Critiques pour l'événement Le Visiteur, Eric-Emmanuel Schmitt
16 janv. 2022
9,5/10
6
Un texte magnifique et des acteurs géniaux
15 déc. 2021
8/10
7
Sujet au combien philosophique, le rapport de l’homme à Dieu. L’histoire se déroule pendant la montée du Nazisme lors de la réunification de l'Autriche au Reich allemand. Le personnage principal, Sigmund Freud, est face à ses incertitudes sur l’existence de Dieu. « Le monothéisme ne devrait-il pas jouer le même rôle protecteur à l'égard des croyants que le père à l'égard de ses enfants ? » L’éminant psychiatre finira-t-il par renier ses principes pour survivre et sauver les siens ? Bien que cette pièce soit parfaitement écrite par Eric-Emmanuel Schmitt et remarquablement interprétée, elle n’est pas forcément à la portée de tous tant le sujet est profond et difficile.
5 déc. 2021
8,5/10
12
" Définissez moi d'abord ce que vous entendez par Dieu et je vous dirais si j'y crois ! "

Avec intelligence, humour, et beaucoup de bienveillance, Eric Emmanuel Schmitt nous questionne sur notre rapport à la foi.
Au travers de ce visiteur - génial Franck Desmedt - qui n'est pas ce qu'il paraît, qui brouille les pistes, qui apporte plus de questions que de réponses.
Qui nous renvoie à nos contradictions, à nos doutes mais aussi à nos espoirs.

Sur le plateau, le décor magnifique de l'appartement confortable du grand Sigmund Freud.
Dehors, la violence et le chaos du nazisme.

Confrontés à cette horreur, le psychiatre et le visiteur. Deux personnages qui s'opposent dans un dialogue où aucun des deux ne croit en l'autre, mais où chacun est rempli d'amour.

Deux comédiens magnifiques et sincères, formidablement mis en scène, qui nous livrent une brillante bataille de philosophie.

Et nous offrent un merveilleux cadeau : La liberté de croire !
23 oct. 2021
10/10
16
Une idée originale sublimée par un texte intelligent, magnifiquement écrit qui fait réfléchir tant les deux argumentations qui s'opposent sont convaincantes. Un dialogue passionnant porté par deux acteurs vraiment sublimes. le contexte est dramatique, l'échange est philosophique et intense et pourtant une pointe d'humour aère le tout.

Un moment incontournable de théâtre. Bravo !
30 sept. 2021
8/10
14
1938, à Vienne, le docteur Freud est déjà malade, (il mourra l’année suivante d’un cancer de la mâchoire). Sa fille Anna le supplie de signer le document qui leur permettra de fuir l’Autriche envahie par les nazis. Il ne souhaite pas partir, il ne veut pas imaginer le pire.

Un officier de la gestapo entre dans l’appartement, il fouille, méprise absolument le docteur Freud, prend ses aises, Anna sort de ses gonds et l’insulte, il la fait emmener pour l’interroger. Freud désemparé tentera de la sauver en téléphonant à ses relations.

Il s’assoie et veut prendre le document qu’il devrait signer, mais voici que le papier s’envole, Freud le récupère, et un homme entre par la fenêtre, il a l’air plutôt sympathique, élégant, Freud est interloqué, comment est-il entré, que veut-il ? de l’argent ?

Non, le personnage s’installe, il n’a pas l’air dangereux, commence alors entre les deux hommes une étrange conversation, Freud par habitude, invite l’homme à s’allonger sur le divan et l’interroge. Il est stupéfait par ce que lui révèle ce curieux personnage, il lui raconte un épisode de son enfance, comment peut-il être au courant ?

Ce visiteur intrigue, est-il comme il laisse prétendre, Dieu le Père, cela tombe bien Freud est athée et il ne va pas mâcher ses mots, mais sa priorité, c’est Anna, l’homme le rassure, elle reviendra bientôt. Ils sont dérangés dans leur conversation, par le nazi qui recherche un homme qui vient de s’échapper de l’asile...

C’est un texte brillant et intéressant, il donne libre cours à notre imagination, quelle que soit notre croyance, ce qui est important c’est le doute qui s’installe chez Freud, chez nous aussi. Sam Karmann est un Freud trés convaincant et émouvant, Franck Desmedt a de l’humour à revendre, Katia Ghanty est une Anna survoltée, et le rôle le plus ingrat mais intéressant revient à Maxime De Toledo qui campe le nazi qui finira par douter aussi !

Une mise en scène intelligente et percutante de Johanna Boyé.
18 sept. 2021
9,5/10
7
Qui est ce visiteur habillé comme un dandy ? D’où vient il ? Que cherche t’il ? Pourquoi trouble t’il autant Freud…

Voilà l’ensemble des questions qui vont assaillir le célèbre docteur Sigmund Freud à Vienne, un soir de 1938 (l’Anschluss a été déclarée il y a peu) alors que sa fille Anna vient d’être emmenée par la Gestapo. A plusieurs reprises, Freud va changer d’avis concernant ce visiteur : d’abord c’est un fou qui a besoin de ses soins. Puis, même s’il est athée, il va aussi penser que c’est peut être Dieu lui même.

Il faut dire que tout est fait pour rendre cette visite impromptue totalement ambiguë. Le spectateur pourra lui même se prendre au jeu de se convaincre sur la nature du Visiteur s’il a des doutes comme le docteur, mais il appréciera aussi de voir Freud douter à cause de cet homme qui remue ses convictions intimes.

Voilà l’histoire du Visiteur d’Eric-Emmanuel Schmidt ! Cette histoire découverte en 1993 au Théâtre de Paris et qui fut une véritable révélation et le début d’un amour du théâtre qui ne s’est toujours pas éteint. Quel plaisir de la redécouvrir sur la scène du théâtre Rive Gauche !

Le visiteur est incarné par l’inimitable Franck Desmedt, roi (pour ne pas dire dieu) de l’ambiguïté et c’est un plaisir de le voir évoluer autour de Freud en ébranlant ses convictions. C’est Sam Karmann qui endosse le rôle du docteur Freud qui non content d’être inquiet pour sa fille fraichement arrêtée par un SS, doit faire face à cet étrange individu qui le met face à ses doutes les plus intimes. Katia Ghanty est la fille Anna du célèbre docteur, elle est fière et audacieuse face à l’oppressant Maxime de Toledo, le SS qui harcèle la famille Freud. Les quatre comédiens sont superbes et on est happé par cette histoire ‘fantastique’.

La mise en scène réaliste de Johanna Boyé, le joli décor d’un intérieur viennois de Camille Duchemin et le travail très soigné des lumières de Cyril Manetta complètent cet ensemble pour donner une pièce incontournable pour cette rentrée théâtrale.
16 sept. 2021
9,5/10
5
... Un spectacle de très haute qualité. Pour son texte captivant bien sûr. Sa mise en scène habile et agréable. Et surtout, son interprétation sublime. Un réussite à ne surtout pas manquer...
15 sept. 2021
9,5/10
17
Dieu est un croqueur de Xanax ?

C’est vrai, quoi ! Il a raison, Eric-Emmanuel Schmitt ! Quand Dieu est en pleine déprime, qu’est-ce qu’il peut bien faire ?
Se shooter aux anxiolytiques ? Suivre une psychanalyse ? S’allonger sur un divan ? Mais alors auprès de qui ?

Voici une vingtaine d’années, c’est en suivant le JT de 20h00, porteur comme à l’accoutumée de son lot d’horreurs que l’écrivain a eu cette idée épatante : que se passerait-il si Dieu rencontrait un certain Sigmund Freud ?

Vienne. 1938.
Le bureau-cabinet de curiosités du père de la psychanalyse.

Dehors, le bruit des bottes rythmant les chants nazis. Ou le contraire…
Alors que sa fille Anna va être emmenée par un officier de la Gestapo, un type étrange, élégamment vêtu, œillet à la boutonnière, passe par la fenêtre et se fige devant le scientifique.

Qui est-il vraiment cet individu ?
Un fou ? Un illusionniste ? Un type qui voudrait séduire Anna ? Un songe de Freud ? Ou bien… Celui qui j’évoquais plus haut ?
Allez savoir…

Ce qui est certain, c’est que ces deux-là vont se livrer à une hallucinante joute oratoire.

Avec cette pièce, Eric-Emmanuel Schmitt nous interroge de façon vertigineuse au sujet d’un verbe étrange : le verbe croire !
Peut-on encore croire en Dieu, alors qu’autour du vous, le mal absolu règne ?
Peut-on encore croire en Dieu après qu’une poignée d’hommes aient décidé d’assassiner six millions de leurs semblables ?

Et si l’on ne croit plus en Dieu, faut-il croire en l’Homme, alors ?
Pas gagné d’avance, si l’on en juge par sa faculté à détruire le monde qui l’entoure, obnubilé qu’il est par l’argent-roi, cet Homme-là !

Croire ou ne pas croire ? Telle est la question.

En tout cas, ce qui est certain, c’est qu’il faut absolument croire aux comédiens !
Ceux qui sont devant nous sur le plateau sont purement et simplement admirables !

Ce qui va se jouer devant nous est une incandescente et fascinante joute verbale entre Frank Desmedt, qui à peine sorti du Lucernaire pour sa Promesse de l’aube, rejoint Sam Karmann sur la scène du Rive-Gauche.

Ces deux-là, tels des félins, vont se chercher, s’apostropher, se provoquer, tenter de se convaincre l’un-l’autre.
C’est un bonheur total que de les voir jouer chacun leur partition, un vrai plaisir à entendre dans leur bouches les formules et les envolées littéraires de l’auteur.
Nous sommes cueillis dès leurs premiers mots, et captivés par ce qu’ils nous disent et par la façon dont ils le disent.

MM Desmedt et Karmann par petites touches, finement, subtilement, vont habiller leur personnage respectif d’une vraie profondeur, physique et psychologique, ainsi que d’une grande épaisseur dramaturgique.
Il faut un sacré talent pour incarner ce genre de rôle, et pour mettre en évidence l’ambiguïté du propos.

C’est bien simple, je me suis demandé si sur la scène, on ne tenait pas déjà le futur Molière 2022 du meilleur comédien.
Les deux sont véritablement impressionnants.

Katia Ganthy est une Anna qui tient tête à la fois à son père, mais surtout à l’officier SS interprété par Maxime Tolédo, en uniforme noir et casquette à tête de mort.
Une tout petite résistance ou sein d’une plus grande.
Les deux parviennent à exister, auprès des deux rôles principaux, et sont d’une irréprochable justesse.

Johanna Boyé a quant à elle pleinement réussi sa mise-en-scène.
Sur un plateau resserré par le beau décor de Camille Duchemin, elle parvient à créer beaucoup d’espace.
Elle sait placer et faire bouger les corps de ses acteurs et faire en sorte que nous éprouvions ce sentiment d’espace. Ici, on n’étouffe pas.

La majeure partie de la pièce étant constituée de scènes à deux personnages, Melle Boyé propose de multiples solutions pour ne pas ennuyer ou lasser les spectateurs.
Tout ceci est fluide, léger, aéré.

Elle est parvenue également à donner également un côté onirique au spectacle, par l’utilisation de quelques tours de magie nouvelle, ce qui vient renforcer en quelque sorte le côté surnaturel de l’entreprise littéraire et artistique.
Et non, vous n’en saurez pas plus…

La musique de Mehdi Bourayou et les lumières De Cyril Manetta contribuent également à cette impression d’onirisme.

Nom de Freud !
Allez vous faire votre propre opinion quant à l’identité de ce visiteur-là...

Courez toutes affaires cessantes au Rive-Gauche assister à une représentation de cet incontournable spectacle de début de saison.


Croyez-moi !
4 août 2021
10/10
6
Vu à Avignon

« Le visiteur » d’Eric-Emmanuel Schmitt, une pièce aux trois Molière, dans une mise en scène de Johanna Boyé au théâtre Actuel est un diamant taillé de mille facettes qu’il faut absolument voir, admirer.

On ne présente plus Eric-Emmanuel Schmitt.

Cette pièce me fascine particulièrement tout comme m’a fasciné son roman « L’évangile selon Pilate », séparés par quelques années. Dieu, la foi : un thème récurrent dans ses écrits.

Qui est ce visiteur ? Même si l’auteur se défend de bien vouloir s’octroyer une réponse qui n’a pas plus de valeur que la nôtre, il faut tout de même admettre que ce visiteur a des pouvoirs que l’on peut qualifier de surnaturels.

Qui êtes-vous ? ne cessera de répéter Sigmund Freud chez qui ce visiteur a décidé de rendre visite à un moment où des choix cruciaux de vie ou de mort sont à prendre.

Nous sommes à Vienne en avril 1938, dans son appartement, dans son cabinet de travail où il reçoit ses patients. Seule une lumière éclaire un globe terrestre marquant l’emprise des nazis sur l’Europe, ces mêmes nazis qui ont envahi l’Autriche et persécutent les juifs : terre de notre neurologue, notre psychanalyste.

Sigmund Freud converse avec sa fille Anne, ils se chamaillent et un officier de la gestapo fait irruption, dispensant son fiel, son venin, un officier nazi vénal.
Alors que sa fille lui dit ses quatre vérités, avec un courage qui frise l’inconscience, l’officier l’embarque au poste.

C’est alors qu’apparaît dans un souffle, une brise légère soulevant les voilages, le visiteur à l’apparence d’un dandy du plus bel effet. Oscar Wilde en aurait été jaloux. Il connaît toute la vie du docteur dans ses moindres détails, allant jusqu’à lui raconter ses rêves, ce qui ne manque de le troubler.

Mais qui êtes-vous ?

Dieu ? un imposteur ? un plaisantin ? un fou ? un magicien ?

Les réponses à cette question laissent notre psychanalyste très perplexe, allant jusqu’à remettre en doute son athéisme ancré au plus profond de son être.
Si ce visiteur se prétend être Dieu, comment se fait-il qu’il laisse le mal se répandre à la vitesse de l’éclair en laissant enfermer ses frères, en les privant de leurs vies ?

Questions et doutes feront bon ménage pendant cet entretien passionnant au plus haut point.
Chacun aura dans son for intérieur la réponse qui sera le fruit d’une réflexion palpitante.

Mais bon sang : qui êtes-vous ?

Compte tenu de tout ce qui se passe de nos jours sur cette planète, comment est-il possible de croire encore à Dieu ? La foi étant un mystère qui ne s’explique pas.
Une pièce intemporelle qui sera jouée encore des dizaines d’années et pour laquelle on aura toujours la même réponse : Qui êtes-vous ?

En fin de compte ce visiteur ne serait il pas un menteur ? Aurait il un orgueil mal placé ?

Quatre comédiens au service d’un texte d’une très rare intelligence.

Sam Karmann campe un Sigmund Freud débordant d’humanisme. Il incarne la réflexion, la sagesse avec brio. Sa fille jouée par Katia Ghanty exprime brillamment toute la colère, la fierté dont son père devrait faire preuve. L’officier nazi interprété par Maxime de Toledo joue admirablement toutes les nuances que cet homme traverse dans son parcours.

Quant à notre visiteur…comment qualifier Franck Desmedt pour qui j’ai une profonde admiration. Son jeu m’étonnera toujours, ses répliques sont d’une justesse magnifique. Il évolue sur scène tel un feu follet avec son œil rieur et son sourire ravageur dans un superbe costume de Colombe Lauriot dit Prévost.

Dans un décor somptueux de Camille Duchemin, Johanna Boyé, assistée de Caroline Stefanucci, a réalisé un travail d’orfèvre pour sa mise en scène lumineuse, ne tombant pas dans les écueils de la facilité. Le propos est respecté astucieusement.

Une pièce qu’il faut intercaler dans votre programme, la manquer serait péché.