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Tous des Oiseaux

Tous des Oiseaux
De Wajdi Mouawad
Mis en scène par Wajdi Mouawad
Avec Jérémie Galiana
  • Jérémie Galiana
  • Victor de Oliveira
  • Jalal Altawil
  • Leora Rivlin
  • Judith Rosmair
  • Darya Sheizaf
  • Rafi Tabor
  • Raphael Weinstock
  • Souheila Yacoub
  • Théâtre national de la Colline
  • 15, rue Malte-Brun
  • 75020 Paris
  • Gambetta (l.3)
Itinéraire
Billets de 10,50 à 30,50
Evénement plus programmé pour le moment
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Tous des Oiseaux a pour source la rencontre entre un auteur québécois d’origine libanaise vivant en France et une historienne juive ayant contribué à faire connaître un diplomate musulman qui fut converti de force au christianisme et qui permit à tout un continent de découvrir la vision qu’un Africain avait de son pays natal.

On appelle cela une rencontre avec l’idée absolue de l’Autre. Après avoir interrogé sa responsabilité et celle de ses concitoyens dans des récits qui mettent en scène la guerre civile libanaise, Wajdi Mouawad tente, avec Le Chant de l’oiseau amphibie, de dépasser la ligne rouge qu’il s’est toujours fixée, celle d’écrire les douleurs de l’ennemi.

Dynamitée par la violence du monde, l'histoire intime d'Ethan, un jeune scientifique allemand d'origine israélienne confronté à un violent conflit avec son père, montre comment, dans les luttes fratricides, il n'existe aucune réalité qui puisse dominer une autre. Tout conflit cache un labyrinthe où va, effroyable, le monstre aveugle des héritages oubliés.

 

Note rapide
8,6/10
pour 8 notes et 5 critiques
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1 critique
Note de 4 à 7
25%
4 critiques
Note de 8 à 10
75%
Toutes les critiques
16 déc. 2018
9,5/10
53
Tout avait pourtant très mal commencé avec Wajdi Mouawad. L’an dernier, je découvrais pour la première fois l’auteur en tant que metteur en scène dans Notre Innocence, déjà au Théâtre de la Colline. Au bout de vingt minutes, j’essayais de m’échapper mais mon placement en milieu de rang m’en empêchais, et j’ai alors subi ce que je considérais comme une logorrhée verbale qui me semblait interminable. Si j’étais allée découvrir ce spectacle, en réalité, c’était suite aux excellents retours de Tous des oiseaux qui avait marqué la première partie de saison, et que j’avais raté, un peu refroidie par la perspective d’un spectacle de 4 heures en 4 langues différentes. Quelle erreur !

Comment résumer ce spectacle ? Tout part d’un jeune couple, Eitan et Wahida. Alors qu’elle étudie pour sa thèse sur Hassan Ibn Muhamed el Wazzan, diplomate musulman du XVIe qui est obligé de se convertir au christianisme, dans la bibliothèque de son université, Columbia University à New-York, le jeune homme vient s’asseoir en face d’elle et cherche les mots pour la séduire. En vérité, ce jeune généticien allemand a quelque chose de fascinant même s’il se décrit lui-même comme hors du monde social. On croit à leur amour dès cet instant. Et on est alors pris dans leur histoire, lui qui veut présenter à sa famille israelite cette jeune Wahida, le couple qui part en Israel sur les traces de Hassan Ibn Muhamed el Wazzan et se retrouve pris dans un conflit qui jusqu’alors ne leur parlait pas. Pris dans leurs racines, pris dans quelque chose de grand auquel ils appartiennent malgré eux.

C’est un trop plein d’informations, ce résumé. Un peu à l’image de ce spectacle. Il y en a trop. Ça explose partout. Les sujets se multiplient : les racines, évidemment, mais également la religion, le rapport à la famille, le secret, le pardon, l’amour, la rationalité, l’instinct, la vérité… Et, à l’image d’Eitan et Wahida, on est pris comme des rats. Impossible de s’échapper. En apparence, je n’ai pas de lien direct avec cette histoire. Et me voilà pourtant à les suivre, à me reconnaître, à me prendre de plein fouet des vérités qui font mal et voir des espoirs disparaître.

Parfois, je me suis retrouvée en désaccord avec les décisions de certains personnages, contraires à mes convictions. Mais pas question de se braquer devant se spectacle. J’écoute d’abord d’un oeil distancié, celui qui n’est pas concerné par le propos mais qui lui laisse une chance. Mais bien vite la situation me rattrape, sans l’avoir vu venir. C’est fou cette propension à toujours voir des parties de soi dans un spectacle qui se veut bien plus grand. Mais se veut-il si global ? J’en doute. J’ai eu l’impression au contraire que cette histoire qui nous dépasse était aussi une excuse pour parler de quelque chose de plus intime. Ou alors était-ce simplement que j’étais rentrée dans cette histoire et qu’elle devenait mienne. L’écriture de Wajdi Mouawad est acérée mais donne à chacun une parole et un droit de réponse. Elle ouvre beaucoup de portes et ne donne aucune solution. Acérée, mais délicate.

Eitan et Wahida. Ces deux prénoms résonnent ensemble comme une évidence. J’ai adoré entendre Eitan appeler Wahida, et Wahida appeler Eitan. Dans la bouche de Jérémie Galiana et Nelly Lawson, l’authenticité de leur amour ne fait aucun doute. Une certitude ou un axiome, cela dépend des points de vue. Les comédiens sont impressionnants : ils lancent la pièce avec une force incroyable pour un propos pourtant très banal en apparence, et ne lâchent rien de leurs combats au cours de l’histoire. Ils sont beaux, incroyablement beaux, ils semblent porter sur eux l’avenir du monde et, au milieu de ces adultes qui bataillent, leur force et leur jeunesse se détachent sans tapage.

Mais le reste de la distribution suit cette excellence. La présence sur scène de Leora Rivlin et de Rafael Tabor a quelque chose de rassurant, malgré l’apparente méchanceté de l’une et l’attitude lisse de l’autre. Tous deux affichent un visage qui n’est pas le leur et l’on devine de ces blessures profondes qui vous rendent profondément humains. A l’opposé, Raphael Weinstock et Judith Rosmair forment un couple heureux en extérieur mais que l’on sent fondé sur des braises et prêt à exploser à tout moment. Les moments de confrontations sont durs mais puissants. Darya Sheizaf, qui ne fonctionne pas avec un binôme, est un personnage rempli de tristesse qui semblait porter avec elle toute la misère et le désespoir du monde. Symbole d’un conflit qui s’enlise, elle a été, malgré elle, le personnage repoussoir de mon spectacle. Bravo.

Ce que je redoutais d’abord était en fait la puissance même du spectacle. Ces quatre langues qui se répondent, se mélangent, se confrontent, ces quatre langues que je ne comprends pas, ou si peu, ces quatre langues qui sont l’essence même du propos éclatent sur scène dans une beauté auditive que je n’avais jamais connue au théâtre. Les sonorités nous portent, jamais n’écorchent nos oreilles mais trouvent en nous des échos lorsque certains mots se mettent soudainement à évoquer quelque chose. Mais par-dessus tout, on leur retrouve quelques accents voisins, à ces langues qui s’affrontent en se disant ennemies. C’est là la plus belle démonstration de ce spectacle.

Enfin, je dois aussi reconnaître que j’ai vu ce spectacle dans un contexte très particulier. Je l’ai vu le lendemain des attentats de Strasbourg. Impossible de ne pas faire certains parallèles. Je pense que cela planait au-dessus de nous, toute la soirée. Alors quand Eitan hurle qu’il ne se consolera jamais de ce déchirement familial et que les lumières s’éteignent, la salle de lève et applaudit, applaudit, applaudit. Pour combler un silence, pour faire entendre son approbation, ou pour faire comme le voisin et prouver qu’on peut aussi être ensemble. Applaudir. Ensemble.
10 déc. 2018
10/10
39
Superbe pièce, on se sent vivre avec les personnages !

En bref, Wajdi Mouawad raconte une histoire à la Roméo et Juliette, un drame moderne, une idylle entre Eithan (juif allemand) et Wahida (arabe) qui se rencontrent à la bibliothèque de leur université aux Etats-Unis. Ils s'aiment, c'est l'oiseau de bonheur. Lorsque Eithan veut faire rencontrer Wahida à sa famille, celle-ci se déchire. Ses parents refusent tout dialogue possible. Eithan devient fou, il se met à nier en bloc toute sa famille, en les réduisant au stade d'ADN (Eithan est un passionné de prélèvements scientifiques) et se rend compte que son père n'est pas le fils de ses grands-parents. Il part alors rencontrer sa grand-mère qu'il n'a jamais vu, à Jérusalem (avec Wahida). Il est grièvement blessé par un missile arabe, c'est l'oiseau de malheur. Toute la famille d'Eithan débarque alors à Jérusalem, et on apprend ce que chacun vient faire la-bas. la grand-mère parle, c'est l'oiseau du hasard. Enfin, David son père, apprend qu'il est un enfant palestinien adopté, que sa mère ne pouvait supporter le mensonge, et que c'est pour ca qu'elle l'a laissé partir en Allemagne, enfant. Wahida retrouve ses racines, et est acceptée par la famille de Eithan, c'est l'oiseau amphibie.

La pièce est superbe, et ce qui m'a sans doute le plus frappé, c'est à quel point les personnages sont pleins de vie. On se sent vivant. On ressent toutes leurs émotions, on s'y verrait presque. Je pense à la scène de drague entre Eithan et Wahida au début, qui virevolte.

La pièce est ensuite très bien écrite. Les dialogues sont tous intéressants, sans pour autant tomber dans le conflit israelo-palestinien engagé (prise de position). Là c'est juste le conflit décrit du point de vue de 2 jeunes amoureux. Leur langage est réel, leur réflexion aussi. Je pense notamment à toute la crise entre Eithan et sa famille, ou ce-dernier leur crie que nous avons tous 46 chromosomes, que nous sommes tous pareils. C'est uniquement la douleur qui a été transmise de génération en génération, mais elle n'aurait pas dû car elle n'est pas attachée aux chromosomes. C'est la douleur qui fait qu'on n'est pas libre.

Du point de vue du jeu d'acteurs, les personnages sont magnifiques ! Chacun s'exprime en sa langue, pour notre plus grande découverte : allemand, hébreu, arabe, anglais. Sur-titré français évidemment.

Bravissimo !
27 nov. 2017
10/10
55
L’écriture de Wajdi Mouawad toujours pleine de poésie de profondeur, d’humanité, de tolérance et d’amour...
Cette histoire nous transperce par sa profondeur et le jeu merveilleux des comédiens.
D'un oiseau à l’autre, nous traversons les âges, les continents.
Les personnages sillonnent la passion, la crainte, la fureur, la consternation...
C’est la même lignée qu’incendie, littoral, forêts où les destinés se croisent à la recherche de l’identité, de l’origine, de la généalogie.

Oiseau de beauté
Amour de Wahida jeune femme arabe historienne vivant à New-York et d'Eitan un jeune généticien allemand d’origine israélienne dont la famille vit à Berlin.
Les dialogues sont magnifiques et nous transpercent d’émotions.

Oiseau du malheur
Eitan présente Wahida à sa famille.
De là commencent les ennuis, les péripéties, les incompréhensions et les non-dits.
Eitan décide de partir à la recherche de ses racines en Israël.
Le pays est en guerre, le bruit des avions à réactions déchire la salle et nous fait sursauter.
Les dialogues sont décalés, parfois graves parfois triviaux.
Les langues se croisent, l’allemand, l’arabe, l’anglais, l’hébreux ce qui accentue la diversité des peuples. Leurs incompréhensions et leurs malentendus.

Oiseau amphibien
Peut-on devenir et aimer son propre ennemi ? Peut-on croire en l’avenir après les conflits et les divergences.

On ne peut qu’être profondément touché par cette tragédie.
Cela nous questionne et nous émeut bien longtemps après les derniers applaudissements.

Les comédiens sont tous excellents.
Raphaël Weinstock (David)
Souheila Yacoub (Wahida) , Judith Rosmair (Nora), Leora Rivlin (Leah)
Jeremie Galiana (Eitan), Rafael Tabor (Edgar), Darya Sheizaf (Éden), Jalal Altawil, Victor de Oliveira.
BRAVO
20 nov. 2017
7,5/10
56
Un garçon rencontre une fille dans une bibliothèque de Manhattan, elle fait une thèse sur Léon l’Africain né « al-Hassan ibn Mohammad al-Zayyātī al-Fāsī al-Wazzān », il compte les chromosomes. Il s’en suivra une histoire d’amour et une quête d’identité qui virera au tragique en rencontrant la grande histoire.

On retrouve là toutes les obsessions de Wajdi Mouawad l’exil, la guerre, le déchirement identitaire. La première partie confine au miracle : elle est d’une extraordinaire fluidité et vélocités de mise en scène portée par des comédiens merveilleux s’exprimant en anglais, allemand, hébreux et arabe ce qui ne fait qu’accentuer la force des mots. Musique, lumière, rythme tiennent en haleine le spectateur dans un récit addictif.

Une telle perfection flanque le vertige.

Mais la deuxième partie se perd dans un didactisme lourd : Mouawad, peut être trop impliqué dans son sujet, semble vouloir « tout dire » : Sabra et Chatila, la Shoah, la culpabilité, le pardon, le destin, l’enchaînement des causes et des effets : nous sommes alors un peu dépassé par toutes les pistes lancées et sa plume d’habitude si poétique et limpide en perd sa merveilleuse grâce en devenant un peu lourdement démonstrative et en s’égarant dans une histoire parée des facilités d’un feuilleton du 19eme siècle ; ses personnage se transforment en des concepts dépourvus de la chair de la première partie ce qui affecte l’émotion, noyée dans des mécanismes un peu artificiels brisant le récit.

Au final pas le meilleur de Mouawad ; mais reste cette virtuosité d’écriture, cette capacité à humaniser des questions lourdes et ce regard particulier qu’il sait porter sur toutes choses, cette esthétisme sobre, cette inventivité de mise en scène.

La salle était comble, attentive et probablement comblée. J’aurais voulu être plus enthousiaste et suis sans doute un peu injuste mais c’est parce que Wajdi Mouawad est un auteur que j’admire et qui compte tant dans le théâtre contemporain qu’on attend toujours plus de lui.

Mais ces réserves ne remettent nullement en cause la qualité globale du spectacle, ni la richesse du propos et il y a suffisamment de moments exceptionnels dans ces 4h pour s’en trouver heureux.
18 nov. 2017
9/10
46
Je ne lis jamais les programmes avant de voir le spectacle, quitte à n’y rien comprendre. Pour cette nouvelle pièce de Wajdi Mouawad, je savais seulement qu’elle se jouerait en anglais, allemand, hébreu et arabe, surtitrée en français. Et là où je dis que c’est déjà réussi, c’est quand je comprends tout. L’éternelle question : faut-il tout comprendre d’un spectacle ? On en parlera un autre jour.

Ce que je veux dire, c’est qu’avec une telle matière, toutes ces histoires qui s’entremêlent (chaque personnage a la sienne), des personnages qui passent d’une langue à l’autre, des aller-retours passé-présent, le Moyen Orient (que je commence à peine à comprendre grâce au dessinateur Guy Delisle et à un membre de ma famille qui est en plein dedans), il fallait vraiment un orfèvre tel que Wajdi Mouawad pour nous emmener durant plus de quatre heures et ne jamais nous perdre. Car on est captivé du début à la fin, notamment grâce à ces acteurs inconnus de mes yeux et de mes oreilles, tour à tour attachants, drôles, émouvants. On voit les passerelles avec « Incendies » (honte sur moi, je n’ai pas tout vu ni lu de Wajdi Mouawad), on est toujours séduit par l’écriture du directeur de la Colline, pourtant traduite dans les différentes langues et retraduites en français pour les sur-titres. Il est compliqué de plus en parler sans divulgâcher.

Après « Les Barbelés » de Annick Lefèbvre, la Colline nous propose à nouveau un spectacle qui colle encore au coeur et au corps et finit en beauté sa saison automnale. (attention, dans cette conclusion se cache une référence à un autre auteur présent à la Colline cet automne, sauras-tu la retrouver ? Raté, ce n’est pas Laurent Voulzy)
Votre critique endiablée
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Notes détaillées (pour les plus courageux)
Texte
Jeu des acteurs
Emotions
Intérêt intellectuel
Mise en scène et décor