt qui devient fou.
Bon vous l'aurez compris : je n'irais jamais défendre ce spectacle dont ni le texte, ni la mise en scène ne m'ont plu. Plus en détail :
- le texte est affreux. Il existe pourtant d'autres auteurs russes fascinants, qui témoignent parfaitement de la vie à la campagne en russie au XXè, et la profondeur des personnages. Ici : on comprend que les hivers sont terribles, les hommes boivent et sont violents, et il fait noir la plupart du temps. Mais rien à tirer des personnages qui dépassent toute forme de folie contemporaine
- la mise en scène est vraiment "de grosses ficèles" : Gosselin joue avec la caméra qu'il adore, avec des lumières, des bougies, des clair-obscurs, puis des coups de feu et des cris pour mettre du rythme. Merci, on connait la recette.
Sortir d'un spectacle qu'on a pas aimé / pas compris, ca passe, mais sortir vraiment plombé c'est pas supportable.
Malheureusement, ce spectacle était de trop, en novembre, à Paris. Et encore : je ne peux parler que de la 1ère partie du spectacle (2.30), car je suis partie plombée, après l'entracte, comme beaucoup de spectateurs.
En bref : c'est l'histoire d'une famille russe, un huis clos à la Tchekhov, ou il ne se passe rien sauf le déchainement des passions humaines. Un mari jaloux à mourir veut tuer sa femme, persuadé qu'elle l'a trompé. Il la rate. Sa femme fuit, elle se réfugie chez la seule personne qui veut bien l'héberger avec ses enfants. Elle devient folle, et couche avec son hébergeur. Son mari revient la chercher : elle culpabilise d'avoir trompé son mari (qui pourtant l'a chassé, et l'a jeté dans la gueule du loup). S'en suivent des scènes de folie, très insupportables/extrêmement violentes. A cette histoire principale, Gosselin intercale d'autres textes d'Andreiev : le viol d'une femme russe, l'histoire d'un enfant frustré sexuellemnt qui devient fou.
Bon vous l'aurez compris : je n'irais jamais défendre ce spectacle dont ni le texte, ni la mise en scène ne m'ont plu. Plus en détail :
- le texte est affreux. Il existe pourtant d'autres auteurs russes fascinants, qui témoignent parfaitement de la vie à la campagne en russie au XXè, et la profondeur des personnages. Ici : on comprend que les hivers sont terribles, les hommes boivent et sont violents, et il fait noir la plupart du temps. Mais rien à tirer des personnages qui dépassent toute forme de folie contemporaine
- la mise en scène est vraiment "de grosses ficèles" : Gosselin joue avec la caméra qu'il adore, avec des lumières, des bougies, des clair-obscurs, puis des coups de feu et des cris pour mettre du rythme. Merci, on connait la recette.
Sortir d'un spectacle qu'on a pas aimé / pas compris, ca passe, mais sortir vraiment plombé c'est pas supportable.
Le Passé d'après Léonid Andréïev mise en scène Julien Gosselin
Percutant, Fascinant, Poignant.
Léonid Andréïev 1871-1919 est un journaliste et écrivain russe Militant anti tsariste puis militant antibolchévique, peu connu en France dont Maxime Gorki dira :
“Léonid Nikolaévitch Andréïev était talentueux de nature, organiquement talentueux ; son intuition était étonnamment fine.
Pour tout ce qui touchait aux côtés sombres de la vie, aux contradictions de l’âme humaine, aux fermentations dans le domaine des instincts – il était d’une effrayante perspicacité.” Maxime Gorki
Julien Gosselin nous fait découvrir cet auteur à travers cinq de ses œuvres dont deux pièces de théâtre et trois nouvelles.
*Ekatérina Ivanovna 1912. (Pièce) Descente aux enfers, d’une femme de la société bourgeoise échappant à l’agressivité de son époux qui l’accuse à tort de tromperie.
*Requiem 1916’. (Pièce) Un personnage mystérieux recrée une pièce dans la chambre d’une maison abandonnée devant un faux public. C’est étrange et un peu angoissant.
*L’Abîme 1902 et Après le brouillard 1902 aventure terrifiante, cruelle, agressive et néfaste des adolescents avec le sexe.
*La résurrection des morts1910-1914 Journée avant l’apocalypse. La douleur disparait et tous devient merveilleux….
Le rideau se lève, nous sommes dans un salon bourgeois du siècle dernier pompeusement décoré, le feu crépite dans la cheminée, côté jardin et côte cour des portes s’ouvrent sur les différentes pièces.
Le spectacle commence…
Qu’ils soient sous nos yeux où à l’intérieur de la demeure, les comédiens sont filmés en live, leurs images est renvoyées sur un immense écran en hauteur. On aperçoit leurs silhouettes derrières les vitrages.
Cela donne une impressionnante vitalité et véracité aux différents tableaux.
Julien Gosselin fractionne Ekatérina Ivanovna en quatre épisodes qu’il imbrique entre les quatre autres œuvres choisies de Léonid Andréïev.
Les différentes séquences, s’enchainent spontanément et se complètent quelque peu pour former Le Passé.
Les premiers épisodes de Ekatérina Ivanovna sont montés comme un vaudeville avec des courses à travers les couloirs et des portes qui claquent.
Cela allège la noirceur de cette œuvre tourmentée, déstabilisante et bouleversante.
Les personnages sont excessifs, effroyables, parfois « métamorphosés » par des masques aux expressions terrifiantes.
La scénographie de Lisetta Buccellato est magnifique et nous allons de surprises en surprises. Le cœur s’emballe parfois tant l’émotion est grande. Certaines scènes sont époustouflantes.
La musique de Guillaume Bachelé et Maxence Vandevelde, intensifie les émotions et nous transperce.
Le dernier épisode est d’une intensité et d’une fureur magistrale, Victoria Quesnel est extraordinaire et fascinante dans une crise de folie excessive et endiablée.
Les comédiens nous entrainent avec grands talents dans ce monument théâtral dont nous ne sortons pas indemnes mais heureux d’avoir été dévorés par de tumultueuses émotions.
Le théâtre sans émotion est-ce le théâtre ?
Percutant, Fascinant, Poignant.
Léonid Andréïev 1871-1919 est un journaliste et écrivain russe Militant anti tsariste puis militant antibolchévique, peu connu en France dont Maxime Gorki dira :
“Léonid Nikolaévitch Andréïev était talentueux de nature, organiquement talentueux ; son intuition était étonnamment fine.
Pour tout ce qui touchait aux côtés sombres de la vie, aux contradictions de l’âme humaine, aux fermentations dans le domaine des instincts – il était d’une effrayante perspicacité.” Maxime Gorki
Julien Gosselin nous fait découvrir cet auteur à travers cinq de ses œuvres dont deux pièces de théâtre et trois nouvelles.
*Ekatérina Ivanovna 1912. (Pièce) Descente aux enfers, d’une femme de la société bourgeoise échappant à l’agressivité de son époux qui l’accuse à tort de tromperie.
*Requiem 1916’. (Pièce) Un personnage mystérieux recrée une pièce dans la chambre d’une maison abandonnée devant un faux public. C’est étrange et un peu angoissant.
*L’Abîme 1902 et Après le brouillard 1902 aventure terrifiante, cruelle, agressive et néfaste des adolescents avec le sexe.
*La résurrection des morts1910-1914 Journée avant l’apocalypse. La douleur disparait et tous devient merveilleux….
Le rideau se lève, nous sommes dans un salon bourgeois du siècle dernier pompeusement décoré, le feu crépite dans la cheminée, côté jardin et côte cour des portes s’ouvrent sur les différentes pièces.
Le spectacle commence…
Qu’ils soient sous nos yeux où à l’intérieur de la demeure, les comédiens sont filmés en live, leurs images est renvoyées sur un immense écran en hauteur. On aperçoit leurs silhouettes derrières les vitrages.
Cela donne une impressionnante vitalité et véracité aux différents tableaux.
Julien Gosselin fractionne Ekatérina Ivanovna en quatre épisodes qu’il imbrique entre les quatre autres œuvres choisies de Léonid Andréïev.
Les différentes séquences, s’enchainent spontanément et se complètent quelque peu pour former Le Passé.
Les premiers épisodes de Ekatérina Ivanovna sont montés comme un vaudeville avec des courses à travers les couloirs et des portes qui claquent.
Cela allège la noirceur de cette œuvre tourmentée, déstabilisante et bouleversante.
Les personnages sont excessifs, effroyables, parfois « métamorphosés » par des masques aux expressions terrifiantes.
La scénographie de Lisetta Buccellato est magnifique et nous allons de surprises en surprises. Le cœur s’emballe parfois tant l’émotion est grande. Certaines scènes sont époustouflantes.
La musique de Guillaume Bachelé et Maxence Vandevelde, intensifie les émotions et nous transperce.
Le dernier épisode est d’une intensité et d’une fureur magistrale, Victoria Quesnel est extraordinaire et fascinante dans une crise de folie excessive et endiablée.
Les comédiens nous entrainent avec grands talents dans ce monument théâtral dont nous ne sortons pas indemnes mais heureux d’avoir été dévorés par de tumultueuses émotions.
Le théâtre sans émotion est-ce le théâtre ?
Le passé pas si simple que ça…
Pour Julien Gosselin, porter sur un plateau de théâtre une œuvre dramaturgique, c’est se placer en situation d’observer tel un archéologue du futur ce qui faisait l’essence même de notre humanité en ce XXIème siècle, dès lors que celle-ci aurait disparu à jamais.
Alors évidemment, lorsque ceux qui suivent le travail découvrent, une fois le rideau tiré, des costumes des années 1900, un réel étonnement les saisit.
Après avoir ausculté l’ultra-contemporanéité d’auteurs tels que Michel Houellebecq, Don DeLilo, Stéphanie Chaillou, ou encore Roberto Bolano, Julien Gosselin a découvert grâce au traducteur André Marcowicz un auteur russe que personne ou à peu-près ne connaissait, Léonid Andréïev.
Immédiatement, Gosselin s’est montré captivé par ces personnages d’une société au chevet de son extinction.
Il a donc lu de nombreux ouvrages de cet auteur, pour en tirer une adaptation de cinq d’entre elles.
Il le reconnaît lui-même : « [L’écriture d’Andreïev] « pourrait paraître à côté de la plaque. Ce ne sont pas des mécanismes parfaits comme on peut trouver chez Gorki, ou évidemment chez Tchekhov. »
Ce qui lui a permis une sorte de défi à mettre en forme tout ceci.
Et quelle forme !
Neuf séquences vont être réparties sur une durée de quatre heures et trente minutes, entracte non-compris.
Deux œuvres vont constituer la colonne vertébrale du spectacle : Ekaterina Ivanovna parue en 1912 et la pièce symboliste Requiem datant de 1916.
Les autres séquences seront issues des nouvelles L’abîme (1902), Dans le brouillard (1902) et La résurrection des morts (écrite entre 1910 et 1914).
Une descente aux enfers. Une plongée dans un gouffre sans fond.
Ici, c’est l’opposition de concepts qui sera le nœud dramaturgique du spectacle : morale/subversion, distance/présence, intérieur/extérieur, passé/présent.
Et puis également et peut-être surtout la vie et la mort…
On le sait désormais, le théâtre de Gosselin est un subtil mélange de plusieurs media : jeu de plateau, évidemment, mais également cinéma et video.
Des décors successifs qui composent la magnifique scénographie de Lisetta Buccelatto, nous verrons surtout l’extérieur des différents lieux : les intérieurs, les personnages, nous les découvrirons par le filtre de la video, retransmise sur grand écran.
Nous suivons ainsi de très près et en permanence les différents protagonistes.
Gros plans et silhouettes mouvantes à l’intérieur des habitations.
La mise en scène est donc réglée de façon millimétrée, parfois comme un véritable ballet chorégraphié avec subtilité et précision. C’est un véritable travail d’’orfèvre.
Durant ces quelque deux-cent-soixante-dix minutes, nous allons être bousculés.
C’est un euphémisme. (Le spectacle est déconseillé aux moins de quinze ans.)
Julien Gosselin et la compagnie Si vous pouviez lécher mon cœur vont nous plonger de façon abrupte, intense voire éprouvante, dans la descente aux enfers de cette femme, Ekaterina Ivanovna.
Avec parfois quelques excès, certes, mais qui participent pleinement à illustrer le drame de cette femme.
La forme secoue vraiment. Et de manière de plus en plus impitoyable, au fur et à mesure que le temps passe.
Des spectateurs sont d’ailleurs partis à l’entracte. Ils ont eu tort, car ils ont manqué l’une des scènes finales, dans laquelle Victoria Quesnel, qui incarne l’héroïne, interprète une scène hallucinante de transe hystérique.
© Photo Simon Gosselin
Ce que fait Melle Quesnel relève du difficilement supportable, d’une sauvagerie et d’une force on ne peut plus brutales faites de mouvements désordonnés, de cris rauques, d’imprécations diverses.
La comédienne se débat comme une belle diablesse, maintenue tant bien que mal par ses camarades de jeu...
Une scène qui marque vraiment les esprits, (attention les âmes sensibles…), et qui restera pour longtemps dans les annales du théâtre.
J’en profite pour souligne l’engagement total et sans faille de tous les comédiens, qui se livrent parfois à une vraie performance.
J’ai beaucoup aimé la séquence Dans le brouillard, qui relève du cinéma expressionniste. Nosfératu de Murnau n’est pas loin.
Ce passage met en scène Pavel, un adolescent mélancolique et révolté, aux prises avec ses pulsion sexuelles. Il a attrapé la syphilis et en conçoit une véritable haine pour les femmes.
Les comédiens sont alors affublés de masques magnifiques et grotesques, et évoluent au milieu d’une fumée très intense (le brouillard) qui envahit toute la salle…
Les images très contrastées sont évidemment en noir et blanc.
Un magnifique intermède scénique, La mer, permet juste auparavant la construction en direct du décor de Dans le brouillard, avec des éléments « à l’ancienne », des flots et une cabane qu’on pourrait croire en carton-pâte. C’est très beau.
Autre avertissement : la musique très prenante et très intéressante de Guillaume Bachelé et Maxence Vandevelde est diffusée à un niveau sonore d’une intensité extrême. Il a fallu que je me bouche les oreilles dans certaines scènes.
© Photo Simon Gosselin
Au final, tout le monde ressort secoué de ces quatre heures et demie.
Le théâtre de Gosselin n’est pas de tout repos. C’est un théâtre éprouvant.
Il faut s’accrocher aux accoudoirs des fauteuils.
Mais cette violence, cette brutalité servent le propos. Rien n’est gratuit, rien n’est fortuit.
Comme à son habitude, une remarquable cohérence est au service de son discours dramaturgique.
Le théâtre, ça sert (aussi) à être bousculé, même violemment.
Pour Julien Gosselin, porter sur un plateau de théâtre une œuvre dramaturgique, c’est se placer en situation d’observer tel un archéologue du futur ce qui faisait l’essence même de notre humanité en ce XXIème siècle, dès lors que celle-ci aurait disparu à jamais.
Alors évidemment, lorsque ceux qui suivent le travail découvrent, une fois le rideau tiré, des costumes des années 1900, un réel étonnement les saisit.
Après avoir ausculté l’ultra-contemporanéité d’auteurs tels que Michel Houellebecq, Don DeLilo, Stéphanie Chaillou, ou encore Roberto Bolano, Julien Gosselin a découvert grâce au traducteur André Marcowicz un auteur russe que personne ou à peu-près ne connaissait, Léonid Andréïev.
Immédiatement, Gosselin s’est montré captivé par ces personnages d’une société au chevet de son extinction.
Il a donc lu de nombreux ouvrages de cet auteur, pour en tirer une adaptation de cinq d’entre elles.
Il le reconnaît lui-même : « [L’écriture d’Andreïev] « pourrait paraître à côté de la plaque. Ce ne sont pas des mécanismes parfaits comme on peut trouver chez Gorki, ou évidemment chez Tchekhov. »
Ce qui lui a permis une sorte de défi à mettre en forme tout ceci.
Et quelle forme !
Neuf séquences vont être réparties sur une durée de quatre heures et trente minutes, entracte non-compris.
Deux œuvres vont constituer la colonne vertébrale du spectacle : Ekaterina Ivanovna parue en 1912 et la pièce symboliste Requiem datant de 1916.
Les autres séquences seront issues des nouvelles L’abîme (1902), Dans le brouillard (1902) et La résurrection des morts (écrite entre 1910 et 1914).
Une descente aux enfers. Une plongée dans un gouffre sans fond.
Ici, c’est l’opposition de concepts qui sera le nœud dramaturgique du spectacle : morale/subversion, distance/présence, intérieur/extérieur, passé/présent.
Et puis également et peut-être surtout la vie et la mort…
On le sait désormais, le théâtre de Gosselin est un subtil mélange de plusieurs media : jeu de plateau, évidemment, mais également cinéma et video.
Des décors successifs qui composent la magnifique scénographie de Lisetta Buccelatto, nous verrons surtout l’extérieur des différents lieux : les intérieurs, les personnages, nous les découvrirons par le filtre de la video, retransmise sur grand écran.
Nous suivons ainsi de très près et en permanence les différents protagonistes.
Gros plans et silhouettes mouvantes à l’intérieur des habitations.
La mise en scène est donc réglée de façon millimétrée, parfois comme un véritable ballet chorégraphié avec subtilité et précision. C’est un véritable travail d’’orfèvre.
Durant ces quelque deux-cent-soixante-dix minutes, nous allons être bousculés.
C’est un euphémisme. (Le spectacle est déconseillé aux moins de quinze ans.)
Julien Gosselin et la compagnie Si vous pouviez lécher mon cœur vont nous plonger de façon abrupte, intense voire éprouvante, dans la descente aux enfers de cette femme, Ekaterina Ivanovna.
Avec parfois quelques excès, certes, mais qui participent pleinement à illustrer le drame de cette femme.
La forme secoue vraiment. Et de manière de plus en plus impitoyable, au fur et à mesure que le temps passe.
Des spectateurs sont d’ailleurs partis à l’entracte. Ils ont eu tort, car ils ont manqué l’une des scènes finales, dans laquelle Victoria Quesnel, qui incarne l’héroïne, interprète une scène hallucinante de transe hystérique.
© Photo Simon Gosselin
Ce que fait Melle Quesnel relève du difficilement supportable, d’une sauvagerie et d’une force on ne peut plus brutales faites de mouvements désordonnés, de cris rauques, d’imprécations diverses.
La comédienne se débat comme une belle diablesse, maintenue tant bien que mal par ses camarades de jeu...
Une scène qui marque vraiment les esprits, (attention les âmes sensibles…), et qui restera pour longtemps dans les annales du théâtre.
J’en profite pour souligne l’engagement total et sans faille de tous les comédiens, qui se livrent parfois à une vraie performance.
J’ai beaucoup aimé la séquence Dans le brouillard, qui relève du cinéma expressionniste. Nosfératu de Murnau n’est pas loin.
Ce passage met en scène Pavel, un adolescent mélancolique et révolté, aux prises avec ses pulsion sexuelles. Il a attrapé la syphilis et en conçoit une véritable haine pour les femmes.
Les comédiens sont alors affublés de masques magnifiques et grotesques, et évoluent au milieu d’une fumée très intense (le brouillard) qui envahit toute la salle…
Les images très contrastées sont évidemment en noir et blanc.
Un magnifique intermède scénique, La mer, permet juste auparavant la construction en direct du décor de Dans le brouillard, avec des éléments « à l’ancienne », des flots et une cabane qu’on pourrait croire en carton-pâte. C’est très beau.
Autre avertissement : la musique très prenante et très intéressante de Guillaume Bachelé et Maxence Vandevelde est diffusée à un niveau sonore d’une intensité extrême. Il a fallu que je me bouche les oreilles dans certaines scènes.
© Photo Simon Gosselin
Au final, tout le monde ressort secoué de ces quatre heures et demie.
Le théâtre de Gosselin n’est pas de tout repos. C’est un théâtre éprouvant.
Il faut s’accrocher aux accoudoirs des fauteuils.
Mais cette violence, cette brutalité servent le propos. Rien n’est gratuit, rien n’est fortuit.
Comme à son habitude, une remarquable cohérence est au service de son discours dramaturgique.
Le théâtre, ça sert (aussi) à être bousculé, même violemment.
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