Critiques pour l'événement Britannicus
17 sept. 2016
7,5/10
80
Lorsqu'on dit Racine, certains visages commencent à se crisper. Et cela empire lorsqu'on annonce Britannicus. Mais c'est parce qu'ils n'ont pas vu l'incroyable adaptation à la Comédie Française de Stéphane Braunschweig. Parce que s'ils l'avaient vu, c'est un sourire pleins d'admiration qui serait. Mais pourquoi?

Que raconte cette pièce?
On pourrait croire que Britannicus est au coeur de l'histoire puisque c'est son prénom que porte le livre. C'est une victime collatérale de la lutte sans merci que se livre sa mère, Agrippine et son frère, Néron pour diriger Rome. Il va être au coeur d'une autre lutte avec son demi-frère Néron pour la possession de la belle Junie. Les deux hommes sont tombés amoureux de la demoiselle et l'empereur veut la prendre pour épouse dès qu'il aura répudié celle qu'il a. Il n'aime pas cette dernière et elle ne lui donne pas d'héritier. Sauf que Junie partage les sentiments de Britannicus. L'amour peut-il triompher du mal? Le doute persiste et les confidents Narcisse, Burrhus et Albine vont changer l'histoire en influençant leurs maîtres.

Comment est la mise en scène?
Pour rendre cette quête de pouvoir actuel, le metteur en scène Stéphane Braunschweig a décidé de placer l'histoire dans un lieu du pouvoir contemporain. Les portes et les fenêtres semblent écraser les occupants qui sont face à une destinée bien compliquée. L'avant-scène est occupée par une salle de réunion froide et impersonnelle avec une très grande table et des fauteuils chromés. Il n'y a pas besoin de se charger d'artifice pour montrer la violence glacée qui y règne. Dans le fond de scène, des portes apparaissent et disparaissent à la hauteur des secrets et des complots qui se trament dans le palais de Néron. Il faut toujours être au courant de tout lorsqu'on est au pouvoir et ne pas hésiter à franchir des limites.

Le metteur scène choisit aussi cette neutralité dans les costumes de comédiens avec pardessus ou costumes noirs et chemises blanches. Aucune couleur ne viendra teinter cette tragédie.

Il y un petit élément qui m'a quand même gêné. C'est la transition entre les actes avec la descente d'un rideau avec des effets visuels et sonores. J'ai trouvé que cela coupait l'élan de l'histoire de façon un peu brutale qui demandait de se reconnecter dans le moment.

Sinon, mon moment préféré est l'échange entre Agrippine et Néron à la suite de la mort de Britannicus. Ils parlent de l'horreur de ce meurtre horrible et en fond, derrière un filtre, le corps torse nu de l'homme sur un fauteuil. Une scène que j'ai trouvé touchante et profonde qui met vraiment en exergue la folie qui touche le pouvoir.

Qui sont les personnes derrières les personnages?
Dominique Blanc, pour son premier rôle comme pensionnaire du Français incarne une femme de pourvoir. Agrippine, soeur de Caligula, un maillon de la généalogie de la violence. Elle veut toutefois faire la paix et met au calme sa fureur. C'est avec un langage posé et réfléchit que son personnage va montrer sa complexité, sa lucidité et surtout sa grande intelligence. Cette comédienne nous montre une grande Agrippine.

Laurent Stocker, qui est un de mes comédiens préférés de la Comédie Française montre à chaque pièce que je vois de lui l'étendue de son talent. Je l'ai trouvé extraordinaire dans ce Néron froid et odieux. Visage impassible, les émotions n'ont pas de place dans l'exercice du pouvoir même pour la famille, plutôt perçue comme de potentiels rivales. Il veut se libérer de l'emprise de sa mère et veut la haïr de ton son corps. Une partie se le refuse et pour éviter cela, il préfère l'éviter. Mais la rencontre est obligatoire. Agrippine connaît un peu l'influence qu'elle peut avoir sur lui.

Néron : "Heureux ou malheureux, il suffit qu'on me craigne."

Stéphane Varupenne incarne avec douceur et sensibilité Britannicus Grand, fort, toujours avec sa barbe, il rend jaloux Néron ce qui lui vaut sa haine, alors qu'ils ont été élevés ensemble. Il se dégage quelque chose de fragile de ce comédien qui rend son personnage encore plus attachant. Surtout que la palette des émotions va être de rigueur car il va sentir le bonheur auprès de son aimé, Junie (Georgia Scalliet), la souffrance du fait qu'on lui retire son amour et la colère envers son frère qui veut la prendre pour épouse. Il va passer par toutes ces phases qui rappellent à quel point on est fragile lorsqu'on aime vraiment.

Les rôles des trois conseillers, discrets et peu présents, vont influencer le destin. Hervé Pierre/Burrhus incarne l'homme qui a tout vu et vécu qui se veut donner les meilleurs conseils en toute honnêteté. D'ailleurs, il dira à Agrippine : "Ce n'est plus votre fils, c'est le maître du monde". J'ai adoré le sérieux du personnage accentué avec la voie grave du comédien. C'est le seul qui va changer d'avis pour maintenir une paix au coeur du royaume. Car Benjamin Lavernhe/Narcisse, va être perfide et va manipuler l'empereur sans scrupule. Grand, léger, discret, on a envie de lui faire confiance et de lui ouvrir notre coeur. Le pauvre Britannicus va se prendre au jeu et va en perdre la vie.

Cette pièce de 1 800 alexandrins de Jean Racine mêle politique et psychologie. Le spectateur plonge dans un univers où la manipulation est maîtresse et où le malheur est roi. Empire ou entreprise, les rivalités et les traitrises sont là, un parallèle intéressant qui a donné tout son intérêt à cette pièce. Encore une fois la Comédie Française montre l'étendue de son talent et de sa virtuosité.
15 sept. 2016
5/10
64
Malgré une mise en scène transposée ici dans un "board" d'une entreprise, la pièce est extrêmement scolaire avec un jeu très bavard et dont la froideur est surtout très monotone.
21 juin 2016
7/10
159
Une salve d'applaudissements, le public en redemande et le rideau se relève par trois fois. Les acteurs semblent heureux (étonnés?) de cet enthousiasme. Dominique Blanc fait une rentrée au Français sans faux pas, avec cette prestance et cette belle voix à la diction parfaite qui la caractérisent. Une grande actrice sur un beau texte de Racine. La troupe offre un bon spectacle, digne de ce qu'on pourrait attendre du Français mais on a vu largement, largement mieux. Voici pourquoi:

La mise en scène tout d'abord : pourquoi ces vilaines tables d'open space, ces imperméables qui nous rappellent qu'il pleut dehors ? Vient-on au théâtre pour voir ce qui nous environne tout le jour ? Pourquoi refuser de nous faire rêver un peu avec de beaux costumes et un décor plus auguste ? Certes la mise en scène d'il y a de ça plusieurs années de Bérénice, ultra classique à force de colonnades et de toges, avait engloutie les acteurs en leur ôtant un peu de crédibilité car on ne se reconnaissait pas dans le drame. Mais n'y a-t-il point de juste milieu possible ? De plus jamais les acteurs ne nous regardent, ils sont comme derrière un écran de télévision, nous tournent le dos. On aurait voulu des personnages plus en contact avec l'audience, qui jettent des regards dans la salle car malheureusement l'émotion ne passe pas, on a l'impression d'être snobé. Les règles de théâtre les plus élémentaires (ne pas tourner le dos au public par exemple) sont faites pour établir ce lien qui peut faire basculer une représentation dans le sublime, il ferait bon le rappeler à Stéphane Braunschweig!

La distribution ensuite : malgré la gentillesse qu'on lui sait dans la vie quotidienne, Laurent Stocker n'a pas exactement la carrure d'un Néron. Sa petite taille lui donne l'air d'un nabot aux côtés de Narcisse, un nabot certes un peu méchant mais surtout pantois. La pièce eut pu se nommer "Néron manipulé" plutôt que "Britannicus". On aurait aimé un Néron un peu plus vicieux et moins soumis à son entourage. Pour sa part, Dominique Blanc fait une Agrippine fort attachée au pouvoir mais qui sait jouer de sa verve et de son statut maternel pour mener sa barque. Il y a ce moment très court mais jubilatoire, après qu'Agrippine ait convaincu son fils, où l'actrice nous regarde et regarde les acteurs avant de partir en pavoisant comme une pimbêche. Génial, le public attentif et avide saisit cet instant et rit de bon cœur: il aurait fallu plus de ces petites étincelles car le public a suivi d'un gloussement où d'un murmure à chaque fois qu'on lui a donné quelque chose sous la dent en se rappelant qu'il faut jouer avec lui. Ne négligez pas un si bon public, monsieur Braunschweig, c'est pour lui que le thêatre est! On salue la prestation de Georgia Scalliet qui n'a plus à prouver son talent ni sa capacité à mettre de l'émotion dans son jeu. Certains acteurs m'agacent en ne s'oubliant pas derrière leur rôle et paraissant toujours eux quel que fut le rôle qu'on leur donne. Georgia Scalliet me plaît au contraire par sa constance dans la beauté du jeu.

Une bonne représentation donc mais une mise en scène qui ne met pas assez en lumière le talent des acteurs, une distribution à peut-être remanier et un texte qui aurait pu être un peu plus sublimé quoique la diction soit parfaite et qu'on arrive parfois à compléter les alexandrins. Un petit effort monsieur Braunschweig, c'est à la Comédie Française que vous "dirigez", je reste sur ma faim !!!!
20 mai 2016
4/10
100
Dieu que c'est froid, long, glaçant.

Le parti pris des décors, de la mise en scène, du jeu des acteurs, a été un vrai supplice pour moi. Première fois que je vis une vraie déception sous l'administration d'Eric Ruf.

J'adore les acteurs, pourtant, la distribution est parfaite. Mais tout cela est si froid. Trop froid. Mais je vous laisse juger.
13 mai 2016
5,5/10
220
Britannicus est une pièce qui a des défauts et des qualités.
En effet, la mise en scène est très bien réalisée et le jeu de portes annonce les jeux de pouvoir. Les voiles noirs mettent eux en lumière les intrigues normalement gardées secrètes.

De plus, les costumes, la monumentalité des ouvertures et l'épurement de la mise en scène créent une forme de tension palpable qui annonce la tragédie.
Le décor épuré était en accord avec la sobriété de la diction du texte.
Les acteurs sont bons, Dominique Blanc excelle dans son rôle d'Agrippine.

Le bémol est dans le texte. Peut être étais-je fatiguée ou le texte était un peu difficile mais je n'ai pas accroché. Le lyrisme me perdait, m'embrouillait et l'histoire me filait entre les doigts. Le respect stricte du texte m'a donc dérouté.
Les vers n'étaient pas assez chantés pour faire ressortir les rimes, les jeux de mots, les sous-entendus.

Dommage.