Critiques pour l'événement Le Bizarre Incident du Chien pendant la Nuit
Adaptation réussie du livre de Mark Haddon, Le Bizarre Incident du Chien Pendant la Nuit nous plonge dans le monde d'un autiste au travers d'une enquête surprenante. Un petit bijou notamment grâce à la remarquable interprétation de Pierre Lefebvre Adrien.

Christopher Boone a 15 ans, est passionné par les mathématiques, l'espace. Il est doté d'une logique imparable et d'une intelligence hors norme. Incapable de mentir il aime la vérité et Sherlock Holmes. Mais Christopher n'est pas doué pour les relations avec les autres. Il est autiste et n'a jamais dépassé seul le bout de sa rue. Alors quand il trouve le chien de la voisine planté d'une fourche il n'a plus qu'un but : découvrir qui a tué l'animal. Commence une enquête qui se transforme en parcours initiatique qui lui permettra de se révéler et de se libérer de ses contraintes intérieures.

Repris pour une deuxième saison au théâtre de la Tempête, cette adaptation du roman de Mark Haddon, succès de librairie et sur la scène londonienne, est une petite pépite. Sans pathos aucun il nous amène à voir le monde par le prisme de Christopher. Un monde "plein de choses évidentes que personne ne remarque"

La mort brutale de Wellington va sortir Christopher de son petit monde entouré de son père de Siobhan, son éducatrice. Sébastien Bravard est Ed, ce père courageux et blessé qui lutte seul pour élever cet enfant passionnant mais si difficile à accompagner et qui refuse tout contact physique. Juliette Poissonnier est Siobhan. Une amie plus qu'une éducatrice. Calme, attentive, elle accompagne Christopher, faisant le lien entre le théâtre et le récit par les lectures du livre de Christopher. Elle semble être celle qui comprend et gère le mieux les comportements du syndrome d'Asperger dont est atteint son élève. Elle est le soutien le plus solide du surdoué des maths, hermétiques aux codes qui gèrent la société autour de lui, cette société de faux-semblants, de mensonges et de métaphores, tout ce que Christopher ne peut pas être, lui qui n'est que franchise, vérité et précision.

Si tous les rôles sont interprétés avec justesse Pierre Lefebvre Adrien est tout simplement éblouissant. Il incarne avec sobriété Christopher. Son jeu tout en sensibilité nous fait partager les émotions qui traversent le jeune homme perdu, perturbé, qui voit son univers complètement chamboulé. Dans ce parcours initiatique il va redéfinir son monde, donner un autre angle aux relations familiales, trouver sa vérité et sa liberté. La finesse et la maîtrise de l'interprétation étonnent, captivent, impressionnent.

La scénographie ouverte et aérée fait la part belle aux lumières qui créent et délimitent les espaces. Les vidéos de Olivier Roser et l'environnement sonore créé par Stéphanie Gibert sont d'une grande précision. La scénographie et la mise en scène se conjuguent pour rendre la perception amplifiée de l'autisme vis-à-vis du monde extérieur. Violence du ressenti, besoin de se mettre à l'écart, ralenti, apesanteur : autant d'effets qui servent à illustrer le parcours intérieur de Christopher, à nous faire partager les émotions violentes qui le traversent et finissent par nous toucher

Il faut faire le déplacement jusqu'à la Cartoucherie pour voir ce petit bijou de sensibilité.
7 oct. 2015
8/10
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Le Théâtre de la tempête à la Cartoucherie propose de découvrir l’adaptation d’un roman très célèbre Le bizarre incident du chien pendant la nuit de Mark Haddon. Après un succès sur les planches en Angleterre, ce spectacle débarque sur Paris pour surprendre le spectateur. Prêt pour une rencontre avec Christopher Boone ?

Christopher Boone, 15 ans (3 mois et 2 jours), nous raconte un moment de sa vie. Il possède une intelligence hors norme et a des difficultés de socialisation. Il vit dans son monde rempli de chiffres, de listes, de plans et de vérité. Il est capable de réciter la liste complète des pays et de leur capitale, il connaît par cœur les nombres premiers jusqu’à 7507. Ce qu’il ne comprend pas, ce sont les autres êtres humains. D’ailleurs, c’est l’une des raison pour lesquelles il étudie dans une institution spécialisée. Il habite dans une grande maison avec son père. Alors qu’un jour en sortant de chez lui, il découvre le cadavre de Wellington, le chien de la voisine, madame Shears. Il faut, comme son héros Sherlock Holmes, trouver le coupable même si son père lui interdit d’enquêter. Ses troubles comportementaux l’empêchent de créer des liens humains à part avec ses parents avec lequel il tolère juste un contact des bouts des doigts. Ce jeune autiste va mener l’enquête et découvrir bien des choses même s’il ne comprend pas tout.

Mark Haddon écrit Le bizarre incident du chien pendant la nuit (The Curious Incident of the Dog in the Night-Time) qui paraîtra en 2003. La même année, le livre va recevoir de nombreux prix dont le prix Whitbread (aujourd'hui prix Costa) et va devenir un best-seller dans le monde. Le roman est adapté au cinéma en 2006 et au théâtre où il a remporté 7 Laurence Olivier Awards en 2013, puis 6 Drama Desk Awards et 5 Tony Awards en 2015. Donc après l’Angleterre, les Etats-Unis, la pièce débarque en France et espère y avoir un succès assez semblable.

Le metteur en scène, Philippe Adrien a décidé de montrer le monde comme pourrait le percevoir Christopher avec des formes simples, dynamiques et colorées. Deux grands murs mobiles encadrent la scène pour se mouvoir au fur et à mesure de l’histoire. Des costumes proches du quotidien et très identifiables sont portés par les comédiens qui portent plus d’une casquette. Le récit nous est fait par moment par une comédienne qui lit le journal de Christopher et parfois on assiste directement à l’histoire car oui, on nous joue une pièce qui raconte la vie de Christopher, écrite par Christopher, petite mise en abîme joliment mis en scène.

Le jeu des comédiens surtout celui de Pierre Lefebvre, qui incarne le personnage principal, est parfait avec une grande harmonie. Citons-les tous : Juliette Poissonnier, Sébastien Bravard ,Nathalie Vairac, Bernadette le Saché, Mireille Roussel, Laurent Montel, Laurent Ménoret, Tadié Tuéné. Je mettrais toutefois un bémol aux moments de danse qui manquent cruellement d’osmose et de magie. J’avais l’impression de voir des gens contraints de faire une action qu’ils n’appréciaient pas. Pas pour tous bien entendu, mais cela donnait l’impression d’amateurisme et de souffrance. Pierre Lefebvre lui semblait très à l’aise dans son corps pour faire toutes les acrobaties nécessaires même pour nous parler de théories mathématiques.

La narration se fait à la drôle et émouvant sans jamais tomber dans le larmoyant ou l’apitoiement. Il y aurait de quoi lorsqu’on connaît l’histoire et cela reste très fidèle au roman. D’ailleurs, j’avais même l’impression de voir sous les yeux une réelle animation en 3d du roman qui m’a marqué par sa particularité. La mise en scène très ingénieuse et l’incrustation des vidéos font que le temps passe vite, jamais on ne s’ennuie et toujours on voyage. Se dire que l’on va voir un spectacle de 2h30 amène forcément des inquiétudes. Mais le temps passe tellement vite que l’on pas l’impression de n’avoir pas bougé pendant si longtemps. La preuve, c’est que le théâtre complet ce jour-là était rempli d’enfants entre 12 et 16 ans, et je n’ai pas entendu un bruit, ni vu de téléphone portable s’allumer. Tout le monde était captif pendant toute la représentation. C’est un signe de grande qualité de spectacle. Il faut savoir que la Comédie Française a des vues sur ce texte contemporain afin de l’intégrer à son répertoire.

Christopher Boone, prisonnier d’un pragmatisme extrême nous raconte sa vie d’adolescent. L’adaptation du roman Le bizarre incident du chien pendant la nuit au théâtre et en français est une pure réussite et vous permet de passer un agréable moment que vous ne risquez pas d’oublier.
27 sept. 2015
10/10
183
Le Bizarre Incident Du Chien Pendant La Nuit est un grand moment de théâtre, qui rassemble tout ce qu'on peut exiger d'une pièce de théâtre : de l'émotion, une mise en scène intelligente et stimulante, une histoire passionnante, et de beaux acteurs.

Et cette adaptation française n'a rien a envier a ses homologues Londoniennes et New-Yorkaises.

Le texte français est formidable, et la mise en scène de Philippe Adrien est inventive, dense et d'une belle fluidité. Les lumières sont bien pensés, tout comme les décors (épurés, et sans superflus) et les projections. Certaines scènes sont de beaux moments de bravoure, dont notamment la scène du train électrique, durant laquelle Nathalie Vairac (formidable dans le rôle de la mère) donne un monologue poignant.

Pierre Lefebvre, qui joue le héros atteint du syndrome d'asperger, est une véritable révélation. Sa prestation tenue et intense tient de la performance. Une vraie performance qu'on ne peut qu'applaudir.
A la fois drôle, magnétique, et parfois tragique, il fait filer ces deux heures comme un rêve. Difficile de ne pas penser qu'il a en effet une belle carrière devant lui, et on se sentirait presque privilégiés d'avoir put assister à une si belle prestation.

Allez-y.
Courez-y !
27 sept. 2015
8,5/10
172
Elémentaire, mon cher Christopher !

Quand on est un jeune autiste de 15 ans (syndrome d'Asperger au plus haut point), quand on est un prodige des mathématiques et de la logique, et quand, en vrai fan de Sherlock Holmes, on se lance dans une enquête consistant à retrouver l'assassin du chien de la voisine, il faut s'attendre à déclencher bien des événements en cascade et bien des sensations fortes au sein de sa propre famille.

Mais bien entendu, c'est chez nous autres, les spectateurs, que Christopher va provoquer le plus grand émoi et le plus grand trouble.

Comment ne pas se sentir concerné par la différence de ce jeune homme, et sa façon d'affronter, avec son handicap, la vie de tous les jours ?
Comment ne pas être troublé en constatant que le regard du héros sur la réalité quotidienne n'est pas exactement (c'est un euphémisme) le même que le nôtre ?
Comment ne pas se projeter dans le regard de tous les personnages qui côtoient le héros de cette pièce pendant les deux heures quinze que dure ce beau spectacle ?

Le metteur en scène, Philippe Adrien, a su éviter tout pathos inapproprié.
Il est allé à l'essentiel : ses trouvailles scénographiques sont souvent percutantes et très efficaces. S'il n'a à sa disposition évidemment pas les moyens du National Theater de Londres (où j'ai vu cette pièce l'an passé), il s'en sort pour le mieux.
Deux de ses choix m'ont fasciné : l'utilisation d'un petit train électrique et le mur sur roulette percé d'une fenêtre qui permet au personnage principal un running gag qui fonctionne admirablement.

C'est Pierre Lefebvre qui tient le rôle principal, dans lequel il est véritablement prodigieux d'inventivité, de drôlerie et de justesse. (Incarner un autiste ne doit vraiment pas aller de soi...)
Il emmène avec grâce et enthousiasme les huit autres comédiens, eux aussi très justes et très inspirés.
Ce jeune acteur est à surveiller de près : nul doute qu'il est à l'orée d'une très belle carrière.

Des lumières efficaces et des projections video permettent d'ouvrir le plateau et de multiplier les lieux.

Une très belle soirée ! On rit, on est ému, on réfléchit, on est pris à parti : que demander de plus au théâtre ?

(Il faut noter que le texte de la pièce tiré par Simon Stephens du roman de Mark Haddon avait été lu par les comédiens du Français et sélectionné par le groupe des Spectateurs engagés de la Comédie française pour une éventuelle future mise en production .)
24 sept. 2015
9,5/10
127
Une pièce insolite. Émouvant et drôle, intelligent et riche, voici un hymne à la différence digne et audacieux. Les récits de vie de Christopher, jeune autiste prodige, comme ceux de sa famille et de son entourage, nous questionnent, nous touchent et nous captivent.

Tirée du roman éponyme de Mark Haddon, publié en 2003, cette histoire nous embarque dans un sorte d’épopée mystérieuse. La quête de vérité conduite par Christopher cherche à donner du sens à cette réalité étrange qui l’entoure, remplie de mensonges protecteurs et de révélations surprenantes. Une formidable quête de sens à la vie et à la notion de liberté.

Le chien Wellington est mort. Madame Shears, la voisine, retrouve sa pauvre bête transpercée par une fourche de jardinage, Christopher à deux pas de la scène. Ah, il ne fait pas bon voir la haine vindicative de cette femme contre la peur farouche criant son innocence du jeune adolescent ! Son père le tire de là mais quand même...

Commence alors la « Chanson » de Christopher, comme celle de Roland luttant naguère contre des armées. Avec sa logique implacable, son courage et sa conviction, notre jeune héros s’en va procéder aux investigations nécessaires, à la manière d’une enquête policière, pour découvrir le meurtrier de Wellington. Bon, son père lui demande bien d'arrêter ça mais non. Puis, il partira à Londres découvrir la ville, le métro et sa mère qu'on lui disait morte. Ensuite, il reviendra chez son père pour passer avec succès son examen de mathématiques.

Entre des "puis encore"…et des "quand soudain"… des "alors mais" et des "donc il semble"… Que de péripéties et de découvertes l'attendent !

Un parcours aux allures initiatiques, parsemé de hasards, de ruses et de rencontres, nous montre Christopher comprenant un peu mieux les humains, touchant du bout du doigt un peu du bonheur de la liberté, dans sa différence enfin vue par les autres avec des regards moins troubles, presque égaux.

Narrations et jeux, silences et musiques, tableaux vivants et mouvements s’entremêlent et se conjuguent. La mise en scène finement élaborée de Philippe Adrien raconte ce récit avec une adresse efficace et une inventivité impressionnante, le faisant traverser des univers réaliste, onirique et fabuleux.

C'est un détonant Pierre Lefebvre Adrien qui joue l'adolescent, remarquable jeune comédien qui surprend, comme à l'habitude désormais, de sa fougue et de sa sincérité.

La distribution toute entière est au diapason, brillante et précise. Les comédiens sont tous captivants, chaleureux et enthousiastes, nous cueillant souvent par des moments choraux joués ou dansés, aux sourires joyeux ou tristes, toujours à fleur d'émotions. Du bel ouvrage.

Nous sortons de cette histoire prégnante où la joie se mêle aux souffrances, éblouis et émus, complices convaincus de son optimisme bienveillant.

Un fichu et mémorable bon moment de théâtre soigneusement réalisé et remarquablement bien joué.
20 sept. 2015
9/10
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J'ai vu cette pièce hier soir.

Pas choisie, emmenée par des amis. Bouleversée par la justesse de l'observation de la différence, la profondeur de l'analyse des rapports humains, ambivalents certes mais pas méchants.

Une note d'optimisme réaliste dans le monde d'aujourd'hui.
11 sept. 2015
6,5/10
252
Ce n’est pas dans le théâtre de la Tempête qu’on entre mais dans un autre monde, celui de Christopher, jeune enfant autiste et génial.

C’est un monde logique, géométrique, aux lumières carrées et où tous les objets ont des angles droits. Un monde froid, organisé, et très enfantin mais qui nous semble, à la fin de la pièce, chaleureux et familier.

Cette distanciation que Christopher prend avec le réel nous fait apparaître, avec d’autant plus de cruauté, les malheurs qu’il traverse lui et sa famille. C’est une tragédie, mais vue sous l’œil enfantin et mathématique d’un enfant de 15 ans, trois mois, et quelques jours (comme il aime si souvent le répéter). Dans son monde constitué d’étoiles, de trous noirs, et de théorèmes mathématiques, plusieurs personnes gravitent : Shioban, jeune fille aidant Christopher dans son quotidien mais aussi à écrire son histoire, et qui se fait le parfait médium entre l’onirisme du garçon (qu’elle suit et qu’elle encourage) et la réalité qu’elle rappelle en permanence (oui, nous sommes au théâtre, et nous suivons une pièce écrite par le personnage principal au moment même où il l’écrit). Il y a aussi son père, qui s’occupe de lui avec dévouement mais qui sera pourtant la cause du basculement tragique de la pièce, par excès d’envie de protéger son enfant. Sa mère aussi, absente la plupart du temps mais en même temps présente, par sa voix et par ses lettres et qui, à travers la quête du meurtrier du chien Wellington, devient la recherche absolue du héros.
Toutes ces personnes forment le monde humain souple et dissolu qui entoure Christopher tout en se heurtant à sa rigidité à lui, à son inflexibilité face à la vérité des faits.

Le bizarre incident du chien pendant la nuit s’étire parfois un peu trop en longueur, par des explications trop évidentes ou inutiles mais qu’un événement vient vite faire rebondir, soit par des danses qui offrent une certaine souplesse à la rigidité du décors et du monde dans lequel le public évolue, soit par la musique, soit par une nouvelle péripétie, une nouvelle énergie qui est insufflée dans la pièce. On a parfois du mal à suivre le déroulé des épisodes désordonnés de la vie du personnage mais l’énergie de la pièce, de ses acteurs, et surtout l’incroyable histoire qui nous est racontée nous maintient en haleine pendant deux heures et demi.

Un joyeux happy end qui transforme en espoir les maladresses des hommes face au monde droit de Christopher.