- Théâtre contemporain
- La Scala
- Paris 10ème
La vie de Galilée (Philippe Torreton)
Avec Philippe Torreton
- Philippe Torreton
9/10
75%
- La Scala
- 13, boulevard de Strasbourg
- 75010 Paris
- Strasbourg Saint-Denis (l.4, l.8, l.9)
Itinéraire
Billets de 19,00 à 50,00 €
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En Italie, au début du XVIIe siècle, Galilée braque un télescope vers les astres, déplace la terre, abolit le ciel, cherche et trouve les preuves qui réduisent à néant les sphères de cristal où Aristote et Ptolémée avaient enfermé le monde.
Il fait vaciller l’ordre de l’Église. L’Inquisition lui fera abjurer ses théories.
Philippe Torreton incarne avec force le combat héroïque du célèbre mathématicien contre l’Église, l’engagement du savant éclairé qui a révolutionné l’astrophysique.
L’une des pièces les plus fortes de Bertolt Brecht mise en scène avec émerveillement par Claudia Stavisky.
Toutes les critiques
Après la Comédie Française et Eric Ruf c'est Claudia Stavisky qui s'attaque à la mise en scène du texte de Brecht sur le parcours de Galilée, ses interrogations sur le monde, la science, la religion et le pouvoir. Une proposition qui offre à Philippe Torreton l'occasion d'une interprétation magistrale. Un des événements à ne pas manquer dans cette rentrée théâtrale.
OMBRES ET LUMIÈRE
Brecht écrit "La Vie de Galilée" en 1938/39 alors qu'il est en exil, fuyant l'Allemagne nazie. Il travailla le texte pendant plus de dix ans, laissant plusieurs versions. S'appuyant sur la vie du mathématicien italien qui défendait la théorie héliocentrique de Copernic, Brecht nous parle des rapports entre la science et la religion, entre la vérité et le pouvoir. Ecrit dans une période pour le moins mouvementée le texte aborde les thèmes de l'obscurantisme et de la vérité. La force de la mise en scène de Claudia Stavinsky est de faire entendre le texte avec une rare clarté.
Là où Eric Ruf en rajoutait dans le flamboyant Claudia Stavisky choisit la simplicité. Pas de décor clinquant mais un décor unique modulable qui se fait aussi bien modeste demeure d'un professeur de mathématiques qui limite ses cours pour se consacrer à ses recherches que cour des grands ou prison.. Un magnifique travail sur la lumière et une subtile mise en son magnifient le jeu des comédiens. Philippe Torreton est méconnaissable, transcendé par le rôle. On perçoit tous les tourments du savant qui lutte pour trouver les moyens d'apporter les preuves des théories qu'il défend. Son interprétation magistrale rend limpides et parfaitement lisibles les thèmes abordés par Brecht : l'obscurantisme religieux, le bouleversement intellectuel et spirituel qui secoue le monde ecclésiastique, car si la terre n'est plus le centre du monde alors l'église ne risque-t-elle pas de ne plus être le centre de la civilisation et l'Homme ne va-t-il pas être ramené à un être parmi d'autres aux même titre que les animaux ? Plus qu'une révolution mathématique c'est une révolution de la société. Et l'on comprend pourquoi Galilée finira par se rétracter publiquement.
Peut-on faire plus actuel que ce texte ? En choisissant un éclairage sombre Claudia Staviski met en lumière tout le bouillonnement intellectuel d'une société qui, confrontée aux éclairages de la science doit remettre en cause son modèle. Si Brecht écrivit ce texte lors de l'effondrement de l'Allemagne et de l'Europe face au nazisme, comment ne pas le mettre en parallèle avec notre 21e siècle, la montée des nationalismes et le réchauffement climatique ?
Si Philippe Torrenton transcende son immense talent pour incarner un Galilée passionné mais fragile parfois, absorbé par ses recherches mais attentif à ses proches, il n'en écrase par pour autant ses partenaires. Tous sont parfaitement à l'aise et crédibles dans leurs rôles, créant une proposition homogène où chaque voix retentit avec clarté. Ainsi le jeune Matthias Distephano formidable Andréas jeune auquel succède le très juste Benjamin Jungers. Ainsi Nano Garcia qui apporte une touche de tendresse dans cet univers très masculin. Ainsi Marie Torreton qui illumine la scène de la démonstration avec la pomme. Tous sont d'une grande justesse et d'une grande générosité.
En bref : Claudia Staviski met en lumière une Vie de Galilée magnifie par l'interprétation magistrale de Philippe Torreton. Une mise en scène qui éclaire le texte. Evènement immanquable de cette rentrée théâtrale.
OMBRES ET LUMIÈRE
Brecht écrit "La Vie de Galilée" en 1938/39 alors qu'il est en exil, fuyant l'Allemagne nazie. Il travailla le texte pendant plus de dix ans, laissant plusieurs versions. S'appuyant sur la vie du mathématicien italien qui défendait la théorie héliocentrique de Copernic, Brecht nous parle des rapports entre la science et la religion, entre la vérité et le pouvoir. Ecrit dans une période pour le moins mouvementée le texte aborde les thèmes de l'obscurantisme et de la vérité. La force de la mise en scène de Claudia Stavinsky est de faire entendre le texte avec une rare clarté.
Là où Eric Ruf en rajoutait dans le flamboyant Claudia Stavisky choisit la simplicité. Pas de décor clinquant mais un décor unique modulable qui se fait aussi bien modeste demeure d'un professeur de mathématiques qui limite ses cours pour se consacrer à ses recherches que cour des grands ou prison.. Un magnifique travail sur la lumière et une subtile mise en son magnifient le jeu des comédiens. Philippe Torreton est méconnaissable, transcendé par le rôle. On perçoit tous les tourments du savant qui lutte pour trouver les moyens d'apporter les preuves des théories qu'il défend. Son interprétation magistrale rend limpides et parfaitement lisibles les thèmes abordés par Brecht : l'obscurantisme religieux, le bouleversement intellectuel et spirituel qui secoue le monde ecclésiastique, car si la terre n'est plus le centre du monde alors l'église ne risque-t-elle pas de ne plus être le centre de la civilisation et l'Homme ne va-t-il pas être ramené à un être parmi d'autres aux même titre que les animaux ? Plus qu'une révolution mathématique c'est une révolution de la société. Et l'on comprend pourquoi Galilée finira par se rétracter publiquement.
Peut-on faire plus actuel que ce texte ? En choisissant un éclairage sombre Claudia Staviski met en lumière tout le bouillonnement intellectuel d'une société qui, confrontée aux éclairages de la science doit remettre en cause son modèle. Si Brecht écrivit ce texte lors de l'effondrement de l'Allemagne et de l'Europe face au nazisme, comment ne pas le mettre en parallèle avec notre 21e siècle, la montée des nationalismes et le réchauffement climatique ?
Si Philippe Torrenton transcende son immense talent pour incarner un Galilée passionné mais fragile parfois, absorbé par ses recherches mais attentif à ses proches, il n'en écrase par pour autant ses partenaires. Tous sont parfaitement à l'aise et crédibles dans leurs rôles, créant une proposition homogène où chaque voix retentit avec clarté. Ainsi le jeune Matthias Distephano formidable Andréas jeune auquel succède le très juste Benjamin Jungers. Ainsi Nano Garcia qui apporte une touche de tendresse dans cet univers très masculin. Ainsi Marie Torreton qui illumine la scène de la démonstration avec la pomme. Tous sont d'une grande justesse et d'une grande générosité.
En bref : Claudia Staviski met en lumière une Vie de Galilée magnifie par l'interprétation magistrale de Philippe Torreton. Une mise en scène qui éclaire le texte. Evènement immanquable de cette rentrée théâtrale.
L'auteur a fuit la montée du nazisme puis le maccarthysme aux Etats-Unis pour revenir dans son pays d'origine, l'Allemagne.
Pendant ces années, il retravaille cette pièce jusqu'à son décès le 14 août 1956. Un texte dense qui s'étend sur une très longue période. Pour valoriser ce travail, il faut une metteure en scène très ingénieuse et un comédien brillant capable de tenir un rôle complexe pendant presque trois heures. Claudia Stavisky relève le défi de façon astucieuse et inventive. Peu de mobilier, assez sobre, qui est déplacé en clin d'oeil et réutilisé selon les contextes. Pas besoin d'avoir trop de choses et des décors imposants pour emporter dans l'espace temps. Un jeux malin avec des projections qui nous permettent aussi bien de voir les étoiles, la mer ou de faire entrer la lumière par la fenêtre et de nous mettre les informations temporels. Les jeux de lumières à la fois discrets et bien dosés contribue à l'osmose. Un très joli travail de Franck Thevenon. Rien n'est laissé au hasard pour faire que le spectateur reste captif et captivé. Même les costumes crées par Lili Kandaka, avec une fausse sobriété et un mélange de génération des formes et textures, est adroite. Une façon élégante de montrer l'intemporalité du récit. J'ai beaucoup aimé la veste de Galilée qui varie de teintes selon les lumières. Ce n'est que quand les comédiens saluent que l'on voit vraiment cette veste longue dans le détail. On se surprend des nuances qui se montrent.
Le personnage central, Galilée est incarné par le très talentueux Philippe Torreton. Comme à son habitude, il trouve toujours le juste ton, la subtilité et l'intensité pour donner vie à son personnage. Aussitôt qu'il plonge son regard vers nous, il n'est plus un homme ordinaire. Il est le scientifique et ce pendant tout le temps de la représentation. Une équipe de dix comédiens va l'accompagner dans l'interprétation des quarante-trois rôles. Une petite préférence pour Nanou Garcia, jouant madame Sarti avec beaucoup de sensibilité et de fermeté. Et bien entendu, Benjamin Jungers, ancien pensionnaire de la Comédie Française qui trouve le juste équilibre émotionnel pour chacun de ses personnages. Un vrai plaisir de le retrouver au théâtre dans un rôle à sa hauteur surtout dans André adulte. Matthias Distefano, joue lui André enfant. L'ensemble est cohérent grâce à l'investissement sincère de chacun.
Une oeuvre qui nous emporte au coeur de réflexions toujours contemporaines. Vous sentez-vous prêt à remettre en cause vos certitudes ?
Pendant ces années, il retravaille cette pièce jusqu'à son décès le 14 août 1956. Un texte dense qui s'étend sur une très longue période. Pour valoriser ce travail, il faut une metteure en scène très ingénieuse et un comédien brillant capable de tenir un rôle complexe pendant presque trois heures. Claudia Stavisky relève le défi de façon astucieuse et inventive. Peu de mobilier, assez sobre, qui est déplacé en clin d'oeil et réutilisé selon les contextes. Pas besoin d'avoir trop de choses et des décors imposants pour emporter dans l'espace temps. Un jeux malin avec des projections qui nous permettent aussi bien de voir les étoiles, la mer ou de faire entrer la lumière par la fenêtre et de nous mettre les informations temporels. Les jeux de lumières à la fois discrets et bien dosés contribue à l'osmose. Un très joli travail de Franck Thevenon. Rien n'est laissé au hasard pour faire que le spectateur reste captif et captivé. Même les costumes crées par Lili Kandaka, avec une fausse sobriété et un mélange de génération des formes et textures, est adroite. Une façon élégante de montrer l'intemporalité du récit. J'ai beaucoup aimé la veste de Galilée qui varie de teintes selon les lumières. Ce n'est que quand les comédiens saluent que l'on voit vraiment cette veste longue dans le détail. On se surprend des nuances qui se montrent.
Le personnage central, Galilée est incarné par le très talentueux Philippe Torreton. Comme à son habitude, il trouve toujours le juste ton, la subtilité et l'intensité pour donner vie à son personnage. Aussitôt qu'il plonge son regard vers nous, il n'est plus un homme ordinaire. Il est le scientifique et ce pendant tout le temps de la représentation. Une équipe de dix comédiens va l'accompagner dans l'interprétation des quarante-trois rôles. Une petite préférence pour Nanou Garcia, jouant madame Sarti avec beaucoup de sensibilité et de fermeté. Et bien entendu, Benjamin Jungers, ancien pensionnaire de la Comédie Française qui trouve le juste équilibre émotionnel pour chacun de ses personnages. Un vrai plaisir de le retrouver au théâtre dans un rôle à sa hauteur surtout dans André adulte. Matthias Distefano, joue lui André enfant. L'ensemble est cohérent grâce à l'investissement sincère de chacun.
Une oeuvre qui nous emporte au coeur de réflexions toujours contemporaines. Vous sentez-vous prêt à remettre en cause vos certitudes ?
Forcément, on y pense : cette Vie de Galilée est montée trop près de celle de Ruf pour qu’on ne soit pas tenté de les comparer. Une comparaison qui dessert le patron du premier théâtre de France autant qu’il avantage Claudia Stavisky.
Je pourrais choisir la facilité et me contenter de comparer les deux propositions où pratiquement tout s’oppose. Mais ce ne serait ni juste pour le travail de Claudia Stavisky – on pourrait croire que je n’ai apprécié son spectacle que parce que j’en ai vu une version moins marquante quelques temps auparavant – ni agréable pour Eric Ruf dont la mise en scène, qui déjà ne m’avait pas convaincue, souffre d’autant plus de ce nouveau spectacle qu’il met en lumière tous ses manqués.
La Vie de Galilée, comme son nom l’indique, retrace le combat de cet homme de science pour faire reconnaître au monde, et particulièrement à l’Eglise, que la conception de Ptolémée qui met la Terre au centre du monde est fausse. Désormais, il l’a prouvé, la Terre tourne autour du Soleil. Pourtant, et il le dit lui-même, il suffirait que les hommes d’Église regardent dans la lunette pour constater ce fait. Mais il se heurte à pire que l’ignorance : l’idéologie. La Vie de Galilée, ou comment croire et savoir s’affrontent, la diffusion du premier entraînant la mort dans l’oeuf du second.
Avec cette Vie de Galilée, je découvrais le travail de Claudia Stavisky. Des copains m’avaient prévenue : « ce spectacle, il est pour toi, tu vas adorer ». Pas parce que la mise en scène y est particulièrement classique, mais parce qu’on entend vraiment le texte. Ils avaient tout à fait raison. Moi qui avais pourtant vu la pièce il y a peu de temps, j’ai eu l’impression de découvrir des répliques, parfois même des scènes et jusqu’aux personnages. Sa mise en scène est brillante, c’est l’intelligence de tous les instants : chaque scène est dramatisée, chaque phrase est pensée, chaque mot est pesé. C’est un véritable travail de sismographe : chaque parole est une onde qui vibre de son sens. Pourtant, rien n’est jamais souligné : la direction d’acteur est simple, sans chichi, et donne l’impression que tout a été construit avec la seule préoccupation de la clarté du texte. Claudia Stavisky s’est tellement mise au service de l’auteur qu’elle a littéralement traduit le texte scéniquement et, se faisant, s’est entièrement mise au service du spectateur. La lecture est parfaitement claire et le message semble transmis. C’est ce genre de travail qui donne mes spectacles préférés.
Il faut dire que rien n’a été laissé au hasard dans cette proposition. Durant le spectacle, on sent qu’on est face à quelque chose de grand mais tous nos sens sont tellement en alerte qu’on n’a pas le temps de tout mesurer. Lorsqu’on repense à ce qu’on vient de voir, en revanche, on perçoit tous les petits détails ingénieux qui nous ont mené à cet état de parfaite symbiose avec le spectacle. Comment ce passage mettant en scène deux enfants préparait tout le reste de la pièce, suggérant aisément les notions de jeu de pouvoir et de vérité dans nos esprits déjà fascinés par la mise en scène. Comment un simple masque peut révéler bien plus qu’une discussion entre deux hommes d’église. Comment les projections insinuent avec subtilité l’impression de bureaucratie, comment elles ajoutent la pointe de modernité idéale au spectacle sans peser sur le texte, comment elle nous connecte à tout ce qui se passe sur le plateau, sans que nous en ayons toujours conscience. Ce spectacle, c’est presque de l’hypnose.
Impossible de parler de ce spectacle sans évoquer la distribution qu’elle a réunie sur le plateau. Si Galilée passe son temps à observer les étoiles, c’est sur le plateau que les astres brillaient, ce soir-là, à commencer par Philippe Torreton, Galilée tragique et complexe. Il voit grand, ce Galilée – il est grand, ce Galilée ! – et au-delà du scientifique on entend souvent l’homme engagé qui souhaite que le savoir soit accessible à tous. Il met dans son jeu tout ce qu’il a puisé dans le texte. Il ose des silences si intenses qu’on y entendrait presque ses pensées. Il fait passer dans ses regards la douleur qui accompagne les nombreuses limites auxquelles il se heurte, mais on y lit également la nécessité de sa démarche, sorte de sens du devoir inaliénable. Il est si bien dirigé qu’il peut se permettre de ralentir le rythme dans la scène finale sans jamais nous perdre. Et il a cette intelligence de jeu, lui qui pourrait facilement écraser ses partenaires, de savoir donner autant que recevoir.
Car Claudia Stavisky ne s’est pas contentée de trouver son Galilée. Elle a trouvé en Gabin Batsard un jeune roi qui oscille à merveille entre l’enfant et l’adulte, entre l’insouciance et le devoir. Elle a trouvé en Frédéric Borie un pape tourmenté et pluriel, conscient de l’importance des recherches de Galilée mais écrasé par le poids de l’Eglise. Elle a trouvé en Maxime Coggio un petit moine qui a su ajuster son jeu à ce qualificatif qui le caractérise, et qui mêle aisément l’infiniment petit et l’infiniment grand. Elle a trouvé en Guy-Pierre Couleau un polisseur de lentilles aux accents de gilets jaunes qui donne à entendre toute la dimension sociale et révolutionnaire de la pièce. Elle a trouvé en Matthias Distefano un jeune Andrea enthousiaste et attachant, plein de vie et d’envie, qui contraste d’autant plus avec son Andrea adulte qu’elle a trouvé en Benjamin Jungers, méfiant, distant, déçu, presque blasé, mais chez qui on sent, derrière cette carapace désenchantée, le coeur de l’enfant qu’il était, battre encore. Elle a trouvé en Nanou Garcia l’incarnation parfaite de Madame Sarti qui parvient à s’imposer comme une présence essentielle de la maison de Galilée, toute en dignité et en éclats. Elle a trouvé en Michel Hermon un inquisiteur inquiétant, menaçant, et redoutable qui nous fait hésiter parfois sur les véritables motifs de son combat : une vérité, une idéologie, ou un homme ? Elle a trouvé en Marie Torreton le dévouement absolu pour un père pourtant marqué par des contradictions issues de cette époque patriarcale.
Elle a tout trouvé.
Je pourrais choisir la facilité et me contenter de comparer les deux propositions où pratiquement tout s’oppose. Mais ce ne serait ni juste pour le travail de Claudia Stavisky – on pourrait croire que je n’ai apprécié son spectacle que parce que j’en ai vu une version moins marquante quelques temps auparavant – ni agréable pour Eric Ruf dont la mise en scène, qui déjà ne m’avait pas convaincue, souffre d’autant plus de ce nouveau spectacle qu’il met en lumière tous ses manqués.
La Vie de Galilée, comme son nom l’indique, retrace le combat de cet homme de science pour faire reconnaître au monde, et particulièrement à l’Eglise, que la conception de Ptolémée qui met la Terre au centre du monde est fausse. Désormais, il l’a prouvé, la Terre tourne autour du Soleil. Pourtant, et il le dit lui-même, il suffirait que les hommes d’Église regardent dans la lunette pour constater ce fait. Mais il se heurte à pire que l’ignorance : l’idéologie. La Vie de Galilée, ou comment croire et savoir s’affrontent, la diffusion du premier entraînant la mort dans l’oeuf du second.
Avec cette Vie de Galilée, je découvrais le travail de Claudia Stavisky. Des copains m’avaient prévenue : « ce spectacle, il est pour toi, tu vas adorer ». Pas parce que la mise en scène y est particulièrement classique, mais parce qu’on entend vraiment le texte. Ils avaient tout à fait raison. Moi qui avais pourtant vu la pièce il y a peu de temps, j’ai eu l’impression de découvrir des répliques, parfois même des scènes et jusqu’aux personnages. Sa mise en scène est brillante, c’est l’intelligence de tous les instants : chaque scène est dramatisée, chaque phrase est pensée, chaque mot est pesé. C’est un véritable travail de sismographe : chaque parole est une onde qui vibre de son sens. Pourtant, rien n’est jamais souligné : la direction d’acteur est simple, sans chichi, et donne l’impression que tout a été construit avec la seule préoccupation de la clarté du texte. Claudia Stavisky s’est tellement mise au service de l’auteur qu’elle a littéralement traduit le texte scéniquement et, se faisant, s’est entièrement mise au service du spectateur. La lecture est parfaitement claire et le message semble transmis. C’est ce genre de travail qui donne mes spectacles préférés.
Il faut dire que rien n’a été laissé au hasard dans cette proposition. Durant le spectacle, on sent qu’on est face à quelque chose de grand mais tous nos sens sont tellement en alerte qu’on n’a pas le temps de tout mesurer. Lorsqu’on repense à ce qu’on vient de voir, en revanche, on perçoit tous les petits détails ingénieux qui nous ont mené à cet état de parfaite symbiose avec le spectacle. Comment ce passage mettant en scène deux enfants préparait tout le reste de la pièce, suggérant aisément les notions de jeu de pouvoir et de vérité dans nos esprits déjà fascinés par la mise en scène. Comment un simple masque peut révéler bien plus qu’une discussion entre deux hommes d’église. Comment les projections insinuent avec subtilité l’impression de bureaucratie, comment elles ajoutent la pointe de modernité idéale au spectacle sans peser sur le texte, comment elle nous connecte à tout ce qui se passe sur le plateau, sans que nous en ayons toujours conscience. Ce spectacle, c’est presque de l’hypnose.
Impossible de parler de ce spectacle sans évoquer la distribution qu’elle a réunie sur le plateau. Si Galilée passe son temps à observer les étoiles, c’est sur le plateau que les astres brillaient, ce soir-là, à commencer par Philippe Torreton, Galilée tragique et complexe. Il voit grand, ce Galilée – il est grand, ce Galilée ! – et au-delà du scientifique on entend souvent l’homme engagé qui souhaite que le savoir soit accessible à tous. Il met dans son jeu tout ce qu’il a puisé dans le texte. Il ose des silences si intenses qu’on y entendrait presque ses pensées. Il fait passer dans ses regards la douleur qui accompagne les nombreuses limites auxquelles il se heurte, mais on y lit également la nécessité de sa démarche, sorte de sens du devoir inaliénable. Il est si bien dirigé qu’il peut se permettre de ralentir le rythme dans la scène finale sans jamais nous perdre. Et il a cette intelligence de jeu, lui qui pourrait facilement écraser ses partenaires, de savoir donner autant que recevoir.
Car Claudia Stavisky ne s’est pas contentée de trouver son Galilée. Elle a trouvé en Gabin Batsard un jeune roi qui oscille à merveille entre l’enfant et l’adulte, entre l’insouciance et le devoir. Elle a trouvé en Frédéric Borie un pape tourmenté et pluriel, conscient de l’importance des recherches de Galilée mais écrasé par le poids de l’Eglise. Elle a trouvé en Maxime Coggio un petit moine qui a su ajuster son jeu à ce qualificatif qui le caractérise, et qui mêle aisément l’infiniment petit et l’infiniment grand. Elle a trouvé en Guy-Pierre Couleau un polisseur de lentilles aux accents de gilets jaunes qui donne à entendre toute la dimension sociale et révolutionnaire de la pièce. Elle a trouvé en Matthias Distefano un jeune Andrea enthousiaste et attachant, plein de vie et d’envie, qui contraste d’autant plus avec son Andrea adulte qu’elle a trouvé en Benjamin Jungers, méfiant, distant, déçu, presque blasé, mais chez qui on sent, derrière cette carapace désenchantée, le coeur de l’enfant qu’il était, battre encore. Elle a trouvé en Nanou Garcia l’incarnation parfaite de Madame Sarti qui parvient à s’imposer comme une présence essentielle de la maison de Galilée, toute en dignité et en éclats. Elle a trouvé en Michel Hermon un inquisiteur inquiétant, menaçant, et redoutable qui nous fait hésiter parfois sur les véritables motifs de son combat : une vérité, une idéologie, ou un homme ? Elle a trouvé en Marie Torreton le dévouement absolu pour un père pourtant marqué par des contradictions issues de cette époque patriarcale.
Elle a tout trouvé.
Homme à lunette, homme à planètes !
Pour tourner rond, elle tourne rond, cette version de la pièce de Bertolt Brecht par la metteure en scène Claude Stavisky.
Je doute, donc je sais ? Je sais parce que je doute ? Je ne doute plus donc maintenant je sais enfin ?
La distance entre le refus de tous les dogmes et l'acceptation de la non-certitude scientifique, c'est à dire la question récurrente de la place du doute, voici quelle est le propos principal de Brecht.
Cet affrontement entre religion et science est le propos pour l'auteur d'affirmer non seulement sa dénonciation des totalitarismes nazis puis staliniens, mais également dans les dernières réécritures, à la toute fin de sa vie, le moyen de dire sa crainte de la toute puissance de la science livrée à elle-même, et notamment cette science qui a permis l'élaboration de la bombe nucléaire.
Et puis, bien entendu, l'histoire d'un renoncement, face à un monde qui voit son agencement aristotélicien et ptoléméen se déliter.
La difficulté pour un homme d'accepter ou non son propre reniement.
Sans oublier le fait de rendre à Copernic ce qui lui appartient, à savoir l'hypothèse de l'héliocentrisme, démontrée par Galilée notamment au moyen de « sa » lunette. (Je n'en dis pas plus sur le « sa »...)
La mise en scène de Claude Stavisky s'appuie avant tout sur une vision presque épurée, par moment quasi minimaliste.
Pas de grands décors, pas de somptueux costumes d'époque.
Ici, le très grand talent des comédiens, la cohésion et le caractère homogène de cette troupe de onze acteurs et la force du texte seront bien suffisants.
Une très belle scénographie, des lumières nocturnes souvent en clair-obscur, des fumées plus ou moins lourdes (la scène de la peste est somptueuse et très réussie), des costumes historiquement non-datés, des projections vidéo de ciels, de mer ou de nuits, tout ceci nous plonge dans une époque intemporelle, afin de mieux souligner le caractère universel de la démonstration de Brecht.
Philippe Torreton est un Galilée impressionnant.
A son habitude, il se montre d'une subtile puissance, à moins que ce ne soit une puissante subtilité.
Quelle force, quelle énergie, mais également quelle capacité à exprimer le doute, l'abattement, le désespoir. La palette du comédien est toujours aussi fascinante !
Il incarne également de façon réjouissante ce que Claude Stavisky appelle à juste titre « un jouisseur de la pensée. »
Son Galilée a la tête dans les cieux, mais le corps dans son entier est bien ancré sur cette terre.
En manteau gris, avec à certains moments une longue chaîne autour du cou (j'ai pensé fortement aux grands mestres de Game Of Throne, les gardiens de la science avec leur ruban d'anneaux symbolisant leur érudition), il donne une prodigieuse humanité à ce savant, qui, avant tout, est un homme.
Une magistrale interprétation !
Très souvent, il pointe son index.
Un index levé qui peut ponctuer une démonstration, qui peut menacer, qui peut désigner quelqu'un, un doigt qui peut également indiquer la direction du ciel, là où il faut regarder. Le parti-pris fonctionne remarquablement.
Ses scènes de duo sont particulièrement soignées et réussies, que ce soit avec la formidable Nanou Garcia (une Madame Sarti en servante presque moliéresque), avec Michel Hermon en redoutable inquisiteur, ou encore avec Maxime Coggio en petit moine.
Sans oublier la magnifique avant-dernière scène avec Benjamin Jungers, l'autre ex-membre de la Comédie-Française.
Il faut noter également un moment superbe : un père éclaire sa fille, et ce, peut-être de bien des points de vue. (Je n'en dis pas plus, à part le fait que Marie Torreton m'a beaucoup ému.)
Les onze comédiens vont incarner les quelque quarante-trois rôles que compte la pièce.
Là encore, la mise en scène de Claude Stavisky est suffisamment fluide et précise pour que nous ne soyons jamais perdus.
Je me répète, il règne sur la scène de la magnifique salle de La Scala une vraie cohésion, une vraie homogénéité. Il n'y a pas de petits rôles, l'engagement de tous est total. Tous nous emmènent très loin.
La vie de Galilée fut donnée en toute fin de saison passée, à la Comédie-Française.
Un même grand texte. D'excellents comédiens à chaque fois.
Mais deux metteurs en scène, Eric Ruf et Claudia Stavisky, qui réussissent chacun à donner leur vision. Des visions différentes mais tout aussi intenses, cohérentes, pensées, travaillées de cette pièce.
C'est ça aussi, la force du théâtre.
Il faut assister à ce passionnant moment théâtral. Il faut aller applaudir Philippe Torreton et ses camarades à la Scala !
Pour tourner rond, elle tourne rond, cette version de la pièce de Bertolt Brecht par la metteure en scène Claude Stavisky.
Je doute, donc je sais ? Je sais parce que je doute ? Je ne doute plus donc maintenant je sais enfin ?
La distance entre le refus de tous les dogmes et l'acceptation de la non-certitude scientifique, c'est à dire la question récurrente de la place du doute, voici quelle est le propos principal de Brecht.
Cet affrontement entre religion et science est le propos pour l'auteur d'affirmer non seulement sa dénonciation des totalitarismes nazis puis staliniens, mais également dans les dernières réécritures, à la toute fin de sa vie, le moyen de dire sa crainte de la toute puissance de la science livrée à elle-même, et notamment cette science qui a permis l'élaboration de la bombe nucléaire.
Et puis, bien entendu, l'histoire d'un renoncement, face à un monde qui voit son agencement aristotélicien et ptoléméen se déliter.
La difficulté pour un homme d'accepter ou non son propre reniement.
Sans oublier le fait de rendre à Copernic ce qui lui appartient, à savoir l'hypothèse de l'héliocentrisme, démontrée par Galilée notamment au moyen de « sa » lunette. (Je n'en dis pas plus sur le « sa »...)
La mise en scène de Claude Stavisky s'appuie avant tout sur une vision presque épurée, par moment quasi minimaliste.
Pas de grands décors, pas de somptueux costumes d'époque.
Ici, le très grand talent des comédiens, la cohésion et le caractère homogène de cette troupe de onze acteurs et la force du texte seront bien suffisants.
Une très belle scénographie, des lumières nocturnes souvent en clair-obscur, des fumées plus ou moins lourdes (la scène de la peste est somptueuse et très réussie), des costumes historiquement non-datés, des projections vidéo de ciels, de mer ou de nuits, tout ceci nous plonge dans une époque intemporelle, afin de mieux souligner le caractère universel de la démonstration de Brecht.
Philippe Torreton est un Galilée impressionnant.
A son habitude, il se montre d'une subtile puissance, à moins que ce ne soit une puissante subtilité.
Quelle force, quelle énergie, mais également quelle capacité à exprimer le doute, l'abattement, le désespoir. La palette du comédien est toujours aussi fascinante !
Il incarne également de façon réjouissante ce que Claude Stavisky appelle à juste titre « un jouisseur de la pensée. »
Son Galilée a la tête dans les cieux, mais le corps dans son entier est bien ancré sur cette terre.
En manteau gris, avec à certains moments une longue chaîne autour du cou (j'ai pensé fortement aux grands mestres de Game Of Throne, les gardiens de la science avec leur ruban d'anneaux symbolisant leur érudition), il donne une prodigieuse humanité à ce savant, qui, avant tout, est un homme.
Une magistrale interprétation !
Très souvent, il pointe son index.
Un index levé qui peut ponctuer une démonstration, qui peut menacer, qui peut désigner quelqu'un, un doigt qui peut également indiquer la direction du ciel, là où il faut regarder. Le parti-pris fonctionne remarquablement.
Ses scènes de duo sont particulièrement soignées et réussies, que ce soit avec la formidable Nanou Garcia (une Madame Sarti en servante presque moliéresque), avec Michel Hermon en redoutable inquisiteur, ou encore avec Maxime Coggio en petit moine.
Sans oublier la magnifique avant-dernière scène avec Benjamin Jungers, l'autre ex-membre de la Comédie-Française.
Il faut noter également un moment superbe : un père éclaire sa fille, et ce, peut-être de bien des points de vue. (Je n'en dis pas plus, à part le fait que Marie Torreton m'a beaucoup ému.)
Les onze comédiens vont incarner les quelque quarante-trois rôles que compte la pièce.
Là encore, la mise en scène de Claude Stavisky est suffisamment fluide et précise pour que nous ne soyons jamais perdus.
Je me répète, il règne sur la scène de la magnifique salle de La Scala une vraie cohésion, une vraie homogénéité. Il n'y a pas de petits rôles, l'engagement de tous est total. Tous nous emmènent très loin.
La vie de Galilée fut donnée en toute fin de saison passée, à la Comédie-Française.
Un même grand texte. D'excellents comédiens à chaque fois.
Mais deux metteurs en scène, Eric Ruf et Claudia Stavisky, qui réussissent chacun à donner leur vision. Des visions différentes mais tout aussi intenses, cohérentes, pensées, travaillées de cette pièce.
C'est ça aussi, la force du théâtre.
Il faut assister à ce passionnant moment théâtral. Il faut aller applaudir Philippe Torreton et ses camarades à la Scala !
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