Viviane

Viviane
  • Le Monfort théâtre
  • 106, rue Brancion
  • 75015 Paris
  • Porte de Vanves (l.13)
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« Ce n’est pas une femme, c’est une apparition. »

On pourrait appliquer à Viviane ces mots d’Antoine Doinel dans Baisers volés à propos de sa fée Fabienne Tabard. Viviane est une triple apparition. D’abord un roman de Julia Deck, Viviane Elisabeth Fauville, paru en 2012. Puis un film avec Marie Denarnaud tourné dans Paris en 2019 par Mélanie Leray.

Enfin un projet scénique avec la même actrice dans lequel roman, cinéma et théâtre ne font plus qu’un. Cette aventure, Mélanie Leray l’a voulue. Admirative de l’oeuvre, elle s’est emparée de la Viviane de Julia Deck – la quarantaine, seule avec son bébé, séparée, larguée, flippée, perturbée et persuadée d’avoir tué son psy – et l’a transformée au service d’un « processus filmique en direct » où théâtre et film se donnent à voir en simultané.

Cette expérience de fusion, particulière à Mélanie Leray, a pour effet de jouer sur l’écart entre réalité et fantasme, de rapprocher et rendre infiniment attachant un personnage de fiction.

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31 mars 2022
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Tu ne poignarderas point ton psy.

Pourtant, ce « onzième commandement », Viviane nous dit être passée outre. D’emblée.

«Et le 16 novembre dernier, vous avez tué votre psychanalyste », nous rapportera Viviane Elisabeth Fauville, épouse Hermant, citant les mots d’un policier, d’un médecin ou d’un juge.

Nous entendrons souvent le « vous », ce procédé narratif qu’utilisait Michel Butor dans La modification.


Elle nous attend dans une chambre-cellule (on ne sait pas trop), Viviane.

Allongée sur un petit lit.

Cette jeune mère d’une toute petite fille, responsable de la communication des Bétons Biron, vient d’être quittée par son mari, Julien, après deux ans de mariage qu’il qualifie « d’horreur conjugale ».


Tel est le point de départ du roman Viviane Elisabeth Fauville écrit par Julia Deck, qui nous dessine le portrait d’une femme sur le mode du polar, pour mieux interroger les thèmes de l’amour, de la maternité, certes, mais aussi celui des fragilités psychologiques.

Un roman remarquablement adapté par Mélanie Leray.

Doublement adapté, presque, puisqu’elle s’est servie du médium cinéma pour répondre aux questions qui se sont posées à elle :

- Comment représenter sur un plateau la fois la réalité et les fantasmes d’une femme ?
- Comment prendre en compte le fait que l’un des personnages principaux soit un bébé ?
- Comment montrer sur une scène de théâtre les souvenirs, la mémoire défaillante (ou pas) de cette femme ?


Elle a donc eu l’excellente idée de tourner au préalable un film en noir et blanc, qui sera mélangé en direct avec des images d’une comédienne, cadrées et montées en direct.


Immanquablement, on pense à la Nouvelle vague.

Noir et blanc très contrasté, gros plans, caméra fluide suivant de très près les personnages, ce langage évoque celui de Truffaut ou de Louis Malle et son Ascenseur pour l’échafaud.


On pense aussi à Hitchcock.
Ici Mélanie Leray nous propose un découpage à la façon du grand Alfred. Nous ne sommes pas dans un Whodunit : nous savons ce qui s’est passé, nous avons vu la scène, nous avons vu ce qui est arrivé. Nous ne cherchons pas l’assassin, nous remontons l’histoire.

Des images parfois assez marquantes (je ne détaille pas de façon à vous laisser les découvrir) évoquent forcément le grand cinéaste américain...

Le procédé hitchcockien fonctionne à la perfection. D'autant qu'à la fin...

Ce film « interagit » donc subtilement avec la comédienne, en l’occurrence la très talentueuse Marie Denardaud, qui incarne cette jeune femme, cette mère fragile, fragilisée psychologiquement.


Ce double dispositif, scène-écran, va nous montrer bien des oppositions.

La première est évidente, c’est l’opposition noir et blanc et couleur. Pour autant, les plans filmés en direct par Clémence Lesné ou Lara Laigneau sont « injectés » dans le format NB.


Autre contraste : les plans flous et les images très nettes. Tout un jeu de distance avec les objectifs est mis en œuvre. Mémoire défaillante, réalité crue…


Habits/Nudité. La comédienne se dévêtira parfois le buste, sans jamais être érotisée. Ici, les seins nus évoquent évidemment la mère, la maternité. Les vêtements sont là pour nous dire la fonction et le statut social du personnage.

Une autre judicieuse opposition est la séance avec le psychanalyste et l’interrogatoire par l’inspecteur Philippot et sa supérieure.
Dans le premier cas, il est question de faire émerger les fantasmes, la mémoire, la « remontée à la source », et dans le second il s’agit de faire avouer la réalité la plus crue. Les faits, rien que les faits.


Ce mélange des genres est tout à fait cohérent, les deux arts se nourrissant l’un de l’autre. Ce grand travail de montage, d’insertion en direct d’images dans les plans déjà tournés démontre une grande maîtrise et une réelle virtuosité.


N’en déplaise aux grincheux (j’en connais…), le cinéma peut apporter énormément à la chose théâtrale, lorsque les parti-pris ne sont pas des gadgets, mais au contraire, comme c’est ici le cas, un apport indispensable.


Et puis Marie Denardaud, donc.

Mélanie Leray et elle se connaissent bien, pour avoir travaillé ensemble sur le spectacle Contractions, de Mike Bartlett, au Théâtre des Abbesses.
La comédienne va purement et simplement être cette femme qui se débat avec la réalité et sa psyché. Une formidable impression de vérité se dégage de ce qu’elle nous dit et nous montre.
Elle sera souvent bouleversante, avec des regards perdus, apeurés.


Elle apporte une candeur, une vérité, mais aussi une véritable force à cette femme, nous faisant comprendre de bien subtile manière son caractère ambivalent, souvent ambigu dans ses rapports avec la maternité.

Elle nous fera rire, lorsqu’elle toise l’officier de police judiciaire.


Je vous conseille vivement de vous rendre au Montfort Théâtre, afin d’assister à ce passionnant et fascinant portrait de femme.

Viviane fait partie de ces personnages que l’on n’oublie pas.
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Texte
Jeu des acteurs
Emotions
Intérêt intellectuel
Mise en scène et décor