Critiques pour l'événement Le pays lointain
Louis, personnage principal, convoque les souvenirs de sa famille choisie et de sa famille naturelle. Louis vient annoncer sa mort prochaine à sa famille naturelle, accompagné pour cela de son ami Longue Date (Vincent Dissez).
Œuvre testamentaire de Lagarce, « Le Pays Lointain » de la Compagnie des Petits Champs a déjà voyagé sur les scènes de France depuis 2017, date de création de la mise en scène de Clément Hervieu-Léger. Le décor choisi pour cette rencontre est une station-service, pathétique et étrangement poétique. 11 comédiens de grand talent forment cette distribution qu'il faut citer : Aymeline Alix, Louis Berthélemy, Audrey Bonnet, Clémence Boué, Loïc Corbery, Vincent Dissez, François Nambot, Guillaume Ravoire, Daniel San Pedro, Nada Stancar, Stanley Weber.
Incarnant des personnages vivants ou morts, ils entourent Louis et resteront sur scène tout du long. Parlant chacun leur tour, rarement ensemble, ils portent une langue qui se répète jusqu'à s’infuser à l’oreille du spectateur. Grâce à eux, les répétitions prennent un sens. Car donner à l’écriture répétitive de Lagarce cette ampleur dit à soi seul le talent des acteurs et l’excellence de la direction d’acteur de Clément Hervieu-Léger.
Ce texte de Lagarce a quelque chose d’étonnant. Etonnant par ce regard sans concessions qu’il porte sur Louis (Loïc Corbery). Solitaire et secret, Louis a quelque chose d’antipathique. Sa fausse affabilité ne trompe plus ses proches et lorsqu’il retrouve sa famille naturelle sa parole ne trouve pas le chemin. C’est un homme venu chercher sa rémission pour ne pas partir sans explications mais un homme qui sait que le fossé est trop large (comme un Edouard Louis passé lui aussi d'une classe à une autre, homosexuel et transfuge).
Il n’y a dans ce propos aucun pathos et juste des reproches pour Louis. Passé et présent se rentrent dedans, faits des deux familles qui les composent. Deux familles qui cohabitent mal, comme les deux hémisphères du cerveau, comme deux cercles de loyauté et de devoirs incompatibles.
Conscient de tout cela, Louis se laisse dire par les autres sans trouver aucun mot pour cautériser les plaies qu’il laissera béante. Même dire qu’il disparaît lui sera impossible. Louis se retrouve piégé et doit partir tout seul, faute de ne pas avoir laissé les autres l’aimer, de les avoir découragés en ne leur rendant rien en retour.
Pourtant la famille dit quelque chose de nous-même, de notre composition interne, de notre ajustement au monde. Suzanne sa sœur (Audrey Bonnet) et puis Antoine (Guillaume Ravoire), sa mère (Nada Stancar) et son père aussi (Stanley Weber), ce sont eux qui portent dans leurs reproches sa voix à lui, sa solitude qui l’a emmuré, éloigné de leur hémisphère. Et puis il y a les autres, les voix des êtres choisis qui résonnent de temps à autres (Clémence Boué, Daniel San Pedro, François Nambot, Louis Berthélemy). Des voix furtives, parfois d’une nuit, des voix qui savent ce qui lui arrive. Tous se rencontrent dans l’esprit de celui qui se tait. Tous ont leur partition, leur monologue, leur moment de lumière.
Récemment, ce thème des rencontres imaginées a été repris dans "Les Idoles" de Christophe Honoré. Voir monté ce "Pays Lointain" si peu de temps après l’éclaire d’une lumière différente : même entrechat entre passé et futur, même tentative de guérison et de dépassement des déchirements intérieurs. Même sida ravageur même si ici le sida n’est jamais nommé.
Car le Pays Lointain ne dit pas tout, notamment sur le sida qui erre comme un spectre, absent de toutes les paroles. Lagarce aussi se tait. On projette plus de choses que le texte de la pièce ne dit lui-même. Rendant parfois le texte long par ce qu’il refuse de dire...
En cela, Le Pays Lointain est une pièce exigeante, avec quelques longueurs. L’humeur terne et l’impasse à laquelle il mène peut donner envie de penser « Tout ça pour ça !». Car en définitive, il s’agit d’une parole de 4h qui n’aboutit qu’à un échec et un adieu unilatéral.
Malgré tout, Le Pays Lointain de Clément Hervieu-Léger tient de la performance. Le voir monté dans sa version intégrale avec ces acteurs est une performance. Jean-Luc Lagarce nous a livré en 1995 une œuvre ô combien proche des écritures qui nous sont contemporaines. Une œuvre qui s’engouffre dans nos failles avec mélancolie…
Un testament fidèlement porté par cette nouvelle famille d’acteurs !
Œuvre testamentaire de Lagarce, « Le Pays Lointain » de la Compagnie des Petits Champs a déjà voyagé sur les scènes de France depuis 2017, date de création de la mise en scène de Clément Hervieu-Léger. Le décor choisi pour cette rencontre est une station-service, pathétique et étrangement poétique. 11 comédiens de grand talent forment cette distribution qu'il faut citer : Aymeline Alix, Louis Berthélemy, Audrey Bonnet, Clémence Boué, Loïc Corbery, Vincent Dissez, François Nambot, Guillaume Ravoire, Daniel San Pedro, Nada Stancar, Stanley Weber.
Incarnant des personnages vivants ou morts, ils entourent Louis et resteront sur scène tout du long. Parlant chacun leur tour, rarement ensemble, ils portent une langue qui se répète jusqu'à s’infuser à l’oreille du spectateur. Grâce à eux, les répétitions prennent un sens. Car donner à l’écriture répétitive de Lagarce cette ampleur dit à soi seul le talent des acteurs et l’excellence de la direction d’acteur de Clément Hervieu-Léger.
Ce texte de Lagarce a quelque chose d’étonnant. Etonnant par ce regard sans concessions qu’il porte sur Louis (Loïc Corbery). Solitaire et secret, Louis a quelque chose d’antipathique. Sa fausse affabilité ne trompe plus ses proches et lorsqu’il retrouve sa famille naturelle sa parole ne trouve pas le chemin. C’est un homme venu chercher sa rémission pour ne pas partir sans explications mais un homme qui sait que le fossé est trop large (comme un Edouard Louis passé lui aussi d'une classe à une autre, homosexuel et transfuge).
Il n’y a dans ce propos aucun pathos et juste des reproches pour Louis. Passé et présent se rentrent dedans, faits des deux familles qui les composent. Deux familles qui cohabitent mal, comme les deux hémisphères du cerveau, comme deux cercles de loyauté et de devoirs incompatibles.
Conscient de tout cela, Louis se laisse dire par les autres sans trouver aucun mot pour cautériser les plaies qu’il laissera béante. Même dire qu’il disparaît lui sera impossible. Louis se retrouve piégé et doit partir tout seul, faute de ne pas avoir laissé les autres l’aimer, de les avoir découragés en ne leur rendant rien en retour.
Pourtant la famille dit quelque chose de nous-même, de notre composition interne, de notre ajustement au monde. Suzanne sa sœur (Audrey Bonnet) et puis Antoine (Guillaume Ravoire), sa mère (Nada Stancar) et son père aussi (Stanley Weber), ce sont eux qui portent dans leurs reproches sa voix à lui, sa solitude qui l’a emmuré, éloigné de leur hémisphère. Et puis il y a les autres, les voix des êtres choisis qui résonnent de temps à autres (Clémence Boué, Daniel San Pedro, François Nambot, Louis Berthélemy). Des voix furtives, parfois d’une nuit, des voix qui savent ce qui lui arrive. Tous se rencontrent dans l’esprit de celui qui se tait. Tous ont leur partition, leur monologue, leur moment de lumière.
Récemment, ce thème des rencontres imaginées a été repris dans "Les Idoles" de Christophe Honoré. Voir monté ce "Pays Lointain" si peu de temps après l’éclaire d’une lumière différente : même entrechat entre passé et futur, même tentative de guérison et de dépassement des déchirements intérieurs. Même sida ravageur même si ici le sida n’est jamais nommé.
Car le Pays Lointain ne dit pas tout, notamment sur le sida qui erre comme un spectre, absent de toutes les paroles. Lagarce aussi se tait. On projette plus de choses que le texte de la pièce ne dit lui-même. Rendant parfois le texte long par ce qu’il refuse de dire...
En cela, Le Pays Lointain est une pièce exigeante, avec quelques longueurs. L’humeur terne et l’impasse à laquelle il mène peut donner envie de penser « Tout ça pour ça !». Car en définitive, il s’agit d’une parole de 4h qui n’aboutit qu’à un échec et un adieu unilatéral.
Malgré tout, Le Pays Lointain de Clément Hervieu-Léger tient de la performance. Le voir monté dans sa version intégrale avec ces acteurs est une performance. Jean-Luc Lagarce nous a livré en 1995 une œuvre ô combien proche des écritures qui nous sont contemporaines. Une œuvre qui s’engouffre dans nos failles avec mélancolie…
Un testament fidèlement porté par cette nouvelle famille d’acteurs !
Très excitée de voir la dernière pièce de la trilogie de Lagarce. Juste la fin du monde est impressionnante. La seconde a été si bien mise en scène par Chloé Dabert l'année dernière. Celle-ci promet. Hervieu-Léger est si juste dans sa mes.
Le résultat est superbe. L'histoire est extraordinaire. Les mots fusent, virevoltent. L'écriture est précise, chirurgicale. On tourne, on remet les mots. Le texte est un immense tourbillon passionnant. Le jeu est impeccable dans une mise en scène qu'on aurait pu espérer moins conventionnelle mais c'est un détail.
Bravo au talent!!!
Le résultat est superbe. L'histoire est extraordinaire. Les mots fusent, virevoltent. L'écriture est précise, chirurgicale. On tourne, on remet les mots. Le texte est un immense tourbillon passionnant. Le jeu est impeccable dans une mise en scène qu'on aurait pu espérer moins conventionnelle mais c'est un détail.
Bravo au talent!!!
Trip of a lifetime
« L'histoire sans histoire d'un homme dans la France de ces vingt dernières années, les rencontres, la famille, les amis, les amours rencontrées et vécues, le travail et les aventures. Le roman.
On regarde, on imagine ce que sera sa vie, on croit la voir devant soi, et peu à peu, la vivant, on se retourne lentement sur soi-même, on observe le chemin parcouru, l'éloignement lent et certain qui nous mena là où nous sommes, aujourd'hui, du pays lointain d'où nous sommes partis.
C'est le récit de l'échec, le récit de ce qu'on voulut être et qu'on ne fut pas, le récit de ce qu'on vit nous échapper. Et la douleur, oui. La douleur, mais encore, peut-être la sérénité de l'apaisement, le regard paisible porté sur soi-même. » Jean-Luc Lagarce
La simplicité des mots, la profondeur de pensée et l'originalité de la syntaxe font de cette pièce une odyssée à suivre.
Le décor façon road-trip, et la scénographie en mode pique-nique font de la mise en scène de Clément Hervieu Leger une contrée à découvrir.
La passion et la sensibilité font du jeu des comédiens de la Compagnie des Petits champs une aventure à vivre.
Ce pays lointain vous prend au trippes
« LONGUE DATE. – Histoire d’un jeune homme qui décide de revenir sur ses traces‚ revoir sa famille‚ son monde‚ à l’heure de mourir.
Histoire de ce voyage et de ceux-là‚ perdus de vue‚ qu’il rencontre et retrouve.
LOUIS. – Il y a encore ma famille qui vit dans ce coin-là.
Je vais aller les voir‚ je dis ça‚ parler avec eux‚ régler cette affaire‚ ce qu’on n’a pas dit et qu’on souhaite dire avant de disparaître – on ne le gardera pas dans la tête‚ on s’en débarrassera – je ferai ce voyage et ensuite‚ j’en aurai terminé‚ je rentrerai chez moi et j’attendrai.
Je serai paisible.
Je dis ça. »
« L'histoire sans histoire d'un homme dans la France de ces vingt dernières années, les rencontres, la famille, les amis, les amours rencontrées et vécues, le travail et les aventures. Le roman.
On regarde, on imagine ce que sera sa vie, on croit la voir devant soi, et peu à peu, la vivant, on se retourne lentement sur soi-même, on observe le chemin parcouru, l'éloignement lent et certain qui nous mena là où nous sommes, aujourd'hui, du pays lointain d'où nous sommes partis.
C'est le récit de l'échec, le récit de ce qu'on voulut être et qu'on ne fut pas, le récit de ce qu'on vit nous échapper. Et la douleur, oui. La douleur, mais encore, peut-être la sérénité de l'apaisement, le regard paisible porté sur soi-même. » Jean-Luc Lagarce
La simplicité des mots, la profondeur de pensée et l'originalité de la syntaxe font de cette pièce une odyssée à suivre.
Le décor façon road-trip, et la scénographie en mode pique-nique font de la mise en scène de Clément Hervieu Leger une contrée à découvrir.
La passion et la sensibilité font du jeu des comédiens de la Compagnie des Petits champs une aventure à vivre.
Ce pays lointain vous prend au trippes
« LONGUE DATE. – Histoire d’un jeune homme qui décide de revenir sur ses traces‚ revoir sa famille‚ son monde‚ à l’heure de mourir.
Histoire de ce voyage et de ceux-là‚ perdus de vue‚ qu’il rencontre et retrouve.
LOUIS. – Il y a encore ma famille qui vit dans ce coin-là.
Je vais aller les voir‚ je dis ça‚ parler avec eux‚ régler cette affaire‚ ce qu’on n’a pas dit et qu’on souhaite dire avant de disparaître – on ne le gardera pas dans la tête‚ on s’en débarrassera – je ferai ce voyage et ensuite‚ j’en aurai terminé‚ je rentrerai chez moi et j’attendrai.
Je serai paisible.
Je dis ça. »
Voyage au bout de la vie ....
Il n'y a aucune complaisance dans ce texte de Jean Luc Lagarce.
Ici, on touche comme rarement à la complexité des liens familiaux, des relations humaines !
La proximité de la mort rend inutile les mensonges et les faux semblants.
Il est question de la perte, de la séparation, de la honte de soi, des arrangements et de la solitude ....et aussi, chose rare, de cette incapacité de dire aux gens qu'on aime qu'on les aime.
Les mots résonnent au fond de nous comme jamais !
La mise en scène de Clément Hervieu Léger, qui a fait des choix très convaincants, fonctionne à merveille.
Les onze comédiens, emmenés par un Loïc Corbery époustouflant de naturel, jouent très juste.
Un texte fort, l'adieu au monde d'un immense auteur injustement méconnu de son vivant.
Il n'y a aucune complaisance dans ce texte de Jean Luc Lagarce.
Ici, on touche comme rarement à la complexité des liens familiaux, des relations humaines !
La proximité de la mort rend inutile les mensonges et les faux semblants.
Il est question de la perte, de la séparation, de la honte de soi, des arrangements et de la solitude ....et aussi, chose rare, de cette incapacité de dire aux gens qu'on aime qu'on les aime.
Les mots résonnent au fond de nous comme jamais !
La mise en scène de Clément Hervieu Léger, qui a fait des choix très convaincants, fonctionne à merveille.
Les onze comédiens, emmenés par un Loïc Corbery époustouflant de naturel, jouent très juste.
Un texte fort, l'adieu au monde d'un immense auteur injustement méconnu de son vivant.
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