Ses critiques
1005 critiques
9/10
Hate at the left hand…
Love at the right hand…
Les deux mains les plus célèbres de l’histoire du cinéma.
Celles de Robert Mitchum, en pasteur monstrueux dans La nuit du chasseur, film réalisé en 1955 par Charles Laughton. Un film tiré du roman éponyme de Davis Grubb.
Un chef d’œuvre en noir et blanc, quasiment expressionniste. Un conte de fées très sombre.
Il était une triste fois.
Un film qui nous raconte une histoire de trahison. Quand les adultes trahissent les enfants. Quand ces derniers sont plus adultes que les grands.
(Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si ce film, au catalogue de l’opération « Ecole et Cinéma », est projeté régulièrement à des élèves des CM1 et CM2.)
Guillaume Barbot a eu l’excellente idée de se remémorer cette œuvre magistrale qui l’a marqué dans son enfance, et de rassembler les souvenirs qu’il pouvait en avoir, afin d’en tirer une adaptation fort réussie.
Des souvenirs personnels qui ont pu évoluer avec le temps.
Tout notre rapport aux œuvres culturelles en général et au cinéma en particulier est fait de cette transformation personnelle et intime de ce que nous avons vu et ce dont nous pensons nous souvenir.
Le fondateur de la compagnie Coup de Poker va donc nous proposer son rapport personnel personnel au film pour un spectacle qui va nous montrer ce renversement des valeurs, et va nous mettre en garde contre l’argent qui corrompt, l’argent qui pervertit les cœurs et les âmes.
Un spectacle pratiquement en noir et blanc lui aussi.
Tout d’abord parce que les lumières souvent en clair obscur sont très douces. Le plateau est très rarement éclairé dans son entièreté. La seule lumière vive de la soirée sera une lampe torche souvent pointée dans notre direction par l’un des personnages, comme pour nous prendre à témoins.
Les costumes, ensuite, à l’exception de la robe rose tyrien de la fille et de sa poupée, tous ces costumes sont noirs ou blancs.
Une pomme également, symbole du péché originel, dans les mains du pasteur, apportera également une toute petite touche de couleur…
Dans une belle scénographie minimaliste, avec très peu d’accessoire et de décors, nous allons retrouver les cinq principaux personnages du film.
La famille, tout d’abord.
Le père, qui a réalisé un hold-up pour sauver sa famille, et qui est emprisonné. Il a en effet tué deux hommes.
Johan Bichot, danseur circassien, sera cet homme désespéré qui sera pendu pour ses crimes.
Le rapport à la grosse ficelle (non, je n’ai pas écrit le mot interdit…) sera magnifiquement montré. Une scène très réussie.
Mme Harper et ses deux enfants.
Et puis surtout, Harry Powell, un pasteur maléfique, qui n’aura de cesse de vouloir faire avouer à la veuve qu’il épousera, ainsi qu'aux petits, où est enterré le magot.
Il faut un comédien imposant de charisme et d’engagement pour incarner ce salopard.
Zoon Besse est ce comédien-là.
C’est bien simple, il m’a fait vraiment peur, en monstre prêt à tout pour arriver à ses fins. D’une voix doucereuse, il nous fait froid dans le dos en prédicateur maléfique.
Sophie Lenoir est impressionnante elle aussi, dans le rôle de la mère. Elle nous montre une incroyable scène de folie et de possession.
Elle est également hilarante dans le début de la nuit de noces avec le prêcheur, juste avant que son personnage ne soit martyrisé par Powell…
Le duo de comédiens est magnifique de présence et de justesse. Ce que ces deux-là nous montrent est véritablement prenant ! Nous n'en menons pas large...
Les enfants sont incarnés par Hélène Chevallier et Yannik Landrein.
C’est ce dernier qui endosse en même temps le rôle du narrateur, c’est lui qui se plante devant nous avec sa lampe de poche, au début et à la fin du spectacle, c’est lui qui nous raconte comment tout ceci est arrivé.
Qui nous dit le cauchemar.
Guillaume Barbot dirige ses comédiens avec une grande précision.
Une écriture de plateau permet de restituer au plus près les émotions qui émanent de ce conte noir.
Il a initié des moments de transparences et de reflets qui mettent en abyme les personnages, et qui accentuent les
Ce parti-pris est très judicieux, et sa mise en forme est très réussie.
Des moments très chorégraphiés participent également à la réussite de cette entreprise artistique.
Aux violons électroniques et aux multiples effets et loopers, Pierre-Marie Braye-Weppe interprète en direct ses très belles compositions, à la fois angoissantes et par moments apaisantes.
Voici donc un spectacle très intense, où le fond le dispute à la forme en terme de réussite.
Un spectacle qui nous replonge dans une œuvre mythique.
Le metteur en scène et ses comédiens nous font passer un peu plus d’une heure et demi très prenante.
Allez donc au Théâtre 13 applaudir cette magistrale relecture pour le plateau d’un classique du 7ème art !
Love at the right hand…
Les deux mains les plus célèbres de l’histoire du cinéma.
Celles de Robert Mitchum, en pasteur monstrueux dans La nuit du chasseur, film réalisé en 1955 par Charles Laughton. Un film tiré du roman éponyme de Davis Grubb.
Un chef d’œuvre en noir et blanc, quasiment expressionniste. Un conte de fées très sombre.
Il était une triste fois.
Un film qui nous raconte une histoire de trahison. Quand les adultes trahissent les enfants. Quand ces derniers sont plus adultes que les grands.
(Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si ce film, au catalogue de l’opération « Ecole et Cinéma », est projeté régulièrement à des élèves des CM1 et CM2.)
Guillaume Barbot a eu l’excellente idée de se remémorer cette œuvre magistrale qui l’a marqué dans son enfance, et de rassembler les souvenirs qu’il pouvait en avoir, afin d’en tirer une adaptation fort réussie.
Des souvenirs personnels qui ont pu évoluer avec le temps.
Tout notre rapport aux œuvres culturelles en général et au cinéma en particulier est fait de cette transformation personnelle et intime de ce que nous avons vu et ce dont nous pensons nous souvenir.
Le fondateur de la compagnie Coup de Poker va donc nous proposer son rapport personnel personnel au film pour un spectacle qui va nous montrer ce renversement des valeurs, et va nous mettre en garde contre l’argent qui corrompt, l’argent qui pervertit les cœurs et les âmes.
Un spectacle pratiquement en noir et blanc lui aussi.
Tout d’abord parce que les lumières souvent en clair obscur sont très douces. Le plateau est très rarement éclairé dans son entièreté. La seule lumière vive de la soirée sera une lampe torche souvent pointée dans notre direction par l’un des personnages, comme pour nous prendre à témoins.
Les costumes, ensuite, à l’exception de la robe rose tyrien de la fille et de sa poupée, tous ces costumes sont noirs ou blancs.
Une pomme également, symbole du péché originel, dans les mains du pasteur, apportera également une toute petite touche de couleur…
Dans une belle scénographie minimaliste, avec très peu d’accessoire et de décors, nous allons retrouver les cinq principaux personnages du film.
La famille, tout d’abord.
Le père, qui a réalisé un hold-up pour sauver sa famille, et qui est emprisonné. Il a en effet tué deux hommes.
Johan Bichot, danseur circassien, sera cet homme désespéré qui sera pendu pour ses crimes.
Le rapport à la grosse ficelle (non, je n’ai pas écrit le mot interdit…) sera magnifiquement montré. Une scène très réussie.
Mme Harper et ses deux enfants.
Et puis surtout, Harry Powell, un pasteur maléfique, qui n’aura de cesse de vouloir faire avouer à la veuve qu’il épousera, ainsi qu'aux petits, où est enterré le magot.
Il faut un comédien imposant de charisme et d’engagement pour incarner ce salopard.
Zoon Besse est ce comédien-là.
C’est bien simple, il m’a fait vraiment peur, en monstre prêt à tout pour arriver à ses fins. D’une voix doucereuse, il nous fait froid dans le dos en prédicateur maléfique.
Sophie Lenoir est impressionnante elle aussi, dans le rôle de la mère. Elle nous montre une incroyable scène de folie et de possession.
Elle est également hilarante dans le début de la nuit de noces avec le prêcheur, juste avant que son personnage ne soit martyrisé par Powell…
Le duo de comédiens est magnifique de présence et de justesse. Ce que ces deux-là nous montrent est véritablement prenant ! Nous n'en menons pas large...
Les enfants sont incarnés par Hélène Chevallier et Yannik Landrein.
C’est ce dernier qui endosse en même temps le rôle du narrateur, c’est lui qui se plante devant nous avec sa lampe de poche, au début et à la fin du spectacle, c’est lui qui nous raconte comment tout ceci est arrivé.
Qui nous dit le cauchemar.
Guillaume Barbot dirige ses comédiens avec une grande précision.
Une écriture de plateau permet de restituer au plus près les émotions qui émanent de ce conte noir.
Il a initié des moments de transparences et de reflets qui mettent en abyme les personnages, et qui accentuent les
Ce parti-pris est très judicieux, et sa mise en forme est très réussie.
Des moments très chorégraphiés participent également à la réussite de cette entreprise artistique.
Aux violons électroniques et aux multiples effets et loopers, Pierre-Marie Braye-Weppe interprète en direct ses très belles compositions, à la fois angoissantes et par moments apaisantes.
Voici donc un spectacle très intense, où le fond le dispute à la forme en terme de réussite.
Un spectacle qui nous replonge dans une œuvre mythique.
Le metteur en scène et ses comédiens nous font passer un peu plus d’une heure et demi très prenante.
Allez donc au Théâtre 13 applaudir cette magistrale relecture pour le plateau d’un classique du 7ème art !
9,5/10
« Mais quel homme exceptionnel, ce Yves ! », me vanne Yassine Belattar, après ma réponse à sa question « Yves, quel est ton métier ? » et après avoir entendu « Critique professionnel de théâtre... »
Mais comme je suis d’accord avec lui !
Mais comme ce spectacle est un bon spectacle, sans doute le meilleur depuis cinquante ans sur la place de Paris !
Yassine Belattar, celui qui durant trois heures et cinq minutes (oui oui, vous avez bien lu, trois heures et cinq minutes), va nous faire énormément rire.
Rire ! Hurler de rire, même !
Oui, faire rire une salle entière, une salle métissée et composée d'une grande mixité sociale (ce qui devient de plus en plus rare...)
Une salle à l’image de cette France multiculturelle et multi-confessionnelle dont nous avons tant besoin, cette France dont l’évolution dans ce sens est un important et indéniable atout, n’en déplaise aux racistes de tous bords, aux fascistes de moins en moins décomplexés.
Une France où hélas l’ombre de la bête immonde rôde encore et toujours, une bête au ventre si fécond, pour reprendre les mots de Brecht.
Yassine Belattar, celui qui va remettre les pendules à l’heure, en nous rappelant des vérités qui ne devraient pas avoir à être rappelées.
Des vérités concernant le besoin de fraternité, de solidarité.
Yassine Bellatar qui va dire Sa vérité, face aux polémiques récentes ou anciennes qui l’opposent à nombre de salopards ayant plus ou moins pignon sur rue et à plusieurs « journalistes éditocrates » sur différentes antennes ou media.
L’homme est un fin observateur de la chose politique de son pays, doté d’une féroce et impitoyable acuité quasi sociologique.
Il y a du Guy Bedos chez lui. Il le citera, d’ailleurs, ayant appris de lui qu’un humoriste est toujours dans l’opposition.
Dans une féroce diatribe, il va notamment s’en prendre à juste titre aux journalistes-éditorialistes, eux qui ont fabriqué de toutes pièces Eric Zemmour.
Sa démonstration est imparable et on ne peut plus argumentée.
Bien entendu, sur scène, Bellatar n’est pas naïf.
Il va également nous parler du bled, des travers de ceux qui ont dû traverser un jour la Méditerranée et de leurs rejetons, il va dresser un portrait argumenté des Algériens, des Marocains, des Tunisiens.
Là encore, avec beaucoup d’humour, il les vanne aussi, provoquant l’hilarité générale.
Sont évoqués également à de nombreuses reprises les quartiers de Barbès, Pigalle…
Pas de complaisance. « Les loups, les hyènes », comme il les appelle, ils sait qu’ils existent...
Fin lettré, il nous parle de catharsis, ce mot signifiant la « purge » théâtrale.
Cette catharsis qui fonctionne pleinement : lui peut traiter son fils de six ans de « connard » sur le plateau. Nous, en nous tenant les côtes, on se dit qu’on aimerait pouvoir le faire…
La parentalité tient une grande place dans ce one-man-show.
Avec notamment la violence, les coups portés sur les enfants. Avec des images étonnantes et hilarantes, comme l’évocation des petits napperons, des fruits en plastique, et de ce meuble mystérieux qu’est « la vitrina », le buffet de famille, un meuble autour duquel a dû être construit l’appartement.
Toutes ces choses qui font l’identité de chacun.
Pour autant, il nous rappelle toutes les solidarités des habitants des barres de HLM des cités, les héros qui peuvent s’y trouver, les véritables forces vives de la nation, quoi qu’il en coûte à certains.
Quoi de plus difficile que de faire rire un public ?
Yassine Belattar ne va pas nous laisser un seul moment de répit.
Il aime jouer, parler. Cet homme est un grand diseur, un fin raconteur.
Ses sketches, remarquablement construits sont prétextes à de somptueuses improvisations on ne peut plus drôles.
De grands moments, de très grands moments même nous attendent, comme par exemple la description de la police de Barbès, le car-jacking de Jacqouille la fripouille, la description de Nordine le cinglé, j’en passe et des meilleurs.
Lui aussi s’amuse beaucoup, c’est évident, à interpeller, vanner son public. A de nombreuses reprises, il ne peut retenir son fou-rire devant les réponses de certains spectateurs.
Un va et vient permanent très drôle s’installe entre lui et nous.
Le couple… Autre sujet de prédilection…
Là encore, pour notre plus grand bonheur, l’humoriste ne va pas se retenir. Je vous laisse découvrir…
Et puis la fin du spectacle.
Bouleversante...
Consacrée à la disparition d’un pote, un ami cher et rare. Une histoire vraie.
Il pleure.
Comme pour nous dire de profiter, comme pour nous faire remarquer la dérision des vaines polémiques face à ce drame, comme pour nous dire de ne pas passer à côté des choses vraiment importantes.
Dire « Je t’aime !», avant qu’il ne soit trop tard.
Une séquence très réussie mettra en mots et images cet avertissement. Là encore, je n’en dis pas plus…
Ce spectacle, co-écrit avec Thomas Barbazan, est de ceux qui font beaucoup de bien.
Parce qu’il nous permet de replacer la fraternité au centre de tout.
« Frère !, Sœur ! », deux des mots les plus importants de la langue française.
La fraternité, par le biais de l’humour le plus féroce, peut-être, mais le plus drôle.
Comme pour narguer ceux qui la refusent en bloc, cette fraternité-là.
Ce mot pourtant inscrit au fronton de nos mairies.
Yassine Belattar, nous avons besoin de toi !
Mais comme je suis d’accord avec lui !
Mais comme ce spectacle est un bon spectacle, sans doute le meilleur depuis cinquante ans sur la place de Paris !
Yassine Belattar, celui qui durant trois heures et cinq minutes (oui oui, vous avez bien lu, trois heures et cinq minutes), va nous faire énormément rire.
Rire ! Hurler de rire, même !
Oui, faire rire une salle entière, une salle métissée et composée d'une grande mixité sociale (ce qui devient de plus en plus rare...)
Une salle à l’image de cette France multiculturelle et multi-confessionnelle dont nous avons tant besoin, cette France dont l’évolution dans ce sens est un important et indéniable atout, n’en déplaise aux racistes de tous bords, aux fascistes de moins en moins décomplexés.
Une France où hélas l’ombre de la bête immonde rôde encore et toujours, une bête au ventre si fécond, pour reprendre les mots de Brecht.
Yassine Belattar, celui qui va remettre les pendules à l’heure, en nous rappelant des vérités qui ne devraient pas avoir à être rappelées.
Des vérités concernant le besoin de fraternité, de solidarité.
Yassine Bellatar qui va dire Sa vérité, face aux polémiques récentes ou anciennes qui l’opposent à nombre de salopards ayant plus ou moins pignon sur rue et à plusieurs « journalistes éditocrates » sur différentes antennes ou media.
L’homme est un fin observateur de la chose politique de son pays, doté d’une féroce et impitoyable acuité quasi sociologique.
Il y a du Guy Bedos chez lui. Il le citera, d’ailleurs, ayant appris de lui qu’un humoriste est toujours dans l’opposition.
Dans une féroce diatribe, il va notamment s’en prendre à juste titre aux journalistes-éditorialistes, eux qui ont fabriqué de toutes pièces Eric Zemmour.
Sa démonstration est imparable et on ne peut plus argumentée.
Bien entendu, sur scène, Bellatar n’est pas naïf.
Il va également nous parler du bled, des travers de ceux qui ont dû traverser un jour la Méditerranée et de leurs rejetons, il va dresser un portrait argumenté des Algériens, des Marocains, des Tunisiens.
Là encore, avec beaucoup d’humour, il les vanne aussi, provoquant l’hilarité générale.
Sont évoqués également à de nombreuses reprises les quartiers de Barbès, Pigalle…
Pas de complaisance. « Les loups, les hyènes », comme il les appelle, ils sait qu’ils existent...
Fin lettré, il nous parle de catharsis, ce mot signifiant la « purge » théâtrale.
Cette catharsis qui fonctionne pleinement : lui peut traiter son fils de six ans de « connard » sur le plateau. Nous, en nous tenant les côtes, on se dit qu’on aimerait pouvoir le faire…
La parentalité tient une grande place dans ce one-man-show.
Avec notamment la violence, les coups portés sur les enfants. Avec des images étonnantes et hilarantes, comme l’évocation des petits napperons, des fruits en plastique, et de ce meuble mystérieux qu’est « la vitrina », le buffet de famille, un meuble autour duquel a dû être construit l’appartement.
Toutes ces choses qui font l’identité de chacun.
Pour autant, il nous rappelle toutes les solidarités des habitants des barres de HLM des cités, les héros qui peuvent s’y trouver, les véritables forces vives de la nation, quoi qu’il en coûte à certains.
Quoi de plus difficile que de faire rire un public ?
Yassine Belattar ne va pas nous laisser un seul moment de répit.
Il aime jouer, parler. Cet homme est un grand diseur, un fin raconteur.
Ses sketches, remarquablement construits sont prétextes à de somptueuses improvisations on ne peut plus drôles.
De grands moments, de très grands moments même nous attendent, comme par exemple la description de la police de Barbès, le car-jacking de Jacqouille la fripouille, la description de Nordine le cinglé, j’en passe et des meilleurs.
Lui aussi s’amuse beaucoup, c’est évident, à interpeller, vanner son public. A de nombreuses reprises, il ne peut retenir son fou-rire devant les réponses de certains spectateurs.
Un va et vient permanent très drôle s’installe entre lui et nous.
Le couple… Autre sujet de prédilection…
Là encore, pour notre plus grand bonheur, l’humoriste ne va pas se retenir. Je vous laisse découvrir…
Et puis la fin du spectacle.
Bouleversante...
Consacrée à la disparition d’un pote, un ami cher et rare. Une histoire vraie.
Il pleure.
Comme pour nous dire de profiter, comme pour nous faire remarquer la dérision des vaines polémiques face à ce drame, comme pour nous dire de ne pas passer à côté des choses vraiment importantes.
Dire « Je t’aime !», avant qu’il ne soit trop tard.
Une séquence très réussie mettra en mots et images cet avertissement. Là encore, je n’en dis pas plus…
Ce spectacle, co-écrit avec Thomas Barbazan, est de ceux qui font beaucoup de bien.
Parce qu’il nous permet de replacer la fraternité au centre de tout.
« Frère !, Sœur ! », deux des mots les plus importants de la langue française.
La fraternité, par le biais de l’humour le plus féroce, peut-être, mais le plus drôle.
Comme pour narguer ceux qui la refusent en bloc, cette fraternité-là.
Ce mot pourtant inscrit au fronton de nos mairies.
Yassine Belattar, nous avons besoin de toi !
9/10
Le passé pas si simple que ça…
Pour Julien Gosselin, porter sur un plateau de théâtre une œuvre dramaturgique, c’est se placer en situation d’observer tel un archéologue du futur ce qui faisait l’essence même de notre humanité en ce XXIème siècle, dès lors que celle-ci aurait disparu à jamais.
Alors évidemment, lorsque ceux qui suivent le travail découvrent, une fois le rideau tiré, des costumes des années 1900, un réel étonnement les saisit.
Après avoir ausculté l’ultra-contemporanéité d’auteurs tels que Michel Houellebecq, Don DeLilo, Stéphanie Chaillou, ou encore Roberto Bolano, Julien Gosselin a découvert grâce au traducteur André Marcowicz un auteur russe que personne ou à peu-près ne connaissait, Léonid Andréïev.
Immédiatement, Gosselin s’est montré captivé par ces personnages d’une société au chevet de son extinction.
Il a donc lu de nombreux ouvrages de cet auteur, pour en tirer une adaptation de cinq d’entre elles.
Il le reconnaît lui-même : « [L’écriture d’Andreïev] « pourrait paraître à côté de la plaque. Ce ne sont pas des mécanismes parfaits comme on peut trouver chez Gorki, ou évidemment chez Tchekhov. »
Ce qui lui a permis une sorte de défi à mettre en forme tout ceci.
Et quelle forme !
Neuf séquences vont être réparties sur une durée de quatre heures et trente minutes, entracte non-compris.
Deux œuvres vont constituer la colonne vertébrale du spectacle : Ekaterina Ivanovna parue en 1912 et la pièce symboliste Requiem datant de 1916.
Les autres séquences seront issues des nouvelles L’abîme (1902), Dans le brouillard (1902) et La résurrection des morts (écrite entre 1910 et 1914).
Une descente aux enfers. Une plongée dans un gouffre sans fond.
Ici, c’est l’opposition de concepts qui sera le nœud dramaturgique du spectacle : morale/subversion, distance/présence, intérieur/extérieur, passé/présent.
Et puis également et peut-être surtout la vie et la mort…
On le sait désormais, le théâtre de Gosselin est un subtil mélange de plusieurs media : jeu de plateau, évidemment, mais également cinéma et video.
Des décors successifs qui composent la magnifique scénographie de Lisetta Buccelatto, nous verrons surtout l’extérieur des différents lieux : les intérieurs, les personnages, nous les découvrirons par le filtre de la video, retransmise sur grand écran.
Nous suivons ainsi de très près et en permanence les différents protagonistes.
Gros plans et silhouettes mouvantes à l’intérieur des habitations.
La mise en scène est donc réglée de façon millimétrée, parfois comme un véritable ballet chorégraphié avec subtilité et précision. C’est un véritable travail d’’orfèvre.
Durant ces quelque deux-cent-soixante-dix minutes, nous allons être bousculés.
C’est un euphémisme. (Le spectacle est déconseillé aux moins de quinze ans.)
Julien Gosselin et la compagnie Si vous pouviez lécher mon cœur vont nous plonger de façon abrupte, intense voire éprouvante, dans la descente aux enfers de cette femme, Ekaterina Ivanovna.
Avec parfois quelques excès, certes, mais qui participent pleinement à illustrer le drame de cette femme.
La forme secoue vraiment. Et de manière de plus en plus impitoyable, au fur et à mesure que le temps passe.
Des spectateurs sont d’ailleurs partis à l’entracte. Ils ont eu tort, car ils ont manqué l’une des scènes finales, dans laquelle Victoria Quesnel, qui incarne l’héroïne, interprète une scène hallucinante de transe hystérique.
© Photo Simon Gosselin
Ce que fait Melle Quesnel relève du difficilement supportable, d’une sauvagerie et d’une force on ne peut plus brutales faites de mouvements désordonnés, de cris rauques, d’imprécations diverses.
La comédienne se débat comme une belle diablesse, maintenue tant bien que mal par ses camarades de jeu...
Une scène qui marque vraiment les esprits, (attention les âmes sensibles…), et qui restera pour longtemps dans les annales du théâtre.
J’en profite pour souligne l’engagement total et sans faille de tous les comédiens, qui se livrent parfois à une vraie performance.
J’ai beaucoup aimé la séquence Dans le brouillard, qui relève du cinéma expressionniste. Nosfératu de Murnau n’est pas loin.
Ce passage met en scène Pavel, un adolescent mélancolique et révolté, aux prises avec ses pulsion sexuelles. Il a attrapé la syphilis et en conçoit une véritable haine pour les femmes.
Les comédiens sont alors affublés de masques magnifiques et grotesques, et évoluent au milieu d’une fumée très intense (le brouillard) qui envahit toute la salle…
Les images très contrastées sont évidemment en noir et blanc.
Un magnifique intermède scénique, La mer, permet juste auparavant la construction en direct du décor de Dans le brouillard, avec des éléments « à l’ancienne », des flots et une cabane qu’on pourrait croire en carton-pâte. C’est très beau.
Autre avertissement : la musique très prenante et très intéressante de Guillaume Bachelé et Maxence Vandevelde est diffusée à un niveau sonore d’une intensité extrême. Il a fallu que je me bouche les oreilles dans certaines scènes.
© Photo Simon Gosselin
Au final, tout le monde ressort secoué de ces quatre heures et demie.
Le théâtre de Gosselin n’est pas de tout repos. C’est un théâtre éprouvant.
Il faut s’accrocher aux accoudoirs des fauteuils.
Mais cette violence, cette brutalité servent le propos. Rien n’est gratuit, rien n’est fortuit.
Comme à son habitude, une remarquable cohérence est au service de son discours dramaturgique.
Le théâtre, ça sert (aussi) à être bousculé, même violemment.
Pour Julien Gosselin, porter sur un plateau de théâtre une œuvre dramaturgique, c’est se placer en situation d’observer tel un archéologue du futur ce qui faisait l’essence même de notre humanité en ce XXIème siècle, dès lors que celle-ci aurait disparu à jamais.
Alors évidemment, lorsque ceux qui suivent le travail découvrent, une fois le rideau tiré, des costumes des années 1900, un réel étonnement les saisit.
Après avoir ausculté l’ultra-contemporanéité d’auteurs tels que Michel Houellebecq, Don DeLilo, Stéphanie Chaillou, ou encore Roberto Bolano, Julien Gosselin a découvert grâce au traducteur André Marcowicz un auteur russe que personne ou à peu-près ne connaissait, Léonid Andréïev.
Immédiatement, Gosselin s’est montré captivé par ces personnages d’une société au chevet de son extinction.
Il a donc lu de nombreux ouvrages de cet auteur, pour en tirer une adaptation de cinq d’entre elles.
Il le reconnaît lui-même : « [L’écriture d’Andreïev] « pourrait paraître à côté de la plaque. Ce ne sont pas des mécanismes parfaits comme on peut trouver chez Gorki, ou évidemment chez Tchekhov. »
Ce qui lui a permis une sorte de défi à mettre en forme tout ceci.
Et quelle forme !
Neuf séquences vont être réparties sur une durée de quatre heures et trente minutes, entracte non-compris.
Deux œuvres vont constituer la colonne vertébrale du spectacle : Ekaterina Ivanovna parue en 1912 et la pièce symboliste Requiem datant de 1916.
Les autres séquences seront issues des nouvelles L’abîme (1902), Dans le brouillard (1902) et La résurrection des morts (écrite entre 1910 et 1914).
Une descente aux enfers. Une plongée dans un gouffre sans fond.
Ici, c’est l’opposition de concepts qui sera le nœud dramaturgique du spectacle : morale/subversion, distance/présence, intérieur/extérieur, passé/présent.
Et puis également et peut-être surtout la vie et la mort…
On le sait désormais, le théâtre de Gosselin est un subtil mélange de plusieurs media : jeu de plateau, évidemment, mais également cinéma et video.
Des décors successifs qui composent la magnifique scénographie de Lisetta Buccelatto, nous verrons surtout l’extérieur des différents lieux : les intérieurs, les personnages, nous les découvrirons par le filtre de la video, retransmise sur grand écran.
Nous suivons ainsi de très près et en permanence les différents protagonistes.
Gros plans et silhouettes mouvantes à l’intérieur des habitations.
La mise en scène est donc réglée de façon millimétrée, parfois comme un véritable ballet chorégraphié avec subtilité et précision. C’est un véritable travail d’’orfèvre.
Durant ces quelque deux-cent-soixante-dix minutes, nous allons être bousculés.
C’est un euphémisme. (Le spectacle est déconseillé aux moins de quinze ans.)
Julien Gosselin et la compagnie Si vous pouviez lécher mon cœur vont nous plonger de façon abrupte, intense voire éprouvante, dans la descente aux enfers de cette femme, Ekaterina Ivanovna.
Avec parfois quelques excès, certes, mais qui participent pleinement à illustrer le drame de cette femme.
La forme secoue vraiment. Et de manière de plus en plus impitoyable, au fur et à mesure que le temps passe.
Des spectateurs sont d’ailleurs partis à l’entracte. Ils ont eu tort, car ils ont manqué l’une des scènes finales, dans laquelle Victoria Quesnel, qui incarne l’héroïne, interprète une scène hallucinante de transe hystérique.
© Photo Simon Gosselin
Ce que fait Melle Quesnel relève du difficilement supportable, d’une sauvagerie et d’une force on ne peut plus brutales faites de mouvements désordonnés, de cris rauques, d’imprécations diverses.
La comédienne se débat comme une belle diablesse, maintenue tant bien que mal par ses camarades de jeu...
Une scène qui marque vraiment les esprits, (attention les âmes sensibles…), et qui restera pour longtemps dans les annales du théâtre.
J’en profite pour souligne l’engagement total et sans faille de tous les comédiens, qui se livrent parfois à une vraie performance.
J’ai beaucoup aimé la séquence Dans le brouillard, qui relève du cinéma expressionniste. Nosfératu de Murnau n’est pas loin.
Ce passage met en scène Pavel, un adolescent mélancolique et révolté, aux prises avec ses pulsion sexuelles. Il a attrapé la syphilis et en conçoit une véritable haine pour les femmes.
Les comédiens sont alors affublés de masques magnifiques et grotesques, et évoluent au milieu d’une fumée très intense (le brouillard) qui envahit toute la salle…
Les images très contrastées sont évidemment en noir et blanc.
Un magnifique intermède scénique, La mer, permet juste auparavant la construction en direct du décor de Dans le brouillard, avec des éléments « à l’ancienne », des flots et une cabane qu’on pourrait croire en carton-pâte. C’est très beau.
Autre avertissement : la musique très prenante et très intéressante de Guillaume Bachelé et Maxence Vandevelde est diffusée à un niveau sonore d’une intensité extrême. Il a fallu que je me bouche les oreilles dans certaines scènes.
© Photo Simon Gosselin
Au final, tout le monde ressort secoué de ces quatre heures et demie.
Le théâtre de Gosselin n’est pas de tout repos. C’est un théâtre éprouvant.
Il faut s’accrocher aux accoudoirs des fauteuils.
Mais cette violence, cette brutalité servent le propos. Rien n’est gratuit, rien n’est fortuit.
Comme à son habitude, une remarquable cohérence est au service de son discours dramaturgique.
Le théâtre, ça sert (aussi) à être bousculé, même violemment.
9/10
Une pour tous, tous pour elle !
Elle, c’est Charlotte Matzneff, qui co-signe avec Jean-Philippe Daguerre une adaptation on ne peut plus réussie de ce chef-d’œuvre qu’est ce roman d’Alexandre Dumas.
Eux qui président à la destinée de la compagnie Le grenier de Babouchka vont nous faire retrouver sur le plateau du Ranelagh et pour notre plus grand plaisir les plus grands héros de toute la littérature française.
Durant une heure et trente cinq minutes, nous allons être embarqués dans un tourbillon épique, nous allons vibrer, frissonner, rêver, trembler, nous allons une nouvelle fois nous passionner à suivre les trépidantes aventures des quatre inséparables. Cette fois-ci en chair et en os devant nous !
Melle Matzneff et M. Daguerre ont bien compris qu’il serait vain de suivre à la lettre le livre : un spectacle de trente heures n’y aurait pas suffi.
Ici, leur adaptation a su préserver l’essentiel : l’esprit du grand Dumas !
Roman de cape et d’épée, roman d’amour, mais également vertigineuse fresque historique et surtout politique : tout y est !
L’une des grandes qualités de cette entreprise artistique est de réussir à nous faire visualiser tous les lieux que nous connaissons bien.
Sans décor mais avec de magnifiques costumes signés Catherine Lainard, et surtout grâce à la mise en scène précise, fluide et on ne peut plus enlevée de Charlotte Matzneff, nous sommes véritablement dans l’hôtel de Tréville, au Louvre, à Londres, ou encore au siège de la Rochelle.
La puissance de la force évocatrice de ce que nous voyons est telle que la cage de scène devient sans aucun problème ces multiples endroits.
La scène d’ouverture du spectacle est particulièrement réussie : il sera question par M. d’Artagnan père de transmission des valeurs qui vont faire de son fils le héros que l’on sait.
En deux minutes, le portrait et les caractéristiques morales et humaines du futur mousquetaire sont ainsi mises en place. C’est très judicieux et très malin.
On retrouve encore dans cette production artistique cet esprit de théâtre de tréteaux que j’aime tant !
Un théâtre d’urgence et de vérité.
Roman de cape et d’épée, donc : des combats très réussis font faire se croiser les rapières à de nombreuses occasions.
De véritables et magnifiques chorégraphies signées Christophe Mie (qui de plus interprète notamment lMonsieur de Tréville et Louis XIII) parsèment ce spectacle.
Il faut noter que les femmes ne sont pas les dernières à sortir les épées de leur fourreau !
Nous verrons les grandes chevauchées menant nos héros à Londres ou au couvent des carmélites de Béthune : le procédé choisi est fort habile, permettant aux comédiens de monter à cru et de nous faire entendre le galop de leur monture. Je n’en dis pas plus !
Roman d’amour : les différentes intrigues amoureuses mettant en scène Constance Bonacieux, Milady de Winter, Anne d’Autriche, incarnées par Caroline Frossard, Barbara Lamballais, Sandra Parra ou Marguerite Dabrin, ces différentes intrigues amoureuses sont finement restituées.
Roman historique : sur la scène, rien ne manque aux intrigues politiques qui sous-tendent en toile de fond ces aventures.
Mes deux personnages préférés du roman, Aramis et Richelieu, sont interprétés avec beaucoup de finesse par Julien Renon.
Dans le rôle de ces deux personnages de religieux, (on sait qu’Aramis finira général des Jésuites dans le dernier tome de la trilogie, le Vicomte de Bragelonne), le comédien est excellent de duplicité et de fourberie : après tout, le cardinal est l’un des principaux méchants de l’histoire. (Vêtu de pourpre, il apparaît souvent dans une vive lumière rouge. L’effet est saisissant !)
Les douze comédiennes et comédiens sur scène ne ménagent pas leur peine et leur énergie.
Aucun temps mort, pas de répit : tous interprètent plusieurs rôles, avec de multiples changements de costumes en coulisse, tous s’amusent, tous et nous passionnent.
Ce spectacle est également un spectacle musical. Tonio Matias à l’accordéon et à la guitare électrique demi-caisse équipée d’une whammy bar, a composé une bande-son prenante et épique, qui elle aussi nous transporte, un peu à la façon d’Ennio Moriconne.
La fin de la pièce est elle aussi très réussie.
Dans le livre, d’Artagnan a définitivement perdu celle qu’il aime, et Dumas annonce dans son livre la suite de la trilogie, Vingt ans après, publiée en feuilleton dans la foulée.
Ici, l’adaptation fait en sorte de délivrer un message d’espoir, un message positif.
Quoi qu’il arrive, il faut lutter et surmonter les épreuves. Il faut aller de l’avant. (Axel Drhey en Athos bouleversant est alors épatant...)
Un tonnerre d’applaudissements retentit dès que le noir tombe sur le plateau, et ce n’est que justice.
Il serait vraiment dommage de laisser aux seules petites têtes plus ou moins blondes ce spectacle.
Ne manquez pas cet ardent et intense moment de théâtre d’une générosité et d’un souffle épique exemplaires.
Venez retrouver pour votre plus grand plaisir les d’Artagnan, Athos, Porthos et Aramis de votre enfance !
Elle, c’est Charlotte Matzneff, qui co-signe avec Jean-Philippe Daguerre une adaptation on ne peut plus réussie de ce chef-d’œuvre qu’est ce roman d’Alexandre Dumas.
Eux qui président à la destinée de la compagnie Le grenier de Babouchka vont nous faire retrouver sur le plateau du Ranelagh et pour notre plus grand plaisir les plus grands héros de toute la littérature française.
Durant une heure et trente cinq minutes, nous allons être embarqués dans un tourbillon épique, nous allons vibrer, frissonner, rêver, trembler, nous allons une nouvelle fois nous passionner à suivre les trépidantes aventures des quatre inséparables. Cette fois-ci en chair et en os devant nous !
Melle Matzneff et M. Daguerre ont bien compris qu’il serait vain de suivre à la lettre le livre : un spectacle de trente heures n’y aurait pas suffi.
Ici, leur adaptation a su préserver l’essentiel : l’esprit du grand Dumas !
Roman de cape et d’épée, roman d’amour, mais également vertigineuse fresque historique et surtout politique : tout y est !
L’une des grandes qualités de cette entreprise artistique est de réussir à nous faire visualiser tous les lieux que nous connaissons bien.
Sans décor mais avec de magnifiques costumes signés Catherine Lainard, et surtout grâce à la mise en scène précise, fluide et on ne peut plus enlevée de Charlotte Matzneff, nous sommes véritablement dans l’hôtel de Tréville, au Louvre, à Londres, ou encore au siège de la Rochelle.
La puissance de la force évocatrice de ce que nous voyons est telle que la cage de scène devient sans aucun problème ces multiples endroits.
La scène d’ouverture du spectacle est particulièrement réussie : il sera question par M. d’Artagnan père de transmission des valeurs qui vont faire de son fils le héros que l’on sait.
En deux minutes, le portrait et les caractéristiques morales et humaines du futur mousquetaire sont ainsi mises en place. C’est très judicieux et très malin.
On retrouve encore dans cette production artistique cet esprit de théâtre de tréteaux que j’aime tant !
Un théâtre d’urgence et de vérité.
Roman de cape et d’épée, donc : des combats très réussis font faire se croiser les rapières à de nombreuses occasions.
De véritables et magnifiques chorégraphies signées Christophe Mie (qui de plus interprète notamment lMonsieur de Tréville et Louis XIII) parsèment ce spectacle.
Il faut noter que les femmes ne sont pas les dernières à sortir les épées de leur fourreau !
Nous verrons les grandes chevauchées menant nos héros à Londres ou au couvent des carmélites de Béthune : le procédé choisi est fort habile, permettant aux comédiens de monter à cru et de nous faire entendre le galop de leur monture. Je n’en dis pas plus !
Roman d’amour : les différentes intrigues amoureuses mettant en scène Constance Bonacieux, Milady de Winter, Anne d’Autriche, incarnées par Caroline Frossard, Barbara Lamballais, Sandra Parra ou Marguerite Dabrin, ces différentes intrigues amoureuses sont finement restituées.
Roman historique : sur la scène, rien ne manque aux intrigues politiques qui sous-tendent en toile de fond ces aventures.
Mes deux personnages préférés du roman, Aramis et Richelieu, sont interprétés avec beaucoup de finesse par Julien Renon.
Dans le rôle de ces deux personnages de religieux, (on sait qu’Aramis finira général des Jésuites dans le dernier tome de la trilogie, le Vicomte de Bragelonne), le comédien est excellent de duplicité et de fourberie : après tout, le cardinal est l’un des principaux méchants de l’histoire. (Vêtu de pourpre, il apparaît souvent dans une vive lumière rouge. L’effet est saisissant !)
Les douze comédiennes et comédiens sur scène ne ménagent pas leur peine et leur énergie.
Aucun temps mort, pas de répit : tous interprètent plusieurs rôles, avec de multiples changements de costumes en coulisse, tous s’amusent, tous et nous passionnent.
Ce spectacle est également un spectacle musical. Tonio Matias à l’accordéon et à la guitare électrique demi-caisse équipée d’une whammy bar, a composé une bande-son prenante et épique, qui elle aussi nous transporte, un peu à la façon d’Ennio Moriconne.
La fin de la pièce est elle aussi très réussie.
Dans le livre, d’Artagnan a définitivement perdu celle qu’il aime, et Dumas annonce dans son livre la suite de la trilogie, Vingt ans après, publiée en feuilleton dans la foulée.
Ici, l’adaptation fait en sorte de délivrer un message d’espoir, un message positif.
Quoi qu’il arrive, il faut lutter et surmonter les épreuves. Il faut aller de l’avant. (Axel Drhey en Athos bouleversant est alors épatant...)
Un tonnerre d’applaudissements retentit dès que le noir tombe sur le plateau, et ce n’est que justice.
Il serait vraiment dommage de laisser aux seules petites têtes plus ou moins blondes ce spectacle.
Ne manquez pas cet ardent et intense moment de théâtre d’une générosité et d’un souffle épique exemplaires.
Venez retrouver pour votre plus grand plaisir les d’Artagnan, Athos, Porthos et Aramis de votre enfance !
9,5/10
Quand Anne-Marie Marcon et André la beauté nous disent les mots de Yasmina Reza.
Dans son premier monologue théâtral paru en janvier 2020 chez Flammarion, l’écrivaine prix Renaudot 2016 nous présente un personnage à la fois haut en couleurs et attendrissant.
Anne-Marie Mille désormais âgée était actrice. Naguère.
Une actrice qui n’a jamais vraiment connu une gloire étincelante, abonnée aux seconds voire troisièmes rôles et plus si pas d’affinités, à la différence de sa meilleure amie, Gisèle Fayolle, son amie des débuts. Sa seule amie.
Frasques, amants qui « tournicotaient comme des mouches », mère à 23 ans d’une fille dont elle ne voulait pas connaître le père, parce que de toute façon « il me fera chier », la Gisèle était une sacrée nature !
Mais voilà, elle vient de mourir.
Anne-Marie, est encore plus seule que d’habitude. Elle donne une interview.
Dans cette délicate ode au théâtre, l’auteure-metteure en scène va faire se raconter Anne-Marie, qui va nous parler de son enfance, à Saint-Sourd, dans le Nord, de la chambre des Rondeaux, du théâtre de Clichy, des personnages que Gisèle et elle-même ont interprétés.
Elle va nous décrire également l’enterrement de son amie.
Un monologue, donc, émouvant et drôle, délicat et féroce, d’un personnage dont on sent immédiatement l’amour que lui porte Yasmina Reza.
Une femme jouée par un homme.
Une actrice interprétée par un comédien.
Deux principales raisons à cela.
Tout d’abord ces deux-là se connaissent bien.
C’est la cinquième fois que Yasmina Reza demande à André Marcon de participer à la création de l’une de ses pièces : Une pièce espagnole, (mise en scène de Luc Bondy), Dans le luge d’Arthur Schopenhauer (Frédéric Bélier Garcia), Le Dieu du Carnage, et Comment vous racontez la partie, ces deux dernières étant mises en scène par l’auteure.
Anne-Marie la beauté est d’ailleurs dédiée au comédien.
Deuxième raison, Yasmina Reza n’imaginait pas « Anne-Marie Mille incarnée par une actrice qui prêterait son visage et, qu’on le veuille ou non du fait de l’âge, son propre destin. »
Et puis, pour elle, le travestissement lui a donné « de l’élan et une liberté que je n’aurai pas eue autrement. »
Et moi, j’en rajoute une troisième : André Marcon peut tout faire !
Cette fois-ci encore, l’extra-ordinaire comédien va nous prodiguer une véritable leçon de théâtre.
De façon très douce, avec un rythme et une diction posés, avec parfois des envolées plus musclées, son personnage va raconter, décrire, va nous dire le vécu de cette femme de l’ombre, aux côtés d’une amie plus brillante, plus extravertie qu’elle.
Il est parfaitement parvenu à restituer l’humour du texte, le côté parfois « vachard » d’Anne-Marie, qui ne mâche pas ses mots.
Sa vérité, elle l’a dit sans autre forme de procès, parfois crûment.
De grands moments très drôles nous attendent, comme par exemple la narration de l’enterrement.
Des scènes plus émouvantes
Nous sommes suspendus à ses dires, à ce qu’iel nous raconte de façon passionnante.
« J’aimais dire les mots », confie le personnage. Il est évidement que pour M. Marcon, cet amour des mots est le même. Mais ça, nous le savons depuis fort longtemps.
Sur les murs gris de la scénographie que l’on doit à Emmanuel Clolus, viennent s’afficher par moments des peinture de l’artiste suédois Örjan Wikström. Des silhouettes noires sans visage, comme un autre hommage aux sans-grades du théâtre.
Laurent Durupt a composé une musique au piano d’après Bach et Brahms, qui souligne parfaitement le côté un peu nostalgique du propos.
Durant cette heure et quart, à côté d’une méridienne, Anne-Marie-André va s’habiller, tout en parlant.
A quelle occasion s’apprête-t-elle, troquant ses pantoufles vénitiennes vermillon pour des Salomé grisâtres, avant de disparaître par l’ouverture noire au lointain ?
Un départ définitif de la grande scène du monde ?
Au préalable, le personnage aura néanmoins redit le noms de ses illustres camarades, à jamais inconnus théâtreux.
Comme un dernier hommage.
Ne manquez pas cette reprise de cette pièce, créée en Mars 2020, et arrêtée pour les raisons sanitaires que l’on sait.
Une ode au théâtre, un cri d’amour à un personnage et à un comédien.
Dans son premier monologue théâtral paru en janvier 2020 chez Flammarion, l’écrivaine prix Renaudot 2016 nous présente un personnage à la fois haut en couleurs et attendrissant.
Anne-Marie Mille désormais âgée était actrice. Naguère.
Une actrice qui n’a jamais vraiment connu une gloire étincelante, abonnée aux seconds voire troisièmes rôles et plus si pas d’affinités, à la différence de sa meilleure amie, Gisèle Fayolle, son amie des débuts. Sa seule amie.
Frasques, amants qui « tournicotaient comme des mouches », mère à 23 ans d’une fille dont elle ne voulait pas connaître le père, parce que de toute façon « il me fera chier », la Gisèle était une sacrée nature !
Mais voilà, elle vient de mourir.
Anne-Marie, est encore plus seule que d’habitude. Elle donne une interview.
Dans cette délicate ode au théâtre, l’auteure-metteure en scène va faire se raconter Anne-Marie, qui va nous parler de son enfance, à Saint-Sourd, dans le Nord, de la chambre des Rondeaux, du théâtre de Clichy, des personnages que Gisèle et elle-même ont interprétés.
Elle va nous décrire également l’enterrement de son amie.
Un monologue, donc, émouvant et drôle, délicat et féroce, d’un personnage dont on sent immédiatement l’amour que lui porte Yasmina Reza.
Une femme jouée par un homme.
Une actrice interprétée par un comédien.
Deux principales raisons à cela.
Tout d’abord ces deux-là se connaissent bien.
C’est la cinquième fois que Yasmina Reza demande à André Marcon de participer à la création de l’une de ses pièces : Une pièce espagnole, (mise en scène de Luc Bondy), Dans le luge d’Arthur Schopenhauer (Frédéric Bélier Garcia), Le Dieu du Carnage, et Comment vous racontez la partie, ces deux dernières étant mises en scène par l’auteure.
Anne-Marie la beauté est d’ailleurs dédiée au comédien.
Deuxième raison, Yasmina Reza n’imaginait pas « Anne-Marie Mille incarnée par une actrice qui prêterait son visage et, qu’on le veuille ou non du fait de l’âge, son propre destin. »
Et puis, pour elle, le travestissement lui a donné « de l’élan et une liberté que je n’aurai pas eue autrement. »
Et moi, j’en rajoute une troisième : André Marcon peut tout faire !
Cette fois-ci encore, l’extra-ordinaire comédien va nous prodiguer une véritable leçon de théâtre.
De façon très douce, avec un rythme et une diction posés, avec parfois des envolées plus musclées, son personnage va raconter, décrire, va nous dire le vécu de cette femme de l’ombre, aux côtés d’une amie plus brillante, plus extravertie qu’elle.
Il est parfaitement parvenu à restituer l’humour du texte, le côté parfois « vachard » d’Anne-Marie, qui ne mâche pas ses mots.
Sa vérité, elle l’a dit sans autre forme de procès, parfois crûment.
De grands moments très drôles nous attendent, comme par exemple la narration de l’enterrement.
Des scènes plus émouvantes
Nous sommes suspendus à ses dires, à ce qu’iel nous raconte de façon passionnante.
« J’aimais dire les mots », confie le personnage. Il est évidement que pour M. Marcon, cet amour des mots est le même. Mais ça, nous le savons depuis fort longtemps.
Sur les murs gris de la scénographie que l’on doit à Emmanuel Clolus, viennent s’afficher par moments des peinture de l’artiste suédois Örjan Wikström. Des silhouettes noires sans visage, comme un autre hommage aux sans-grades du théâtre.
Laurent Durupt a composé une musique au piano d’après Bach et Brahms, qui souligne parfaitement le côté un peu nostalgique du propos.
Durant cette heure et quart, à côté d’une méridienne, Anne-Marie-André va s’habiller, tout en parlant.
A quelle occasion s’apprête-t-elle, troquant ses pantoufles vénitiennes vermillon pour des Salomé grisâtres, avant de disparaître par l’ouverture noire au lointain ?
Un départ définitif de la grande scène du monde ?
Au préalable, le personnage aura néanmoins redit le noms de ses illustres camarades, à jamais inconnus théâtreux.
Comme un dernier hommage.
Ne manquez pas cette reprise de cette pièce, créée en Mars 2020, et arrêtée pour les raisons sanitaires que l’on sait.
Une ode au théâtre, un cri d’amour à un personnage et à un comédien.