Critiques pour l'événement La révolte
15 avr. 2018
8/10
181
4 heures de la révolte d'une femme ...

4 heures qui contiennent tous les combats, tous les espoirs d'Elisabeth.
4 heures qui disent "non" à cette lente asphyxie auprès d'un mari effrayant de sécheresse de coeur, de matérialisme et d'étroitesse d'esprit.
4 heures pour ouvrir la porte d'une prison qui n'est même pas dorée.

4 heures pour se rendre compte que c'est trop tard, trop dur de partir, de laisser sa fille.
4 heures pour renoncer et pour se résigner.

Le retour d'Elizabeth chez elle est glaçant, et désespérant !
Les rêves sont vains, l'argent et les conventions l'emportent, la porte de la prison est bien trop lourde.

Le décor est froid, la mise en scène sobre, les deux comédiens tout en retenue ... Et l'intensité dramatique de l'intrigue n'en a que plus de force.

C'est avec une grande tristesse et beaucoup d'empathie que nous voyons un idéal se briser sous nos yeux!
Cette peur de la solitude qui une fois encore anéantit tout désir de liberté.
Un texte magnifique qui résonne toujours aussi fort et aussi juste.
27 mars 2018
8/10
138
Nous sommes en 1870 dans une famille bourgeoise, Elisabeth a épousé Félix, se soumettant toute entière à lui. Cette vie ne lui plait pas, elle n’est guère considérée par son terre à terre de mari.

Grâce à son intelligence, elle a triplé la fortune de la maison en quelques années et puis elle décide de partir, après un inventaire méticuleux et édifiant de ‘ce qu’elle a couté à son mari’… Le laissant abasourdi et avec leur enfant à charge, elle prend un fiacre qui l’emmène ailleurs. Mais nous sommes vers la fin du 19 ème siècle, comment va-t-elle ‘vivre’ ? Car ce qu’elle veut c’est vivre…

Cette courte pièce tirée d’un ouvrage de Villiers de Lisle Adam est mis en scène avec une simplicité désarmante d’efficacité, pas besoin d’artifice. La pièce sobrement meublée, séparée par un filet presque transparent pour mieux marquer l’infinie distance qui existe entre les mondes d’Elisabeth et Félix, et des lumières douces, se suffisent pour nous plonger dans l’intimité de ce couple et du gouffre qui les sépare.

Les comédiens sont fascinants :
Elle, c’est Julie Marie Parmentier dans un rôle qui lui va si bien. Lorsqu’elle argumente sur son désir de liberté, elle est absolument convaincante. On est en empathie avec elle. Son propos demeure intemporel.
Lui, c’est Olivier Cruveiller qui joue parfaitement un mari paternaliste et arriviste. Il est tellement ’éloigné’ de sa femme que ses réponses sont toujours à côté de la plaque, ce qui nous fait sourire.

Je conseille cette pièce qui reste toujours d’actualité car en matière d’égalité, rien n’est jamais acquis, il faut rester sur la brèche !
26 mars 2018
8/10
149
Julie-Marie Parmentier donne toute sa force et son émotion a Elisabeth, Olivier Cruveiller est tout à fait crédible dans le rôle de cet homme, confronté à une révolte à laquelle il ne pensait même pas !

Cette pièce a été créée en mai 1870 au théâtre du Vaudeville, elle a choqué les esprits, et la France allait basculer, quelques mois plus tard, dans la guerre avec l’Allemagne.

J'avais déjà découvert cette pièce en novembre dernier aux Déchargeurs. Au Poche ils sont bien dans l'époque, et il y a aussi une différence d'âge entre les comédiens, ce qui n'était pas le cas aux "Déchargeurs" qui avait placé l'histoire de nos jours et Julie-Marie Parmentier fait plus femme-enfant que Maud Wyler.
22 mars 2018
8/10
153
Avec un texte un peu ancien, une salle intimiste, une mise en scène "moderne"... au premier abord, La Révolte semblait assez éloigné de ce que j'aime au théâtre.

Et pourtant, j'ai passé un très bon moment.

Cette pièce est une bonne surprise grâce aux deux excellents acteurs et l'intensité de leur jeu, à une mise en scène toute en finesse et à un décor soigné. Ce décor minimaliste est vraiment remarquable de justesse et d'intelligence.
Finalement, tout est mis au service ce beau texte aux résonances très actuelles.

En trois mots, c'est court, efficace, intense. Trois belles qualités pour cette pièce que je vous recommande vivement.
21 mars 2018
8,5/10
157
La révolte, texte d’Auguste de Villiers de L’Isle-Adam.
Très belle interprétation de Julie-Marie Parmentier.
1870
Élisabeth et son époux ne vivent et ne travaillent que pour faire augmenter leur capital.
Élisabeth, mariée à cet homme par soumission, aspire à d’autres idéaux que l'appât du gain dans la vie.
Elle va se révolter pour retrouver sa liberté et vivre ses désirs.
*J’ai payé ma dette sociale.
*Je veux vivre, je meurs de non vivre.
*Je n’entends que sonner l’argent dans vos paroles.
*Aimé le soleil, la beauté… Rêver c’est oublier l’humiliation.
La souffrance de cette femme assujettie à son époux est violence et tragique.
Julie-Marie Parmentier émouvante nous transperce le cœur.
Mais nous sommes en 1870 :
Elisabeth ira-t-elle au bout de ses convictions ?
Son éducation, ses principes, sa peur de solitude dépasseront- ils son désir de liberté ?
Olivier Cruveiller campe à merveille ce mari imposant, égocentrique, conventionnel et macho.
Ce texte de 1870 est malheureusement d’actualité et concerne encore de nombreuses femmes de par le monde.
21 mars 2018
9/10
54
« Je veux vivre ! »
Tel est le cri que pousse Elisabeth.

Elle n'en peut plus, Elisabeth, de sa condition de femme soumise.
Elle n'en peut plus d'être reléguée par son mari Félix, affairiste bourgeois, au rang de simple objet plus ou moins utilitaire.
Elle veut vivre, elle veut être écoutée, considérée, respectée.
Elle veut également de la poésie dans sa vie. Elle veut exister. Elle veut être.

En cela, cette révolte est est un combat véritablement féministe. Elisabeth lutte depuis quatre ans et demi.
Elle n'a pas choisi son mari, nous sommes à la fin du XIXème siècle. On dirait maintenant que son mariage a été arrangé. Ce qu'on reproche (à juste titre) à d'autres cultures a eu lieu chez nous, dans notre pays. C'était la norme bourgeoise de l'époque.

Mais une autre révolte couve. Elisabeth n'en peut plus de ces tripatouillages financiers qu'elle observe et connaît bien en tant que comptable de son mari.
Elle ne veut plus participer à la spoliation des plus faibles, elle ne veut plus assister, impuissante, à la ruine d'autres hommes.

En cela, cette femme s'élève contre un capitalisme naissant
Ces deux révoltes en une contiennent bien des ferments de luttes à venir.

Nous sommes en 1870, la pièce sera retirée de l'affiche du théâtre du Vaudeville cinq jours seulement après la première. A la veille de la Commune, on comprend pourquoi...

Le metteur en scène Charles Tordjman a opté pour une grande simplicité scénographique et dramaturgique.
Un grand cadre tendu d'une très fine gaze occupe les trois quarts du plateau, matérialisant la pièce principale de la demeure, mais également la distance qui sépare les deux époux. Beaucoup de dialogues seront dits de part et d'autre de cet obstacle.

Les lumières sont très douces, nous sommes pratiquement en permanence dans un clair-obscur, avec beaucoup d'éclairages latéraux.

Les costumes sont d'époque (mention spéciale à Cidalia Da Costa pour sa très belle robe couleur sépia, avec un domino assorti), mais l'on comprend très vite que le propos est intemporel.

Julie-Marie Parmentier est Elisabeth.
Elle est tour à tour glaçante (son énumération des biens acquis à restituer à son mari m'a fait froid dans le dos) et déchirante.
La comédienne parvient sans mal à nous convaincre du véritable calvaire qu'a enduré son personnage, elle nous fait partager l'horreur de cette aliénation quotidienne.
Elle est alors bouleversante en femme à qui un homme, même inconsciemment eu égard aux normes sociétales bourgeoises de l'époque, a voulu ôter tout libre-arbitre.

Melle Parmentier s'est emparé de bien belle manière de ce texte long et difficile. Son Elisabeth m'a énormément touché.

Le mari Félix est incarné par Olivier Cruveiller.
Il parvient sans peine à nous convaincre de la « monstruosité passive » de son personnage : ce qu'il a fait endurer à sa femme, il l'a fait sans s'en rendre compte, parce que c'était comme ça et pas autrement qu'à l'époque il fallait faire.

C'est là l'enjeu du rôle que prend admirablement à son compte le comédien.
Certaines de ses interventions nous font rire, tellement elles sont monstrueuses de machisme et de paternalisme.
Je vous conseille d'observer Olivier Cruveiller lorsqu'il regarde sa partenaire et écoute ses tirades : sa façon de jouer l'offusqué, l'interloqué est jubilatoire.

Quant à la fin de la pièce...
Il faudra vous rendre au Poche-Montparnasse pour en savoir plus, ne comptez pas sur moi pour vous la dévoiler...

Le metteur en scène et ses deux comédiens nous proposent donc un moment de théâtre fort et poignant, mais également un moment de saine et indispensable réflexion.

En matière d'égalité des sexes, et de respect mutuel, rien n'est jamais allé de soi et rien n'est jamais gagné. Il a fallu combattre, et il faut encore lutter : beaucoup reste encore à faire.
C'est une très bonne idée que d'avoir décidé de monter cette pièce trop peu jouée.

J'ai vu en 2017 une autre version de cette pièce au Déchargeurs, j'ai hâte de voir celle-ci !

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Mercredi 21 mars 2018