Critiques pour l'événement Le maître et marguerite
Spectacle puissant sautant de registre en registre. Du drame au vaudeville, de la poésie à l’animation de supermarché, de la magie au soap opera. Tout est brillamment entremêlé et cohérent. L’histoire agit sur le spectateur sans qu’il comprenne qu’il n’y peut être rien à comprendre.
Moins touffu et plus clair que le roman de Boulgakov (évidemment il a fallu simplifier).
L’adaptation de Mendjisky est une grande réussite.
Moins touffu et plus clair que le roman de Boulgakov (évidemment il a fallu simplifier).
L’adaptation de Mendjisky est une grande réussite.
Igor Mendjisky a adapté Le maitre et Marguerite. Il en a imaginé une mise en scène très foisonnante.
La pièce sera en tournée à la rentrée et vous pourrez par exemple le retrouver les 12 et 13 mars 2019 au Théâtre Firmin Gémier La Piscine de Chatenay-Malabry (92).
Igor est jeune (35 ans), est comédien et metteur en scène, d'origine polonaise ... et ce qu'il aime le plus c'est raconter une histoire. Le chef d'oeuvre de Boulgakov était une mine pour réfléchir à une scénographie qui relève (positivement) de la performance (les puristes diront qu'il s'agit d'un théâtre de tréteaux), avec parfois l'accent de l'improvisation.
Certaines scènes sont d'ailleurs réinventées chaque soir en fonction des interactions avec le public, invité à monter sur scène. La disposition trifrontale facilite la proximité entre les comédiens et les spectateurs dès leur entrée dans la salle. On remarque notamment Ivan (Igor Mendjisky) qui scrute silencieusement l'assemblée, assis sur une simple chaise, dans un des coins.
L'intrigue est complexe parce que trois histoires se croisent et que de nombreux passages sont dans une autre langue que le français (parfois en araméen, mais toujours surtitrés) comme la rencontre entre Ponce Pilate et Yeshoua Ha-Nozri (Jésus). On suivra tant bien que mal l’histoire d’amour entre le Maître et Marguerite. Et Moscou des année trente ressuscitera par moments.
Du coup je ne décrirai pas l'enchainement des scènes.
Je me limiterai à dire combien certaines sont belles, poétiques, à la limite du surréalisme, par exemple quand le magicien Woland (Romain Cottard) suggère à Marguerite de devenir une sorcière et qu'on la voit chevaucher un balai et s'envoler. Il a auparavant multiplié des tours de magie noire, avec pour conséquence de nous montrer un oeil à l'envers et d'envoyer Ivan dans un asile psychiatrique et Berlioz à Yalta. Et juste avant il aura secoué nos consciences en posant un billet de 5 euros sur une chaise et annoncé que le spectacle ne reprendrait qu'une fois que quelqu'un aura osé monter le prendre.
Comme ça marche il récidive avec 20 euros ... et même 100. Vous voilà informés. Entrainez-vous à courir et à sauter.
Certains moments sont carrément loufoques. J'ai été surprise d'entendre l'énorme succès de la star portoricaine Luis Fonsi de l'année dernière sur les ondes, Despacito (et non pas El Pasito comme j'ai pu le lire ...) avec l'invitation au public de danser si le coeur lui en dit.
La musique est d'ailleurs étonnamment utilisée au cours du spectacle : chaque tableau est introduit par une musique. Avec beaucoup d'éclectisme entre la Marche hongroise de la Damnation de Faust de Berlioz, Sympathy For The Devil des Rolling Stones (dont les paroles sont "raccord" avec la pièce puisqu'il y est question de Jesus-Christ et de Pilate), Ameno qu'Era a créé en 1996, et puis à la fin Just a perfect day, entendu pour la troisième fois au théâtre en quelques semaines (dans Papa va bientôt rentrer et dans le Lauréat), entonné par un mystérieux gros chat (Alexandre Soulié) et qui fait écho à Une si belle journée dont il est question au début du spectacle.
C'est sur cette chanson, interprétée avec originalité, mais qui ne plaira pas aux puristes qui ont en tête la voix de Lou Reed, que la soirée prend fin alors qu'un ciel de feu irradie sur le cyclo en fond de scène. J'ai retenu la réflexion d'une spectatrice en sortant de la salle : c'est particulier.
Le qualificatif résume bien ce théâtre parfois déroutant, toujours créatif, élégant et souvent onirique, servi tambour battant par des comédiens excellents qui nous interrogent sans répit sur le bien et le mal. le metteur en scène souhaitait que le spectateur soit placé au cœur de la folie de Boulgakov. On dira que c'est réussi.
La pièce sera en tournée à la rentrée et vous pourrez par exemple le retrouver les 12 et 13 mars 2019 au Théâtre Firmin Gémier La Piscine de Chatenay-Malabry (92).
Igor est jeune (35 ans), est comédien et metteur en scène, d'origine polonaise ... et ce qu'il aime le plus c'est raconter une histoire. Le chef d'oeuvre de Boulgakov était une mine pour réfléchir à une scénographie qui relève (positivement) de la performance (les puristes diront qu'il s'agit d'un théâtre de tréteaux), avec parfois l'accent de l'improvisation.
Certaines scènes sont d'ailleurs réinventées chaque soir en fonction des interactions avec le public, invité à monter sur scène. La disposition trifrontale facilite la proximité entre les comédiens et les spectateurs dès leur entrée dans la salle. On remarque notamment Ivan (Igor Mendjisky) qui scrute silencieusement l'assemblée, assis sur une simple chaise, dans un des coins.
L'intrigue est complexe parce que trois histoires se croisent et que de nombreux passages sont dans une autre langue que le français (parfois en araméen, mais toujours surtitrés) comme la rencontre entre Ponce Pilate et Yeshoua Ha-Nozri (Jésus). On suivra tant bien que mal l’histoire d’amour entre le Maître et Marguerite. Et Moscou des année trente ressuscitera par moments.
Du coup je ne décrirai pas l'enchainement des scènes.
Je me limiterai à dire combien certaines sont belles, poétiques, à la limite du surréalisme, par exemple quand le magicien Woland (Romain Cottard) suggère à Marguerite de devenir une sorcière et qu'on la voit chevaucher un balai et s'envoler. Il a auparavant multiplié des tours de magie noire, avec pour conséquence de nous montrer un oeil à l'envers et d'envoyer Ivan dans un asile psychiatrique et Berlioz à Yalta. Et juste avant il aura secoué nos consciences en posant un billet de 5 euros sur une chaise et annoncé que le spectacle ne reprendrait qu'une fois que quelqu'un aura osé monter le prendre.
Comme ça marche il récidive avec 20 euros ... et même 100. Vous voilà informés. Entrainez-vous à courir et à sauter.
Certains moments sont carrément loufoques. J'ai été surprise d'entendre l'énorme succès de la star portoricaine Luis Fonsi de l'année dernière sur les ondes, Despacito (et non pas El Pasito comme j'ai pu le lire ...) avec l'invitation au public de danser si le coeur lui en dit.
La musique est d'ailleurs étonnamment utilisée au cours du spectacle : chaque tableau est introduit par une musique. Avec beaucoup d'éclectisme entre la Marche hongroise de la Damnation de Faust de Berlioz, Sympathy For The Devil des Rolling Stones (dont les paroles sont "raccord" avec la pièce puisqu'il y est question de Jesus-Christ et de Pilate), Ameno qu'Era a créé en 1996, et puis à la fin Just a perfect day, entendu pour la troisième fois au théâtre en quelques semaines (dans Papa va bientôt rentrer et dans le Lauréat), entonné par un mystérieux gros chat (Alexandre Soulié) et qui fait écho à Une si belle journée dont il est question au début du spectacle.
C'est sur cette chanson, interprétée avec originalité, mais qui ne plaira pas aux puristes qui ont en tête la voix de Lou Reed, que la soirée prend fin alors qu'un ciel de feu irradie sur le cyclo en fond de scène. J'ai retenu la réflexion d'une spectatrice en sortant de la salle : c'est particulier.
Le qualificatif résume bien ce théâtre parfois déroutant, toujours créatif, élégant et souvent onirique, servi tambour battant par des comédiens excellents qui nous interrogent sans répit sur le bien et le mal. le metteur en scène souhaitait que le spectateur soit placé au cœur de la folie de Boulgakov. On dira que c'est réussi.
La mise en scène permet de mettre en avant ces artisans de l’illusion comme le diabolique et hypnotisant Romain Cottard. Il s’illustre avec éclat du rôle de Diable. Sans oublier l'intriguant Pierre Hiessler, l'éblouissant chat Alexandre Soulié, le talentueux conteur Yuriy Zavalnyouk, une assistante diabolique Pauline Murris ainsi que la délicate Esther Van den Driessche. Et Igor Mendjisky, touchant comédien et extraordinaire metteur en scène va aider à montrer l’illusion.
Comment être à deux endroits dans des pays différents ? On traverse le plateau pour aller un peu plus loin devant un fond vert. L’écran en fond de scène montre un magnifique décor à la plage. Puis quelques instants plus tard, le revoilà sur le devant de la scène. Magie. Et tout est de l’ordre de cet acabit avec une scène surélevée, quelques luminaires, des chaises, des écrans de surtitrages… Pas besoin d’énorme moyen quand on sait utiliser intelligemment toutes les choses et que l’on sait diriger les comédiens. L’espace s’occupe et se transforme au gré des scénettes. Et si on ne le voit pas, votre imaginaire comblera le reste. Pour passer d’un lieu à un autre, on bouge la chaise et l’éclairage et l’illusion opère immédiatement.
Le metteur en scène a dit lors d’une interview : « Je veux que le spectateur soit placé au cœur de la folie de Boulgakov. ». C’est un pari réussi.
Comment être à deux endroits dans des pays différents ? On traverse le plateau pour aller un peu plus loin devant un fond vert. L’écran en fond de scène montre un magnifique décor à la plage. Puis quelques instants plus tard, le revoilà sur le devant de la scène. Magie. Et tout est de l’ordre de cet acabit avec une scène surélevée, quelques luminaires, des chaises, des écrans de surtitrages… Pas besoin d’énorme moyen quand on sait utiliser intelligemment toutes les choses et que l’on sait diriger les comédiens. L’espace s’occupe et se transforme au gré des scénettes. Et si on ne le voit pas, votre imaginaire comblera le reste. Pour passer d’un lieu à un autre, on bouge la chaise et l’éclairage et l’illusion opère immédiatement.
Le metteur en scène a dit lors d’une interview : « Je veux que le spectateur soit placé au cœur de la folie de Boulgakov. ». C’est un pari réussi.
10/05, Paris
La Tempête
Quel défi d’adapter le roman de Mikhail Boulgakov en moins de 2h au théâtre. En effet, lorsque j'ai appris qu’Igor Mendjisky allait l’entreprendre, j’ai été immédiatement curieuse de savoir comment les 600 pages pouvaient passer l’épreuve du plateau. Autant le dire immédiatement, le défi a largement été relevé !! La fidélité au texte est manifeste (on reconnaît des passages entiers, mot à mot) et les derniers mots de Boulgakov sont projetés.
C'est grâce à la scénographie, ingénieuse, laquelle vit avec le spectacle, que l'on restitue les différents niveaux du texte. Dès lors, les objets ne sortent pas de scène. Ils restent et s’entassent. Le plateau porte la marque du passé, de ce qui a eu lieu et que l'on ne peut oublier. Il devient une sorte de palimpseste où les différents univers s’entremêlent et ne deviennent qu’un. Les histoires, les lieux, les époques et les langues : outre le français, on entend le russe et l’hébreu (langue supposée parlée par le Christ). Seul le théâtre permet ça ! Mais seule une bonne mise en scène permet que l’on parvienne à y croire. Ce spectacle remplit assurément ces conditions. Par ailleurs, le dispositif tri-frontal nous plonge dans la folie du roman, dans celle des personnages. Ce dispositif facilite, en outre, l’adresse publique. Dès notre entrée, Ivan (Igor Mendjisky) est là. Il nous attend pour nous raconter son histoire, celle du Maitre (Marc Arnaud) et de Marguerite (Esther Van den Driessche) ainsi que celle de Pilate (Pierre Hiessler).
Lorsque l'on adapte un roman à la scène, en particulier comme celui-ci, la question, selon moi, la plus importante est celle de la narration. En début de saison, j’avais pu voir comment Simon McBurney l'affrontait, avec brio, dans La pitié dangereuse de Zweig. J’ai vu aujourd’hui une autre manière de faire tout aussi passionnante. Les comédiens incarnent les personnages, parfois plusieurs.
Une très grande part de la réussite de cette adaptation du roman fleuve de Boulgakov tient précisément à la façon dont Igor Mendjisky a travaillé le passage de la narration à l’action. Nous sommes ainsi plongés dans l’histoire du Maitre et Marguerite, et tout semble aller de soi.
Il s’agit d’une adaptation riche en couleurs, dans laquelle les comédiens, vraiment excellents, chantent, dansent … Courez à La Tempête, avant le 10 juin ! Ceux qui ne pourront suivre mon conseil doivent savoir que le spectacle sera repris à Avignon dans le prochain OFF au 11 • Gilgamesh Belleville. A n'en pas douter, il sera l’un des coups de coeur de ce festival !
La Tempête
Quel défi d’adapter le roman de Mikhail Boulgakov en moins de 2h au théâtre. En effet, lorsque j'ai appris qu’Igor Mendjisky allait l’entreprendre, j’ai été immédiatement curieuse de savoir comment les 600 pages pouvaient passer l’épreuve du plateau. Autant le dire immédiatement, le défi a largement été relevé !! La fidélité au texte est manifeste (on reconnaît des passages entiers, mot à mot) et les derniers mots de Boulgakov sont projetés.
C'est grâce à la scénographie, ingénieuse, laquelle vit avec le spectacle, que l'on restitue les différents niveaux du texte. Dès lors, les objets ne sortent pas de scène. Ils restent et s’entassent. Le plateau porte la marque du passé, de ce qui a eu lieu et que l'on ne peut oublier. Il devient une sorte de palimpseste où les différents univers s’entremêlent et ne deviennent qu’un. Les histoires, les lieux, les époques et les langues : outre le français, on entend le russe et l’hébreu (langue supposée parlée par le Christ). Seul le théâtre permet ça ! Mais seule une bonne mise en scène permet que l’on parvienne à y croire. Ce spectacle remplit assurément ces conditions. Par ailleurs, le dispositif tri-frontal nous plonge dans la folie du roman, dans celle des personnages. Ce dispositif facilite, en outre, l’adresse publique. Dès notre entrée, Ivan (Igor Mendjisky) est là. Il nous attend pour nous raconter son histoire, celle du Maitre (Marc Arnaud) et de Marguerite (Esther Van den Driessche) ainsi que celle de Pilate (Pierre Hiessler).
Lorsque l'on adapte un roman à la scène, en particulier comme celui-ci, la question, selon moi, la plus importante est celle de la narration. En début de saison, j’avais pu voir comment Simon McBurney l'affrontait, avec brio, dans La pitié dangereuse de Zweig. J’ai vu aujourd’hui une autre manière de faire tout aussi passionnante. Les comédiens incarnent les personnages, parfois plusieurs.
Une très grande part de la réussite de cette adaptation du roman fleuve de Boulgakov tient précisément à la façon dont Igor Mendjisky a travaillé le passage de la narration à l’action. Nous sommes ainsi plongés dans l’histoire du Maitre et Marguerite, et tout semble aller de soi.
Il s’agit d’une adaptation riche en couleurs, dans laquelle les comédiens, vraiment excellents, chantent, dansent … Courez à La Tempête, avant le 10 juin ! Ceux qui ne pourront suivre mon conseil doivent savoir que le spectacle sera repris à Avignon dans le prochain OFF au 11 • Gilgamesh Belleville. A n'en pas douter, il sera l’un des coups de coeur de ce festival !
Je vais peut être le garder pour Avignon !
Samedi 12 mai 2018
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