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Yves Poey
Yves Poey
Mini-Molière du Critique
120 ans
62 espions
espionner Ne plus espionner
Des critiques de théâtre, des interviews webradio, des coups de coeur, des coups de gueule.
Son blog : http://delacouraujardin.over-blog.com/
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1005 critiques
A la recherche du temps perdu

A la recherche du temps perdu

8,5/10
22
Allez chauffe, Marcel !

Marcel, il arrive côté jardin, dans un somptueux costume blanc cassé très début XXème siècle, grand manteau, trois-pièces assorti, feutre sur le chef et chaussures bicolores.
Dans sa main droite, une petite valise verte.
Comme une première impression de remonter le temps.

Le temps...

Ce temps qui semble s'être arrêté dans cette chambre dont les meubles ont été recouverts de draps, afin de les protéger de la poussière de l'oubli.



Ce temps proustien que le metteur en scène Virgil Tanase et le comédien David Legras ont eu l'excellente idée voici quelques années déjà (le spectacle fut créé à Avignon en 2002), l'excellente idée de nous faire retrouver.


Les deux hommes ont donc décidé de nous proposer cette immersion dans la colossale œuvre de Proust, en sélectionnant d'une part des extraits qu'ils jugeaient essentiels, et en « passant au gueuloir » ces morceaux choisis. Une gageure totalement réussie.

Passer Proust à l'oralité ? Pas seulement.
Non content de mettre en voix le texte, il s'agit véritablement ici de "mettre en corps" tout ce que nous écrit et nous dit l'auteur, de rendre non seulement audible, mais également visible ce qui fait la spécificité de la langue de Proust.

Nous voici donc dans la chambre de Marcel.
Avec l'auteur et le comédien, nous allons nous souvenir. Nous allons nous approprier les mots, la mémoire, les images qui nous seront dits et montrés afin d'obtenir ces morceaux de « temps à l'état pur ».

David Legras va les dire ces mots, ces images mémorielles. Il va les jouer.
Et de quelle façon !

Il commence de façon assez lente, comme étonné de se retrouver dans cette chambre.
Grâce à sa diction précise, grâce aux mots qui semblent s'envoler, grâce à la gestuelle de son personnage de dandy, nous sommes vraiment plongés dans l'univers du grand Marcel.


La présence scénique de David Legras permet de rendre « palpable » le texte ô combien passionnant.

Nous ressentons ces souvenirs d'enfance et de jeunesse, nous voyons, nous avons le goût de la célèbre madeleine, nous voici face à la duchesse de Guermantes, à côté d'Albertine (quelle bonne idée que ce grand foulard couleur chair...), ou de Mme Swann, nous nous étonnons de la gravure du Prince Eugène, nous apercevons même Bénodet...


Le souvenir, la mémoire sont également mis en scène grâce au contenu de la petite valise verte qui se révèlera être beaucoup plus qu'une petite valise verte.
Le monde de l'enfance est symbolisé notamment par un petit landau, un jouet, dans lequel se trouve une poupée de chiffon.


Avec ce montage d'extraits plus ou moins connus, Virgil Tanase et David Legras nous rappellent et nous démontrent le caractère paradoxalement intemporel de l'œuvre de Proust.
Grâce à eux, Proust nous parle vraiment. Au sens propre comme au figuré.

Comme plusieurs familles hier soir, si vous voulez faire découvrir l'œuvre à des adolescents, emmenez-les donc au théâtre de la Contrescarpe.

Quant à moi, je n'avais qu'une envie en sortant de la salle : ouvrir les différents volumes de la Recherche afin de retrouver ce que j'avais vu et entendu.

Un bien beau moment de théâtre et de littérature, que cette heure et quart-là !
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Expo Pierre Dac, Du côté d'ailleurs

Expo Pierre Dac, Du côté d'ailleurs

9,5/10
8
Qui ne connaît cette célébrissime et cultissime réplique, tirée du sketch de Pierre Dac et Francis Blanche « le Sar Rabindranath Duval » ?

« Lorsque Monsieur est dans de bonnes dispositions... ce tatouage représente d'un côté la cueillette des olives en Basse-Provence, et de l'autre un épisode de la prise de la Smala d'Abd El-Kader par les troupes du Duc d'Aumale en 1843. »

Seulement voilà, il serait très réducteur de résumer Pierre Dac à cette seule tirade, certes épatante.

Pierre Dac, c'est beaucoup plus que cet humour ravageur, loufoque, intelligent, sain, fait de situations surréalistes, de calembours, de jeux de mots ou de contrepèteries.
Pierre Dac, il faut aller le chercher « du côté d'ailleurs » !

C'est l'une des raisons qui assurément ont poussé le MAHJ, le Musée d'Art et d'Histoire du Judaïsme à présenter cette magnifique et indispensable exposition, qui rend hommage à un homme unique et à qui l'on doit beaucoup en matière d'humour et de loufoquerie, de presse écrite, de radio, de télévision, mais également en matière d'héroïsme et de Résistance à tous les fascismes en général et au nazisme en particulier, et ce dès 1933.

Et même de philosophie, oserais-je ajouter.
Oui, quelqu'un qui écrira « Parler pour ne rien dire et ne rien dire pour parler sont les deux principes majeurs et rigoureux de tous ceux qui feraient mieux de la fermer avant de l'ouvrir ! », est à coup sur un philosophe !

Cette expo est constituée de nombreuses et souvent rares archives, conservées précieusement par son ami et ayant-droit Jacques Pessis.
Jacques Pessis, bien connu des lecteurs de ce site, est non seulement journaliste, écrivain, scénariste, animateur radio, producteur télé, il n'est pas non plus seulement l'un des plus fins connaisseurs de la chanson française, c'est également le légataire universel de Pierre Dac.

Qui mieux que lui pouvait remplir la fonction de commissaire de cette exposition, avec l'historienne-documentaliste et conservatrice du MAHJ Hélène Hoog ?

L'exposition est logiquement organisée de manière chronologique.
Nous commençons donc par l'enfance alsacienne, l'adolescence, la jeunesse de André Isaac, sa participation et son lourd tribut familial à la guerre de 14-18, avec une grave blessure au bras, dont il gardera des séquelles toute sa vie, et la perte au front de son frère Marcel.)

L'entre-deux guerres verra les débuts du jeune André, qui prendra le pseudo de Pierre Dac, sur les conseils de Roger Toziny, patron du cabaret montmartrois La vache enragée.

Nous sont rappelés les spectacles dans ces cabarets souvent disparus aujourd'hui, par des photographies, des livrets de monologues, des partitions, ou encore des documents sonores que l'on peut déclencher par l'intermédiaire d'un boîtier-casque audio fourni avec le billet d'entrée.
Et c'est l'occasion de rire avec notamment les sketchs « Mon cœur est un feu de bengale », ou encore « La confiture de nouilles ».

Un passage important de l'exposition est évidemment consacré à L'os à moelle, le journal loufoque bien connu.

Ce sera également en 1936 ses débuts d'homme de radio, avec notamment la création de la première émission d'humour radio-diffusée « L'académie des travailleurs du chapeau ».
En 1937, il animera le célèbre jeu « La course au trésor », dans lequel les auditeurs doivent lui rapporter tout une liste d'objets plus hétéroclites les uns que les autres.

Et puis, c'est la guerre, et l'engagement de Dac dans la Résistance, son passage à en Angleterre, et sa participation à Radio-Londres. Il sera l'un des plus célèbres « Soldats du micro ».
Nous entendrons notamment sa digne et émouvante réponse au pétainiste Henriot lui demandant ce que « La France pouvait bien représenter pour le Juif-Dac ? », dans le texte intitulé « Bagatelle sur un tombeau ».

Une pièce rarement montrée participe à la conclusion de cette période de la vie de Pierre Dac, à savoir une lettre manuscrite du Général de Gaulle, le remerciant sincèrement et avec grande émotion de son engagement patriotique.

L'après-guerre, c'est le retour sur les planches, mais ce sera surtout l'occasion pour l'humoriste de continuer à innover en matière de radio et de télévision. (A noter la diffusion d'une rareté télé, à savoir Patrick Dewaere en redingote récitant avec le plus grand sérieux des méditations daciennes...)

Ne sont bien entendu pas oubliées les séries radiophoniques « Signé Furax », « Bons baisers de partout » ou encore « Malheur aux barbus », écoutées par des millions d'auditeurs.

La collaboration avec Francis Blanche aboutit aux plus célèbres pochades télévisées des années 50 : comme « Le water-pudding », la création du « Parti d'en Rire » et son programme, du « M.O.U. » (je vous laisse découvrir), et bien entendu « le Sar Rabindranath Duval », que l'on peut retrouver dans son intégralité à la toute fin du parcours.

Il faut noter que des moments interactifs vous permettent par exemple de rédiger vous aussi des fausses petites annonces à publier dans le journal L'os à Moelle.


J'ai donc passé trois heures formidables au Musée d'Art et d'Histoire du Judaïsme, en compagnie de celui qui inventa le mot « Schmilblick », que reprendra plus tard Coluche.
Pierre Dac, à qui de nombreux humoristes doivent beaucoup, est encore d'une rare modernité.

Je vous conseille plus que vivement cette exposition, dont le fond et la forme permettent de mieux appréhender l'œuvre et l'homme Pierre Dac, celui qui rappelait à raison que « Rien de ce qui est fini n'est jamais complètement achevé tant que tout ce qui est commencé n'est pas totalement terminé. »
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On purge Bébé, Émeline Bayart

On purge Bébé, Émeline Bayart

9,5/10
29
Le pot de faïence et le seau de tôle émaillée.
Bastien et Julie.
Les Follavoine dans l'une des scènes de ménage les plus célèbres et les plus longues du théâtre français.

En 1910, le grand Georges vient de se séparer de sa femme. Il vit et mène grand train à l'hôtel Maxim's où il a réservé une chambre à l'année...
Sa vision du monde change, et notamment celle de la bourgeoisie dont il va s'appliquer à décrire la médiocrité, notamment grâce au thème ancestral du cocu.

Emeline Bayart a donc eu l'excellente idée de s'emparer à bras le corps et de l'un des derniers vaudevilles de l'auteur.

Il y a décidément une patte, une méthode, un style Bayart.
Elle qui enchanta dernièrement les spectateurs caf-conc' Le Kibélé et surtout ceux de l'Opéra-Comique, celle-ci nous a concocté un mini-récital émaillant la pièce fait quelques chansons quasiment contemporaines de Feydeau. (Le fidèle Manuel Peskine est toujours au piano !)

Des titres que retrouvent pour leur plus grand bonheur les fans de la comédienne-chanteuse-metteure en scène.
C'est ainsi que nous retrouverons par exemple Proserpine, Je n'aurais pas dû, Si je puis m'exprimer ainsi, Ca n'vaut pas la Tour Eiffel, ou encore Le fiacre.

Ces chansons collent admirablement avec le texte de l'auteur, d'autant qu'avec la même incroyable force comique, la même hilarante vis comica, Melle Bayart enchaîne répliques de la pièce et paroles des chansons. (Elle n'est pas la seule à chanter, je vous laisse découvrir...)

Mais quelle énergie se dégage de cette entreprise artistique !

Quelle mécanique infernale et bien huilée, quelle puissance de jeu, quel tourbillon vont s'emparer du plateau de l'Atelier !

Voilà comment monter un Feydeau ! Voilà comment faire hurler de rire un public ! Voilà comment plonger une salle entière dans le plus grand bonheur.

Sa composition de cette femme qui a érigé la mauvaise foi en art de vivre, sa composition est magnifique.
En déshabillé, les bas qui tombent sur les chevilles, les cheveux en bataille avec quelques bigoudis, avec ses ruptures, ses regards, sa voix qui passe de l'aigu cristallin au rauque très grave en un instant, la comédienne est absolument drôlissime.

Oui, je l'écris une nouvelle fois, oui je me répète : je retrouve à chacune de ses compositions la phénoménale puissance à faire rire de Jacqueline Maillan.
Comme La Maillan, Melle Bayart a cette faculté et ce talent rares de déclencher en une fraction de secondes les rires voire les fou-rires des spectateurs en outrant subitement la gestuelle, la voix ou les mimiques.

Elle n'est pas seule sur scène. A ses côtés, se démène une troupe aux petits oignons.

Avec une perruque très années 1970, Eric Prat a un petit côté Jean le Poulain.
Lui aussi a un sacré abattage, un sacré talent comique. Il nous réserve de grands moments.
Lui aussi sait faire monter la sauce.

Il n'est pas donné à tout le monde d'interpréter un personnage principal dans un vaudeville feydolien.
Eric Prat parvient sans peine à nous faire croire à ce type qui est en permanence au bord de la catastrophe, et qui se démène dans un maelström qu'il a contribué à engendrer.

Le duo Bayart-Prat est redoutable et formidable d'efficacité.

Un autre qui ne donne pas sa part au chat, c'est Manuel Le Lièvre, qui avait déjà joué avec Emeline Bayart au Poche-Montparnasse, sous la direction de Jean-Louis Benoit.

Son Adhéaume Chouilloux est épatant de drôlerie. C'est une sorte de Bouzin que nous avons devant nous. L'une de ses scènes confine au surréalisme le plus hilarant.

Coup de chapeau appuyé également à Valentine Alaqui, dans un double rôle.
La jeune comédienne interprète la naïve employée de maison, et surtout le rôle de Toto, le tyrannique enfant-roi du couple Follavoine.

Melle Alaqui parvient à en faire une sorte de lutin-troll virevoltant, sautant, bondissant partout, lui conférant une belle ambivalence : cet enfant de 7 ans est à la fois attachant et repoussant.
Une très belle composition.

Thomas Ribière et Delphine Lacheteau incarnent quant à eux le couple Truchet de bien belle manière.

Emeline Bayart signe ici l'une des grandes réussites théâtrales de cet automne.
Voici un spectacle réglé au millimètre, avec une précision diaboliquement efficace, qui déchaîne les rires de la salle entière.
Une salle qui applaudit en cadence et à tout rompre, ovationnant grâce à de nombreux bravi les comédiens.

Feydeau peut décidément dormir sur ses deux oreilles !
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Saccage

Saccage

8,5/10
17
Aux ZAD, citoyens,
Formez vos bataillons !

Dans certaines enclaves, dans certains territoires, des communautés d'hommes et de femmes, jeunes pour la plupart, des groupes humains se forment pour tenter de résister au Pouvoir en place, à l'Etat de droit.

De la faculté de Vincennes, dans les années 70, (au siècle dernier, donc...), à la ZAD de Notre-Dames-Des-Landes, en passant par le Chiapas, ou encore le Rojava, des « résistants » ont tenté de s'opposer à la main mise des gouvernements en place.

Gouvernements qui immanquablement répondent à ces occupations « sauvages » de terrains, de lieux-clefs par la sempiternelle mécanique du saccage.

C'est justement cette mécanique-là, ce saccage institutionnel, qu'ont entrepris de disséquer à la fois de façon dramaturgique et pédagogique Judith Bernard, auteure de la pièce, et les membres de la compagnie ADA-Théâtre.

Oui, durant une heure et trente minutes, le fond et la forme vont être au rendez-vous pour une démonstration en matière de philosophie politique appliquée : les trois phases de la mécanique du saccage seront lumineusement décrites.

(C'est d'ailleurs le sujet de prédilection de Melle Bernard, que de mettre en scène de vrais sujets sociétaux relevant de philosophie politique, puisque cette pièce forme un triptyque avec deux autres œuvres, à savoir Amargi ! et Bienvenue dans l'angle Alpha.)

Judith Bernard va nous faire naviguer dans le temps et les lieux géographiques, de Vincennes aux environs de Nantes, du temps post-68 à nos jours.
Le propos est de nous rapporter des expériences communes, des formes de « tâtonnements » de la lutte en commun, des tentatives de survie face à l'oppresseur public.

Lutter, certes, mais également proposer des alternatives, des formes d'autogestion ou de fonctionnements politiques différents, qui forcément indisposent nos « élites ».

Nous ne serons jamais perdus, notamment grâce à une lune qui accueille les mentions géographico-temporelles projetées sur elle.

Quatre comédiens incarnent la trentaine de personnages de la pièce.
« La rousse ». « La brune ». « L'aîné ». « Le cadet ».

Quatre entités humaines dont ne connaîtra jamais l'histoire personnelle, quatre hommes et femmes incarnant la force et à la fois la fragilité, la vulnérabilité de l'aventure commune.

Quatre êtres qui vont circuler allègrement d'une époque à l'autre, en enfilant devant nous différents costumes, en utilisant différents accessoires, différents meubles.

Quatre jeunes gens qui vont vite comprendre que rien ne va de soi, parce que la vision de la lutte peut prendre bien des formes.

Incarnant tour à tour les ultras, les modérés, les jusqu'au-boutistes, ceux qui pensent qu'on peut composer avec le pouvoir en place, les doux utopistes, ceux qui sont prêts aux concessions, ceux qui se murent dans le déni ou l'ignorance du problème, ils vont nous démontrer combien est large la sociologie des Zadistes et des militants qui ont choisi autre chose que ce que le Pouvoir veut leur imposer.

Hier soir Judith Bernard, Caroline Gay, Jean Vocat et David Nazarenko étaient ces quatre comédiens. (La distribution varie en fonction des dates de représentation.)

Les quatre vont nous faire admirablement ressentir ce dilemme principal qui se pose à toute communauté bien décidée à en découdre, à lutter pour ne pas accepter ce qu'elle considère comme inacceptable et à proposer un projet politique alternatif.

Le texte de l'auteure est à cet égard passionnant (j'ai révisé un nombre incalculable de faits, de données historiques) et en même temps relève bien du théâtre. Nous ne sommes pas dans un exposé à Sciences-Po, mais bien sur un plateau.

La mécanique dramaturgique fonctionne pleinement, avec beaucoup de finesse, d'humour, et souvent une vraie émotion.

La scène dans laquelle David Nazarenko incarne un certain Jacques Lacan tentant d'expliquer sa vision de la psychanalyse aux étudiants révoltés de Vincennes, cette scène-là est absolument magnifique. La démarche, la façon de boiter, de parler, les tics, tout y est ! Quelle épatante scène de comédie !

Dans une autre distribution, nous confiera Melle Bernard, la scène est remplacée par un cours de Michel Foucaut, incarné cette fois-ci par Marc le Gall.

Bien entendu, nous ne pouvons pas manquer de faire le parallèle avec la très récente actualité, avec les Gilets Jaunes occupant leurs rond-points, au son de la célèbre chanson « On est là, on est là..... »

Une autre réflexion nous est proposée par le biais d'une réplique qui moi m'a fortement interpellé : « Le temps des grèves victorieuses est révolu... ».
Les pouvoirs en place sont-ils vraiment effrayés par les grèves actuelles qui ne débouchent sur rien d'autre que les déambulations sur des parcours parisiens, et ne permettent plus la convergence des luttes ?
C'est l'une des nombreuses questions qui est posée au public.

Je vous conseille donc vivement ce spectacle qui ne manque pas d'interpeller chaque spectateur.
Ces quatre-vingt-dix minutes de théâtre sont plus pédagogiques que trente unités de valeurs en fac. (Unités de valeur imaginées par les occupants de la fac de Vincennes, et qui constituent encore la norme en matière d'évaluation, au passage...)

Voici un moment de théâtre engagé et passionnant, assorti d'une analyse politique d'une rare acuité.
Par les temps qui courent, comme il est bon d'avoir un espace dramaturgique permettant ce moment de recul sur notre histoire très récente ou notre contemporanéité !
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Les romanesques

Les romanesques

8,5/10
16
Quand on a que le mur,
Pour unique partage...

C'est en effet un vieux mur moussu qui sépare les deux tourtereaux Sylvette et Percinet .
Ces deux-là s'aiment et n'ont d'autre expédient pour se rencontrer que de se retrouver en cachette de chaque côté de ce mur-là...

Un mur mitoyen séparant les propriétés de leurs deux pères qui eux se haïssent cordialement !

Ca ne vous rappelle rien, ce pitch-là ? Deux amants éperdus aux deux familles ennemies ?

Pour sa premières pièce, Edmond Rostand a en effet écrit une sorte de pastiche de Roméo et Juliette, ou encore du Cid.
Une pochade de jeunesse, et déjà, une déclaration d'amour au théâtre et aux comédiens.

Oui, Edmond Rostand a écrit d'autres pièces que Cyrano de Bergerac, L'aiglon ou encore Chanteclerc.
Marion Bierry a eu l'excellente idée d'adapter et de mettre en scène cette première œuvre qui n'est presque jamais montée en France. Je n'en avais jamais vu une quelconque version.

Il faut pourtant rappeler que ce texte fut créé à la Comédie-Française en 1894 et fut couronné par l'Académie Française.

Excellente idée, donc, car durant une heure et trente minutes, les cinq comédiens présents sur la scène du Ranelagh vont nous ravir avec cette délicieuse comédie.

Rostand a en effet eu pour ambition de chahuter Shakespeare et de se moquer des Romantiques.
Ici, les amants non pas de Vérone mais de Paris sont victimes d'un coup monté de leurs géniteurs respectifs pour les obliger à se déclarer leur flamme.

On apprend la supercherie au premier acte, on pourrait se dire que tout est bien qui finit bien, finalement, mais voilà, c'est sans compter sur le bel esprit dramaturgique du grand Edmond qui va développer le thème de spirituelle et intelligente façon.

Nous allons beaucoup nous amuser, en suivant les mésaventures des deux tourtereaux, interprétés par Sandrine Molaro et Alexandre Bierry.

Les deux jouent à chat et à la souris, se courent après en permanence.
C'est un bonheur de les voir interpréter avec une vraie force comique ces deux personnages.

Leurs ruptures, leurs œillades, leur façon de forcer parfois un peu les alexandrins (oui, déjà, Rostand utilise les douze pieds), tout ceci provoque les rires du public.

(Il faut dire aussi que Rostand s'en donne à cœur joie : les rimes de ses alexandrins comme par exemple truelle, pot-au-feu, ferraille ou encore rhumatisme, tout ceci ne sonne guère de façon classique. Le décalage est très drôle.)

Serge Noël et Thierry Ragueneau sont les machiavéliques papas, à savoir les sieurs Bergamin et Pasquinot.

Eux aussi font rire le public.
En barbons sympathiques et finalement attachants, ils incarnent de bien belle façon ces géniteurs bien décidés à marier coûte que coûte leur progéniture.

A un moment, la metteure en scène a eu la formidable d'idée de les installer dans une loge d'avant scène, regardant et commentant ce qui se passe sur le plateau.
On pense immédiatement à la célèbre série Le Muppet Show. C'est très drôle.

Il faut noter que Marion Bierry a utilisé les talents pianistiques bien connus de Serge Noël pour accompagner certains passages chantés. Ces moments musicaux sont eux aussi très réussis.


Et puis il y a Gilles-Vincent Kapps dans le rôle de Straforel, le spadassin.
Le comédien incarne vaillamment, avec une puissance et énergie ce personnage, un type qui pourrait être une première esquisse d'un certain Cyrano.

M. Kapps va nous dire une formidable et étonnante tirade.
Vingt-six alexandrins pour dresser un catalogue des différentes méthodes d'enlèvement.
L'enlèvement brutal, l'enlèvement masqué, le romantique, le Vénitien, celui avec ou sans clair de lune...
Cette déclinaison, sorte de catalogue humoristique, annonce évidemment la future tirade du nez, l'une des plus célèbres scènes de théâtre.


Le fin du spectacle est constituée d'une série d'adresses au public, dans laquelle l'auteur semble s'excuser d'avoir écrit la pièce, (« des rimes légères », « un repos naïf des pièces amères »....) pour mieux dire l'amour qu'il porte à son art, pour mieux remercier les comédiens.

Hier soir, les comédiens en question ont été très applaudis, et ce ne fut que justice.


Je dois vous l'avouer : je n'avais jamais ni lu, ni vu cette première œuvre de Rostand, tombée dans un oubli relatif.
Grâce à Marion Bierry et à sa petite troupe, j'ai assisté à un passionnant et très fin moment de théâtre.
Ne manquez pas cette occasion rarissime de découvrir cette pièce, dans une adaptation on ne peut plus réussie.
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