Ses critiques
1005 critiques
7/10
Non mais allô, quoi !
Si l’on n’ignore rien de l’histoire de la ligne bleue des Vosges, en revanche, celle de la ligne rose de Paris est nettement moins connue.
Odile Blanchet, Bérénice Boccara et Sana Puis ont eu une idée épatante : raconter l’origine de la messagerie rose en France.
Dans une comédie loufoque au possible, elles vont nous conter les aventures de trois opératrices téléphoniques, en 1928, trois jeunes femmes différentes les unes des autres, au caractère bien trempé.
Ces trois filles vont être amenées à créer le premier service de conversations coquines par téléphone interposé.
Trois célibataires.
Marthe désespère de rencontrer l’âme sœur, Denise joue les oiseaux de nuit. Jeanne, elle, arrive du Bordelais pour commencer à Paris une nouvelle vie.
Bien entendu, des grains de sable vont gripper la belle mécanique : un malfrat qui va profiter de la petite entreprise, les collègues jalouses et malveillantes, sans oublier bien évidemment la Police des mœurs qui veille à l’ordre moral…
Dans une mise en scène alerte et enlevée, le trio ainsi formé va se révéler détonant !
Immédiatement, ce qui frappe les spectateurs dès que les projecteurs s’allument, c’est la très belle scénographie due à Olivier Prost et Lucas Thébault.
C’est bien simple, on se croirait dans la très réussie série espagnole « Les demoiselles du téléphone » !
On se prend à penser que le standard avec les fiches manuelles de mise en relation fonctionne vraiment, ainsi que les micros individuels en bakélite suspendus au cou de chacune des opératrices.
De la très belle ouvrage !
Une fraîcheur certaine émane de ce spectacle. Le sujet est pourtant « casse-gueule » au possible.
Ici, rien de graveleux ni de lourdaud.
Les choses sont dites, certes, mais avec une certaine retenue et une vraie justesse.
Le ton humoristique de l’entreprise permet un recul sur la réalité de ce métier de « communication ».
Les trois comédiennes, survoltées, vont nous démontrer leur vis comica.
Une vraie force comique émane de ces trois-là.
Chacune à sa manière va nous révéler son aptitude à nous faire rire.
Les nombreuses formules à l’emporte-pièce (celle sur le passage de 20 à 30 ans, notamment, ainsi que la description du vison d’Amérique provoquent bien des éclats de rire. Je ne vous détaille pas, bien entendu…)
Les mouvements souvent à la limite de l’exagération, les mimiques tragiques, et outrées, les effets divers et variés, concourent à beaucoup nous amuser.
Les accents allemands et québecois de Melle Blanchet sont épatants.
La mise en scène de Jean-Laurent Silvi est très enlevée, très exigeante envers les trois comédiennes. Entre les noirs plateaux prévus pour les changements de décor et de costumes, elles n’arrêtent pas, ne ménageant pas leur peine ! Quelle énergie !
© Photo Y.P. -
Alors certes, on rit beaucoup, mais sans avoir l’air d’y toucher, cette comédie nous parle également de la place et du pauvre rôle de la femme dans ces années folles.
Les trois camarades de jeu font passer mine de rien un discours de revendication, subtil mais bien réel.
Et puis, il y a autre chose.
La messagerie rose, ce n’était pas que du sexe fantasmé via les lignes téléphoniques.
Ce spectacle rappelle également le fait que beaucoup (majoritairement) d’hommes passaient par ce réseau pour parler, pour échanger, pour se confier, ou pour sortir pendant un moment d’une trop lourde solitude.
Le personnage incarné par Sana Puis évoque d’ailleurs la dimension d’écoute psychologique qu’ont les interlocutrices de ceux qui ont composé le numéro du service rose.
Et puis, je me garderai bien d’oublier de mentionner la jolie chanson interprétée à trois voix au cours du spectacle.
Au final, le public venu se divertir ne boude pas son plaisir, et applaudit chaleureusement les trois demoiselles.
Alors surtout, n’oubliez pas : « Pas d’zig dans l’biz ! »
Non mais allô, quoi !
Si l’on n’ignore rien de l’histoire de la ligne bleue des Vosges, en revanche, celle de la ligne rose de Paris est nettement moins connue.
Odile Blanchet, Bérénice Boccara et Sana Puis ont eu une idée épatante : raconter l’origine de la messagerie rose en France.
Dans une comédie loufoque au possible, elles vont nous conter les aventures de trois opératrices téléphoniques, en 1928, trois jeunes femmes différentes les unes des autres, au caractère bien trempé.
Ces trois filles vont être amenées à créer le premier service de conversations coquines par téléphone interposé.
Trois célibataires.
Marthe désespère de rencontrer l’âme sœur, Denise joue les oiseaux de nuit. Jeanne, elle, arrive du Bordelais pour commencer à Paris une nouvelle vie.
Bien entendu, des grains de sable vont gripper la belle mécanique : un malfrat qui va profiter de la petite entreprise, les collègues jalouses et malveillantes, sans oublier bien évidemment la Police des mœurs qui veille à l’ordre moral…
Dans une mise en scène alerte et enlevée, le trio ainsi formé va se révéler détonant !
Immédiatement, ce qui frappe les spectateurs dès que les projecteurs s’allument, c’est la très belle scénographie due à Olivier Prost et Lucas Thébault.
C’est bien simple, on se croirait dans la très réussie série espagnole « Les demoiselles du téléphone » !
On se prend à penser que le standard avec les fiches manuelles de mise en relation fonctionne vraiment, ainsi que les micros individuels en bakélite suspendus au cou de chacune des opératrices.
De la très belle ouvrage !
Une fraîcheur certaine émane de ce spectacle. Le sujet est pourtant « casse-gueule » au possible.
Ici, rien de graveleux ni de lourdaud.
Les choses sont dites, certes, mais avec une certaine retenue et une vraie justesse.
Le ton humoristique de l’entreprise permet un recul sur la réalité de ce métier de « communication ».
Les trois comédiennes, survoltées, vont nous démontrer leur vis comica.
Une vraie force comique émane de ces trois-là.
Chacune à sa manière va nous révéler son aptitude à nous faire rire.
Les nombreuses formules à l’emporte-pièce (celle sur le passage de 20 à 30 ans, notamment, ainsi que la description du vison d’Amérique provoquent bien des éclats de rire. Je ne vous détaille pas, bien entendu…)
Les mouvements souvent à la limite de l’exagération, les mimiques tragiques, et outrées, les effets divers et variés, concourent à beaucoup nous amuser.
Les accents allemands et québecois de Melle Blanchet sont épatants.
La mise en scène de Jean-Laurent Silvi est très enlevée, très exigeante envers les trois comédiennes. Entre les noirs plateaux prévus pour les changements de décor et de costumes, elles n’arrêtent pas, ne ménageant pas leur peine ! Quelle énergie !
© Photo Y.P. -
Alors certes, on rit beaucoup, mais sans avoir l’air d’y toucher, cette comédie nous parle également de la place et du pauvre rôle de la femme dans ces années folles.
Les trois camarades de jeu font passer mine de rien un discours de revendication, subtil mais bien réel.
Et puis, il y a autre chose.
La messagerie rose, ce n’était pas que du sexe fantasmé via les lignes téléphoniques.
Ce spectacle rappelle également le fait que beaucoup (majoritairement) d’hommes passaient par ce réseau pour parler, pour échanger, pour se confier, ou pour sortir pendant un moment d’une trop lourde solitude.
Le personnage incarné par Sana Puis évoque d’ailleurs la dimension d’écoute psychologique qu’ont les interlocutrices de ceux qui ont composé le numéro du service rose.
Et puis, je me garderai bien d’oublier de mentionner la jolie chanson interprétée à trois voix au cours du spectacle.
Au final, le public venu se divertir ne boude pas son plaisir, et applaudit chaleureusement les trois demoiselles.
Alors surtout, n’oubliez pas : « Pas d’zig dans l’biz ! »
9/10
Deux souffleurs… Non pas de Bretagne, mais du Var.
Les Belmondo Brothers, le saxophoniste et le trompettiste, sont de retour au Duc des Lombards, dans la formation qu’ils privilégient depuis longtemps : le quintet.
Lionel et Stéphane Belmondo sont venus nous interpréter quelques titres de leur dernier album en date : Brotherhood.
La fraternité.
Familiale et musicale.
Les deux frères d’armes instrumentales…
Les frangins vont nous embarquer dans un sacré voyage jazzistique.
Un voyage qui commence ce soir par un fascinant moment qui nous ramène à l’origine des instruments à vent, lorsqu’un homme a compris qu’en soufflant dans un coquillage ou dans un morceau de roseau, on obtenait des sons plus ou moins mélodiques qu’on pouvait de plus moduler.
Dans cette première œuvre, Stéphane souffle dans une conque, et Lionel joue d’une flûte en bois.
Quelque chose d’organique se dégage immédiatement, quelque chose d’originel.
Le souffle primaire.
Les deux sont rejoints par trois musiciens avec qui ils ont l’habitude de jouer, trois autres grands noms incontournables du jazz français : Thomas Bramerie à la contrebasse, Laurent Fickelson au piano, et Tony Rabeson à la batterie.
Trois pointures. Trois des sidemen les plus recherchés de la scène jazz française.
Et nous voici plongés dans un jazz qui retourne aux fondamentaux.
Un jazz qui s’assume !
Les Belmondo commencent ensemble, dans un thème issu… de lettres.
Les lettres du prénom et du nom de Yusef Lateef, le musicien et compositeur de jazz américain, avec qui Stéphane, notamment, a beaucoup travaillé et joué.
Dans cet album, le portrait musical sur les lettres du nom de famille a été remis au goût du jour. « Inventé » par un certain J.S. Bach, très en vogue au début du XXème siècle, il s’agit de faire correspondre lettres et notes : A=La, B=Si, C=Do, D=Ré, etc, etc jusqu’au Z.
Les quelques titres que nous entendrons débutent souvent lentement, par un moment d’une totale sérénité, les deux solistes jouant souvent le thème ensemble à la tierce, ou bien en alternance.
Les sons de la trompette ou du bugle, ainsi que celui du sax, dans les bas-médium et grave, nous font frissonner.
On perçoit le souffle, cet air qui provient du corps humain, nous rappelant encore et toujours le côté viscéral de ces instruments. Des sons, des notes qu’il faut fabriquer, reliant le corps et le métal pour ne plus faire qu’un.
Le lyrisme des deux musiciens n’est évidemment plus à démontrer, mais ce qu’ils nous jouent est une nouvelle fois d’une qualité mélodique et harmonique rare.
Des volutes sonores suaves, feutrées s’échappent des pavillons dorés. Ces deux-là sont vraiment des compositeurs subtils et inspirés.
Et puis, la machine s’emballe.
Les improvisations font monter la sauce, dans une progression à la fois remarquable et imparable.
Lyriques, les frangins, certes, mais également virtuoses !
Nous allons assister au déferlement de fleuves fulgurants de notes en fusion, des torrents de phrases musicales incandescentes.
Une incroyable puissance, une force brute quasi tellurique émane alors de la scène du Duc.
On sent là-encore le côté viscéral de ce jazz, comme un besoin fondamental d’aller dans des contrées sonores inexplorées.
Beaucoup de notes, bleues ou de toutes les couleurs, qui plongent le public dans une réel ravissement, et parfois dans une stupéfaction en constatant la technique de ces deux-là.
Une technique non pas pour la technique, mais au service d’un discours musical cohérent.
De nombreuses fois, le trompettiste pousse des petits cris et des « oh !!! » en entendant son grand frère et ses trois compères qui eux aussi nous ravissent.
Un nouveau chorus et solo de Thomas Bramerie, celui qui avait reçu une ovation, dernièrement à la Philarmonie de Paris, lors d’un grand hommage à Charlie Parker, un nouveau solo donc déchaîne un tonnerre d’applaudissements.
Tout comme celui de Tony Rabeson.
Les cinq musiciens s’amusent beaucoup, c’est évident.
Des plaisanteries fusent. Eux aussi prennent beaucoup de plaisir.
Un grand moment d’émotion s’empare de la salle entière lors de l’interprétation du titre Song for Dad.
Le papa disparu récemment.
On ne pouvait pas se quitter de la sorte sans un rappel. Ce sera Doxologie, un morceau issu lui aussi de l’album « Brotherhood ».
Les nombreuses dédicaces d’albums CD ou vinyles, les conversations enthousiastes avec les musiciens sont un signe qui ne trompe pas
Chacun repart du Duc des Lombards en étant bien persuadé d’avoir assisté à un grand moment de jazz.
Et de fraternité !
(Sans compter que nous avons eu droit en direct à une petite leçon de réparation d'un piston...)
Les Belmondo Brothers, le saxophoniste et le trompettiste, sont de retour au Duc des Lombards, dans la formation qu’ils privilégient depuis longtemps : le quintet.
Lionel et Stéphane Belmondo sont venus nous interpréter quelques titres de leur dernier album en date : Brotherhood.
La fraternité.
Familiale et musicale.
Les deux frères d’armes instrumentales…
Les frangins vont nous embarquer dans un sacré voyage jazzistique.
Un voyage qui commence ce soir par un fascinant moment qui nous ramène à l’origine des instruments à vent, lorsqu’un homme a compris qu’en soufflant dans un coquillage ou dans un morceau de roseau, on obtenait des sons plus ou moins mélodiques qu’on pouvait de plus moduler.
Dans cette première œuvre, Stéphane souffle dans une conque, et Lionel joue d’une flûte en bois.
Quelque chose d’organique se dégage immédiatement, quelque chose d’originel.
Le souffle primaire.
Les deux sont rejoints par trois musiciens avec qui ils ont l’habitude de jouer, trois autres grands noms incontournables du jazz français : Thomas Bramerie à la contrebasse, Laurent Fickelson au piano, et Tony Rabeson à la batterie.
Trois pointures. Trois des sidemen les plus recherchés de la scène jazz française.
Et nous voici plongés dans un jazz qui retourne aux fondamentaux.
Un jazz qui s’assume !
Les Belmondo commencent ensemble, dans un thème issu… de lettres.
Les lettres du prénom et du nom de Yusef Lateef, le musicien et compositeur de jazz américain, avec qui Stéphane, notamment, a beaucoup travaillé et joué.
Dans cet album, le portrait musical sur les lettres du nom de famille a été remis au goût du jour. « Inventé » par un certain J.S. Bach, très en vogue au début du XXème siècle, il s’agit de faire correspondre lettres et notes : A=La, B=Si, C=Do, D=Ré, etc, etc jusqu’au Z.
Les quelques titres que nous entendrons débutent souvent lentement, par un moment d’une totale sérénité, les deux solistes jouant souvent le thème ensemble à la tierce, ou bien en alternance.
Les sons de la trompette ou du bugle, ainsi que celui du sax, dans les bas-médium et grave, nous font frissonner.
On perçoit le souffle, cet air qui provient du corps humain, nous rappelant encore et toujours le côté viscéral de ces instruments. Des sons, des notes qu’il faut fabriquer, reliant le corps et le métal pour ne plus faire qu’un.
Le lyrisme des deux musiciens n’est évidemment plus à démontrer, mais ce qu’ils nous jouent est une nouvelle fois d’une qualité mélodique et harmonique rare.
Des volutes sonores suaves, feutrées s’échappent des pavillons dorés. Ces deux-là sont vraiment des compositeurs subtils et inspirés.
Et puis, la machine s’emballe.
Les improvisations font monter la sauce, dans une progression à la fois remarquable et imparable.
Lyriques, les frangins, certes, mais également virtuoses !
Nous allons assister au déferlement de fleuves fulgurants de notes en fusion, des torrents de phrases musicales incandescentes.
Une incroyable puissance, une force brute quasi tellurique émane alors de la scène du Duc.
On sent là-encore le côté viscéral de ce jazz, comme un besoin fondamental d’aller dans des contrées sonores inexplorées.
Beaucoup de notes, bleues ou de toutes les couleurs, qui plongent le public dans une réel ravissement, et parfois dans une stupéfaction en constatant la technique de ces deux-là.
Une technique non pas pour la technique, mais au service d’un discours musical cohérent.
De nombreuses fois, le trompettiste pousse des petits cris et des « oh !!! » en entendant son grand frère et ses trois compères qui eux aussi nous ravissent.
Un nouveau chorus et solo de Thomas Bramerie, celui qui avait reçu une ovation, dernièrement à la Philarmonie de Paris, lors d’un grand hommage à Charlie Parker, un nouveau solo donc déchaîne un tonnerre d’applaudissements.
Tout comme celui de Tony Rabeson.
Les cinq musiciens s’amusent beaucoup, c’est évident.
Des plaisanteries fusent. Eux aussi prennent beaucoup de plaisir.
Un grand moment d’émotion s’empare de la salle entière lors de l’interprétation du titre Song for Dad.
Le papa disparu récemment.
On ne pouvait pas se quitter de la sorte sans un rappel. Ce sera Doxologie, un morceau issu lui aussi de l’album « Brotherhood ».
Les nombreuses dédicaces d’albums CD ou vinyles, les conversations enthousiastes avec les musiciens sont un signe qui ne trompe pas
Chacun repart du Duc des Lombards en étant bien persuadé d’avoir assisté à un grand moment de jazz.
Et de fraternité !
(Sans compter que nous avons eu droit en direct à une petite leçon de réparation d'un piston...)
8,5/10
Wight is Wight…
Stewart is Stewart…
C’est en effet le titre « Year of the cat », du chanteur écossais Al Stewart qui se rappelle à notre bon souvenir une fois la salle plongée dans le noir.
L’année du chat pour un jeu de la féline et de la souris…
Une maison isolée, sur cette île de la Manche, dans laquelle vit seule Madeleine.
On frappe à la porte. C’est Frances.
Les deux femmes, dont la rencontre était improbable, sont liées par le troisième personnage de la pièce.
Un personnage on ne peut plus important, d’autant que nous ne le verrons jamais.
John. Le mari de Frances, qu’il a trompée naguère avec Madeleine.
Pendant tout une nuit, elle vont mettre en commun dans des confessions plus ou moins intimes leurs souvenirs, leurs places respectives de femmes, d’épouse et de maîtresse dans leur ex-trio amoureux.
Le dramaturge britannique David Hare nous décortique cette rencontre-là, cette confrontation à la fois féroce et délicate, grave et drôle, tellement universelle et pourtant si particulière.
Sans un metteur en scène particulièrement inspiré et deux comédiennes particulièrement talentueuses, ce texte est le type de texte « casse-gueule ».
Rien n’est plus délicat que d’évoquer et de montrer cette sorte de relation.
Ici, ces conditions sont réunies pour nous proposer une heure de théâtre tout en délicates dentelles, tout en intensité et en subtilité.
Le curseur est à son exacte et juste position.
Les deux comédiennes excellent à interpréter ces deux femmes, que tout semble opposer et différencier.
Chacune dans son registre nous dit quelle est la place de son personnage dans cette histoire d’amour partagée.
Deux personnages qui s’attachent à redéfinir leur rôle qui d’épouse, qui de maîtresse, pour mieux renverser la proposition.
Corinne Touzet, l’épouse trompée et Raphaëline Goupilleau, la maîtresse délaissée sont envoûtantes.
Elles nous attrapent pour ne plus nous lâcher. Chacune dans son registre, elles nous subjuguent dans ces rôles très exigeants.
Beaucoup d’émotion émane de leur prestation respective.
Le rugissement de Melle Touzet, les rires un peu désespérés de Melle Goupilleau, tout ceci m’a bouleversé.
Elles sont certes émouvants, mais parviennent parfaitement à faire passer l’humour contenu dans les formules parfois lapidaires de David Hare.
Le metteur en scène a dirigé ses comédiennes avec une grande précision et un vrai sens de l’espace et surtout de la distance qui sépare les deux personnages.
C’est une véritable chorégraphie à laquelle nous assistons.
De plus, une véritable réflexion très pertinente sur l’écriture (Frances est en effet romancière), et sur la place de la fiction dans nos sociétés soi-disant moderne nous questionne fortement.
Je n’aurai garde d’oublier de mentionner le très beau décor de Sophie Jacob, et la très inspirée musique de Cyril Giroux : le compositeur se sert de la grille harmonique de la chanson évoquée plus haut, et de temps en temps nous distille trois notes descendantes au piano…
Ré, si, la, trois petites notes pour trois grands personnages...
Voici donc un très beau moment de théâtre.
L’un de ces moments qui vous confronte à votre propre histoire ou votre propre passé.
L’un de ces moments qui nous fait réfléchir également sur la condition féminine, sur l’évolution, ou supposée évolution, des relations hommes/femmes.
A chacun de se prononcer.
Je suis ressorti quant à moi du Lucernaire en reprenant un peu espoir quant à notre humanité.
Comme une embellie.
Et Miles Davis d’emprunter l’ascenseur pour son échafaud, Kate Bush de nous chanter sa Babooshka et Cindy Lauper de nous rappeler que les filles veulent avant tout s’amuser.
Mais au fait, savez-vous ce que signifient les initiales MQFJC ?
Stewart is Stewart…
C’est en effet le titre « Year of the cat », du chanteur écossais Al Stewart qui se rappelle à notre bon souvenir une fois la salle plongée dans le noir.
L’année du chat pour un jeu de la féline et de la souris…
Une maison isolée, sur cette île de la Manche, dans laquelle vit seule Madeleine.
On frappe à la porte. C’est Frances.
Les deux femmes, dont la rencontre était improbable, sont liées par le troisième personnage de la pièce.
Un personnage on ne peut plus important, d’autant que nous ne le verrons jamais.
John. Le mari de Frances, qu’il a trompée naguère avec Madeleine.
Pendant tout une nuit, elle vont mettre en commun dans des confessions plus ou moins intimes leurs souvenirs, leurs places respectives de femmes, d’épouse et de maîtresse dans leur ex-trio amoureux.
Le dramaturge britannique David Hare nous décortique cette rencontre-là, cette confrontation à la fois féroce et délicate, grave et drôle, tellement universelle et pourtant si particulière.
Sans un metteur en scène particulièrement inspiré et deux comédiennes particulièrement talentueuses, ce texte est le type de texte « casse-gueule ».
Rien n’est plus délicat que d’évoquer et de montrer cette sorte de relation.
Ici, ces conditions sont réunies pour nous proposer une heure de théâtre tout en délicates dentelles, tout en intensité et en subtilité.
Le curseur est à son exacte et juste position.
Les deux comédiennes excellent à interpréter ces deux femmes, que tout semble opposer et différencier.
Chacune dans son registre nous dit quelle est la place de son personnage dans cette histoire d’amour partagée.
Deux personnages qui s’attachent à redéfinir leur rôle qui d’épouse, qui de maîtresse, pour mieux renverser la proposition.
Corinne Touzet, l’épouse trompée et Raphaëline Goupilleau, la maîtresse délaissée sont envoûtantes.
Elles nous attrapent pour ne plus nous lâcher. Chacune dans son registre, elles nous subjuguent dans ces rôles très exigeants.
Beaucoup d’émotion émane de leur prestation respective.
Le rugissement de Melle Touzet, les rires un peu désespérés de Melle Goupilleau, tout ceci m’a bouleversé.
Elles sont certes émouvants, mais parviennent parfaitement à faire passer l’humour contenu dans les formules parfois lapidaires de David Hare.
Le metteur en scène a dirigé ses comédiennes avec une grande précision et un vrai sens de l’espace et surtout de la distance qui sépare les deux personnages.
C’est une véritable chorégraphie à laquelle nous assistons.
De plus, une véritable réflexion très pertinente sur l’écriture (Frances est en effet romancière), et sur la place de la fiction dans nos sociétés soi-disant moderne nous questionne fortement.
Je n’aurai garde d’oublier de mentionner le très beau décor de Sophie Jacob, et la très inspirée musique de Cyril Giroux : le compositeur se sert de la grille harmonique de la chanson évoquée plus haut, et de temps en temps nous distille trois notes descendantes au piano…
Ré, si, la, trois petites notes pour trois grands personnages...
Voici donc un très beau moment de théâtre.
L’un de ces moments qui vous confronte à votre propre histoire ou votre propre passé.
L’un de ces moments qui nous fait réfléchir également sur la condition féminine, sur l’évolution, ou supposée évolution, des relations hommes/femmes.
A chacun de se prononcer.
Je suis ressorti quant à moi du Lucernaire en reprenant un peu espoir quant à notre humanité.
Comme une embellie.
Et Miles Davis d’emprunter l’ascenseur pour son échafaud, Kate Bush de nous chanter sa Babooshka et Cindy Lauper de nous rappeler que les filles veulent avant tout s’amuser.
Mais au fait, savez-vous ce que signifient les initiales MQFJC ?
9,5/10
Blax is beautiful !
Welcome to the Brown Sugar Club, 110st Street, Harlem, New-York, USA.
Nous y sommes accueillis par le titre Pusher Man, du groupe Young Holt Limited !
Le ton est immédiatement donné.
Simon Leblond, l’auteur et le metteur en scène de cette remarquable comédie musicale, les Brown Sugar, son directeur artistique nous embarquent dans leur machine à remonter le temps.
Back to the seventies !
Pour le visuel, pattes d’eph’, coiffures afro, imposantes rouflaquettes, manteaux de fourrure, impressions panthère, petites robes en lamé et à franges à la Tina Turner.
Pour la bande-son, pédale wah-wah, cocottes à la guitare, nappes de violons, rythme d’acier basse-batterie pour le funk en fusion de James Brown, Isaac Hayes, Curtis Mayfield, Marvin Gay, and so on…
Ce petit bijou de spectacle musical est un hommage à la blaxploitation, ce courant cinématographique des années 70’ dans lequel des artistes afro-américains vont revendiquer de figurer en tant que héros, et non plus se contenter des seconds, voire troisièmes rôles.
Un mouvement cinématographique accompagnant évidemment le mouvement social que l’on sait, en faveur des droits de la population noire américaine.
Nous allons retrouver pour notre plus grand plaisir tous les codes de ces films, tels que Shaft, Black girl, Blacula (si si…) ou encore La panthère noire de Harlem.
Le fil conducteur de ce spectacle est simple : nous faisons la connaissance et nous suivons les aventures de quatre enfants du quartier, une zone territoriale en proie à la guerre des gangs pour la possession et la distribution de la Shining Star, la coke la plus pure jamais élaborée. (Je n’ai pas goûté, je suis du genre à faire confiance, moi...)
En guise de décor, un comptoir de bar, une scène et un podium.
En fond de scène, un mur de sunstripes et de projecteurs asservis. Grosse production technique !
Ces quatre personnages, et d’autres, plus secondaires, sont interprétés par un quatuor de haut niveau : Rachel Gardner-Smith, Myriana Hatchi, Eric Vincent et Orlando Louis vont nous enchanter.
Purement et simplement.
Sur une bande-son d’enfer (je défie quiconque de rester de marbre et de ne pas bouger en écoutant tous les titres diffusés), ces quatre artistes complets se dépensent sans compter.
Chanteurs, danseurs, comédiens, acrobates, cascadeurs (Ah ! Ces combats de kung-fu), on sent évidemment une très solide formation en matière de comédie musicale.
Des bien beaux tableaux chorégraphiés avec précision provoquent immédiatement l’adhésion du public.
Durant une heure quarante, ça va pulser, ça va groover !
De grands moments émaillent le show. Nous rions énormément, car un décalage envers tous ces codes et autre clichés existe.
Les comédiennes et les comédiens ont une sacrée vis comica ! Les double-takes, les ruptures, les travestissements, les gestuelles et les mimiques sont épatants !
De plus, les hommages appuyés à un certain Quentin Tarantino sont jubilatoires. On pense à bien des scènes cultes, détournées pour notre plus grand plaisir.
Des dialogues percutants provoquent très souvent de grands rires dans la salle.
(Sans compter que l’on nous prodigue de très bons conseils, notamment en matière de disparition d’un cadavre sans pour autant contribuer au dérèglement climatique… l’humour noir est également présent.)
Ces quatre-là font preuve d’une grande cohésion, et d’une grande cohérence artistique. Eux aussi s’amusent, c’est évident.
Une sacrée énergie, des ondes on ne peut plus positives se dégagent de tout ceci.
Ils sont tous amplifiés, au moyen d’un micro serre-tête.
Il faut noter la grande qualité de la restitution sonore de toutes les sources, la grande précision et l’équilibre général de l’ensemble.
Un ingé-son tope en direct les bruits des coups, des tirs de pistolets, des kicks dans les combats. Tout est millimétré.
(Alors oui, hier, quelques pépins techniques ont eu lieu. Les machines ne sont que des machines et peuvent tomber en panne. Les artistes, grâce à leur talent et à leur métier ont su faire en sorte que le spectacle ne pâtisse pas de ces quelques « pains » numériques…)
En tout cas et quoi qu''il en soit, on ressort du Lucernaire en en ayant pris plein les yeux et plein les oreilles !
C’est un spectacle qui fait du bien, et qui vous redonne un sacré punch !
Que vous soyez badass ou pas, quelle que soit votre marque préférée en matière de whisky, il faut venir vous replonger dans ces années plus que folles et dans ce formidable courant musical.
Who's the black private dick
That's a sex machine to all the chicks? (Shaft !)
You're damn right !
Welcome to the Brown Sugar Club, 110st Street, Harlem, New-York, USA.
Nous y sommes accueillis par le titre Pusher Man, du groupe Young Holt Limited !
Le ton est immédiatement donné.
Simon Leblond, l’auteur et le metteur en scène de cette remarquable comédie musicale, les Brown Sugar, son directeur artistique nous embarquent dans leur machine à remonter le temps.
Back to the seventies !
Pour le visuel, pattes d’eph’, coiffures afro, imposantes rouflaquettes, manteaux de fourrure, impressions panthère, petites robes en lamé et à franges à la Tina Turner.
Pour la bande-son, pédale wah-wah, cocottes à la guitare, nappes de violons, rythme d’acier basse-batterie pour le funk en fusion de James Brown, Isaac Hayes, Curtis Mayfield, Marvin Gay, and so on…
Ce petit bijou de spectacle musical est un hommage à la blaxploitation, ce courant cinématographique des années 70’ dans lequel des artistes afro-américains vont revendiquer de figurer en tant que héros, et non plus se contenter des seconds, voire troisièmes rôles.
Un mouvement cinématographique accompagnant évidemment le mouvement social que l’on sait, en faveur des droits de la population noire américaine.
Nous allons retrouver pour notre plus grand plaisir tous les codes de ces films, tels que Shaft, Black girl, Blacula (si si…) ou encore La panthère noire de Harlem.
Le fil conducteur de ce spectacle est simple : nous faisons la connaissance et nous suivons les aventures de quatre enfants du quartier, une zone territoriale en proie à la guerre des gangs pour la possession et la distribution de la Shining Star, la coke la plus pure jamais élaborée. (Je n’ai pas goûté, je suis du genre à faire confiance, moi...)
En guise de décor, un comptoir de bar, une scène et un podium.
En fond de scène, un mur de sunstripes et de projecteurs asservis. Grosse production technique !
Ces quatre personnages, et d’autres, plus secondaires, sont interprétés par un quatuor de haut niveau : Rachel Gardner-Smith, Myriana Hatchi, Eric Vincent et Orlando Louis vont nous enchanter.
Purement et simplement.
Sur une bande-son d’enfer (je défie quiconque de rester de marbre et de ne pas bouger en écoutant tous les titres diffusés), ces quatre artistes complets se dépensent sans compter.
Chanteurs, danseurs, comédiens, acrobates, cascadeurs (Ah ! Ces combats de kung-fu), on sent évidemment une très solide formation en matière de comédie musicale.
Des bien beaux tableaux chorégraphiés avec précision provoquent immédiatement l’adhésion du public.
Durant une heure quarante, ça va pulser, ça va groover !
De grands moments émaillent le show. Nous rions énormément, car un décalage envers tous ces codes et autre clichés existe.
Les comédiennes et les comédiens ont une sacrée vis comica ! Les double-takes, les ruptures, les travestissements, les gestuelles et les mimiques sont épatants !
De plus, les hommages appuyés à un certain Quentin Tarantino sont jubilatoires. On pense à bien des scènes cultes, détournées pour notre plus grand plaisir.
Des dialogues percutants provoquent très souvent de grands rires dans la salle.
(Sans compter que l’on nous prodigue de très bons conseils, notamment en matière de disparition d’un cadavre sans pour autant contribuer au dérèglement climatique… l’humour noir est également présent.)
Ces quatre-là font preuve d’une grande cohésion, et d’une grande cohérence artistique. Eux aussi s’amusent, c’est évident.
Une sacrée énergie, des ondes on ne peut plus positives se dégagent de tout ceci.
Ils sont tous amplifiés, au moyen d’un micro serre-tête.
Il faut noter la grande qualité de la restitution sonore de toutes les sources, la grande précision et l’équilibre général de l’ensemble.
Un ingé-son tope en direct les bruits des coups, des tirs de pistolets, des kicks dans les combats. Tout est millimétré.
(Alors oui, hier, quelques pépins techniques ont eu lieu. Les machines ne sont que des machines et peuvent tomber en panne. Les artistes, grâce à leur talent et à leur métier ont su faire en sorte que le spectacle ne pâtisse pas de ces quelques « pains » numériques…)
En tout cas et quoi qu''il en soit, on ressort du Lucernaire en en ayant pris plein les yeux et plein les oreilles !
C’est un spectacle qui fait du bien, et qui vous redonne un sacré punch !
Que vous soyez badass ou pas, quelle que soit votre marque préférée en matière de whisky, il faut venir vous replonger dans ces années plus que folles et dans ce formidable courant musical.
Who's the black private dick
That's a sex machine to all the chicks? (Shaft !)
You're damn right !
9/10
Des essais brillamment transformés !
Hervé Briaux a eu l’excellente idée d’adapter pour le plateau du Poche-Montparnasse l’œuvre phare de Michel Eyquem, seigneur de Montaigne.
Passer au gueuloir ce monument de la littérature française du XVIème siècle ?
Une sacrée gageure !
L’un de ces défis dont est coutumier le comédien, qui m’avait déjà enthousiasmé dans son Tertullien, (l’exact contraire de Montaigne), sur ce même plateau.
Un homme se réveille. Derrière lui, un ciel étoilé.
Un être humain face au cosmos.
Cet être humain c’est Montaigne, qui a passé une bonne partie de sa vie à étudier un sujet riche, complexe, inépuisable, mystérieux, contradictoire : la condition humaine.
La condition de ces étranges entités vivantes, avec un modèle qu’il avait en permanence sous la main : lui-même.
« Connais-toi toi-même » !
Cette célèbre citation peut ici s’appliquer à cette étude de notre propre humanité.
(A cet égard, il me faut signaler la totale cohérence de ce spectacle avec L’île des esclaves, de Marivaux, dans lequel le comédien enchaîne juste après un rôle de Trivelin dont la philosophie présente de grandes similitudes.)
Hervé Briaux a donc choisi des extraits de cette œuvre fascinante, qu’il va nous dire et nous vivre d’une façon passionnante.
Ce spectacle est de ceux qui font du bien, car durant une heure et quelques minutes, vont nous être rappelées des évidences que dans nos sociétés dites évoluées, nous autres, égoïstes, individualistes, et orgueilleux avons trop tendance à oublier.
Que sommes-nous vraiment ? Qu’est-ce vraiment qu’un Homme ?
Qui sommes-nous pour vouloir commander à la nature ? Quelle est cette arrogance qui nous fait croire supérieurs aux autres espèce vivantes ?
Autant de sujet que nous avons tendance à évacuer de notre « bonne » conscience...
M. Briaux est un sacré diseur, un formidable raconteur !
Quelqu’un qui sait donner vie à un texte, un texte qui plus est n’est pas à priori destiné à être dit à haute voix.
Un texte qu’il faut non seulement interpréter, bien entendu, mais également mettre en abyme avec notre contemporanéité.
Ce faisant, il va nous prouver de façon incontestable la confondante modernité de l’œuvre de Montaigne.
C’en est parfois troublant.
« Nous sommes naturellement faits pour chercher la vérité.[…]
Le monde n’est qu’une école de recherche
Et ce n’est pas à qui atteindra le but, mais à qui fera la plus belle course. »
Comment ne pas mettre en parallèle ce qu’écrit Montaigne avec le fait que de plus en plus dans nos média soi-disant modernes, foisonnent des éditorialistes pétris de certitudes, auto-proclamés détenteurs de la vérité, au détriment de débats contradictoires, avec de vrais journalistes, afin que les auditeurs puissent accéder à leur propre recherche, et se forger leur propre avis ?
Comment ne pas opiner du chef, à l’évocation de certaines hypocrisies en matière de religion. (Je rappelle au passage que l’œuvre de Montaigne sera mise à l’index par le Saint-Office en 1676...)
Hervé Briaux nous restitue pour notre plus grand plaisir l’humour contenu dans son choix d’extraits, avec des moments d’une vraie drôlerie comme l’évocation du fonctionnement intempestif ou au contraire du non-fonctionnement d’un certain membre propre à la gent masculine, la narration de la mort d’Eschyle ou encore le rappel du fait que Saint-Augustin connaissait un homme capable de produire à la suite un nombre donné de flatulences.
Un autre épatant moment est celui au cours lequel il interprète la volupté de l’auteur à se réfugier au sein de ses livres.
Et puis, nous est rappelé un message fondamental : il faut jouir de la vie, encore, toujours, au jour le jour : il faut profiter de tout, sans pour autant redouter la mort, inéluctable et commune à nous tous.
Je suis ressorti de ce spectacle heureux, en ayant modestement le sentiment d’avoir été conforté quant à ma petite place d’être humain au sein d’un tout.
En ayant également envie de relire le plus rapidement possible l’œuvre entière de Montaigne.
C’est un brillant et très intelligent moment de théâtre, vous dis-je !
Hervé Briaux a eu l’excellente idée d’adapter pour le plateau du Poche-Montparnasse l’œuvre phare de Michel Eyquem, seigneur de Montaigne.
Passer au gueuloir ce monument de la littérature française du XVIème siècle ?
Une sacrée gageure !
L’un de ces défis dont est coutumier le comédien, qui m’avait déjà enthousiasmé dans son Tertullien, (l’exact contraire de Montaigne), sur ce même plateau.
Un homme se réveille. Derrière lui, un ciel étoilé.
Un être humain face au cosmos.
Cet être humain c’est Montaigne, qui a passé une bonne partie de sa vie à étudier un sujet riche, complexe, inépuisable, mystérieux, contradictoire : la condition humaine.
La condition de ces étranges entités vivantes, avec un modèle qu’il avait en permanence sous la main : lui-même.
« Connais-toi toi-même » !
Cette célèbre citation peut ici s’appliquer à cette étude de notre propre humanité.
(A cet égard, il me faut signaler la totale cohérence de ce spectacle avec L’île des esclaves, de Marivaux, dans lequel le comédien enchaîne juste après un rôle de Trivelin dont la philosophie présente de grandes similitudes.)
Hervé Briaux a donc choisi des extraits de cette œuvre fascinante, qu’il va nous dire et nous vivre d’une façon passionnante.
Ce spectacle est de ceux qui font du bien, car durant une heure et quelques minutes, vont nous être rappelées des évidences que dans nos sociétés dites évoluées, nous autres, égoïstes, individualistes, et orgueilleux avons trop tendance à oublier.
Que sommes-nous vraiment ? Qu’est-ce vraiment qu’un Homme ?
Qui sommes-nous pour vouloir commander à la nature ? Quelle est cette arrogance qui nous fait croire supérieurs aux autres espèce vivantes ?
Autant de sujet que nous avons tendance à évacuer de notre « bonne » conscience...
M. Briaux est un sacré diseur, un formidable raconteur !
Quelqu’un qui sait donner vie à un texte, un texte qui plus est n’est pas à priori destiné à être dit à haute voix.
Un texte qu’il faut non seulement interpréter, bien entendu, mais également mettre en abyme avec notre contemporanéité.
Ce faisant, il va nous prouver de façon incontestable la confondante modernité de l’œuvre de Montaigne.
C’en est parfois troublant.
« Nous sommes naturellement faits pour chercher la vérité.[…]
Le monde n’est qu’une école de recherche
Et ce n’est pas à qui atteindra le but, mais à qui fera la plus belle course. »
Comment ne pas mettre en parallèle ce qu’écrit Montaigne avec le fait que de plus en plus dans nos média soi-disant modernes, foisonnent des éditorialistes pétris de certitudes, auto-proclamés détenteurs de la vérité, au détriment de débats contradictoires, avec de vrais journalistes, afin que les auditeurs puissent accéder à leur propre recherche, et se forger leur propre avis ?
Comment ne pas opiner du chef, à l’évocation de certaines hypocrisies en matière de religion. (Je rappelle au passage que l’œuvre de Montaigne sera mise à l’index par le Saint-Office en 1676...)
Hervé Briaux nous restitue pour notre plus grand plaisir l’humour contenu dans son choix d’extraits, avec des moments d’une vraie drôlerie comme l’évocation du fonctionnement intempestif ou au contraire du non-fonctionnement d’un certain membre propre à la gent masculine, la narration de la mort d’Eschyle ou encore le rappel du fait que Saint-Augustin connaissait un homme capable de produire à la suite un nombre donné de flatulences.
Un autre épatant moment est celui au cours lequel il interprète la volupté de l’auteur à se réfugier au sein de ses livres.
Et puis, nous est rappelé un message fondamental : il faut jouir de la vie, encore, toujours, au jour le jour : il faut profiter de tout, sans pour autant redouter la mort, inéluctable et commune à nous tous.
Je suis ressorti de ce spectacle heureux, en ayant modestement le sentiment d’avoir été conforté quant à ma petite place d’être humain au sein d’un tout.
En ayant également envie de relire le plus rapidement possible l’œuvre entière de Montaigne.
C’est un brillant et très intelligent moment de théâtre, vous dis-je !