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Yves Poey
Yves Poey
Mini-Molière du Critique
120 ans
62 espions
espionner Ne plus espionner
Des critiques de théâtre, des interviews webradio, des coups de coeur, des coups de gueule.
Son blog : http://delacouraujardin.over-blog.com/
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Ses critiques

1005 critiques
Josef Josef

Josef Josef

9,5/10
2
A l’est, plein de nouveau.

A l’est musical, là d’où nous parviennent les musiques des peuples persécutés, assassinés que furent les juifs et les tziganes.

Des musiques pourtant optimistes, nostalgiquement joyeuses ou joyeusement nostalgiques, qui nous parlent de la force de la vie, malgré tout, et qui nous disent de continuer, d’aller de l’avant, tout en n’oubliant jamais les origines et ce qui s’est passé.

Des musiques d’espoir, également.

La nouveauté en question, c’est ce groupe, Josef Josef, formé par Eric Slabiak, celui-là même qui nous a enchantés avec Les yeux noirs, sa précédente formation.

Vingt-cinq années de tournées, plus de mille huit cents concerts aux quatre coins du monde, huit albums… Un magnifique palmarès…


Eric Slabiak revient donc avec ce nouveau groupe. Il a posé son sac au Théâtre Michel afin de nous présenter le premier album, au titre éponyme, même si le prénom n’est mentionné qu’une seule fois sur la pochette, entre deux barres de reprise.


Les cinq musiciens prennent place sur le plateau.

Les premières notes traversent la cage de scène pour s’envoler vers le public, et instantanément, le charme, la poésie et la magie opèrent.

Immédiatement, nous voici transportés dans ce monde musical où paradoxalement le mode mineur génère de la joie, de la bonne humeur, sans oublier l’humour.
Un monde musical qui va permettre de nous échapper du nôtre pendant une heure et demie, quatre-vingts dix minutes où nous seront transportés. Ailleurs.


Un voyage géographique, certes, mais également intérieur.

Un voyage qui mêle les cultures juives et tziganes pour nous toucher au plus profond de nous-mêmes.


Eric Slabiak, faut-il le rappeler, est un violoniste virtuose. On n’est pas premier prix du Conservatoire royal de Bruxelles à vingt-et-un ans par hasard.

Sous ses doigts, le violon semble s’animer, prendre vie, exister par lui-même, avec les constructions mélodiques et harmoniques si particulières et si envoûtantes, avec les trilles, les ornementations caractéristiques, les glissandi et les breaks ryhtmiques.

De grands « chases », pour reprendre un terme jazzistique, de grands chassés-croisés musicaux seront engagés avec l’accordéon d’un autre virtuose, Dario Ivkovic, les deux instruments dialoguant de façon passionnante.


L’homme n’est pas qu’instrumentiste. Il chante également.

En Yiddish, cette langue qui a pratiquement disparu, elle aussi assassinée par la barbarie nazie.
Une langue, qui grâce des artistes comme lui, commence à exister à nouveau et reprendre sa place.
Voici quelques années, Jacques Fredj, le Directeur du Mémorial de la Shoah me confiait que le « Yiddish n’était plus parlé que par quelques rares communautés, et quelques universitaires poussiéreux ».
Heureusement, la tendance s’inverse.


De grands moments nous attendent, comme avec cette chanson magnifique et émouvante, Unter Dayne Vayse Shtern, Sous tes blanches étoiles, composée en 1943 par Avrom Sutzkever dans le ghetto de Vilnius.

« Sous tes blanches étoiles, tends vers moi ta blanche main, mes paroles sont des larmes […] Où es-tu, où…[…] mon dieu fidèle ? »


Autre chanson merveilleuse, Sheyn vi di levone, Belle comme la lune…

Nous voici pris aux tripes (il n’y a pas d’autres mots) par ces notes, ces subtiles et émouvantes harmonies. Nous ne comprenons évidemment pas les paroles, (je parle en tout cas pour moi), mais tous sommes subjugués par l’émotion qui se dégage de ce que nous entendons.

Franck Anastasio, le complice guitariste de toujours, entame une chanson tzigane de Serbie, Sila kale bal, Il y a une fille.
« Elle a les cheveux noirs et les yeux verts, je la désire, maman, elle sera mienne. »


Si cette musique parle à l’intellect, à l'âme, elle parle également au corps.

Comment ne pas avoir envie de se lever, de danser, de bouger en rythme, de lever les épaules et de se déhancher, d'autant que les arrangements souvent très jazz invitent à nous bouger !

A plusieurs reprises, les titres instrumentaux, relèvent d’une sorte de transe, un peu comme la tarentelle sicilienne.

Une musique faite pour se griser, s’enivrer de notes et de sons.

Nicolas Grupp à la batterie et Noé Russeil à la basse sont alors priés de se dépenser sans compter. Pour assurer, la section rythmique assure !


J’en profite pour mentionner au passage la très belle prise de son de Victor Anastasio, tout en finesse et en précision.

Mais nous aussi allons devoir participer au spectacle, et votre serviteur ne va pas donner sa part au chat.
Nous reprendrons notamment le célèbre refrain « Dona dona ».
Nos mains deviendront rouges à force de taper en rythme, tellement l’invitation à bouger est forte.

L’humour sera également au rendez-vous. Comment résister à l’envie de raconter une épatante et drôlissime histoire juive, M, Slabiak, je vous le demande un peu ?


Les applaudissements nourris, les « bravo », la standing ovation devaient saluer longuement la prestation des cinq musiciens.


Ce concert, s’il est d’abord une grande et formidable réussite musicale, est peut-être avant tout un merveilleux moment de chaleur humaine et de fraternité.

Et par les temps qui courent, qu’est-ce que ça fait du bien !

Vous aussi, venez faire le voyage. Les voyages.
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Où je vais la nuit

Où je vais la nuit

10/10
2
Tu ne te retourneras point !

Elle n’a pas perdu son Eurydice,
Rien n’égale son bonheur !

Elle, c’est Jeanne Desoubeaux qui met en scène cette remarquable adaptation de l’opéra Orphée et Eurydice, de Christoph Willibald Gluck.

Cette œuvre lyrique l’accompagne en effet depuis plusieurs années. Elle a eu l’occasion de l’entendre, la voir se créer, la danser et en mettre en scène quelques extraits.
Melle Desoubeaux est donc passée à l’acte et nous propose en une heure et demie une lecture passionnante de cet opéra.

Mais voici que nous autres spectateurs allons assister à un mariage, en l’occurrence celui de la sœur d’Odette.
Pour l’occasion, l’Odette en question a réuni son groupe de musique pop/rock Orpheus and the Styx pour animer la soirée festive.

C’est d’ailleurs cet excellent groupe, aux subtiles harmonies vocales et aux arrangements très réussis, qui nous accueille dans la magnifique salle des Bouffes du Nord.
(Je vous conseille d’ailleurs d’entrer dans la salle dès l’ouverture des portes afin de ne pas manquer ce mini pré-concert.)

Quatre personnages/musiciens nous attendent : Odette au chant, sa compagne et amoureuse Eugénie, elle aussi au chant et au ukulélé, Nikita au clavier Korg Triton et aux machines plus électroniques les unes que les autres, Simon à la contrebasse, qui vont nous interpréter des standards, des tubes, des scies on ne peut plus célèbres, tout en nous faisant participer à la noce !

(Au passage, je donnerais cher pour obtenir une copie de leur magnifique version reggae d’Elle a les yeux révolver… Je défie quiconque de ne pas avoir envie de chanter avec eux...)

Tel est le point de départ du spectacle.

Et puis l’identification va pouvoir se réaliser.
Odette et Eugénie seront Orphée et Eurydice.


On se souvient au passage que Berlioz avait lui-même adapté et « féminisé » le rôle d’Orphée en le confiant à une chanteuse-compositrice de ses amies.
Ici, Jeanne Desoubeaux a donc avec raison poussé la logique jusqu’au bout : les deux-rôles titres seront interprétés par deux femmes qui jouent le rôle d’une femme.

Ce qui devait arriver arrive. Eurydice décède et le contrat que les Dieux imposent à Orphée est toujours aussi implacable : pas question de se retourner pour retrouver les yeux de l’aimée !


Durant une heure et demie, j’ai été submergé par la grâce, la délicatesse, la légèreté, la beauté formelle et musicale de ce spectacle d’une intelligence et d’une sensibilité rares.
Un spectacle que je ne suis pas près d’oublier.

Le rôle d’Odette/Orphée est interprété par Cloé Lastère, comédienne déjà vue notamment dans Normalito, de Pauline Sales.
En plus de son talent d’actrice, Melle Lastère est une chanteuse émérite, qui, au micro, va nous ravir.

Eugénie/Eurydice, c’est la talentueuse soprano Agathe Peyrat.


On comprend donc immédiatement l’épatant parti-pris : le chant non-lyrique sera réservé au monde terrestre, celui d’Orphée, le chant lyrique concernera quant à lui le monde des enfers, celui dans lequel est plongée Eurydice.



Le duo fonctionne à merveille. Tout d’abord, je me répète, parce que les deux artistes sont irréprochables d’un point de vue musical, et parce que la distinction vocale va pleinement servir le propos de cette actualisation de l’opéra.


C’est ainsi que Agathe Peyrat va nous bouleverser avec les principaux airs de l’œuvre.
Cloé Lastère sera également très émouvante, notamment avec son interprétation de la chanson de Philippe Katerine « Où je vais la nuit », et qui donne son titre au spectacle.



Les deux garçons auront quant à eux retrouvé leur instrument d’origine : les concertistes Benjamin d’Anfray au violoncelle et Jérémie Arcache au piano vont brillamment assurer la partie instrumentale. Ce sont d’ailleurs les directeurs musicaux du spectacle.


Ils nous réservent en prime un formidable moment humoristique, en anges-musiciens messagers des Dieux. Pince-sans-rires et très peu vêtus, ils sont épatants de drôlerie !


Les Dieux nous les verrons, d’ailleurs. De grands Dieux cyclopéens. Et je n’en dis pas plus.

Beauté musicale et beauté formelle, donc.
Cécilia Galli a réalisé une magnifique scénographie, composée de deux grands tableaux.

Le premier est composé d’une petite scène pour le groupe. Théâtre dans le théâtre, ce petit castelet est fort délicat, avec ses petites guirlandes de fleurs et de petites ampoules.
Pourtant, tout sera emporté par le régisseur plateau et les agents de la sécurité incendie.

Et puis voici le monde des enfers, avec d’inquiétants et imposants voilages qui descendent des cintres, accompagnés de fumée lourde éclairée de façon rasante.
Tout ceci est très beau et témoigne d’une grande maîtrise dans l’art d’habiller une cage de scène.



Une véritable ovation attend les artistes au retour de la lumière après le noir final. Les « bravo » fusent, les applaudissement crépitent en rythme !

Ne manquez pas ce merveilleux moment de théâtre et de musique, c’est d’ores et déjà un spectacle incontournable de ce début de printemps.

Vous ne pourrez pas dire que vous ne saviez pas !
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En prévision de la fin du monde et de la création d'un nouveau

En prévision de la fin du monde et de la création d'un nouveau

9/10
3
Otage, ô espoir, ô jeunesse amie !

L’otage, c’est Sofia, 11 ans, ci-devant Maire du Conseil Municipal des Enfants de sa commune.

La preneuse de cette otage, c’est Madison, elle aussi 11 ans, ci-devant candidate battue à l’élection du Conseil sus-nommé.

Quant à Ethan, toujours 11 ans , c’est bien malgré lui qu’il se retrouve embarqué dans cet acte jusqu’au-boutiste.

Pourquoi donc cette prise d’otage dans cette cave qui finira par se rebiffer ?

Tout simplement parce que Madison trouve que cette Maire et son assemblée municipale ne font rien pour la cause des enfants : avec ces édiles-là, rien ne change véritablement, rien ne bouge !


Elle, ce qu’elle voudrait, c’est notamment la création du DCSP, le Droit de Choisir Ses Parents, du DDSCE, du DCE, du DCSLDV, de l’ODFUCEPA, du BOO, de l’EMJS ou encore de l’OAI en PFMECN. (Je vous laisse découvrir par vous même la savoureuse signification de ces différents acronymes.)



Elle en arrive donc à « se radicaliser » pour envisager un changement véritable, elle dont nous connaîtrons finalement le difficile parcours.

Les trois camarades de classe vont donc être obligés de confronter leurs expériences, leurs différents chemins de vie respectifs, leurs personnalités.

Tous simplement parce qu’à la différence de bien des adultes, ils veulent se comprendre, ils désirent aller les uns vers les autres.

Ce faisant, ils vont nous poser à nous autres adultes de sacrées questions :

Faut-il user de la force pour changer le monde, faut-il accorder plus de poids au vote des électeurs et électrices, la social-démocratie est-elle donc la panacée ?

Les fidèles lecteurs de ce site le savent : je suis un fan du travail de Pauline Sales.

On se souvient notamment de mon enthousiasme vis-à-vis de son Normalito, ici-même, aux Plateaux Sauvages, dans lequel elle interrogeait, déjà par le prisme de l’enfance, le concept de normalité.


Ici, avec cette nouvelle création, elle s’est encore une fois rendue auprès des principaux intéressés, à savoir des enfants du Val-de-Marne (mais un autre département aurait fait l’affaire…), afin de recueillir leur parole, leurs sentiments, leur prise en compte de la « politique » au sens noble terme, à savoir la vie de la cité, et des problématiques telles que les grèves, les gilets jaunes, les migrations, la question des retraites.

Elle a pu ainsi se faire une représentation précise de leur vision de nos sociétés plus modernes les unes que les autres, et surtout de leur perception de ce qu’il faudrait changer pour arriver à un monde qu’ils jugent plus acceptable que le leur.



Mais attention : Melle Sales est une dramaturge.

Elle a donc tiré de tous ces témoignages et ces projections dans le futur une véritable et passionnante fable, qu’elle a mise en scène avec l’acuité et la grande sensibilité qu’on lui connaît.



Oui, nous allons l’entendre cette parole enfantine.

Sans filtre, sans édulcoration, avec un grand réalisme et une grande vérité. Un chat sera appelé un chat.


J’ai eu la chance hier d’être assis au milieu des élèves du CM2 de l’école d’application des 44 enfants d’Izieu, du XIIIème arrondissement parisien, emmenés avec raison par leur professeur, M. Fitterman !

A la fin de la pièce, j’ai demandé à certains d’entre aux s’ils parlaient comme les personnages, et s’ils partageaient les idées exprimées : un « ouiiiiiii » franc et massif m’a alors été retourné. (A part peut-être pour le concept de changer de parents... Eux étaient finalement assez satisfaits des leurs… Heureusement pour eux, leur papa ne ressemble donc pas à celui de Madison...)


Tous étaient en phase avec les motivations et les autres idées de changement.

Effectivement, Pauline Salles est parfaitement parvenue à son but : sans pathos de mauvais aloi, sans mièvrerie, elle a porté ce langage et ce point de vue enfantin, que l’on n’entend finalement que très peu.



Sur le plateau, trois comédiens incarnent ces mômes avec une vérité et une justesse irréprochables.

J’ai été complètement pris par ce qu’ils nous disaient et nous montraient.

Noémie Pasteger, Vinora Epp et Jacques-Joël Delgado nous embarquent dans ce monde enfantin réaliste. On croit tout à fait à ces trois gamins tous différents qui vont finalement porter un véritable message d’espoir.



Melle Epp est épatante en warrior-kid, débardeur, veste kaki et short.

Sa Madison est épatante de force et d’engagement. Elle en fait un personnage doté d’une belle épaisseur dramaturgique.

La « scène de mutilation » est absolument formidable. Nous n’en menons pas large.

Oui, les enfants de 11 ans sont parfaitement au fait des actes tragiques perpétrés par les grands, et peuvent se les représenter à leur manière et en parler avec leurs propres mots, la fois réalistes et imagés.


Elle sera très émouvante lors de ses dernières scènes. Et non, vous n’en saurez pas plus !



Melle Pasteger est quant à elle une rejeton de parents probablement assez bobos. Elle aussi va nous émouvoir, notamment dans la volonté de son personnage d’aller vers l’autre.

Et puis Jacques-Joël Delgado va nous faire sourire avec son interprétation de ce djeun très drôle tout en candeur et en naïveté plus ou moins feinte.

Les trois m’ont complètement séduit. J’étais vraiment devant des « petits » pré-ados !

On l'aura compris, ce spectacle est de ceux qui interrogent véritablement les adultes que nous sommes, en nous renvoyant une image sans concession de ce que nous laissons et préparons à la génération future.

Je vous le conseille plus que vivement, même et surtout si vous avez un peu plus de 11 ans.
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Viviane

Viviane

9,5/10
2
Tu ne poignarderas point ton psy.

Pourtant, ce « onzième commandement », Viviane nous dit être passée outre. D’emblée.

«Et le 16 novembre dernier, vous avez tué votre psychanalyste », nous rapportera Viviane Elisabeth Fauville, épouse Hermant, citant les mots d’un policier, d’un médecin ou d’un juge.

Nous entendrons souvent le « vous », ce procédé narratif qu’utilisait Michel Butor dans La modification.


Elle nous attend dans une chambre-cellule (on ne sait pas trop), Viviane.

Allongée sur un petit lit.

Cette jeune mère d’une toute petite fille, responsable de la communication des Bétons Biron, vient d’être quittée par son mari, Julien, après deux ans de mariage qu’il qualifie « d’horreur conjugale ».


Tel est le point de départ du roman Viviane Elisabeth Fauville écrit par Julia Deck, qui nous dessine le portrait d’une femme sur le mode du polar, pour mieux interroger les thèmes de l’amour, de la maternité, certes, mais aussi celui des fragilités psychologiques.

Un roman remarquablement adapté par Mélanie Leray.

Doublement adapté, presque, puisqu’elle s’est servie du médium cinéma pour répondre aux questions qui se sont posées à elle :

- Comment représenter sur un plateau la fois la réalité et les fantasmes d’une femme ?
- Comment prendre en compte le fait que l’un des personnages principaux soit un bébé ?
- Comment montrer sur une scène de théâtre les souvenirs, la mémoire défaillante (ou pas) de cette femme ?


Elle a donc eu l’excellente idée de tourner au préalable un film en noir et blanc, qui sera mélangé en direct avec des images d’une comédienne, cadrées et montées en direct.


Immanquablement, on pense à la Nouvelle vague.

Noir et blanc très contrasté, gros plans, caméra fluide suivant de très près les personnages, ce langage évoque celui de Truffaut ou de Louis Malle et son Ascenseur pour l’échafaud.


On pense aussi à Hitchcock.
Ici Mélanie Leray nous propose un découpage à la façon du grand Alfred. Nous ne sommes pas dans un Whodunit : nous savons ce qui s’est passé, nous avons vu la scène, nous avons vu ce qui est arrivé. Nous ne cherchons pas l’assassin, nous remontons l’histoire.

Des images parfois assez marquantes (je ne détaille pas de façon à vous laisser les découvrir) évoquent forcément le grand cinéaste américain...

Le procédé hitchcockien fonctionne à la perfection. D'autant qu'à la fin...

Ce film « interagit » donc subtilement avec la comédienne, en l’occurrence la très talentueuse Marie Denardaud, qui incarne cette jeune femme, cette mère fragile, fragilisée psychologiquement.


Ce double dispositif, scène-écran, va nous montrer bien des oppositions.

La première est évidente, c’est l’opposition noir et blanc et couleur. Pour autant, les plans filmés en direct par Clémence Lesné ou Lara Laigneau sont « injectés » dans le format NB.


Autre contraste : les plans flous et les images très nettes. Tout un jeu de distance avec les objectifs est mis en œuvre. Mémoire défaillante, réalité crue…


Habits/Nudité. La comédienne se dévêtira parfois le buste, sans jamais être érotisée. Ici, les seins nus évoquent évidemment la mère, la maternité. Les vêtements sont là pour nous dire la fonction et le statut social du personnage.

Une autre judicieuse opposition est la séance avec le psychanalyste et l’interrogatoire par l’inspecteur Philippot et sa supérieure.
Dans le premier cas, il est question de faire émerger les fantasmes, la mémoire, la « remontée à la source », et dans le second il s’agit de faire avouer la réalité la plus crue. Les faits, rien que les faits.


Ce mélange des genres est tout à fait cohérent, les deux arts se nourrissant l’un de l’autre. Ce grand travail de montage, d’insertion en direct d’images dans les plans déjà tournés démontre une grande maîtrise et une réelle virtuosité.


N’en déplaise aux grincheux (j’en connais…), le cinéma peut apporter énormément à la chose théâtrale, lorsque les parti-pris ne sont pas des gadgets, mais au contraire, comme c’est ici le cas, un apport indispensable.


Et puis Marie Denardaud, donc.

Mélanie Leray et elle se connaissent bien, pour avoir travaillé ensemble sur le spectacle Contractions, de Mike Bartlett, au Théâtre des Abbesses.
La comédienne va purement et simplement être cette femme qui se débat avec la réalité et sa psyché. Une formidable impression de vérité se dégage de ce qu’elle nous dit et nous montre.
Elle sera souvent bouleversante, avec des regards perdus, apeurés.


Elle apporte une candeur, une vérité, mais aussi une véritable force à cette femme, nous faisant comprendre de bien subtile manière son caractère ambivalent, souvent ambigu dans ses rapports avec la maternité.

Elle nous fera rire, lorsqu’elle toise l’officier de police judiciaire.


Je vous conseille vivement de vous rendre au Montfort Théâtre, afin d’assister à ce passionnant et fascinant portrait de femme.

Viviane fait partie de ces personnages que l’on n’oublie pas.
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Marquis Hill

Marquis Hill

9,5/10
3
Tout va très très très bien, Monsieur Marquis !

Marquis Hill qui tel un magicien, va envoûter le Duc des Lombards et va plonger les spectateurs dans un délicieux état de transe.

Immédiatement, il me faut souligner la délirante et unanime ovation qui va saluer le concert de ce samedi, dans cette Mecque du jazz parisien qui en a pourtant vu d’autres ! Les « bravo » fusent, la salle croule sous les applaudissements.

Marquis Hill, ou la synthèse parfaite du jazz, du hip-hop, du R&B, du Chicago House et du Neo Soul.

Mais surtout Marquis Hill, immense technicien de la trompette et du bugle, virtuose de ces instruments cuivrés.

Diplômé de la prestigieuse Northern Illinois University, il a remporté de nombreux prix, notamment celui de l’International Trumpet Guild's Jazz Improvisation Competition.

Il a travaillé très tôt avec un certain Ron Carter, et a tourné avec un autre certain Marcus Miller, pour vous donner une petite idée du niveau général...



Il est venu ces jours-ci à Paris présenter son nouvel album, New Gospel Revisited, qui revisite justement le répertoire de son tout premier opus discographique paru en 2011, intitulé on le devine New Gospel.


Le jeune musicien n’est pas seul. A ses côtés, dans cette tournée européenne (il sera demain à Londres), trois autres virtuoses vont participer à cet envoûtement.
Joël Ross est au piano et au vibraphone. Il n’est pas si courant que cela d’entendre un musicien professionnel aux deux instruments.



A la Jazz-Bass Fender écarlate cinq cordes, (il a délaissé sa contrebasse), un ex-membre de l’Art Ensemble Chicago, Junius Paul.
A la batterie, c’est Jeremiah Collier, un autre chicagoan boy.



La particularité de ce magnifique quatuor, au-delà de l’impressionnante technique, réside dans une fascinante capacité à transporter un auditoire dans un monde médiumnique, un monde à la fois de délicatesse et de force totalement assumée.

Un univers très particulier, assez unique dans le petit monde du jazz actuel.

Ce n’est pas pour rien que l’intérieur de l’album est constitué d’une grande photo astronomique représentant une constellation d’étoiles et un ensemble de nébuleuses.



Tout commence par une ambiance.
Celle générée par l’utilisation de petites percussions, dont s’empare Mister Hill, comme pour assurer la transition entre la salle et le plateau. Un moment pour préparer le public à ce qui va suivre.
Un moment également pour cliquer deux ou trois fois sur le trackpad du Mac qui délivrera samples et autres loops.


Les trois autres compères eux aussi se saisissent de petites percussions latines ou de jouets musicaux pour enfants. Joël Ross pince les cordes dans le sommier du piano Yamaha, participant lui aussi au caractère onirique de ce début de concert.



Et puis nous entrons dans le vif du sujet.
A savoir le bugle et les magnifique notes veloutées qui en sortent.
Marquis Hill entame le show avec un premier titre qui va immédiatement donner le ton. Le musicien est souvent dans les bas-medium et les graves, avec une douceur et un phrasé on ne peut plus délicats.


Le thème est très mélodique, fait de progressions harmoniques basées sur une itération de quelques mesures. (Ce sera pratiquement une constante de toutes les pièces jouées hier soir).

Les trois autres le rejoignent petit à petit, pour contribuer à ce jazz très contemporain. Un jazz de mélange, un jazz qui se nourrit de toutes les musiques actuelles.

La technique de Marquis Hill est évidente et remarquable, mais toujours au service d’un lyrisme et d’un réel sens harmonique et mélodique. Ses improvisations sont d’une richesse et d’une inventivité magnifiques.
Il est souvent arc-bouté, les genoux fléchis, comme s’il était en situation de corps à corps avec son instrument, tout près du micro qui semble souvent disparaître dans le pavillon métallique.


Les sons du bugle, donc, mais aussi de la trompette souvent pourvue d’une sourdine sont d’une délicieuse suavité, très souvent dans des pianissimi très intimistes, notamment dans ses solos.
Dans ces moments où les notes cuivrées s’élèvent tout doucement, nous retenons notre souffle, tellement ce que nous entendons est subtile. Que de beauté !

Les morceaux vont se succéder pratiquement sans interruption, pour constituer une fascinante heure et demi continue de musique.

De très grands moments nous attendent.

Une impressionnante communion existe entre les quatre musiciens. Une apparente froideur peut régner sur le plateau, mais en réalité, une grande écoute et une cohésion musicale sont de mises.

Les quatre communiquent entre eux à leur façon, dans des compositions très construites, avec souvent des empilements mélodiques d’une grande richesse, où piano et vibraphone se superposent avec la trompette, comme pour doubler et bien asseoir le discours musical.

Chaque musicien va pouvoir s’exprimer pleinement.
Le patron descend alors de la scène et les observe du public en connaisseur.
Chaque solo va nous prouver que nous avons en face de nous de sacrées pointures en face de nous.

Des applaudissements nourris saluent chaque prestation.

Lors du rappel, un bouleversant duo piano/bugle nous envoûte une dernière fois.

Les deux compères nous donnent cette dernière pièce d’un lyrisme et d’une beauté phénoménale. Avec une toute dernière blue note qui s’envole dans les limbes.

Je me répète : une véritable ovation attend les quatre musiciens, les « bravo » fusent immédiatement !

Il sera difficile de quitter le monde dans lequel Marquis Hill nous a fait voyager.
Cet envoûtant concert a plongé le Duc des Lombards dans un véritable état de grâce. Les connaisseurs auront du mal à quitter les lieux, partageant entre eux toutes leurs émotions.

Tous avons compris que nous venions de vivre un bouleversant et unique moment musical !
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