Critiques pour l'événement Rouge, Niels Arestrup
2 janv. 2020
9/10
37
A New-York, un jeune peintre, Ken, postule pour un poste d'assistant auprès du célèbre Rothko, artiste connu de toute la haute société, qui a reçu une commande de plusieurs tableaux rouges pour l'un des plus grands restaurants New-yorkais à la mode, le Four-seasons.
Celui-ci, accepte de le prendre à ses côtés mais à l'unique condition qu'il garde un rôle d'assistant "à tout faire", ne le prenne pas pour son professeur car il ne lui donnera aucun cours, et lui intime l'ordre de ne rien attendre de lui.
Mal dans sa peau, désagréable, égocentrique et acariâtre, l'artiste humilie constamment le jeune homme qui lui obéit patiemment.
Mais petit à petit, le jeune Ken prend confiance en lui. Jusqu'au jour où...

Une grande interprétation des deux comédiens, Niels Arestrup et Alexis de Moncorgé, digne petit fils de Jean Gabin, qui monte en puissance, sur un très beau texte de John Logan.
Tout d'abord personnage gauche, insignifiant et timide, on voit l'évolution d'Alexis de Moncorgé, Ken, qui petit à petit, prend de l'assurance et s'affirme dans un tête à tête final.
Niels Arestrup interpréte avec puissance et perfection l'artiste capricieux et égocentrique.
Nous connaissons tous l'immense Niels Arestrup mais je vous invite à découvrir le jeune Alexis de Moncorgé, bourré de talent, que j'ai découvert dans Amok de Zweig.
7 nov. 2019
8,5/10
29
Nous allons aller à la rencontre de Mark Rothka, peintre américain classé parmi les représentants de l'expressionnisme abstrait américain, mais Rothko refusait cette catégorisation jugée « aliénante ». Il est peu exposé en France (la dernière rétrospective ayant eu lieu en 1999).

Nous sommes à New York dans les années 50. Rothko vient d’avoir la commande d’un grand restaurant New-Yorkais « Les Quatre Saisons » pour une grande fresque murale abstraite.

Nous pénétrons dans l’atelier de Mark Rothko, homme solitaire, misanthrope, au caractère difficile, en désaccord avec ses contemporains et en admiration pour Van Gogh, Rembrandt et Caravage.
Rothko allume une cigarette, jette un œil sur quelques esquisses, fait jaillir la musique. Nous sommes dans son univers : des châssis, un établi, des pots de peinture, des poulies permettant de relever ou d’abaisser les toiles, quelques pinceaux…
Il accueille son jeune et nouvel assistant Ken en le questionnant sévèrement et en le sermonnant pour son manque de culture philosophique, littéraire, musicale et poétique.

Dans un combat et une discussion endiablée fusent leurs questionnements sur la peinture et sur l’art en général.
Le commerce de l’art offusque Rothko, il souhaite que l’on contemple ses œuvres avec dévotion mais...
« Je veux une forme plane car elle détruise l’illusion et révèle la vérité »
Ken déclare sans ménagement à son maitre que le Pop art est le nouveau mouvement innovant…
Malgré leurs divergences, on sent naître un attachement sincère entre eux.


Nous découvrons des brides de leur vie, leurs angoisses, leurs désirs, leurs déceptions.

Niels Arestrup incarne avec force, sensibilité et passion Mark Rothka dont Louise Bourgeois disait « On ne l’a jamais vu sourire »
Alexis Moncorgé interprète avec grande justesse et brio Ken. Ce jeune assistant qui prendra de l’assurance jusqu’à contredire son maitre qu’il admire.

Très beau moment de théâtre qui donne envie de découvrir plus intensément Mark Rothko.
Alors ?
Si on ne discute pas des goûts et des couleurs, soyez ici servis ! Carmin, cramoisi, écarlate, ... Prenez le temps de choisir le terme adéquat avant de répondre à la question du maître Mark Rothko (Niels Arestrup) : "Qu'est-ce que vous voyez ?".

Un deuxième conseil, ayez du discernement et suffisamment de recul pour ne pas tout aimer. Enfin, bannissez le mot "sympa". Impossible de lister tous les points de vigilance pour avertir Ken (Alexis Moncorgé), le nouvel assistant de l'artiste, mais ces trois conseils lui seront précieux. Dans son atelier, en 1958, Mark Rothko travaille sur la livraison de ses œuvres au très prestigieux restaurant Four Seasons à New York. Le patron annonce la couleur : l'assistant s'occupera du boss sans rechigner. Deal conclu. Impressionné et engoncé dans son costume, Ken deviendra son sparring partner. Sans surprise, le texte est imprégné d'une musicalité américaine où le petit nouveau coincé parviendra à prendre de l'assurance, n'hésitant pas à défier les plus grands. Fort heureusement, la carrure et la gouaille du comédien Niels Arestrup renverse d'un revers de coup de pinceau ce minot qui monte sur ses grands chevaux. Le texte offre de belles réflexions sur notre rapport à l'art avec le prisme de l'écart générationnel des protagonistes. Si le fils doit tuer le père, que devient le fils ? Que doit-il créer pour honorer le sang répandu ? Loin de l'ambiance muséale, le spectateur a la chance de s'imprégner des toiles présentes sur scène et d'écouter les joutes. La mise en scène intègre des morceaux de musique qui rendent hommage au culte de l'art. Le plus profane est le bienvenu puisqu'il n'est nullement nécessaire d'avoir des références en histoire de l'art, en particulier celles couvrant la fin du 20ème siècle, pour apprécier la pièce.

La leçon philosophique évidente peut se résumer à : l'art fait partie de notre vie afin de "ne pas mourir de la vérité" - pour reprendre les mots de Nietzsche. Mais l'art vit avec son époque - en l'espèce, celle du pop art, du consumérisme et du has-been. C'est une conclusion bien tragique pour celui qui refusait d'être "superflu de son vivant".
22 sept. 2019
9/10
6
Totalement ignare sur l’art abstrait, je découvre grâce à cette pièce, un peintre pour moi totalement inconnu (moi à part Mondrian, de Staël, Delaunay…).

Mark Rothko, peintre de renom, égocentrique, cultivé, recrute un jeune homme, peintre aussi, mais il s’en fiche, il a besoin de renfort pour mélanger les pigments, assembler les châssis, et enduire d’immenses toiles, ce qu’il ne peut plus faire dans l’instant, il semble fatigué.

Ken, s’est mis sur son trente-et-un, il est intimidé, Rothko descend une grande toile rouge et lui demande ce qu’il voit devant lui, quelle couleur ? du “rouge” bien évidemment, et là commencera une éducation artistique façon Rothko, littérature, peinture, observation d’une toile, de sa vie, de la philosophie, des gens, du public. Pour l’heure, Rothko a accepté la commande d’un restaurant très chic, et il ne peut pas tout assurer.

Ken est subtilement joué par Alexis Moncorgé, du jeune homme timide, à l’homme fort qu’il deviendra et qui osera affronter le “Maître” pour lui asséner toutes ses vérités. Niels Arestrup, exceptionnel, drôle parfois dans la démesure, c’est la douche écossaise avec lui, il est odieux et parfois humain. Les toiles ont évidemment une place de choix, et la mise en scène de Jérémie Lippmann sert très bien le texte.

Une pièce à voir pour une sacrée leçon de théâtre !
20 sept. 2019
8,5/10
21
« Rouge » de John Logan dans une version française de Jean-Marie Besset et mise en scène par Jérémie Lippmann au théâtre Montparnasse est la naissance d’un coquelicot fragile qui finira par exister.

Nous sommes à la fin des années 50, décennie où la carrière du célèbre peintre Marcus Rothkowitz, né Russe, devenu citoyen américain, adopta le pseudonyme de Mark Rothko.
Nous sommes dans son atelier, il reçoit un jeune homme, qui deviendra son assistant pendant plusieurs années, pour lui permettre de répondre à une commande importante du célèbre restaurant New-Yorkais le Four Seasons.

Une commande qui répond à son ego très développé. Ce peintre ne conçoit pas que ses œuvres soient mélangées avec d’autres tableaux, au risque d’être perturbé. Les yeux du « visiteur » ne doivent réfléchir que sur sa peinture. C’est un créateur qui veut apporter sa touche personnelle dans l’art pictural, il veut se différencier des autres peintres, lui qui a été marqué par les toiles de Matisse.

Oui réfléchir, car ce peintre, un homme très cultivé, que l’on peut placer dans la catégorie des intellectuels, relève le manque de culture générale de son futur assistant. Comment est-il possible de peindre, quand on sait que seulement 10% de son temps est consacré à appliquer la peinture sur la toile, sans avoir lu Nietzsche, être intéressé par la philosophie ou encore la mythologie grecque, sources d’inspiration inépuisables. La tragédie étant au cœur de l’action.

Une complexité du personnage rendue admirablement par l’interprétation sans faille de Niels Arestrup. Il est cet ours à la carapace fragile qui se doit d’être fort devant la jeunesse, devant ce public qui ne comprend rien à l’art moderne, qu’il méprise. Ce public qui ne s’interroge pas assez sur l’art.
Comme en témoigne le virage à 180 degrés de Picasso, qui flatta son tiroir caisse en répondant à la facilité, en exécutant des peintures dignes des demandes des bobos.
Un ours qui tente d’apprivoiser son « jeune protégé » mais qui finira par répondre à l’éducation souhaitée et prendre son envol, se rebeller.
Certes leurs divergences de la vie sont nombreuses, différence d’âge oblige, mais la peinture les réunit, enfin partiellement.

Dans l’instant présent c’est le rouge qui nous intéresse, ce rouge qui n’est pas rouge pour Mark Rothko, un rouge qui peut se définir sous différentes nuances, qui ont toutes leurs importances, tels que le magenta, l’amarante, le pourpre, l’ocre rouge.

Pour ma part c’est le rouge coquelicot qui m’intéresse, le personnage de Ken alias Alexis Moncorgé. Il est tel un coquelicot, fragile, délicat, en train de naître, de s’ouvrir, au milieu de cet immense champ rouge sans cesse labouré par Mark Rothko, l’artiste à la renommée établie, alias l’ogre Niels Arestrup.
Ce qui m’a séduit c’est ce rapport de force entre Niels Arestrup, à la carrière encensée et ce jeune Alexis Moncorgé, tout de même Molière de la révélation théâtrale en 2016 pour son monologue « Amok » de Stefan Zweig, qui tient tête, sans faiblir, dans sa tirade en particulier, où il finit par exister. Toutes les nuances de rouge passent dans sa voix, la passion, la colère, la raison, l’amour, et c’est beau.

Jean-Marie Besset signe une traduction riche, forte, un texte prenant qui vous tient aux tripes.
Le décor digne de Mark Rothko de Jacques Gabel, sous les lumières de Joël Hourbeigt, souligne la mise en scène de Jérémie Lippmann qui met en relief le côté anxiogène et irascible, la nonchalance de l’artiste toujours en mouvement, comme il veut que sa peinture soit, contrairement à la précision du geste du jeune Ken, pétrifié au début par tant de présence de l’Artiste aux multiples facettes très bien rendu par Niels Arestrup.

Un moment rouge, d’une intensité débordante de vitalité.
20 sept. 2019
9,5/10
21
... Un spectacle habilement mis en vie, imposant par la puissance du texte et par l’excellence manifeste des deux interprètes. Exceptionnelle pièce de la rentrée, à ne pas manquer sans aucun doute.
18 sept. 2019
9,5/10
8
Quand un monstre sacré (Niels Arestrup) et un petit-fils de monstre sacré (Alexis Moncorgé) nous font le cadeau de partager la même scène, on ne passe pas son chemin !
Cette histoire est celle de Mark Rothko, peintre à New York dans les années 50, intransigeant, sûr de lui et de son travail mais aussi torturé, face à Ken, son assistant qui, tout d'abord admiratif et réservé, l'amènera au terme d'une joute verbale à une remise en question. Les deux comédiens sont fabuleux.
Jérémie Lippmann, signe une très belle mise en scène dans le décor d'un atelier reconstitué.
15 sept. 2019
9,5/10
9
L'art et l'artiste. Son ego, son importance, sa vie. Rien d'autre existe. Niels Arelstrup donne tout.
Ses cris, sa fumée, sa salive, sa sueur... Le peintre artiste dans toute sa splendeur dans une mise en scène musicale et flamboyante rendant hommage au rouge et noir de la pièce.

Un grand texte, un jeu d'acteur excellent, une salle comblée avec 6 rappels. Une des pièces de la rentrée à ne pas rater et promise aux Molières. Alexis Moncorgé s'en sort bien malgré un rôle de débutant et d'apprenti pas évident à jouer sans tomber dans la caricature au début de la pièce.
Deux très bons acteurs dans une magnifique mise en scène.