Les blagues de cul ne m'font pas bander !
« N’écris pas ça tu vas passer pour un gros coincé ! » Même si ma douce me crie cet avertissement hautement dissuasif de la pièce d’à côté, je ne tiens pas compte de la censure conjugale et fait mon coming out humoristique. Cela devient trop difficile pour moi de garder le secret.
Je ne suis ni un mormon de Salt Lake City ni un curé branché sur RCF toute la journée et pourtant : je n’aime pas la vulgarité au théâtre.
Ça y est c’est dit. C’est dur à avouer à 27 ans mais les blagues de cul ça ne me fait pas bander. Les disciples de Freud très présents sur les réseaux sociaux m’aideront peut être à trouver une explication (#mecfrustré) et à me remettre dans le droit chemin (#coincédécomplexé) ; ou tout le monde s'en foutra et je pourrai enfin être moi-même sans craindre le regard des autres.
Comme vous me voyez Comme je suis vraiment
DSK = RIRES GRAS
Avec mon QI d’énarque major de promo et ma finesse à toute épreuve, j’ai l’impression que si je dépense l’argent gagné à la sueur de mon front pour aller voir des artistes, j’ai le droit à mieux que de l’humour bas de gamme. Alors ce monde est-il vraiment fait pour moi ? (à lire avec un ton héroïque) Si oui, pourquoi la brillante émission TV Touche Pas à Mon Poste a commencé à exploser l’audimat en reprenant la chanson "quand il pète il troue son slip" ?
Certes, nous avons tous un instinct bien aiguisé qui nous fait réagir aux allusions érotiques. Elles nous rappellent inévitablement notre adolescence rebelle avec les magazines pornos cachés sous le matelas. D’ailleurs, si je vous montre au même moment une photo de femme nue d’une main et un plan de l’aéroport de Toulouse Blagnac de l’autre, votre regard sera d’abord attiré par la photo… C’est un petit cadeau que Dieu a fait aux publicitaires et aux auteurs de théâtre, les belles formes suscitent la curiosité et nous mettent dans un état de grande réceptivité.
Et puis l’humour c’est très subjectif et les seules blagues qui fassent vraiment rire tout le monde sont celles de son supérieur hiérarchique. En y riant goulument, on espère en tirer un jour un quelconque avantage. Mais j’ai remarqué que pipi, caca, nichon, prout, ça pue, t’as une grosse bite, ça me gratte la chatte ou encore une petite allusion à DSK déclenchait systématiquement des éclats de rires gras dans toutes les salles de spectacles, quel que soit le contexte.
C’est même statistiquement infaillible : deux spectateurs sur trente sont pris de crises de fou rires, se mettent dans un état second, rien qu’à entendre l’un de ces mots magiques. Ils se tapent sur les genoux, se tiennent le ventre et regardent leurs voisins avec l’air satisfait qu’on puisse avoir de telles émotions dans un théâtre. La récente étude de neuromarketing sur les rires aux graisses 100% saturées -commandée par les théâtres parisiens- a révélé que c’est le cerveau reptilien qui répondait plus ou moins aux sollicitations lubriques, en coupant même entièrement l’alimentation du néocortex et du limbique dans certains cas.
Je dois plus tenir du singe que du reptile.
HUMOUR BON ENFANT + FINESSE + UN SOUPÇON DE VULGARITÉ = STANDING OVATION
La blague vulgaire, c’est un peu la valeur sûre. Quand le trait d'humour recherché va déclencher un sourire malicieux qui ne couvrira pas le bruit d'une mouche qui vole, la bonne vieille blague de cul va elle exploser les décibels. Peut-on en conclure que le niveau sonore des rires dans la salle est inversement proportionnel à la qualité de la comédie ?
Difficile à dire. Nous avons sur notre site de nombreux visiteurs qui culpabilisent quand ils n'aiment pas une comédie car ils ont l'impression d'être les seuls à ne pas avoir ri. Rouges de honte, ils attribuent un 4/10 à la pièce en s’excusant de ne pas avoir compris ou aimé les blagues. Nous tenions à les rassurer, s’ils n’ont pas apprécié (ou même détesté) l’humour sous la ceinture, ils ne sont surement pas les seuls. Une minorité rieuse couvre parfois le désespoir de la majorité silencieuse.
Dans la recette d’un spectacle réussi, pour exploser l'applaudimètre et avoir des standing ovations tous les soirs, l'essentiel est de trouver le bon dosage avec de l'humour bon enfant, de l'humour fin et une pointe de vulgarité. Il faut toujours quelques allusions sexuelles pour réveiller les dormeurs, comme il faut une petite amourette dans chaque bon blockbuster américain.
Après, certains auteurs ont la main lourde, et n’ont de toute façon pas l’inspiration pour faire mieux…
Bon... J'avoue que de temps en temps je sors aussi une petite blague de cul, en fin de repas au resto routier de l’autoroute A21, entre potes, quand tout le monde à un petit coup de rouge dans le nez.
C'est que j'ai un talent moi aussi.
Finalement, oubliez ce que vous venez de lire, je vais peut être me lancer dans l'écriture d'un one man show.
Petit conseil de survie en milieu hostile : Si un jour vous vous prenez une rafale de blagues salaces foireuses en pleine figure dans un petit théâtre, FAITES TOUJOURS SEMBLANT DE RIGOLER.
C’est peu naturel, assez désagréable, mais cela vous évitera d'être pris à parti et de devoir expliquer à l'humoriste-improvisateur pourquoi vous restez impassible.
N'hésitez pas à partager avec nous (@aubalconoff ou par mail : contact-at-aubalcon.fr) vos expériences les plus agréables ou au contraire traumatisantes de vulgarité au théâtre !
Nous garderons toute notre vie le souvenir des blagues salaces de Sans Filtre : la pièce arrive à son apogée quand l'un des acteurs se met face au public pour montrer son sexe quelques secondes, avant de partir en courant, très fier de lui.