10 idées pour la Nuit des Molières soumises a son President
La rédaction AuBalcon s’est prise à rêver en empruntant la casquette de Jean-Marc Dumontet -Président des Molières qui a réhabilité la cérémonie avec succès en 2014- et laissant galoper son imagination pour trouver des idées qui feraient de la cérémonie 2015 une nuit des Molières unique.
Notre groupe de réflexion, composé essentiellement de chercheurs au CNRS, a pondu un rapport de 12 587 pages de papier recyclé.
Nous avons voulu confronter nos idées extraordinaires et nos suggestions miraculeuses à l’oreille dubitative de Jean-Marc Dumontet, organisateur de la cérémonie. Notre échange prenait place dans les bureaux de JMD production, entre une photo d’Alex Lutz et un prix de Nicolas Canteloup…
NOS 10 IDÉES
1. Confier la mise en scène de la cérémonie au gagnant du Molière de la mise en scène de l’année précédente, afin qu’elle soit la vitrine des progrès dans ce domaine.
L'avis de Jean-Marc Dumontet : C’est une émission de télé. La télé et le théâtre ne font pas bon ménage et il faut vraiment intégrer les codes de la télé. J’étais très content de la cérémonie 2014 qui a honoré des metteurs en scène de grand talent. Ce n’est pas pour autant qu’ils sauraient faire une bonne émission télé. Donc je crois que c’est une fausse bonne idée.
Très spontanément beaucoup de metteurs en scène m’ont proposé de le faire l’année dernière mais je pense qu’ils ne savent pas faire.
2. Mettre tout un décor sur la scène pour créer un univers et donner plus de vie à la cérémonie.
Bzzzzzzz (mouche qui vole). Vous trouverez la réponse dans le volet II de l'interview. On vous expliquera.
3. Interdire les mots « Merci » et « Intermittent » dans les discours et interventions, sinon 2 ou 3 rugbymans connus en tenues évacuent la personne de la scène... ou un groupe de musique mexicain entre pour jouer un jingle entrainant.
Ouais ce sont de bonnes idées, c’est rigolo.
Je ne sais pas ce que fera Nicolas Bedos.
On a eu la chance l’année dernière de ne pas être en direct et je plaide pour avoir à nouveau cette chance cette année. On sait que sur ces cérémonies il y a tout un tas de débordements sur les remerciements. On a dit à tout le monde si c’est trop long on coupe et comme par miracle tout le monde a tenu.
4. Diffuser une vidéo humoristique qui fait le point sur le régime de l’intermittence, où ça en est, quelles évolutions par rapport à l’année précédente etc. Un truc simple de deux trois minutes qui clarifie le sujet (dans le style ‘Edito de Blako’ sur Canal+).
Moi s’ils m’avaient apporté une vidéo et que cette vidéo avait effectivement été audible, acceptable, pourquoi pas.
C’est compliqué parce que ça se fait dans des délais très courts. Ça fait l’objet de négociations. Trois jours avant la cérémonie on était encore en train d’en discuter. Je ne voulais pas que ce qu’on me propose soit indigne par rapport à la ministre. Je suis dans un Etat démocratique il y a des choses que je ne veux pas accepter.
Il fallait mener ces négociations avec différents interlocuteurs qui changeaient d’ailleurs au fur et à mesure. C’est un passage obligé qui ne nous fait pas forcément du bien. Moi j’étais là pour éviter les débordements et pour que ça reste digne. Je ne suis pas là pour empêcher les gens de parler mais je ne veux pas que les personnes se fassent insulter. C’est beaucoup de dosage. Ce n’était pas simple.
5. Demander aux lauréats de tirer au sort une contrainte pour rendre leurs discours plus originaux. Ce sera tantôt de faire un discours mimé ; tantôt un discours « suicide » (en devant faire semblant de mourir à la fin) ; un discours couché ; un discours dans le noir ; s’ils sont plusieurs un abécédaire (chaque personne commence sa phrase avec une lettre de l’alphabet, A puis B, puis C etc.).
L’idée est bonne que ça soit l’abécédaire, que ça soit « à la manière de… ». Moi ce que j’ai vu de l’intérieur c’est que les gens qui arrivent au micro sont souvent paumés. Certains sont surprenants et décevants alors qu’on pense qu’ils vont… Je ne sais pas quoi vous dire parce que c’est une très bonne idée ça mettrait vraiment une énergie. Mais c’est totalement aléatoire. J’aime bien l’idée où l’on pioche une contrainte.
Je vois comme ils sont souvent pris par l’émotion, surpris. Et dans tous les discours qu’on a eus, quelques uns étaient franchement banals. Je ne sais pas ce que ça donnerait si en plus vous leur donnez des contraintes… Mais l’idée est bonne parce qu’elle crée tout à coup, sur ce passage obligé, une surprise, un enjeu, quelque chose d’inattendu. Quitte à ce qu’ils se gamellent et en fin de compte c’est déjà une réponse, c’est déjà amusant.
6. Trouver un imitateur qui joue les gens qui n’ont pas pu venir et qui gagnent un Molière
Ce n’est pas possible. Parce que l’imitation ça marche si on connait vraiment la personne. Ce qui compte comme dirait Canteloup ce n’est pas la voix c’est la démarche, c’est les propos, l’attitude, le comportement. C’est une idée qui n’est pas pertinente.
On se mord la joue, vexés mais dignes devant l’échec...
7. Créer un Molière du meilleur one man show
Ça fait partie des choses qui devraient évoluer parce que c’est dommage. Maintenant ça rencontre des réticences. Un certain nombre de gens du théâtre considèrent que le one man show n’est pas un art noble. Je schématise mais je ne suis pas très loin de la réalité.
Moi je considère qu’il y en a besoin parce qu’ils font énormément d’entrées, drainent beaucoup de spectateurs. Ce sont de magnifiques porte-paroles. Si demain Jamel a un Molière ce serait un très bon porte-parole du théâtre donc je trouve qu’on a qu’à y gagner !
Maintenant remonter la cérémonie des Molières après deux ans d’absence a été une épreuve extrêmement fastidieuse et compliquée donc je n’ai pas ouvert ce chantier mais je crois que c’est un bon chantier à ouvrir.
8. Supprimer les distinctions entre le privé et le public dans les récompenses car elles sont peu claires pour les spectateurs.
Ça double le nombre de Molières mais c’est normal parce que ce ne sont pas du tout les mêmes publics, les mêmes temps d’adaptation. Si je mettais l’un ou l’autre je lèserai l’un ou l’autre et l’un des problèmes des Molières c’est qu’ils ont été victimes de cette guerre entre les deux familles de théâtre. Donc en récompensant chacun dans sa catégorie je permets à cette cérémonie d’exister.
Mais ma logique n’est pas la multiplication des prix parce que c’est une émission de télé et qu’une émission de télé ça doit avoir du rythme.
Ce que j’ai décidé en 2014 c’est de réduire le nombre de Molières, c’est pour ça que par exemple sur les prix un peu plus techniques, les décors, les lumières, les costumes j’ai créé un seul prix.
Avant il y avait aussi un prix de l’adaptation, j’ai supprimé ce prix.
9. Faire passer un fil Tweeter avec toutes les remarques des téléspectateurs en bas de l’écran pendant la cérémonie (exemple de l’émission télé C dans l’air).
Oui pourquoi pas.
10. Jouer pendant la cérémonie quelques scènes qui s’y prêtent bien des pièces de la saison.
Si vous voyez un reportage à la télé sur une pièce de théâtre c’est une catastrophe. Ce n’est jamais vendeur donc non. C’est un art qui ne s’y prête pas.
Le plus important c’est que cette cérémonie des Molières donne une image moderne, soit attractive.
Et l’idée complémentaire : Ouvrir le jury aux journalistes, blogueurs et spectateurs réguliers.
Les votants sont des auteurs, des metteurs en scène ou comédiens qui dans les quatre dernières années ont travaillé sur les projets artistiques éligibles aux Molières, avec un minimum de 60 représentations dans un théâtre. Donc ce sont des gens qui sont actifs dans le métier.
Ce que je souhaite c’est qu’on ait des critères qui soient objectifs. Si je commence à ouvrir à la presse, aux blogueurs je ne sais pas sur quels critères je les ferais rentrer. Sur quel critère objectif et incontestable ? Dès que c’est subjectif c’est le début de la polémique. Pourquoi je ferais entrer les hebdomadaires et pas les quotidiens du coup je me retrouve avec 300 journalistes dont pour la plupart je ne sais pas s’ils vont vraiment au théâtre ? Les Molières sont morts de la subjectivité et des procès que tout le monde se faisaient.
Il y a déjà 1800 votants. Ils n’ont certainement pas vu toutes les pièces. Ça n’existe pas ça, c’est dans un monde parfait. Ensuite il y a les bruits du métier parce que j’ai un avis sur chaque pièce même si je ne les ai pas vues. Parce que je connais les autres directeurs de théâtre, je connais les acteurs, je connais les metteurs en scène. On parle de Ladislas Chollat parce qu’il a trois ou quatre mises en scène en ce moment et je sais qu’il va me dire "Jean-Marc allez voir ce spectacle parce que j’en suis fier". Si eux me disent que c’est vraiment bien c’est qu’ils ne se racontent pas d’histoire.
Je sais qu’il n’y a pas de copinage je n’ai pas eu une seule récompense, Bernard Murat qui enchaine succès sur succès, Lucchini est une bête au théâtre et il n’a pas été nommé. Mais moi ça me va cette part de mystère…
Certes mais pourquoi ne pas organiser des représentations spéciales pour une partie des votants sélectionnés afin qu’ils aient au moins vues les pièces pour lesquelles ils votent ? Mince, cette question d’une pertinence déroutante ne nous est venue qu’après l’interview !
Merci à Jean-Marc Dumontet de nous avoir accordé de son temps pour écouter nos bêtises. Retrouvez le deuxième volet de notre rencontre avec le directeur de Bobino, du Point Virgule, du Théâtre Antoine et organisateur des Molières, mais homme avant tout.
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