Ses critiques
1005 critiques
8/10
Où sont les serfs ?
Dans la cerisaie...
Qu'est-ce qu'ils y font ?
Ils la rachètent !
Et en avant le moujik !
Voici quarante-deux ans que le servage a été aboli en Russie, lorsque Tchekhov entreprend d'écrire sa Cerisaie.
La Cerisaie, c'est le beau domaine de Lioubov Andréevna. Après cinq ans passés à Paris suite à la mort de son jeune fils, elle revient à la maison.
Elle retrouve ceux qui l'attendent avec impatience, ses filles, le vieux maître d'hôtel, le précepteur, la dévouée servante...
Et Lopakhine, le marchand.
C'est lui qui, fils et petit fils de serfs du domaine, va rappeler à tout le monde que les valeurs s'inversent.
Tchekhov, en véritable sociologue qu'il est, sait bien que pour pouvoir recouvrer leur liberté, les serfs devaient s'endetter lourdement afin de racheter à leurs maîtres leur parcelle de terre.
Aujourd'hui, c'est ce même Lopakhine qui nous informe que la Cerisaie va être vendue aux enchères, les maîtres étant à leur tour fortement endettés.
Et c'est lui seul qui pourra acquérir la propriété.
La dette...
Dette financière, certes, mais évidemment dette morale...
Des années de servage, d'esclavage, ont laissé des traces indélébiles...
Mais ne nous y trompons pas, le personnage principal de la pièce, et c’est ce qu’a bien compris Clément Hervieu-Léger, le personnage principal, c’est évidemment le domaine, la maison.
Il a eu la très bonne idée de situer l’action qui s’étend sur quelques mois dans un lieu presque unique : la chambre.
Et plus précisément la chambre d’enfants.
(Deux dispositifs scénographiques permettront néanmoins d’élargir le lieu intérieur. Je vous laisse découvrir.)
Le choix de cette chambre d’enfants n’est pas anodin.
C’est l’endroit par excellence où les souvenirs vont resurgir. Parce que rien n’a changé, dans cette chambre-là.
Dans la belle scénographie signée Aurélie Maestre, à l’intérieur de cette datcha en bois, nous voyons les petits meubles, un lit de petite taille, une commode miniature. Nous retrouvons les jouets eux aussi en bois qui n’ont toujours pas été remisés au grenier.
On pourrait presque encore sentir le parfum du chocolat brûlant ou des gâteaux à la crème fouettée.
C’est dans cette chambre que tout le monde se retrouve, dès l’arrivée au domaine.
C’est là où le passé peut revivre.
Le passé et ses souvenirs.
Autre thème très présent dans cette ultime pièce du dramaturge russe.
Le metteur en scène, qui, nous dit-il, porte cette pièce en lui depuis très longtemps, affectionne ce théâtre de souvenirs. Ses choix artistiques passés le prouvent amplement.
Une autre réussite scénographique, c’est d’avoir permis au décor d’évoluer imperceptiblement, durant ces deux heures que dure la pièce.
Tout doucement, l’espace scénique va se réduire, tout comme se réduit l’ancien modèle social.
Aux murs, les tableaux vont progressivement disparaître : eux aussi, témoins du passé, seront décrochés pour laisser la place à de nouvelles pages d’écritures sociales et historiques.
La troupe des Comédiens français, à son habitude, est irréprochable.
Clément Hervieu-Léger les dirige de manière précise, peut-être parfois un peu trop sage, même.
Il sait bien en tout cas que l’auteur, habitué du mélange des genres ou plutôt habitué à ne pas afficher clairement un genre en particulier, a précisé que cette pièce était aussi une comédie.
Nous rions, donc, à certains moments.
Les chutes de Sébastien Pouderoux, les interventions de Véronique Vella (qui chantera, une nouvelle fois pour notre plus grand plaisir), les tirades un peu désabusées ou désenchantées de Florence Viala, les ruptures de Loïc Corbery, les envolées de Nicolas Lormeau nous amusent beaucoup.
Les comédiens nous émeuvent également dans cette pièce qui raconte le départ forcé d’une propriété, mais aussi qui nous dit l’irrémédiable fin d’une société.
Un long dialogue entre Jérémy Lopez et Melle Viala relève de cette veine faite de délicatesse et de sensibilité.
Et puis Michel Favory campe admirablement un Firs plein de sollicitude pour ses maîtres.
Il nous montre parfaitement ce personnage de domestique encore attaché à l’ordre ancien.
C'est lui qui restera sur le plateau, serviteur oublié de tous.
Le symbole de la fin d'un monde qui se meurt.
J’ai beaucoup aimé également le travail sur le son de Jean-Luc Ristord.
C’est d’ailleurs lui qui fournit une véritable ouverture à la pièce, à mesure que les lumières de la sallle baissent, avec les sons de la gare, du train qui arrive, les freins qui crissent.
Et puis des bruits extérieurs, plus ou moins perceptibles, avec notamment des sons d’oiseaux, illustrent très précisément le développement de la pièce.
Au final, c’est un beau moment de théâtre qui nous est proposé.
Venez donc passer ces deux heures dans la Cerisaie, avant que Lopakhine ne livre le domaine aux constructeurs de bungalows et aux estivants.
Dans la cerisaie...
Qu'est-ce qu'ils y font ?
Ils la rachètent !
Et en avant le moujik !
Voici quarante-deux ans que le servage a été aboli en Russie, lorsque Tchekhov entreprend d'écrire sa Cerisaie.
La Cerisaie, c'est le beau domaine de Lioubov Andréevna. Après cinq ans passés à Paris suite à la mort de son jeune fils, elle revient à la maison.
Elle retrouve ceux qui l'attendent avec impatience, ses filles, le vieux maître d'hôtel, le précepteur, la dévouée servante...
Et Lopakhine, le marchand.
C'est lui qui, fils et petit fils de serfs du domaine, va rappeler à tout le monde que les valeurs s'inversent.
Tchekhov, en véritable sociologue qu'il est, sait bien que pour pouvoir recouvrer leur liberté, les serfs devaient s'endetter lourdement afin de racheter à leurs maîtres leur parcelle de terre.
Aujourd'hui, c'est ce même Lopakhine qui nous informe que la Cerisaie va être vendue aux enchères, les maîtres étant à leur tour fortement endettés.
Et c'est lui seul qui pourra acquérir la propriété.
La dette...
Dette financière, certes, mais évidemment dette morale...
Des années de servage, d'esclavage, ont laissé des traces indélébiles...
Mais ne nous y trompons pas, le personnage principal de la pièce, et c’est ce qu’a bien compris Clément Hervieu-Léger, le personnage principal, c’est évidemment le domaine, la maison.
Il a eu la très bonne idée de situer l’action qui s’étend sur quelques mois dans un lieu presque unique : la chambre.
Et plus précisément la chambre d’enfants.
(Deux dispositifs scénographiques permettront néanmoins d’élargir le lieu intérieur. Je vous laisse découvrir.)
Le choix de cette chambre d’enfants n’est pas anodin.
C’est l’endroit par excellence où les souvenirs vont resurgir. Parce que rien n’a changé, dans cette chambre-là.
Dans la belle scénographie signée Aurélie Maestre, à l’intérieur de cette datcha en bois, nous voyons les petits meubles, un lit de petite taille, une commode miniature. Nous retrouvons les jouets eux aussi en bois qui n’ont toujours pas été remisés au grenier.
On pourrait presque encore sentir le parfum du chocolat brûlant ou des gâteaux à la crème fouettée.
C’est dans cette chambre que tout le monde se retrouve, dès l’arrivée au domaine.
C’est là où le passé peut revivre.
Le passé et ses souvenirs.
Autre thème très présent dans cette ultime pièce du dramaturge russe.
Le metteur en scène, qui, nous dit-il, porte cette pièce en lui depuis très longtemps, affectionne ce théâtre de souvenirs. Ses choix artistiques passés le prouvent amplement.
Une autre réussite scénographique, c’est d’avoir permis au décor d’évoluer imperceptiblement, durant ces deux heures que dure la pièce.
Tout doucement, l’espace scénique va se réduire, tout comme se réduit l’ancien modèle social.
Aux murs, les tableaux vont progressivement disparaître : eux aussi, témoins du passé, seront décrochés pour laisser la place à de nouvelles pages d’écritures sociales et historiques.
La troupe des Comédiens français, à son habitude, est irréprochable.
Clément Hervieu-Léger les dirige de manière précise, peut-être parfois un peu trop sage, même.
Il sait bien en tout cas que l’auteur, habitué du mélange des genres ou plutôt habitué à ne pas afficher clairement un genre en particulier, a précisé que cette pièce était aussi une comédie.
Nous rions, donc, à certains moments.
Les chutes de Sébastien Pouderoux, les interventions de Véronique Vella (qui chantera, une nouvelle fois pour notre plus grand plaisir), les tirades un peu désabusées ou désenchantées de Florence Viala, les ruptures de Loïc Corbery, les envolées de Nicolas Lormeau nous amusent beaucoup.
Les comédiens nous émeuvent également dans cette pièce qui raconte le départ forcé d’une propriété, mais aussi qui nous dit l’irrémédiable fin d’une société.
Un long dialogue entre Jérémy Lopez et Melle Viala relève de cette veine faite de délicatesse et de sensibilité.
Et puis Michel Favory campe admirablement un Firs plein de sollicitude pour ses maîtres.
Il nous montre parfaitement ce personnage de domestique encore attaché à l’ordre ancien.
C'est lui qui restera sur le plateau, serviteur oublié de tous.
Le symbole de la fin d'un monde qui se meurt.
J’ai beaucoup aimé également le travail sur le son de Jean-Luc Ristord.
C’est d’ailleurs lui qui fournit une véritable ouverture à la pièce, à mesure que les lumières de la sallle baissent, avec les sons de la gare, du train qui arrive, les freins qui crissent.
Et puis des bruits extérieurs, plus ou moins perceptibles, avec notamment des sons d’oiseaux, illustrent très précisément le développement de la pièce.
Au final, c’est un beau moment de théâtre qui nous est proposé.
Venez donc passer ces deux heures dans la Cerisaie, avant que Lopakhine ne livre le domaine aux constructeurs de bungalows et aux estivants.
10/10
Aux armes, mitoyens !
Deux armes terribles et ô combien efficaces, pour que ces deux voisins, la Marquise et le Chevalier, comprennent que leurs solitudes respectives peuvent déboucher sur une seconde surprise amoureuse.
Deux armes incroyables : le langage et la parole.
Marivaux, dans cette pièce écrite en 1727, cinq ans après sa (première) Surprise de l’amour, Marivaux donc, se pose pratiquement en précurseur de la psychanalyse, en attribuant aux mots un réel pouvoir de guérison.
« Notre conversation nous soulage ! », dit l’un des deux principaux protagonistes de l’intrigue.
C’est en parlant, c’est en SE parlant que cette Marquise, veuve depuis six mois, et ce Chevalier en proie à une grave déception amoureuse, c’est en libérant les mots que ces deux-là vont pouvoir renaître d’une certaine forme de dépression.
Ni elle, ni lui ne veulent plus entendre parler d’amour.
Tout le génie de Marivaux consiste ici à partir d’un point A commun aux deux principaux personnages (le refus d’aimer à nouveau), pour arriver à un point B qui sera un mariage, contracté à la toute dernière scène.
Françon. La délicatesse. La grâce.
Encore et toujours.
Durant presque deux heures, celui à qui l’on doit tant de réussites dramaturgiques va une nouvelle fois plonger toute une salle dans le ravissement le plus total.
Le metteur en scène va magnifier cette remarquable et réjouissante langue du premier tiers du XVIIIème siècle.
Il a déjà été tellement écrit sur la précision du travail d’Alain Françon qu’il est inutile de revenir plus avant sur sa capacité à faire évoluer des corps dans un espace unique, de régler telles de subtiles chorégraphies les mouvements et déplacements des comédiens, de calculer quasiment au millimètre près l’exacte distance qui doit séparer deux acteurs/actrices en fonction de l’intensité d’un dialogue.
Alain Françon, où comment se dire à chaque mise en scène que décidément, il ne pourrait pas en être autrement sur un plateau.
C’est un vrai ballet qu’il nous propose, dans la lignée de sa Trilogie de la villégiature, au Français.
Une danse qui voit évoluer une petite troupe de six comédiens épatants.
Il n’a pas été cherché bien loin pour trouver sa marquise, M. Françon.
C’est la délicieuse Georgia Scalliet, avec qui il a déjà travaillé trois fois, qui incarne cette femme en noir.
Mademoiselle Scalliet va encore cette fois-ci nous enchanter.
Sa composition est formidable.
La comédienne allie à la fois gravité et drôlerie, mettant parfaitement en évidence la dualité sentimentale de son personnage.
Ses ruptures, ses envolées dans les aigus, sa colère, ses exclamations, ses étonnements, sa façon de ramper sur la scène (si si…), tout ceci est absolument jubilatoire.
C’est un réel plaisir et un vrai bonheur que de la voir jouer cette veuve devenant de moins en moins éplorée.
Le Chevalier est interprété de bien subtile manière par Pierre-François Garel, un autre habitué du travail avec Françon.
Subtile manière, parce que le curseur est placé à l’exacte position : le personnage est à la fois touchant, drôle, sans pathos ni burlesque de mauvais aloi.
Une interprétation marquante de ce rôle, souvent toute en retenue, pas si évidente que cela à aborder…
Le couple servante-Lisette / domestique-Lubin est lui aussi épatant de drôlerie.
Suzanne de Baecque et Thomas Blanchard sont eux aussi formidables, dans ces deux rôles qui servent de pendant au couple principal.
La vis comica des deux comédienne/comédien est mis en évidence.
Nous rions beaucoup en voyant leur personnage dire avec aplomb leurs quatre vérités aux maîtres.
Rodolphe Congé est un Hortensius pédant à souhait.
Grâce à ce personnage, précepteur littéraire de la marquise, Marivaux enfonce le clou : les écrits, les livres ne permettront pas de soulager quiconque. Seuls les mots en auront la force.
Le comédien nous fait bien rire lui aussi.
Quant à Alexandre Ruby, il campe un comte rival qui se verrait bien convoler en noces plus ou moins justes avec la belle veuve.
Lui aussi est irréprochable, notamment dans la dernière scène, où son « ah ! », bouche bée, déclenche les rires.
Au moment des saluts, une véritable ovation monte des rangs des spectateurs, de multiples rappels des comédiens se succèdent, les « bravo » fusent.
Quoi de plus mérité !
Ce spectacle est un incontournable de cet automne !
C’est ce qu’a bien compris Mme Falgon, professeur de Français au lycée Paul-Eluard de Saint-Denis qui accompagnait hier soir sa classe aux Ateliers Berthier.
Les élèves du 93, casquettes vissées sur la tête, survêtement de rigueur, discutaient encore passionnément de la pièce dans le métro.
Sans surprise !
Deux armes terribles et ô combien efficaces, pour que ces deux voisins, la Marquise et le Chevalier, comprennent que leurs solitudes respectives peuvent déboucher sur une seconde surprise amoureuse.
Deux armes incroyables : le langage et la parole.
Marivaux, dans cette pièce écrite en 1727, cinq ans après sa (première) Surprise de l’amour, Marivaux donc, se pose pratiquement en précurseur de la psychanalyse, en attribuant aux mots un réel pouvoir de guérison.
« Notre conversation nous soulage ! », dit l’un des deux principaux protagonistes de l’intrigue.
C’est en parlant, c’est en SE parlant que cette Marquise, veuve depuis six mois, et ce Chevalier en proie à une grave déception amoureuse, c’est en libérant les mots que ces deux-là vont pouvoir renaître d’une certaine forme de dépression.
Ni elle, ni lui ne veulent plus entendre parler d’amour.
Tout le génie de Marivaux consiste ici à partir d’un point A commun aux deux principaux personnages (le refus d’aimer à nouveau), pour arriver à un point B qui sera un mariage, contracté à la toute dernière scène.
Françon. La délicatesse. La grâce.
Encore et toujours.
Durant presque deux heures, celui à qui l’on doit tant de réussites dramaturgiques va une nouvelle fois plonger toute une salle dans le ravissement le plus total.
Le metteur en scène va magnifier cette remarquable et réjouissante langue du premier tiers du XVIIIème siècle.
Il a déjà été tellement écrit sur la précision du travail d’Alain Françon qu’il est inutile de revenir plus avant sur sa capacité à faire évoluer des corps dans un espace unique, de régler telles de subtiles chorégraphies les mouvements et déplacements des comédiens, de calculer quasiment au millimètre près l’exacte distance qui doit séparer deux acteurs/actrices en fonction de l’intensité d’un dialogue.
Alain Françon, où comment se dire à chaque mise en scène que décidément, il ne pourrait pas en être autrement sur un plateau.
C’est un vrai ballet qu’il nous propose, dans la lignée de sa Trilogie de la villégiature, au Français.
Une danse qui voit évoluer une petite troupe de six comédiens épatants.
Il n’a pas été cherché bien loin pour trouver sa marquise, M. Françon.
C’est la délicieuse Georgia Scalliet, avec qui il a déjà travaillé trois fois, qui incarne cette femme en noir.
Mademoiselle Scalliet va encore cette fois-ci nous enchanter.
Sa composition est formidable.
La comédienne allie à la fois gravité et drôlerie, mettant parfaitement en évidence la dualité sentimentale de son personnage.
Ses ruptures, ses envolées dans les aigus, sa colère, ses exclamations, ses étonnements, sa façon de ramper sur la scène (si si…), tout ceci est absolument jubilatoire.
C’est un réel plaisir et un vrai bonheur que de la voir jouer cette veuve devenant de moins en moins éplorée.
Le Chevalier est interprété de bien subtile manière par Pierre-François Garel, un autre habitué du travail avec Françon.
Subtile manière, parce que le curseur est placé à l’exacte position : le personnage est à la fois touchant, drôle, sans pathos ni burlesque de mauvais aloi.
Une interprétation marquante de ce rôle, souvent toute en retenue, pas si évidente que cela à aborder…
Le couple servante-Lisette / domestique-Lubin est lui aussi épatant de drôlerie.
Suzanne de Baecque et Thomas Blanchard sont eux aussi formidables, dans ces deux rôles qui servent de pendant au couple principal.
La vis comica des deux comédienne/comédien est mis en évidence.
Nous rions beaucoup en voyant leur personnage dire avec aplomb leurs quatre vérités aux maîtres.
Rodolphe Congé est un Hortensius pédant à souhait.
Grâce à ce personnage, précepteur littéraire de la marquise, Marivaux enfonce le clou : les écrits, les livres ne permettront pas de soulager quiconque. Seuls les mots en auront la force.
Le comédien nous fait bien rire lui aussi.
Quant à Alexandre Ruby, il campe un comte rival qui se verrait bien convoler en noces plus ou moins justes avec la belle veuve.
Lui aussi est irréprochable, notamment dans la dernière scène, où son « ah ! », bouche bée, déclenche les rires.
Au moment des saluts, une véritable ovation monte des rangs des spectateurs, de multiples rappels des comédiens se succèdent, les « bravo » fusent.
Quoi de plus mérité !
Ce spectacle est un incontournable de cet automne !
C’est ce qu’a bien compris Mme Falgon, professeur de Français au lycée Paul-Eluard de Saint-Denis qui accompagnait hier soir sa classe aux Ateliers Berthier.
Les élèves du 93, casquettes vissées sur la tête, survêtement de rigueur, discutaient encore passionnément de la pièce dans le métro.
Sans surprise !
9,5/10
Le Saint-Laurent est tout sauf un long fleuve tranquille.
Les auteures québecoises Rébecca Déraspe et Annick Lefèbre le savent bien, elles qui côtoient ces masses d’eau en mouvement perpétuel, ces millions de mètres cubes d’élément liquide qui coulent, roulent, grondent, rugissent, cette colonne vertébrale de la Belle Province qui rassure ou effraie.
Le Saint-Laurent, le « Magtogoek » des premières populations amérindiens, le « chemin qui marche ».
Le fleuve, révélateur des comportements, des passions humaines, l’eau du fleuve qui fait ressortir les sentiments, les émotions.
Les non-dits, aussi…
L’eau qui peut engloutir, au propre et au figuré, l’être humain. Et le régurgiter.
C’est ce qui arrive à ces huit femmes et cet homme, qui vont être confrontés à la macabre découverte de cadavres sur ses berges, des corps en piètre état, des vestiges boursouflés, rongés par les crevettes, d’une humanité passée.
Des corps qui furent naguère bien vivants.
Dans cette commande, le patron des lieux, Wajdi Mouawad, a donné carte blanche à Annick Lefebvre et Rébecca Déraspe.
Elles ont eu envie de parler de territoires, géographiques ou intimes.
Et au Québec, lorsque l’on parle de territoire, on pense immédiatement au Saint-Laurent.
La porte d’entrée.
Les deux complices vont nous proposer un enthousiasmant moment de théâtre, deux heures passionnantes qui vont nous renvoyer un miroir de notre condition et de nos fonctionnements.
Ici, il va s’agir de disséquer notamment l’encore trop difficile condition féminine, avec les difficultés d’exister en tant que femme, trouver une vraie place, avec les désirs et les envies plus ou moins avoués et refoulés, les relations avec le sexe opposé ou bien celles avec la mère, ou encore la projection dans le futur grâce ou à cause de la maternité. La solitude, la mort...
Au delà des tournures de phrases et de l’accent si marqué et si attachant des comédiennes et du comédien, qui va faire que sur le plateau, ça va jaser, pis ça, ben, ça fait une criss de différence, au-delà de cet accent, le traitement la pièce sera forcément empreint de la culture nord-américaine, avec notamment une succession de petites saynètes, graves, drôles (voire hilarantes), s’enchaînant à toute allure.
L’écriture va elle aussi charrier des éléments qui vont déferler sur nous : ce sont les mots, les phrases, les formules itératives, les images et les envolées quasi-lyriques, parfois dans un registre très cru, pour nous montrer une hyper-réalité du dit, aboutissant à une révélation de ce qui est tu.
Un peu comme dans le roman Mystic River de Dennis Lehanne, porté à l’écran naguère par Clint Eastwood, le personnage principal de la pièce est un large cours d’eau.
Comment dans ce livre et ce film, à une découverte de cadavres dans ses eaux, moment « extraordinaire », vont se succéder des fragments de vie ordinaires, qui vont mettre en lumière les sentiments, les souvenirs, les désirs, les regrets.
Les situations « imposées » aux femmes, également.
Nous le verrons sur scène, ce fleuve-là, personnifié par la comédienne Elkhana Talbi, en longue tunique blanche, qui dialoguera avec les autres personnages.
Telle une nourrice antique, elle accompagnera en permanence tous les autres, sera à leurs côtés pour le meilleur et le pire. Le fleuve lui aussi jase, s’exprime.
Fait exceptionnel dans le monde du théâtre, ce sont les auteures qui ont pu choisir leur troupe.
Et quelle troupe !
Immédiatement, nous sommes totalement captivés par ce qu’elles et il vont nous dire et nous montrer, ces dix-là.
Ils vont nous faire rire (beaucoup), mais vont également nous plonger dans des instants dramaturgiques graves, intenses.
Grâce à eux, les personnages nous parlent de bien belle manière de mort, d’adultère, d’enfants enlevés à leur mère par les services sociaux, de solitude, de vieillissement.
Mis en scène par Alexia Bürger, tous nous entraînent dans ce tourbillon des passions humaines avec un engagement de tous les instants, avec souvent une vraie vis comica.
Ce que nous dit Marie-Thérèse Fortin à propos du filet de porc est absolument ahurissant et hilarant ! Un très grand moment.
La belle scénographie de Simon Guilbaut évoque le fleuve, grâce à deux grandes bandes horizontales au lointain, dont une aux lumières colorées changeantes.
Le caractère nu, austère du plateau fait immanquablement ressortir au mieux le texte.
La fin de la pièce verra la comédienne Louise Laprade nous dire un long et magnifique monologue. Nous comprendrons. Nous saurons.
Je vous recommande chaudement de vous rendre à la Colline : il serait dommage de passer à côté de cette magnifique entreprise artistique.
Et pis, ostie de tabarnak, il faut aller icite pour catcher comment fourrer du convexe !
Un point c’est toute, calice de calice !
Les auteures québecoises Rébecca Déraspe et Annick Lefèbre le savent bien, elles qui côtoient ces masses d’eau en mouvement perpétuel, ces millions de mètres cubes d’élément liquide qui coulent, roulent, grondent, rugissent, cette colonne vertébrale de la Belle Province qui rassure ou effraie.
Le Saint-Laurent, le « Magtogoek » des premières populations amérindiens, le « chemin qui marche ».
Le fleuve, révélateur des comportements, des passions humaines, l’eau du fleuve qui fait ressortir les sentiments, les émotions.
Les non-dits, aussi…
L’eau qui peut engloutir, au propre et au figuré, l’être humain. Et le régurgiter.
C’est ce qui arrive à ces huit femmes et cet homme, qui vont être confrontés à la macabre découverte de cadavres sur ses berges, des corps en piètre état, des vestiges boursouflés, rongés par les crevettes, d’une humanité passée.
Des corps qui furent naguère bien vivants.
Dans cette commande, le patron des lieux, Wajdi Mouawad, a donné carte blanche à Annick Lefebvre et Rébecca Déraspe.
Elles ont eu envie de parler de territoires, géographiques ou intimes.
Et au Québec, lorsque l’on parle de territoire, on pense immédiatement au Saint-Laurent.
La porte d’entrée.
Les deux complices vont nous proposer un enthousiasmant moment de théâtre, deux heures passionnantes qui vont nous renvoyer un miroir de notre condition et de nos fonctionnements.
Ici, il va s’agir de disséquer notamment l’encore trop difficile condition féminine, avec les difficultés d’exister en tant que femme, trouver une vraie place, avec les désirs et les envies plus ou moins avoués et refoulés, les relations avec le sexe opposé ou bien celles avec la mère, ou encore la projection dans le futur grâce ou à cause de la maternité. La solitude, la mort...
Au delà des tournures de phrases et de l’accent si marqué et si attachant des comédiennes et du comédien, qui va faire que sur le plateau, ça va jaser, pis ça, ben, ça fait une criss de différence, au-delà de cet accent, le traitement la pièce sera forcément empreint de la culture nord-américaine, avec notamment une succession de petites saynètes, graves, drôles (voire hilarantes), s’enchaînant à toute allure.
L’écriture va elle aussi charrier des éléments qui vont déferler sur nous : ce sont les mots, les phrases, les formules itératives, les images et les envolées quasi-lyriques, parfois dans un registre très cru, pour nous montrer une hyper-réalité du dit, aboutissant à une révélation de ce qui est tu.
Un peu comme dans le roman Mystic River de Dennis Lehanne, porté à l’écran naguère par Clint Eastwood, le personnage principal de la pièce est un large cours d’eau.
Comment dans ce livre et ce film, à une découverte de cadavres dans ses eaux, moment « extraordinaire », vont se succéder des fragments de vie ordinaires, qui vont mettre en lumière les sentiments, les souvenirs, les désirs, les regrets.
Les situations « imposées » aux femmes, également.
Nous le verrons sur scène, ce fleuve-là, personnifié par la comédienne Elkhana Talbi, en longue tunique blanche, qui dialoguera avec les autres personnages.
Telle une nourrice antique, elle accompagnera en permanence tous les autres, sera à leurs côtés pour le meilleur et le pire. Le fleuve lui aussi jase, s’exprime.
Fait exceptionnel dans le monde du théâtre, ce sont les auteures qui ont pu choisir leur troupe.
Et quelle troupe !
Immédiatement, nous sommes totalement captivés par ce qu’elles et il vont nous dire et nous montrer, ces dix-là.
Ils vont nous faire rire (beaucoup), mais vont également nous plonger dans des instants dramaturgiques graves, intenses.
Grâce à eux, les personnages nous parlent de bien belle manière de mort, d’adultère, d’enfants enlevés à leur mère par les services sociaux, de solitude, de vieillissement.
Mis en scène par Alexia Bürger, tous nous entraînent dans ce tourbillon des passions humaines avec un engagement de tous les instants, avec souvent une vraie vis comica.
Ce que nous dit Marie-Thérèse Fortin à propos du filet de porc est absolument ahurissant et hilarant ! Un très grand moment.
La belle scénographie de Simon Guilbaut évoque le fleuve, grâce à deux grandes bandes horizontales au lointain, dont une aux lumières colorées changeantes.
Le caractère nu, austère du plateau fait immanquablement ressortir au mieux le texte.
La fin de la pièce verra la comédienne Louise Laprade nous dire un long et magnifique monologue. Nous comprendrons. Nous saurons.
Je vous recommande chaudement de vous rendre à la Colline : il serait dommage de passer à côté de cette magnifique entreprise artistique.
Et pis, ostie de tabarnak, il faut aller icite pour catcher comment fourrer du convexe !
Un point c’est toute, calice de calice !
7,5/10
Des femmes voilées, irakiennes.
Des femmes violées, parce que colonisées.
Ou comment les violences subies par les corps féminins lors des occupations coloniales, (Messieurs les Anglais, suivez mon regard…), comment ces violences-là résonnent dans nos sociétés contemporaines.
C’est la question que s’est posée Tamara Al Saadi, dans cette pièce qui n’est pas sans rappeler les thématiques et les traitements de Wajdi Mouawad, qui a déjà tellement dit et écrit en matière de traumatismes liés aux persécutions et aux violences subies au Moyen-Orient.
Comment cette occultation par une aïeule du viol peut-elle se répercuter sur les générations futures…
Volonté de passer sous silence ou besoin de savoir, de comprendre, appropriation du drame...
Tamara Al Saadi a cherché à savoir ce qu’il en était sur le terrain, en allant interroger des reporters de guerre, des chercheurs sur le monde arabe.
Et puis des membres de sa propre famille.
On n’écrit pas évidemment pas sur un tel sujet sans être soi-même en proie à des résonances familiales.
Il y a une dimension sociologique dans son travail, qui se traduit sur le plateau par la capacité de mettre en mots et en images ce qui n’est pas dit, ou ce qui est refoulé dans une conscience collective familiale.
Elle a ainsi souhaité montrer les conséquences du poids du traumatisme sur une histoire d’amour contemporaine.
Celle d’un couple franco-irakien, entre Leïla et Julien.
On comprend évidemment que ce couple constitue la métaphore d’une relation entre le monde occidental colonisateur, et le monde oriental, le monde colonisé.
Les mécanismes au sein de ce couple sont disséqués de façon assez fine et l’on s’aperçoit très rapidement que le jeune femme souffre d’abord inconsciemment puis très intimement de ces violences subies voici plusieurs générations.
Alors, oui, il y a quelques longueurs.
Oui, la pièce gagnerait sans doute à être resserrée.
Mais ceci dit, les dix comédiens qui parfois jouent plusieurs rôles, ne ménagent pas leur peine ni leur énergie, et nous offrent de bien beaux moments.
Nous verrons sur le plateau ces générations multiples, jeunes et anciennes.
Grâce à la dramaturgie théâtrale, elles pourront se rencontrer et dialoguer entre elles.
Le couple David Houri/Julien et Mayya Sanbar/Leïla fonctionne très bien.
J’ai été très accroché par ce qu’ils nous disent et nous montrent.
Mademoiselle Sanbar conclura la pièce de belle façon, en nous faisant comprendre que la vie peut reprendre le dessus, que les psychés ont finalement intégré tant bien que mal le trauma.
Lula Hugot nous fait beaucoup rire, dans dans son rôle de la mère de Leïla.
Affublée de costumes et de chapeaux « improbables », avec des ruptures très drôles, la comédienne nous amuse beaucoup.
Quant à Tatiana Spivakova, donc les fidèles lecteurs de ce site savent à quel point j’apprécie son travail, Madamoiselle Spivakova nous démontre une nouvelle fois l’étendue de sa palette de jeu.
Elle est déchirante, lors de plusieurs scènes. Nous n’en menons pas large devant celles-ci.
Et puis, elle nous tire bien des rires, notamment dans un rôle d’interprète très appliquée, et très impliquée.
Cette troisième pièce de Tamara Al Saadi comporte donc de beaux moments de théâtre et s’inscrit dans la lignée du travail de Wajdi Mouawad.
Les multiples drames vécus au Moyen-Orient n’ont pas fini d’inspirer auteurs et dramaturges.
Des femmes violées, parce que colonisées.
Ou comment les violences subies par les corps féminins lors des occupations coloniales, (Messieurs les Anglais, suivez mon regard…), comment ces violences-là résonnent dans nos sociétés contemporaines.
C’est la question que s’est posée Tamara Al Saadi, dans cette pièce qui n’est pas sans rappeler les thématiques et les traitements de Wajdi Mouawad, qui a déjà tellement dit et écrit en matière de traumatismes liés aux persécutions et aux violences subies au Moyen-Orient.
Comment cette occultation par une aïeule du viol peut-elle se répercuter sur les générations futures…
Volonté de passer sous silence ou besoin de savoir, de comprendre, appropriation du drame...
Tamara Al Saadi a cherché à savoir ce qu’il en était sur le terrain, en allant interroger des reporters de guerre, des chercheurs sur le monde arabe.
Et puis des membres de sa propre famille.
On n’écrit pas évidemment pas sur un tel sujet sans être soi-même en proie à des résonances familiales.
Il y a une dimension sociologique dans son travail, qui se traduit sur le plateau par la capacité de mettre en mots et en images ce qui n’est pas dit, ou ce qui est refoulé dans une conscience collective familiale.
Elle a ainsi souhaité montrer les conséquences du poids du traumatisme sur une histoire d’amour contemporaine.
Celle d’un couple franco-irakien, entre Leïla et Julien.
On comprend évidemment que ce couple constitue la métaphore d’une relation entre le monde occidental colonisateur, et le monde oriental, le monde colonisé.
Les mécanismes au sein de ce couple sont disséqués de façon assez fine et l’on s’aperçoit très rapidement que le jeune femme souffre d’abord inconsciemment puis très intimement de ces violences subies voici plusieurs générations.
Alors, oui, il y a quelques longueurs.
Oui, la pièce gagnerait sans doute à être resserrée.
Mais ceci dit, les dix comédiens qui parfois jouent plusieurs rôles, ne ménagent pas leur peine ni leur énergie, et nous offrent de bien beaux moments.
Nous verrons sur le plateau ces générations multiples, jeunes et anciennes.
Grâce à la dramaturgie théâtrale, elles pourront se rencontrer et dialoguer entre elles.
Le couple David Houri/Julien et Mayya Sanbar/Leïla fonctionne très bien.
J’ai été très accroché par ce qu’ils nous disent et nous montrent.
Mademoiselle Sanbar conclura la pièce de belle façon, en nous faisant comprendre que la vie peut reprendre le dessus, que les psychés ont finalement intégré tant bien que mal le trauma.
Lula Hugot nous fait beaucoup rire, dans dans son rôle de la mère de Leïla.
Affublée de costumes et de chapeaux « improbables », avec des ruptures très drôles, la comédienne nous amuse beaucoup.
Quant à Tatiana Spivakova, donc les fidèles lecteurs de ce site savent à quel point j’apprécie son travail, Madamoiselle Spivakova nous démontre une nouvelle fois l’étendue de sa palette de jeu.
Elle est déchirante, lors de plusieurs scènes. Nous n’en menons pas large devant celles-ci.
Et puis, elle nous tire bien des rires, notamment dans un rôle d’interprète très appliquée, et très impliquée.
Cette troisième pièce de Tamara Al Saadi comporte donc de beaux moments de théâtre et s’inscrit dans la lignée du travail de Wajdi Mouawad.
Les multiples drames vécus au Moyen-Orient n’ont pas fini d’inspirer auteurs et dramaturges.
8,5/10
Mirage, Mirage,
Plus loin que les cris et le désamour,
Mirage, Mirage…
Hakim Bah est un griot contemporain.
Celui qui sait raconter, celui qui sait rapporter les histoires.
Celui qui sait dire aux autres les mots et les maux.
Avec cette pièce toute en tension, avec ce texte nécessaire et passionnant, il va nous décrire le mirage.
Le mirage et sa tragédie.
L’espoir de celles et ceux qui doivent quitter leur domicile, leur pays, leur continent, dans le but de trouver un ailleurs et une vie meilleurs.
L’espérance souvent vaine de trouver ce qu’on n’a pas ou plus chez soi, et qui vous pousse à partir coûte que coûte.
Et parfois au péril d’une vie.
Fifi, elle, elle l’a atteint ce but. Elle est parvenue à partir, direction la France.
Elle revient toute fière au pays de la chaleur, de la sueur et des mouches qui désormais l’insupportent.
Dame, c’est qu’elle est persuadées qu’elle est devenue quelqu’un, à Paris !
Elle retrouve une ancienne amie, Binta, qui va lui dire sa triste situation : elle est mariée à Bachir, un homme violent, qui la trompe allègrement.
Binta a deux enfants, Alpha et Biro, 13 et 9 ans.
Fifi va lui révéler le secret de sa supposée réussite : pour quitter le pays, il suffit de se connecter à un site de rencontres, de trouver l’âme plus ou moins sœur, et le tour est joué.
Les événements vont s’enchaîner, jusqu’au drame final.
Ce qui a constitué un triste fait divers chez nous, noyé dans la masse des infos quotidiennes, va se révéler être une tragédie familiale.
Une allégorie de la séparation, de la rupture des liens, une métaphore de ces terribles voyages forcés, souvent à sens unique et qui trouvent une issue dramatique.
L’auteur lui même et Diane Chavelet ont mis en scène ce texte.
Ce qui frappe, dès le début de la pièce, c’est le sentiment de tension, de violence d’abord sous-jacente et puis bien réelle par la suite, qui va régner durant cette heure et vingt minutes.
Nous percevons dès les premiers mots de la narratrice que cette histoire-là ne sera pas de tout repos, et qu’il ne s’agira pas d’un conte de fées.
La violence sera psychologique, mais également physique.
Des affrontements auront lieu, chorégraphiés à la machette, tels une danse brutale.
Parce qu’au pays, une femme ne peut pas partir impunément, comme si de rien était…
Et pourtant, comme dirait Fifi énonçant les mots d’Hakim Ba, « Si le sol te brûle les pieds, c’est que tu ne cours pas assez vite »…
Et puis le résultat d’une autre violence insupportable et révoltante sera montré au moyen d’un très bel artifice scénographique.
Nous entendrons et verrons d’une certaine façon Alpha et Biro. Les enfants.
Je n’en dis pas plus.
Trois excellents comédiens vont incarner les quatre personnages et nous restituer avec un réel engagement ce texte fait de phrases et de mots brutes, âpres, avec beaucoup de répétitions volontaires qui semblent marteler le désespoir.
Diarietou Keita incarne deux rôles : Fifi et la narratrice.
Elle est irrésistible dans le rôle de cette femme qui revient au pays et qui ne cache pas sa supposée supériorité, face à Binta.
Elle chantera fort joliment des complaintes et des mélopées narratives, tristes et elles aussi désespérées.
Binta est interprétée avec une grande finesse par Claudia Mongumu, qui donne à son personnage une réelle épaisseur, passant par de la candeur à une force de caractère peu commune.
Vhan Olsen Dombo est Bachir le violent et l’alcoolique.
Nous n’en menons pas large dans ses scènes de déchaînement physique. On entendrait les mouches tsé-tsé voler.
Le trio fonctionne à la perfection. Une grande cohérence règne durant tout le spectacle.
Tous ensemble, ils nous captivent à nous dire et nous montrer cette histoire d’une famille brisée.
Impossible de les lâcher une seule seconde.
Au lointain, derrière un comptoir semblable à celui des enregistrements des voyageurs dans n’importe quel aéroport, Victor Pitoiset, à la guitare et aux machines numériques, interprète en direct ses compositions.
Les rythmes chaloupés d’origine africaine côtoient des boucles faites de sons étranges et de bruits inquiétants, en adéquation avec ce qui nous est raconté.
Sa participation à la scène du questionnaire du site de rencontre est essentielle !
On l’aura compris, cette histoire mise en forme par Hakim Bah à partir d’un terrible fait divers, cette histoire-là nous confronte à un drame de l’exil, à une tragédie du départ à tout prix, du Sud vers le Nord, de la misère vécue à un supposé Eldorado.
Avec de terribles conséquences associées.
C’est un bien beau moment de théâtre, intense et passionnant.
De ceux qui marquent les esprits et les âmes.
Plus loin que les cris et le désamour,
Mirage, Mirage…
Hakim Bah est un griot contemporain.
Celui qui sait raconter, celui qui sait rapporter les histoires.
Celui qui sait dire aux autres les mots et les maux.
Avec cette pièce toute en tension, avec ce texte nécessaire et passionnant, il va nous décrire le mirage.
Le mirage et sa tragédie.
L’espoir de celles et ceux qui doivent quitter leur domicile, leur pays, leur continent, dans le but de trouver un ailleurs et une vie meilleurs.
L’espérance souvent vaine de trouver ce qu’on n’a pas ou plus chez soi, et qui vous pousse à partir coûte que coûte.
Et parfois au péril d’une vie.
Fifi, elle, elle l’a atteint ce but. Elle est parvenue à partir, direction la France.
Elle revient toute fière au pays de la chaleur, de la sueur et des mouches qui désormais l’insupportent.
Dame, c’est qu’elle est persuadées qu’elle est devenue quelqu’un, à Paris !
Elle retrouve une ancienne amie, Binta, qui va lui dire sa triste situation : elle est mariée à Bachir, un homme violent, qui la trompe allègrement.
Binta a deux enfants, Alpha et Biro, 13 et 9 ans.
Fifi va lui révéler le secret de sa supposée réussite : pour quitter le pays, il suffit de se connecter à un site de rencontres, de trouver l’âme plus ou moins sœur, et le tour est joué.
Les événements vont s’enchaîner, jusqu’au drame final.
Ce qui a constitué un triste fait divers chez nous, noyé dans la masse des infos quotidiennes, va se révéler être une tragédie familiale.
Une allégorie de la séparation, de la rupture des liens, une métaphore de ces terribles voyages forcés, souvent à sens unique et qui trouvent une issue dramatique.
L’auteur lui même et Diane Chavelet ont mis en scène ce texte.
Ce qui frappe, dès le début de la pièce, c’est le sentiment de tension, de violence d’abord sous-jacente et puis bien réelle par la suite, qui va régner durant cette heure et vingt minutes.
Nous percevons dès les premiers mots de la narratrice que cette histoire-là ne sera pas de tout repos, et qu’il ne s’agira pas d’un conte de fées.
La violence sera psychologique, mais également physique.
Des affrontements auront lieu, chorégraphiés à la machette, tels une danse brutale.
Parce qu’au pays, une femme ne peut pas partir impunément, comme si de rien était…
Et pourtant, comme dirait Fifi énonçant les mots d’Hakim Ba, « Si le sol te brûle les pieds, c’est que tu ne cours pas assez vite »…
Et puis le résultat d’une autre violence insupportable et révoltante sera montré au moyen d’un très bel artifice scénographique.
Nous entendrons et verrons d’une certaine façon Alpha et Biro. Les enfants.
Je n’en dis pas plus.
Trois excellents comédiens vont incarner les quatre personnages et nous restituer avec un réel engagement ce texte fait de phrases et de mots brutes, âpres, avec beaucoup de répétitions volontaires qui semblent marteler le désespoir.
Diarietou Keita incarne deux rôles : Fifi et la narratrice.
Elle est irrésistible dans le rôle de cette femme qui revient au pays et qui ne cache pas sa supposée supériorité, face à Binta.
Elle chantera fort joliment des complaintes et des mélopées narratives, tristes et elles aussi désespérées.
Binta est interprétée avec une grande finesse par Claudia Mongumu, qui donne à son personnage une réelle épaisseur, passant par de la candeur à une force de caractère peu commune.
Vhan Olsen Dombo est Bachir le violent et l’alcoolique.
Nous n’en menons pas large dans ses scènes de déchaînement physique. On entendrait les mouches tsé-tsé voler.
Le trio fonctionne à la perfection. Une grande cohérence règne durant tout le spectacle.
Tous ensemble, ils nous captivent à nous dire et nous montrer cette histoire d’une famille brisée.
Impossible de les lâcher une seule seconde.
Au lointain, derrière un comptoir semblable à celui des enregistrements des voyageurs dans n’importe quel aéroport, Victor Pitoiset, à la guitare et aux machines numériques, interprète en direct ses compositions.
Les rythmes chaloupés d’origine africaine côtoient des boucles faites de sons étranges et de bruits inquiétants, en adéquation avec ce qui nous est raconté.
Sa participation à la scène du questionnaire du site de rencontre est essentielle !
On l’aura compris, cette histoire mise en forme par Hakim Bah à partir d’un terrible fait divers, cette histoire-là nous confronte à un drame de l’exil, à une tragédie du départ à tout prix, du Sud vers le Nord, de la misère vécue à un supposé Eldorado.
Avec de terribles conséquences associées.
C’est un bien beau moment de théâtre, intense et passionnant.
De ceux qui marquent les esprits et les âmes.