Critiques pour l'événement Penser qu'on ne pense à rien, c'est déjà penser quelque chose
19 janv. 2018
6,5/10
27
Franchement jolie surprise que cette petite pièce dans cette toute petite salle.
Déjà les 3 comédiens sont super. Anne Girouard (Kammelott) notamment. Ils sont justes, vrais et attachants.

L'histoire farfelue est bien trouvée. Et pourquoi ne pourrait-on pas faire commerce de conversation ?
Les gens n'ont tellement plus rien à se dire, plus d'idée ou tout à été dit, qu'on pourrait leur donner un coup de main en leur écrivant leurs dialogues.
J'ai trouvé cette idée absolument chouette.

Dommage qu'elle soit abandonnée en cours de route pour une discussion philosophique autour du temps et la possibilité d'un des personnages de prédire l'avenir en se tournant les pouces. Là j'ai décroché.
C'est devenu long, plus très drôle et moins intéressant.
Quel dommage.
16 janv. 2018
8/10
26
Et si tout avait déjà été dit et que nous ne faisions que répéter à l’infini des conversations déjà ressassées à l’envi par d’autres des dizaines de fois ? Sur ce constat somme toute profondément captivant et intrinsèquement intriguant Pierre Bénézit a bâti une histoire absurde mais pas que, drôle mais pas que, tendrement loufoque, totalement. Quand le public s’installe, Paulbert est déjà sur scène.

Absorbé par la tâche, il écrit, rature, corrige, des mots jetés sur une feuille de papier. Gérard va le rejoindre : les deux hommes vivent dans une ancienne épicerie quasiment vide. Pour survivre, ils écrivent des conversations qu’ils vendent à ceux qui ne savent pas quoi dire.

Diner, brouhaha, conversation de bus ou téléphoniques, ils sont en mesure de fournir n’importe quelle discussion à leurs clients. Arrive une femme, Barbara, qui veut acheter du vin ; ils envoient leur voisine chercher du vin dans une autre épicerie. En patientant, Barbara les interroge sur leur activité. Un vrai plaisir que la rencontre de ces trois-là qui emmène les spectateurs dans leur conversation délicieusement loufoque. Des hommes préhistoriques qui ont raflé toutes les discussions possibles sans en laisser aux suivants, du temps qui passe et du présent qui n’existe déjà plus ou qui tourne en boucle, de la vacuité de nos existences et de la condition humaine dans son ensemble, les assertions tour à tour saugrenues et drôles de ces deux bonhommes et les questions candides de Barbara réussissent, l’air de rien, à faire rire tout en soulevant des questions parfaitement métaphysiques voire philosophiques sur le sens de la vie et des pouces qui tournent. Les trois comédiens sont épatants : l’ex-Deschiens Olivier Broche incarne avec bonhommie une Gérard placide et atonique, Vincent Debost est un Paulbert drôlement pathétique à moins que ce ne soit pathétiquement drôle tandis qu’Anne Girouard apporte une touche d’ingénuité et de fraicheur dans cette baignoire pleine d’absurdités.

Une petite heure donc délicieuse, suffisamment farfelue pour faire oublier sa journée (et je vous garantis qu’après une semaine éminemment compliquée ce fut éminemment salvateur) et qui pourra fournir des réflexions plus métaphysiques et existentielles à ceux qui ne savent pas quoi dire à leur prochain diner. Promis, je vais essayer.
31 déc. 2017
8,5/10
41
Stop ! On arrête tout !
Tout a été déjà dit et redit !
Rien de ce qui sera donc écrit aujourd'hui ne sera neuf ou original...
Tout a déjà été dit, vous dis-je !

C'est en tout cas le postulat de Paulbert et Gérald, deux cousins un peu paumés qui tiennent une boutique dès lors indispensable : le premier écrit des conversations originales que le deuxième et lui répètent afin de les vendre.

Le grain de sable de leur belle mécanique prendra la forme de Barbara, une jeune femme qui débarquera dans leur magasin et dans leurs vies comme un chien dans un jeu de quilles, forçant les deux garçons eux aussi à douter.

Elle, son truc, c'est de s'interroger sur le temps qui passe, le passé, le futur, le début, la fin de tout ça, etc, etc...
Parce qu'elle va mourir très prochainement, alors forcément, la mort sera également présente dans les débats.

Voici donc une comédie douce-amère de Pierre Bénézit. Une plongée dans un monde à la fois parallèle, loufoque et poétique.

Nos certitudes vont être bouleversées, et nous allons nous interroger : comprenons-nous vraiment le monde dans lequel nous vivons ?
Chaque personnage et nous-mêmes repartirons-nous avec les mêmes certitudes ?

D'ailleurs, ces personnages existent-ils vraiment, ou sont-ils le fruit de nos imaginations collectives ?
Serions-nous ces personnages ?
Allez savoir !

Bénézit nous propose un texte brillant, incisif, drôle, avec de sacrées formules à l'emporte-pièce.
On rit beaucoup parce que les personnages nous balancent ce qu'ils croient être des messages définitifs, des vérités absolues.
Leur univers est un univers de certitudes qu'ils sont fiers de nous asséner.
La révélation par Gérald des grands mystères de l'humanité, comme celui de la Joconde, de Jésus ou encore des pyramides participe à cet espace de non-doute.

Et nous, de nous dire : bon sang, mais c'est bien sûr, comment n'y avais-je pas pensé ?

Cet univers décalé, burlesque est exprimé par le texte, mais également et peut-être surtout par un trio de comédiens très proches de l'auteur.

Anne Girouard (le désopilante Guenièvre de la série Kaamelott), Olivier Broche (que j'adorais chez les Deschiens, et récemment dans la pièce Moi et François Mitterrand), ainsi que Vincent Bost (par ailleurs metteur en scène de Deux frères et les lions), ces trois-là s'en donnent à cœur joie.

Ils sont désopilants dans leur façon d'exprimer le décalage avec la réalité. Ils jouent tour à tour les naïfs, les tendres, les bourrus, les innocents, parfois.
Tous sont très à l'aise dans cet univers surréaliste et en même temps on ne peut plus logique.
Olivier Broche m'a une nouvelle fois fait éclater de rire, avec son léger zézaiement et sa gestuelle très particulière.

Voici donc un bien beau moment qui nous est proposé au théâtre de Belleville.
Un moment loufoque, poétique et drôle dans lequel nos certitudes vacillent.
28 déc. 2017
8,5/10
30
Une boutique, pas très accueillante, on se demande ce que vendent les deux hommes.

Paulbert et Gérald, ont l’air de répéter un extrait de pièce, l’un bute sur les mots, l’autre est excédé !
Et puis Barbara entre dans la boutique, elle connaissait cette épicerie avant, et voilà qu’elle ne s’y retrouve pas, c’est normal lui dit Paulbert, les anciens propriétaires sont partis, et il n’y a plus rien à vendre.

C’est la déception pour elle qui s’apprête à diner chez des amis, et voulait apporter une bouteille de vin, qu’à cela ne tienne, Gérald a la solution, une voisine s’est proposée pour aller en acheter...

Un léger embarras flotte dans l’air, ils tentent de débuter une conversation, et elle sera riche d’enseignements. Les deux cousins ont quand même quelque chose à vendre, ils ont inventé et mis au point des discussions, oui, c’est cela, Paulbert écrit des discussions d’ascenseur, d’enterrement, et font une démonstration de brouhaha devant Barbara, qui se demande où elle est tombée !

Penser, oui mais à quoi ? tout a été dit d’après Paulbert, les gens ne savent plus de quoi discuter, ni à quoi penser... ils ne pensent à rien, oui mais penser à rien c’est penser quand même d’après Barbara. Celle-ci d’ailleurs leur fera comprendre qu’elle passe un moment merveilleux.

On est tout à fait dans l’absurde, le déjanté, on se croirait parfois dans du Ionesco, ou du Devos, jouer avec les mots, les expressions.

Pierre Bénézit a parfaitement choisi ses comédiens, Olivier Broche, Vincent Debost et Anne Girouard ont l’humour et la déraison qu’il faut pour incarner ce texte.
22 déc. 2017
9/10
21
Et si aujourd'hui tout avait été dit.
Nous nous répétons à travers les temps.
Nos discussions manquent d’intérêts, nous ne faisons que parodier nos descendants.
Paulbert et Gérald ont décidé de mettre fin à cela.
Ils s’installent dans une ancienne épicerie.
Les victuailles vont faire place aux nourritures de l’esprit.
Ils proposent à la demande de leurs clients de nouvelles discutions inédites et fantasques.

Que ne va pas être la surprise de Barbara croyant rentrer dans leur épicerie pour acheter une bouteille !

Il va s’enchainer des échanges loufoques, drôles mais aussi philosophiques entre ces trois personnages.
Le passé, le présent, le futur existent t'ils ?
A quoi pense-t-on lorsqu’on ne pense à rien ?
Des théories désopilantes sur la construction des pyramides ou sur Les noces de Cana …

Entrez donc dans cette épicerie et vous ne le regretterez pas….

Ce texte de Pierre Bénézit est burlesque, extravagant, ironique, fantaisiste et plein de poésie.
Les comédiens sont talentueux. Anne Girouard, Vincent Debost, Olivier Broche sont d’une grande complicité.
C’est avec grand plaisir que l’on retrouve Olivier Broche comédien remarquable et drolatique des « Deschiens ».
22 déc. 2017
9/10
17
Étonnante et détonante absurdie de l’évidence, de la vacuité des habitudes et de la vanité du temps qui se plait à croire que nous ne savons qu’il n’est rien d’autre qu’une série de vaines fortuités. Magistrale leçon de maintien dans le beau monde de l’ennui qui pense et des mots qui ont tous déjà été dits. Alors à quoi bon ?

Comment, en faire un commerce ? Ah ça mais, pourquoi pas !

Gérald et Paulbert ont ouvert boutique dans une ancienne épicerie. Ils vendent des conversations toutes prêtes pour que le hasard ne vienne pas enrayer la vie des gens en leur faisant rabâcher à l’envi les mêmes idées, les mêmes mots, les mêmes enchainements de cause à effet, d’une chose à l’autre, où la banalité serait reine et leurs échanges méprisables par ces riens qui se répètent.

Barbara entre dans la boutique, pensant acheter une bouteille de vin pour une soirée d’ennui chez des amis. Bien ou mal lui en a pris, elle est restée. D’étonnement en dépit, de déni en répit, la voilà embarquée dans ce voyage hors temps, hors norme et hors d’elle. Les échanges s’entremêlent, le trio fait la paire et les trois font des vagues, surfant sur le passé, l’avenir, la mort et la baignoire remplie de vin, entre autres.

Ah ça, il ne faut pas se hasarder à passer la porte de cette boutique sans savoir ce qui nous attend ! Un drôlissime tourbillon de sens, sans dessus-dessous, d’une illogique imparable tant elle est roublarde et bien fichue. Les idées voltigent, le bon sens ne reconnait pas les siens, le contre-sens furète et l’imagination s’emballe. À tout moment, le tourbillon menace de devenir tornade.

« On sait quand le passé a commencé, ça c’est facile, mais le futur… Ce qui est sûr c’est que plus le temps passe et moins il y a de futur. »

C’est drôle, hilarant même, déroutant et iconoclaste aussi. Un spectacle truffé d’une poésie de l’extraordinaire, celle des clowns des mots dits, ceux qui nous emportent au pays des merveilles de la pensée qui s’envole, à l’instar de Devos, de Sol ou de Desproges.

« Excusez-moi mais on ne va pas en faire toute une histoire. Depuis des générations qu’on meurt, on devrait un peu commencer à s’habituer. »

Le texte et la mise en scène de Pierre Bénézit affrontent le « temps », le « rien » et le « banal » avec une redoutable simplicité caustique et une précision au cordeau. Les mots, les situations comme le choix des accessoires contribuent à nous amuser devant ces miroirs de la vie qui passe, celle qui est passée ou celle qui vient, comme pour en sublimer leur insignifiance que nous prenons plaisir à observer ou à penser en riant.

Olivier Broche, Vincent Debost et Anne Girouard semblent se délecter des conversations de leurs personnages dont ils servent magnifiquement les partitions pas si simples à jouer. Du très beau travail.

Un spectacle drôle et intelligent où on s’esclaffe de plaisir devant cette jonglerie farfelue et ébouriffée d’idées et de mots en bataille. Un agréable et surprenant moment de théâtre.