Ses critiques
1005 critiques
9,5/10
Ceux qui s’aiment prendront la maquette de train.
Une nouvelle fois, Marc Lainé nous a concocté un spectacle qui relève de la réussite la plus aboutie, et ce, au niveau du fond comme de la forme.
Ca devient une vraie habitude chez lui.
J’avais beaucoup apprécié son spectacle Construire un feu, au Studio-Théâtre de la Comédie Française, dans lequel déjà, l’auteur-metteur en scène mettait en œuvre les mécanismes dramaturgiques et scénographiques qui vont assurer un vrai succès à ces Paysages mineurs.
Le fond, tout d’abord.
Une histoire d’amour, débutée en 1969, et qui va s’achever en 1975.
On sait ce qu’il en est des fins d’histoire d’amour, en général, notamment depuis que Catherine et Fred nous l’ont musicalement démontré.
Nous allons la suivre cette histoire-là, dans un compartiment de train.
Ces six années seront condensées en une heure.
Nous retrouvons les principales phases de l’histoire, de la rencontre de Paul et Liliane jusqu’à leur rupture.
Grâce à une écriture ciselée, avec beaucoup d’humour, mais également quantité de passages très émouvants, intenses, Marc Lainé nous raconte ces moments avec beaucoup d’acuité, et réussit à nous proposer une métaphore de ces années 1970.
Une révolution ratée.
Les deux personnages, issus d’un milieu social complètement différent, vont se livrer à la fois à une lutte amoureuse et une lutte des classes sournoise mais irrémédiable.
Le propos est très habile, et fonctionne à la perfection.
Nous allons nous prendre d’une vraie passion pour ces deux-là, et leur discours amoureux qui deviendra une rhétorique délétère.
Quel plaisir de retrouver Vladislav Galard, après l’avoir quitté à l’Odéon, voici un mois, en poignant Dimitri et en Mme Khoklakova très peu light chez Sylvain Creuzevault !
Le comédien incarne un professeur de philosophie doté de beaucoup d’humour (la scène de « drague » est hilarante), mais qui va se montrer de plus en plus hautain, méprisant, fier de son succès d’écrivain.
Ses ruptures, ses mimiques, ses regards souvent étonnés voire hallucinés sont toujours aussi épatants.
Il nous fait beaucoup rire, mais parvient à rendre son personnage antipathique, pour terminer sur une réelle ambiguïté.
Une sacrée composition !
Adeline Guillot est Liliane, une fille de vrais prolétaires picards, voire de petites gens du quart-monde.
Sa composition est elle aussi formidable.
(Je crois que le choix du prénom n’est pas innocent, n’est-ce pas Georges ?)
Elle est totalement convaincante dans ce rôle de femme qui va décider de s’affirmer face à un homme condescendant, et ne plus accepter l’inacceptable.
Voilà pour le fond.
Pour la forme, Marc Lainé poursuit sa passionnante vision scénographique d’un mélange de différents média sur un plateau, afin de nous permettre d’ouvrir l’horizon, de nous montrer un élargissement visuel qui transcende les quatre murs de la scène.
En quelques mots, faire exploser l’espace, et ce, grâce à une scénographie millimétrée.
Trois caméras motorisées vont filmer ce que nous ne pourrions pas voir autrement, et qui sera projeté sur un écran, avec un filtre avec rayures « à l’ancienne ».
Des gros plans sur les visages des comédiens, tout d’abord.
La succession de ces plans dans un compartiment immanquablement évoque immanquablement Hitchock ou De palma.
Un séquence formidable et très réussie elle aussi rendra hommage également à Jacques Demy… Je n’en dis pas plus...
Le paysage et le train sont également filmés.
C’est une maquette, hyper-réaliste,très bien éclairée, avec un modèle réduit, qui sera filmée de très près, afin de visualiser en grand les paysages.
Mineurs les paysages, comme nous le dira Paul…
Le procédé, comme pour le spectacle se déroulant dans le grand Nord évoqué plus haut fonctionne à la perfection. Nous sommes vraiment à la fois dans ce train, et dans ces paysages reliant Paris à Saint-Quentin.
Les deux comédiens ne sont pas seuls sur le plateau.
Outre un contrôleur-machiniste, un musicien. Et pas n’importe lequel.
Vincent Segal, au violoncelle, improvise sur des thèmes qu’il a composés.
En pizzicati ou à l’archet, c’est selon, celui qui naguère avec Cyril Attef créa le groupe Bumcello participe vraiment à la dramaturgie, ne faisant pas qu’illustrer ce qui se passe sur scène et à l’écran.
Un autre vrai atout de la soirée !
Au risque de me répéter, ce spectacle relève de la réussite la plus totale.
Il faut absolument diriger vos pas vers cette gare du théâtre 14, afin d’embarquer dans ce transport express régional.
Vous ne pourrez faire autrement que de réserver une véritable ovation finale, comme ce fut le cas hier en ce soir de première, aux différents protagonistes de ce spectacle majeur-là !
Une nouvelle fois, Marc Lainé nous a concocté un spectacle qui relève de la réussite la plus aboutie, et ce, au niveau du fond comme de la forme.
Ca devient une vraie habitude chez lui.
J’avais beaucoup apprécié son spectacle Construire un feu, au Studio-Théâtre de la Comédie Française, dans lequel déjà, l’auteur-metteur en scène mettait en œuvre les mécanismes dramaturgiques et scénographiques qui vont assurer un vrai succès à ces Paysages mineurs.
Le fond, tout d’abord.
Une histoire d’amour, débutée en 1969, et qui va s’achever en 1975.
On sait ce qu’il en est des fins d’histoire d’amour, en général, notamment depuis que Catherine et Fred nous l’ont musicalement démontré.
Nous allons la suivre cette histoire-là, dans un compartiment de train.
Ces six années seront condensées en une heure.
Nous retrouvons les principales phases de l’histoire, de la rencontre de Paul et Liliane jusqu’à leur rupture.
Grâce à une écriture ciselée, avec beaucoup d’humour, mais également quantité de passages très émouvants, intenses, Marc Lainé nous raconte ces moments avec beaucoup d’acuité, et réussit à nous proposer une métaphore de ces années 1970.
Une révolution ratée.
Les deux personnages, issus d’un milieu social complètement différent, vont se livrer à la fois à une lutte amoureuse et une lutte des classes sournoise mais irrémédiable.
Le propos est très habile, et fonctionne à la perfection.
Nous allons nous prendre d’une vraie passion pour ces deux-là, et leur discours amoureux qui deviendra une rhétorique délétère.
Quel plaisir de retrouver Vladislav Galard, après l’avoir quitté à l’Odéon, voici un mois, en poignant Dimitri et en Mme Khoklakova très peu light chez Sylvain Creuzevault !
Le comédien incarne un professeur de philosophie doté de beaucoup d’humour (la scène de « drague » est hilarante), mais qui va se montrer de plus en plus hautain, méprisant, fier de son succès d’écrivain.
Ses ruptures, ses mimiques, ses regards souvent étonnés voire hallucinés sont toujours aussi épatants.
Il nous fait beaucoup rire, mais parvient à rendre son personnage antipathique, pour terminer sur une réelle ambiguïté.
Une sacrée composition !
Adeline Guillot est Liliane, une fille de vrais prolétaires picards, voire de petites gens du quart-monde.
Sa composition est elle aussi formidable.
(Je crois que le choix du prénom n’est pas innocent, n’est-ce pas Georges ?)
Elle est totalement convaincante dans ce rôle de femme qui va décider de s’affirmer face à un homme condescendant, et ne plus accepter l’inacceptable.
Voilà pour le fond.
Pour la forme, Marc Lainé poursuit sa passionnante vision scénographique d’un mélange de différents média sur un plateau, afin de nous permettre d’ouvrir l’horizon, de nous montrer un élargissement visuel qui transcende les quatre murs de la scène.
En quelques mots, faire exploser l’espace, et ce, grâce à une scénographie millimétrée.
Trois caméras motorisées vont filmer ce que nous ne pourrions pas voir autrement, et qui sera projeté sur un écran, avec un filtre avec rayures « à l’ancienne ».
Des gros plans sur les visages des comédiens, tout d’abord.
La succession de ces plans dans un compartiment immanquablement évoque immanquablement Hitchock ou De palma.
Un séquence formidable et très réussie elle aussi rendra hommage également à Jacques Demy… Je n’en dis pas plus...
Le paysage et le train sont également filmés.
C’est une maquette, hyper-réaliste,très bien éclairée, avec un modèle réduit, qui sera filmée de très près, afin de visualiser en grand les paysages.
Mineurs les paysages, comme nous le dira Paul…
Le procédé, comme pour le spectacle se déroulant dans le grand Nord évoqué plus haut fonctionne à la perfection. Nous sommes vraiment à la fois dans ce train, et dans ces paysages reliant Paris à Saint-Quentin.
Les deux comédiens ne sont pas seuls sur le plateau.
Outre un contrôleur-machiniste, un musicien. Et pas n’importe lequel.
Vincent Segal, au violoncelle, improvise sur des thèmes qu’il a composés.
En pizzicati ou à l’archet, c’est selon, celui qui naguère avec Cyril Attef créa le groupe Bumcello participe vraiment à la dramaturgie, ne faisant pas qu’illustrer ce qui se passe sur scène et à l’écran.
Un autre vrai atout de la soirée !
Au risque de me répéter, ce spectacle relève de la réussite la plus totale.
Il faut absolument diriger vos pas vers cette gare du théâtre 14, afin d’embarquer dans ce transport express régional.
Vous ne pourrez faire autrement que de réserver une véritable ovation finale, comme ce fut le cas hier en ce soir de première, aux différents protagonistes de ce spectacle majeur-là !
9/10
Six !
Ni plus ni moins !
C’est le nombre de tragédies d’Euripide et Eschyle qu’Ivo Van Hove a mixé pour continuer son incursion dans les terres grecques antiques…
Une incursion démarrée par un tonitruant et passionnant diptyque, Electre/Oreste, donné en mai 2019 à la Comédie Française.
Comme une version 6.0...
Ici, le dramaturge belge, à la tête de l’Internationaal Theater Amsterdam, continue de nous montrer la violence, l’ultra-violence même, du monde.
Le monde antique certes, mais surtout ce monde qui est le nôtre, où rien ne change véritablement. Bien au contraire.
La violence que l’on déchaîne autour de soi, mais également la violence qui nous est faite.
Ces descendants d’Atrée, ces fameux Atrides, au fond, c’est avant tout une histoire d’hommes et de femmes, qui poussent les passions humaines jusqu’à leur plus terrible extrémité.
Comme pour mieux montrer ce dont cet être humain est capable, y compris le crime le plus abject pour ces grecs : le matricide. Assassiner celle qui vous a donné la vie…
Durant ces presque quatre heures de spectacle, nous allons assister à une succession de meurtres surtout intra-familiaux.
Heureusement, un arbre généalogique est présent à tous les instants, grâce à un gigantesque écran vidéo, afin de permettre de nous y retrouver, nous qui n’avons pas assez étudié les lettres classiques.
Ivo van Hove continue de nous fasciner par sa manière bien à lui de nous montrer ces êtres humains-là, grâce à son savoir faire et son art de la mise en scène on ne peut plus précise, « évidente » en matière de fluidité.
La direction d’acteurs est à nouveau exemplaire. La troupe, survoltée et on ne peut plus engagée, est composée de comédiens qui portent vraiment à bout de bras ces grecs et ces troyens maudits.
Amateurs de décibels, vous allez vous régaler.
Le spectacle de trois heures quarante cinq minutes débute par un vrombissant morceau de métal le plus saturé qui soit, à la Rammstein ou à la System of a Down.
Très sonores également, les timbales, les percussions électroniques, les grosses caisses et les gongs, ou encore les boucles de sons étranges amplifiés à fort volume.
(Des bouchons acoustiques sont distribués sur demande à l’entrée.)
Ici, au contraire de son travail au Français, Ivo van Hove rend les personnages très contemporains, très éloignés des figures hiératiques que l’on connaît bien souvent.
Ses Agamemnon, Ménélas, Iphigénie et les autres sont très humains, sans artifices.
Un miroir de notre condition très réussi et très pertinent.
Et puis s’ajoute à cela des problématiques et des thèmes qui ne figuraient pas dans le diptyque évoqué ci-dessus, avec notamment le poids de la démagogie exercé sur les peuples.
« Quand un idiot persuade les foules, c’est un désastre pour le pays », prononce l’un des personnages. Quelle belle définition du populisme, non ?
(A ce propos, je précise que les dialogues en flamand sont heureusement sous-titrés.)
« Qui mérite de vivre ? », également, pourrait-être une question qu’ont dû être amenés à se poser certains médecins lors du début de la pandémie actuelle que l’on sait...
A son habitude également, le metteur en scène montre la violence la plus crue.
Parce qu’à un moment ou un autre, assassiner sa mère engendre quoi qu’on en dise de terribles images.
Il sait mettre en scène cette ultra-violence.
Sans ce savoir-faire, émasculer un comédien serait ridicule ou pire encore, prétexte à des fou-rires...
Ici, ce réalisme le plus intense sert parfaitement le propos général.
La deuxième partie du spectacle retrouve comme au Français un plateau recouvert de boue arrosée de fines gouttes d’eau.
La dimension organique, viscérale de ce revêtement de scène est également saisissante.
Quand la terre se mêle au sang ! De boue, les morts !
Lorsque les dieux sont pris à témoins ou à partie, Zeus en tête, une grosse quantité de projecteurs délivrent un éclat lumineux d’une intensité incroyable. A se fermer les yeux.
L’effet est saisissant.
Le dramaturge se sert également de l’écran vidéo au lointain pour montrer un chaos fait d’explosions, de champignons atomiques, d’incendies ou encore de villes en ruine.
Des cartes géographiques nous aident également à situer les différentes actions.
Après l’entracte sont diffusées des images de terre colorisées en rouge vif, grâce à des plans en imperceptible mouvement. Là encore, ceci confère une dimension vraiment oppressante.
Wim Vandekeybus signe des chorégraphies très tribales, où les comédiens (pas toujours ensemble...) semblent pris de transes les plus mystiques qui soient.
On sort de ce spectacle très intense et maîtrisé de bout en bout, comportant de très nombreuses technologies de pointe, avec des images terribles en tête, mais ô combien nécessaires.
Des images cathartiques.
Le tout au service d’une histoire et d’un propos universels.
Ni plus ni moins !
C’est le nombre de tragédies d’Euripide et Eschyle qu’Ivo Van Hove a mixé pour continuer son incursion dans les terres grecques antiques…
Une incursion démarrée par un tonitruant et passionnant diptyque, Electre/Oreste, donné en mai 2019 à la Comédie Française.
Comme une version 6.0...
Ici, le dramaturge belge, à la tête de l’Internationaal Theater Amsterdam, continue de nous montrer la violence, l’ultra-violence même, du monde.
Le monde antique certes, mais surtout ce monde qui est le nôtre, où rien ne change véritablement. Bien au contraire.
La violence que l’on déchaîne autour de soi, mais également la violence qui nous est faite.
Ces descendants d’Atrée, ces fameux Atrides, au fond, c’est avant tout une histoire d’hommes et de femmes, qui poussent les passions humaines jusqu’à leur plus terrible extrémité.
Comme pour mieux montrer ce dont cet être humain est capable, y compris le crime le plus abject pour ces grecs : le matricide. Assassiner celle qui vous a donné la vie…
Durant ces presque quatre heures de spectacle, nous allons assister à une succession de meurtres surtout intra-familiaux.
Heureusement, un arbre généalogique est présent à tous les instants, grâce à un gigantesque écran vidéo, afin de permettre de nous y retrouver, nous qui n’avons pas assez étudié les lettres classiques.
Ivo van Hove continue de nous fasciner par sa manière bien à lui de nous montrer ces êtres humains-là, grâce à son savoir faire et son art de la mise en scène on ne peut plus précise, « évidente » en matière de fluidité.
La direction d’acteurs est à nouveau exemplaire. La troupe, survoltée et on ne peut plus engagée, est composée de comédiens qui portent vraiment à bout de bras ces grecs et ces troyens maudits.
Amateurs de décibels, vous allez vous régaler.
Le spectacle de trois heures quarante cinq minutes débute par un vrombissant morceau de métal le plus saturé qui soit, à la Rammstein ou à la System of a Down.
Très sonores également, les timbales, les percussions électroniques, les grosses caisses et les gongs, ou encore les boucles de sons étranges amplifiés à fort volume.
(Des bouchons acoustiques sont distribués sur demande à l’entrée.)
Ici, au contraire de son travail au Français, Ivo van Hove rend les personnages très contemporains, très éloignés des figures hiératiques que l’on connaît bien souvent.
Ses Agamemnon, Ménélas, Iphigénie et les autres sont très humains, sans artifices.
Un miroir de notre condition très réussi et très pertinent.
Et puis s’ajoute à cela des problématiques et des thèmes qui ne figuraient pas dans le diptyque évoqué ci-dessus, avec notamment le poids de la démagogie exercé sur les peuples.
« Quand un idiot persuade les foules, c’est un désastre pour le pays », prononce l’un des personnages. Quelle belle définition du populisme, non ?
(A ce propos, je précise que les dialogues en flamand sont heureusement sous-titrés.)
« Qui mérite de vivre ? », également, pourrait-être une question qu’ont dû être amenés à se poser certains médecins lors du début de la pandémie actuelle que l’on sait...
A son habitude également, le metteur en scène montre la violence la plus crue.
Parce qu’à un moment ou un autre, assassiner sa mère engendre quoi qu’on en dise de terribles images.
Il sait mettre en scène cette ultra-violence.
Sans ce savoir-faire, émasculer un comédien serait ridicule ou pire encore, prétexte à des fou-rires...
Ici, ce réalisme le plus intense sert parfaitement le propos général.
La deuxième partie du spectacle retrouve comme au Français un plateau recouvert de boue arrosée de fines gouttes d’eau.
La dimension organique, viscérale de ce revêtement de scène est également saisissante.
Quand la terre se mêle au sang ! De boue, les morts !
Lorsque les dieux sont pris à témoins ou à partie, Zeus en tête, une grosse quantité de projecteurs délivrent un éclat lumineux d’une intensité incroyable. A se fermer les yeux.
L’effet est saisissant.
Le dramaturge se sert également de l’écran vidéo au lointain pour montrer un chaos fait d’explosions, de champignons atomiques, d’incendies ou encore de villes en ruine.
Des cartes géographiques nous aident également à situer les différentes actions.
Après l’entracte sont diffusées des images de terre colorisées en rouge vif, grâce à des plans en imperceptible mouvement. Là encore, ceci confère une dimension vraiment oppressante.
Wim Vandekeybus signe des chorégraphies très tribales, où les comédiens (pas toujours ensemble...) semblent pris de transes les plus mystiques qui soient.
On sort de ce spectacle très intense et maîtrisé de bout en bout, comportant de très nombreuses technologies de pointe, avec des images terribles en tête, mais ô combien nécessaires.
Des images cathartiques.
Le tout au service d’une histoire et d’un propos universels.
10/10
La grâce.
Ou quand la musique de la légende du jazz qu’est Michel Portal vous transporte vers un lieu et un temps uniques, où règnent lyrisme, poésie, beauté et sérénité.
Cette impression rarissime d’être confronté à un moment qui vous embarque vers l’Essentiel, avec un grand E. Au sens premier du terme.
Ce que seuls les immenses musiciens peuvent vous donner.
Dix ans.
Dix ans que le multi-instrumentiste basque ne nous avait pas offert un nouvel album. C’était « Baïlador ».
“Je voulais une musique heureuse, vivante, explosive... Quelque chose qui soit ouvert à l’instant présent et qui renoue avec le plaisir du partage et du collectif après toutes ces semaines d’emprisonnement et de solitude. (...) C’est une musique qui se moque des styles, qui choisit la vie, qui fait tomber les murs!”, nous dit cet éternel jeune homme à la tignasse immaculée.
Le titre ? MP85 !
On a bien compris la signification de ces deux lettres et de ce nombre.
Hier, sur la scène du théâtre de Fontainebleau, ce nombre est d’ailleurs passé à 86, avec un petit gâteau surmonté de quelques bougies…
Un album enregistré avec de jeunes musiciens qu’il connaît bien, et notamment celui avec qui il se produit actuellement en duo : le formidable pianiste franco-serbe Bojan Zulfikarpašić, alias Bojan Z.
Une complicité de tous les instants, une véritable osmose entre les deux artistes vont régner tout au long de ce concert.
Les deux se connaissent très bien et jouent ensemble depuis de nombreuses années.
Leur discours musical est d’une totale et absolue cohérence.
Tous les deux, dans un mélange de pureté et d’énergie totalement maîtrisé, vont nous embarquer dans le désert africain, et celui des villes, les montagnes d’Arménie, à Madagascar, ou encore en Argentine, mais aussi au plus profond de nous mêmes.
Le voyage musical qui provoque le voyage intérieur.
Michel Portal le musicologue, rapporte de ses virées à travers le vaste monde des idées et des thèmes passionnants, après avoir écouté et dialogué avec les musiciens locaux.
Michel Portal le multi-instrumentiste…
Clarinette basse, clarinette Sib, saxophone soprano, bandonéon.
Les notes veloutées, suaves mais aussi les plongées de les graves, ou grandes envolées dans le registre aigu, caractéristiques du musicien vont nous envoûter.
Encore et toujours. Purement et simplement.
Nous entendrons un grand nombre de compositions du nouvel album.
C’est le sublime African Wind qui ouvre le bal.
Le vent… Le souffle…
L’air, l’élément qui sort du corps humain et qui en se prolongeant dans le bois noir, le métal doré se transforme en thèmes musicaux magnifiques.
Des thèmes qui à plusieurs reprises me feront monter les larmes aux yeux, tellement l’émotion générée par ce qui est joué est forte.
Ce sera le cas notamment dans le titre Desertown, ou encore dans Armenia.
La beauté faite de pureté et de poésie lyrique.
Des titres qui vont déployer une grande énergie vous également nous être proposés.
Ce sera le cas notamment de Full half moon, pour lequel Bojan Z. utilise son piano comme un instrument à percussion.
Mister Z. est un immense pianiste. Nous l’allons constater une fois encore.
Avec une magnifique technique, un toucher à la fois délicat et puissant,
Sur son Fender Rhodes, il mettra parfois en œuvre des effets numériques et un looper pour jouer des sons étranges, collant parfaitement à la poésie éthérée de la clarinette basse.
Il demandera à Michel Portal de se rapprocher de son piano, et pointer son saxophone alto vers les cordes, afin de les faire résonner. Le résultat est magnifique.
Les deux titres joués au bandonéon, dont Little tango, captivants de nostalgie, d’une tristeza toute sud-américain nous captiveront eux aussi.
Les deux amis vont nous faire également beaucoup rire.
Les dialogues entre Michel Portal, pince-sans-rire, et Bojan Z, qui le provoque gentiment déclenchent nos rires.
Il faut noter également que ce concert a pu bénéficier de l’exceptionnelle acoustique des lieux, et du talent de l’ingénieur du son aux potentiomètres de sa CL5.
De nombreux rappels auront lieu.
Les deux amis ne semblent pas pressés de quitter la scène.
Nous, le public du théâtre de Fontainebleau, dans une totale unanimité, nous nous levons tous, tous ensemble, tous remués et bouleversés par ce à quoi nous venons d’assister.
Conscients d’avoir assistés à un moment rare, unique.
Comment assez remercier Michel Portal et Bojan Z ?
Ou quand la musique de la légende du jazz qu’est Michel Portal vous transporte vers un lieu et un temps uniques, où règnent lyrisme, poésie, beauté et sérénité.
Cette impression rarissime d’être confronté à un moment qui vous embarque vers l’Essentiel, avec un grand E. Au sens premier du terme.
Ce que seuls les immenses musiciens peuvent vous donner.
Dix ans.
Dix ans que le multi-instrumentiste basque ne nous avait pas offert un nouvel album. C’était « Baïlador ».
“Je voulais une musique heureuse, vivante, explosive... Quelque chose qui soit ouvert à l’instant présent et qui renoue avec le plaisir du partage et du collectif après toutes ces semaines d’emprisonnement et de solitude. (...) C’est une musique qui se moque des styles, qui choisit la vie, qui fait tomber les murs!”, nous dit cet éternel jeune homme à la tignasse immaculée.
Le titre ? MP85 !
On a bien compris la signification de ces deux lettres et de ce nombre.
Hier, sur la scène du théâtre de Fontainebleau, ce nombre est d’ailleurs passé à 86, avec un petit gâteau surmonté de quelques bougies…
Un album enregistré avec de jeunes musiciens qu’il connaît bien, et notamment celui avec qui il se produit actuellement en duo : le formidable pianiste franco-serbe Bojan Zulfikarpašić, alias Bojan Z.
Une complicité de tous les instants, une véritable osmose entre les deux artistes vont régner tout au long de ce concert.
Les deux se connaissent très bien et jouent ensemble depuis de nombreuses années.
Leur discours musical est d’une totale et absolue cohérence.
Tous les deux, dans un mélange de pureté et d’énergie totalement maîtrisé, vont nous embarquer dans le désert africain, et celui des villes, les montagnes d’Arménie, à Madagascar, ou encore en Argentine, mais aussi au plus profond de nous mêmes.
Le voyage musical qui provoque le voyage intérieur.
Michel Portal le musicologue, rapporte de ses virées à travers le vaste monde des idées et des thèmes passionnants, après avoir écouté et dialogué avec les musiciens locaux.
Michel Portal le multi-instrumentiste…
Clarinette basse, clarinette Sib, saxophone soprano, bandonéon.
Les notes veloutées, suaves mais aussi les plongées de les graves, ou grandes envolées dans le registre aigu, caractéristiques du musicien vont nous envoûter.
Encore et toujours. Purement et simplement.
Nous entendrons un grand nombre de compositions du nouvel album.
C’est le sublime African Wind qui ouvre le bal.
Le vent… Le souffle…
L’air, l’élément qui sort du corps humain et qui en se prolongeant dans le bois noir, le métal doré se transforme en thèmes musicaux magnifiques.
Des thèmes qui à plusieurs reprises me feront monter les larmes aux yeux, tellement l’émotion générée par ce qui est joué est forte.
Ce sera le cas notamment dans le titre Desertown, ou encore dans Armenia.
La beauté faite de pureté et de poésie lyrique.
Des titres qui vont déployer une grande énergie vous également nous être proposés.
Ce sera le cas notamment de Full half moon, pour lequel Bojan Z. utilise son piano comme un instrument à percussion.
Mister Z. est un immense pianiste. Nous l’allons constater une fois encore.
Avec une magnifique technique, un toucher à la fois délicat et puissant,
Sur son Fender Rhodes, il mettra parfois en œuvre des effets numériques et un looper pour jouer des sons étranges, collant parfaitement à la poésie éthérée de la clarinette basse.
Il demandera à Michel Portal de se rapprocher de son piano, et pointer son saxophone alto vers les cordes, afin de les faire résonner. Le résultat est magnifique.
Les deux titres joués au bandonéon, dont Little tango, captivants de nostalgie, d’une tristeza toute sud-américain nous captiveront eux aussi.
Les deux amis vont nous faire également beaucoup rire.
Les dialogues entre Michel Portal, pince-sans-rire, et Bojan Z, qui le provoque gentiment déclenchent nos rires.
Il faut noter également que ce concert a pu bénéficier de l’exceptionnelle acoustique des lieux, et du talent de l’ingénieur du son aux potentiomètres de sa CL5.
De nombreux rappels auront lieu.
Les deux amis ne semblent pas pressés de quitter la scène.
Nous, le public du théâtre de Fontainebleau, dans une totale unanimité, nous nous levons tous, tous ensemble, tous remués et bouleversés par ce à quoi nous venons d’assister.
Conscients d’avoir assistés à un moment rare, unique.
Comment assez remercier Michel Portal et Bojan Z ?
9/10
Bachar Mar-Khalifé.
Ou comment plonger le public du théâtre de Fontainebleau dans la transe la plus enfiévrée qui soit, comment faire lever tous les spectateurs de leur siège afin de danser ensemble au son d’un tempo binaire hallucinant de groove et de braise !
Bachar Mar-Khalifé.
La passionnante rencontre entre la musique arabo-libanaise, le classique et l’électro.
Le Liban.
Le conflit interminable qui ronge le pays et qui oblige la famille à partir, alors que lui n’a 6 ans.
Une histoire de fuite rendue nécessaire et obligée par la guerre civile, une histoire qui comme pour le dramaturge Wajdi Mouawad débouchera sur la nécessité de plonger à bras le corps dans les racines et dans la mémoire familiale.
Le besoin également de penser à l’avenir. Construire, reconstuire...
Son dernier album On/Off, enregistré pour la première fois au Liban, dans la maison familiale sur le versant aride de la montagne du Jaj au nord de Beyrouth, va contribuer à nous dire cette histoire-là.
C’est cet album que le concert de ce soir va mettre en avant.
On/Off, référence aux sempiternelles et intempestives coupures de courant que connaît le Liban depuis si longtemps.
Sans oublier « les dualités plus philosophiques qui peuplent nos vies », pour reprendre les mots du compositeur.
La musique pour raconter, protester (Bachar Mar-Khalifé est engagé politiquement, n’hésitant pas à prendre position contre un autre Bachar…), la musique pour vivre et pour ne pas oublier.
La musique métissée, le musique du mélange de cultures, la musique qui tient une si grande place dans la famille.
Tel un djinn facétieux et malicieux, le musicien qui revêt un sweat noir à capuche frappé des mots « Uncivil at heart » s’installe à derrière ses claviers.
Le piano et le clavier micro-tonal oriental. Comme un symbole évident.
Les notes du premier titre, Zakrini, montent dans les cintres et dans les cœurs.
Des notes éthérées des touches noires et blanches, oniriques, réverbérées, propices au voyage musical et intérieur.
La voix un peu rauque, aux multiples contrastes.
Les compositions de Bachar Mar-Khalifé reposent souvent sur un dispositif d’ostinato, à savoir une boucle musicale d’accords, qui reviennent de multiples fois, comme de lancinantes mélopées et de lancinantes complaintes.
Le mode est pratiquement toujours mineur.
Un mode qui va dire la nostalgie, les choses un peu tristes vécues, le doute, mais paradoxalement, un mode qui va finir par communiquer un esprit de fête et de joie.
Des compositions notamment en fin de concert joyeusement tristes, ou tristement joyeuses, c’est selon.
A ses côtés, Aleksander Angelov à la basse électrique et à la contrebasse et Dogan Poyraz à la batterie vont délivrer une pulsation de braise.
La complicité entre ces trois-là est manifeste et immédiatement palpable.
Le batteurs délaissera de temps en temps sa caisse claire et ses cymbales pour s’emparer debout d’un grand tambour en bandoulière.
Le clavier micro-tonal prendra le relais en fin de set, avec les intervalles des modes orientales et les sonorités d’instruments à vent traditionnels.
La langue libanaise contribue évidemment à ce voyage, à cette évasion dans la montagne, la nature sauvage, là où les hyènes rôdent…
Voici « Prophète », un titre où nous allons entendre Marcel Khalifé, le père, grand musicien lui-aussi, grand joueur d’oud, qui nous dit le poème de l’immense Khalil Gibran, dans lequel il est écrit si poétiquement et si justement que nos enfants ne nous appartiennent pas…
Et puis voici « Insomnia », une chanson envoûtante, lancinante, qui dit que le sommeil est dur à trouver, dans les terres en proie aux conflits armés. Les cauchemars qui vous assaillent, même lorsque vous êtes éveillés...
Le talent et la technique pianistiques sont alors pleinement démontrés.
Une pièce magnifique. Mon passage préféré du concert…
« Insomnia. Ca veut dire Insomnie » : il faut souligner le côté pince-sans-rire du musicien, qui dans de très courts interventions entre les différents titres fait beaucoup rire la salle.
« Est-ce qu’il est permis de danser dans le théâtre de Fontainebleau ? », demande-t-il ainsi, de façon ironique et provocatrice…
Et nous de ne pas nous faire prier…
Un tonnerre d’applaudissements saluera les trois musiciens, à la fin du concert, enlacés dans un symbole évident de fraternité.
Nous sortons tous de ce premier jour du festival Jazz au théâtre avec en tête quantité d’images et de sons orientaux et nombre de messages positifs.
Avec le sentiment d’avoir vécu un grand et magnifique moment musical et humain.
Ou comment plonger le public du théâtre de Fontainebleau dans la transe la plus enfiévrée qui soit, comment faire lever tous les spectateurs de leur siège afin de danser ensemble au son d’un tempo binaire hallucinant de groove et de braise !
Bachar Mar-Khalifé.
La passionnante rencontre entre la musique arabo-libanaise, le classique et l’électro.
Le Liban.
Le conflit interminable qui ronge le pays et qui oblige la famille à partir, alors que lui n’a 6 ans.
Une histoire de fuite rendue nécessaire et obligée par la guerre civile, une histoire qui comme pour le dramaturge Wajdi Mouawad débouchera sur la nécessité de plonger à bras le corps dans les racines et dans la mémoire familiale.
Le besoin également de penser à l’avenir. Construire, reconstuire...
Son dernier album On/Off, enregistré pour la première fois au Liban, dans la maison familiale sur le versant aride de la montagne du Jaj au nord de Beyrouth, va contribuer à nous dire cette histoire-là.
C’est cet album que le concert de ce soir va mettre en avant.
On/Off, référence aux sempiternelles et intempestives coupures de courant que connaît le Liban depuis si longtemps.
Sans oublier « les dualités plus philosophiques qui peuplent nos vies », pour reprendre les mots du compositeur.
La musique pour raconter, protester (Bachar Mar-Khalifé est engagé politiquement, n’hésitant pas à prendre position contre un autre Bachar…), la musique pour vivre et pour ne pas oublier.
La musique métissée, le musique du mélange de cultures, la musique qui tient une si grande place dans la famille.
Tel un djinn facétieux et malicieux, le musicien qui revêt un sweat noir à capuche frappé des mots « Uncivil at heart » s’installe à derrière ses claviers.
Le piano et le clavier micro-tonal oriental. Comme un symbole évident.
Les notes du premier titre, Zakrini, montent dans les cintres et dans les cœurs.
Des notes éthérées des touches noires et blanches, oniriques, réverbérées, propices au voyage musical et intérieur.
La voix un peu rauque, aux multiples contrastes.
Les compositions de Bachar Mar-Khalifé reposent souvent sur un dispositif d’ostinato, à savoir une boucle musicale d’accords, qui reviennent de multiples fois, comme de lancinantes mélopées et de lancinantes complaintes.
Le mode est pratiquement toujours mineur.
Un mode qui va dire la nostalgie, les choses un peu tristes vécues, le doute, mais paradoxalement, un mode qui va finir par communiquer un esprit de fête et de joie.
Des compositions notamment en fin de concert joyeusement tristes, ou tristement joyeuses, c’est selon.
A ses côtés, Aleksander Angelov à la basse électrique et à la contrebasse et Dogan Poyraz à la batterie vont délivrer une pulsation de braise.
La complicité entre ces trois-là est manifeste et immédiatement palpable.
Le batteurs délaissera de temps en temps sa caisse claire et ses cymbales pour s’emparer debout d’un grand tambour en bandoulière.
Le clavier micro-tonal prendra le relais en fin de set, avec les intervalles des modes orientales et les sonorités d’instruments à vent traditionnels.
La langue libanaise contribue évidemment à ce voyage, à cette évasion dans la montagne, la nature sauvage, là où les hyènes rôdent…
Voici « Prophète », un titre où nous allons entendre Marcel Khalifé, le père, grand musicien lui-aussi, grand joueur d’oud, qui nous dit le poème de l’immense Khalil Gibran, dans lequel il est écrit si poétiquement et si justement que nos enfants ne nous appartiennent pas…
Et puis voici « Insomnia », une chanson envoûtante, lancinante, qui dit que le sommeil est dur à trouver, dans les terres en proie aux conflits armés. Les cauchemars qui vous assaillent, même lorsque vous êtes éveillés...
Le talent et la technique pianistiques sont alors pleinement démontrés.
Une pièce magnifique. Mon passage préféré du concert…
« Insomnia. Ca veut dire Insomnie » : il faut souligner le côté pince-sans-rire du musicien, qui dans de très courts interventions entre les différents titres fait beaucoup rire la salle.
« Est-ce qu’il est permis de danser dans le théâtre de Fontainebleau ? », demande-t-il ainsi, de façon ironique et provocatrice…
Et nous de ne pas nous faire prier…
Un tonnerre d’applaudissements saluera les trois musiciens, à la fin du concert, enlacés dans un symbole évident de fraternité.
Nous sortons tous de ce premier jour du festival Jazz au théâtre avec en tête quantité d’images et de sons orientaux et nombre de messages positifs.
Avec le sentiment d’avoir vécu un grand et magnifique moment musical et humain.
9,5/10
La mère qu’on voit penser…
« Mieux vaut être dans la merde que l’imaginer », nous dit-elle, Jacqueline Mouawad, la mère du petit Wajdi…
La merde, c’est la guerre civile, au Liban…
Elle, Mme Mouawad, avec ses trois enfants, elle a rejoint Paris.
Son mari est resté au pays, pour continuer à travailler et subvenir aux besoins de sa famille.
En 1978, pas de téléphone portable, pas de réseau Internet. Ce qui la relie à Abdo, c’est le téléphone filaire à cadran. Et encore, lorsque les lignes ne sont pas coupées.
Et puis le journal de 20h00 d’Antenne 2.
Condamnée à imaginer le pire en permanence, cette maman exilée !
Condamnée à vivre durant cinq ans dans une angoissante incertitude de tous les instants !
Wajdi Mouwad continue son cycle dramaturgique « Domestique », entamé avec Seuls et Sœurs.
Dans ce troisième opus, le patron de La colline va se souvenir et se regarder.
Lui, le petit garçon de dix ans, aux lunettes rouges, qui débarque à Paris, et qui va découvrir le froid, la culture française, mais aussi les moqueries et les insultes de la part de ses camarades d’école.
Le jeune Wajdi va voir se croiser l’histoire de sa famille et l’Histoire, terrible, de son pays de naissance.
La mémoire, donc.
Les souvenirs qu’il faut faire revivre, impérativement.
Parce que les événements vécus lors de cette enfance-là ont laissé quantité de marques et blessures qu’il faut exorciser.
Parce que la charge émotive vécue a fait en sorte, dans son cas, de le pousser à écrire.
Cette écriture, dans Mère, c’est le Libanais. Comme une évidence.
L’Arabe, avec en plus quantité de formules et expressions propres à ce pays.
Cette écriture-là a très peu de place pour la poésie.
Nous allons très vite comprendre que Mme Mouawad dans son appartement du XV ème arrondissement était, pour reprendre les mots de l’auteur, « une femme très concrète »…
C’est la comédienne-metteure en scène-écrivaine libanaise Aïda Sabra qui l’incarne.
Avec un extraordinaire engagement.
Melle Sabra, formée à l’expression corporelle et au mime va nous ravir, dans le rôle de cette femme très haute en couleur, avec le verbe haut, très haut, avec également la main leste envers ses enfants.
Nous allons beaucoup rire de ses envolées et diatribes très sonores, de sa gestuelle de maîtresse-femme, de ses expressions on ne peut plus imagées et de ses insultes hilarantes envers certains chanteurs français et politiques du Moyen-Orient.
Ses tirades et ses prises de bec avec sa fille sont hilarants. Nayla est incarnée de façon épatante et tout en finesse par Odette Makhlouf.
Mais elle va également beaucoup nous émouvoir, à attendre la coup de fil fatidique, à souffrir de la séparation avec son mari et de l’exil en France.
La comédienne subjugue la salle entière. Quelle composition, quel beau personnage de théâtre !
Pour illustrer le mélange des cultures, Wajdi Mouawad a choisi plusieurs angles.
La culture libanaise est surtout représentée par la tradition culinaire du pays. Durant une bonne partie de la pièce, les femmes de la maison préparent les plats libanais, qui seront dégustés à la toute fin.
En ce qui concerne la culture française, ce sont les chansons d’enfance qui sortent d’un petit transistor, et qui seront reprises, entremêlées, mixées, adaptées et interprétées de façon magnifique et déchirante par Bertrand Cantat.
Le sud, de Nino Ferrer est ainsi chanté fait frissonner le public.
Et puis Christine Ockrent en personne joue son propre rôle, en présentatrice du 20h00.
Elle finira par dialoguer, de façon drôlissime, parfois grave avec Jacqueline et Wajdi enfant. (Le jeune comédien qui l’interprétait hier en alternance était formidable !)
Dans une scène magnifique, Wajdi Mouawad va pulvériser la trame narrative, temporelle et dramaturgique en s’adressant à sa mère.
Quand un fils de 52 ans s’adresse à sa mère pour lui demander de changer d’attitude et de comportement face à lui, alors enfant.
Les spectateurs n’en mènent alors pas large, tellement l’émotion qui se dégage de la séquence est à prenante.
Le comédien-metteur en scène-auteur passera également beaucoup de temps à changer les meubles de place, dans un espace au décor réduit à sa plus simple expression.
Parce que la mémoire n’est pas infaillible, parce que la mémoire a souvent tendance à être enjolivée.
La mémoire, ce sont aussi les photos personnelles qui seront à plusieurs moments projetées. Des instantanés de vie, figés à jamais, comme l’expression de Jacqueline qui ne sourit jamais devant l’objectif.
Wajdi Mouawad continue donc à nous faire partager son histoire personnelle.
Une histoire qui explique quel artiste, quel homme il est devenu.
Cette pièce restera longtemps dans les esprits, parce que, comme d’habitude, ce qu’il nous dit de son vécu relève de l’universel.
Un homme est avant tout le fils d’une Mère.
Surtout lorsque la tragédie tisse des liens aussi intenses entre les deux.
Une véritable ovation accueille les cinq comédiens une fois les lumières rallumées.
Et ce n’est que justice.
« Mieux vaut être dans la merde que l’imaginer », nous dit-elle, Jacqueline Mouawad, la mère du petit Wajdi…
La merde, c’est la guerre civile, au Liban…
Elle, Mme Mouawad, avec ses trois enfants, elle a rejoint Paris.
Son mari est resté au pays, pour continuer à travailler et subvenir aux besoins de sa famille.
En 1978, pas de téléphone portable, pas de réseau Internet. Ce qui la relie à Abdo, c’est le téléphone filaire à cadran. Et encore, lorsque les lignes ne sont pas coupées.
Et puis le journal de 20h00 d’Antenne 2.
Condamnée à imaginer le pire en permanence, cette maman exilée !
Condamnée à vivre durant cinq ans dans une angoissante incertitude de tous les instants !
Wajdi Mouwad continue son cycle dramaturgique « Domestique », entamé avec Seuls et Sœurs.
Dans ce troisième opus, le patron de La colline va se souvenir et se regarder.
Lui, le petit garçon de dix ans, aux lunettes rouges, qui débarque à Paris, et qui va découvrir le froid, la culture française, mais aussi les moqueries et les insultes de la part de ses camarades d’école.
Le jeune Wajdi va voir se croiser l’histoire de sa famille et l’Histoire, terrible, de son pays de naissance.
La mémoire, donc.
Les souvenirs qu’il faut faire revivre, impérativement.
Parce que les événements vécus lors de cette enfance-là ont laissé quantité de marques et blessures qu’il faut exorciser.
Parce que la charge émotive vécue a fait en sorte, dans son cas, de le pousser à écrire.
Cette écriture, dans Mère, c’est le Libanais. Comme une évidence.
L’Arabe, avec en plus quantité de formules et expressions propres à ce pays.
Cette écriture-là a très peu de place pour la poésie.
Nous allons très vite comprendre que Mme Mouawad dans son appartement du XV ème arrondissement était, pour reprendre les mots de l’auteur, « une femme très concrète »…
C’est la comédienne-metteure en scène-écrivaine libanaise Aïda Sabra qui l’incarne.
Avec un extraordinaire engagement.
Melle Sabra, formée à l’expression corporelle et au mime va nous ravir, dans le rôle de cette femme très haute en couleur, avec le verbe haut, très haut, avec également la main leste envers ses enfants.
Nous allons beaucoup rire de ses envolées et diatribes très sonores, de sa gestuelle de maîtresse-femme, de ses expressions on ne peut plus imagées et de ses insultes hilarantes envers certains chanteurs français et politiques du Moyen-Orient.
Ses tirades et ses prises de bec avec sa fille sont hilarants. Nayla est incarnée de façon épatante et tout en finesse par Odette Makhlouf.
Mais elle va également beaucoup nous émouvoir, à attendre la coup de fil fatidique, à souffrir de la séparation avec son mari et de l’exil en France.
La comédienne subjugue la salle entière. Quelle composition, quel beau personnage de théâtre !
Pour illustrer le mélange des cultures, Wajdi Mouawad a choisi plusieurs angles.
La culture libanaise est surtout représentée par la tradition culinaire du pays. Durant une bonne partie de la pièce, les femmes de la maison préparent les plats libanais, qui seront dégustés à la toute fin.
En ce qui concerne la culture française, ce sont les chansons d’enfance qui sortent d’un petit transistor, et qui seront reprises, entremêlées, mixées, adaptées et interprétées de façon magnifique et déchirante par Bertrand Cantat.
Le sud, de Nino Ferrer est ainsi chanté fait frissonner le public.
Et puis Christine Ockrent en personne joue son propre rôle, en présentatrice du 20h00.
Elle finira par dialoguer, de façon drôlissime, parfois grave avec Jacqueline et Wajdi enfant. (Le jeune comédien qui l’interprétait hier en alternance était formidable !)
Dans une scène magnifique, Wajdi Mouawad va pulvériser la trame narrative, temporelle et dramaturgique en s’adressant à sa mère.
Quand un fils de 52 ans s’adresse à sa mère pour lui demander de changer d’attitude et de comportement face à lui, alors enfant.
Les spectateurs n’en mènent alors pas large, tellement l’émotion qui se dégage de la séquence est à prenante.
Le comédien-metteur en scène-auteur passera également beaucoup de temps à changer les meubles de place, dans un espace au décor réduit à sa plus simple expression.
Parce que la mémoire n’est pas infaillible, parce que la mémoire a souvent tendance à être enjolivée.
La mémoire, ce sont aussi les photos personnelles qui seront à plusieurs moments projetées. Des instantanés de vie, figés à jamais, comme l’expression de Jacqueline qui ne sourit jamais devant l’objectif.
Wajdi Mouawad continue donc à nous faire partager son histoire personnelle.
Une histoire qui explique quel artiste, quel homme il est devenu.
Cette pièce restera longtemps dans les esprits, parce que, comme d’habitude, ce qu’il nous dit de son vécu relève de l’universel.
Un homme est avant tout le fils d’une Mère.
Surtout lorsque la tragédie tisse des liens aussi intenses entre les deux.
Une véritable ovation accueille les cinq comédiens une fois les lumières rallumées.
Et ce n’est que justice.
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