Ses critiques
1005 critiques
6/10
Black is beautiful !
Black Comedy est une pièce du dramaturge britannique Peter Shaffer écrite en 1965, une comédie qui à ma connaissance n’a jamais été montée de ce côté-ci du Channel, ou alors, il y très longtemps et je n’étais alors pas né…
Gros succès en Grande-Bretagne, cette comédie est totalement représentative de cet humour anglais si particulier des années 60-70.
Pour autant, ce n’est pas la pièce la plus célèbre de cet auteur.
A son actif, il faut noter le célèbre spectacle Amadeus, en 1979, que Milos Forman se fera un plaisir d’adapter au cinéma.
Un autre succès, Equus, en 1973, l’histoire d’un adolescent qui crevant les yeux de plusieurs chevaux, dont une reprise déchaîna les passions en 2007 : Daniel Radcliffe, le jeune comédien rendu célèbre par son rôle d’Harry Potter, Daniel Radcliffe jouait une scène entièrement nu.
Et puis, bien entendu, je me dois de mentionner sa pièce Lettice and lovage, créée en 1987 et jouée plus de trois cents fois à Broadway, avec l’immense Maggie Smith.
Black Comedy repose sur une seule et unique convention dramaturgique : les spectateurs vont voir ce que les personnages sont incapables de distinguer, plongés qu’ils sont dans la plus totale des obscurités.
La scène sera allumée, mais nous admettrons, nous autres spectateurs, que les sept protagonistes n’y voient rien du tout.
Nous aurons donc le « privilège » d’assister à toutes sortes de chutes, d’hésitations, de quiproquos corporels, de confusions et autres gaffes plus ou moins volontaires.
Seules les scènes dans lesquelles un comédien sort une allumette, un briquet ou une bougie, seules ces scènes seront jouées pratiquement sans aucun projecteur.
Je dois vous avouer que si ce parti-pris fonctionne bien la première demi-heure, il devient un peu répétitif ensuite, rien ne venant renouveler la mécanique générale de l’entreprise.
Les comédiens sont irréprochables et font le job demandé par le metteur en scène Grégory Barco.
Une nouvelle fois, encore et toujours, c’est Virginie Lemoine qui enchante le public grâce à une vis comica dont l’efficacité n’est plus à démontrer.
Ici, elle campe la voisine du couple Arthur Jugnot / Mélanie Page.
Une sorte de vieille fille, fille de pasteur, et grande pourfendeuse des boissons alcoolisées, made in UK or not.
La comédienne est hilarante, dans cette épatante composition.
Ses ruptures, sa façon d’annoncer de façon définitive les proverbes de feu son père, son accoutrement (Ah ! Cette scène où elle rajuste son collant !…), tout ceci déchaîne les rires.
Et puis surtout le personnage va subir une transformation on ne peut plus réjouissante.
Le gin anglais va accomplir bien des ravages.
Melle Lemoine, par petites touches, fait alors évoluer son personnage de façon étonnante et drôlissime, ce qui aura pour effet de faire fonctionner à plein régime les zygomatiques du public.
Ce qui explique donc mon impossibilité de vous publier la traditionnelle photo des saluts.
Si l’on peut au final se demander s’il était bien judicieux d’exhumer cette pièce un peu oubliée, les inconditionnels de Virginie Lemoine, dont je suis, se régalent !
Black Comedy est une pièce du dramaturge britannique Peter Shaffer écrite en 1965, une comédie qui à ma connaissance n’a jamais été montée de ce côté-ci du Channel, ou alors, il y très longtemps et je n’étais alors pas né…
Gros succès en Grande-Bretagne, cette comédie est totalement représentative de cet humour anglais si particulier des années 60-70.
Pour autant, ce n’est pas la pièce la plus célèbre de cet auteur.
A son actif, il faut noter le célèbre spectacle Amadeus, en 1979, que Milos Forman se fera un plaisir d’adapter au cinéma.
Un autre succès, Equus, en 1973, l’histoire d’un adolescent qui crevant les yeux de plusieurs chevaux, dont une reprise déchaîna les passions en 2007 : Daniel Radcliffe, le jeune comédien rendu célèbre par son rôle d’Harry Potter, Daniel Radcliffe jouait une scène entièrement nu.
Et puis, bien entendu, je me dois de mentionner sa pièce Lettice and lovage, créée en 1987 et jouée plus de trois cents fois à Broadway, avec l’immense Maggie Smith.
Black Comedy repose sur une seule et unique convention dramaturgique : les spectateurs vont voir ce que les personnages sont incapables de distinguer, plongés qu’ils sont dans la plus totale des obscurités.
La scène sera allumée, mais nous admettrons, nous autres spectateurs, que les sept protagonistes n’y voient rien du tout.
Nous aurons donc le « privilège » d’assister à toutes sortes de chutes, d’hésitations, de quiproquos corporels, de confusions et autres gaffes plus ou moins volontaires.
Seules les scènes dans lesquelles un comédien sort une allumette, un briquet ou une bougie, seules ces scènes seront jouées pratiquement sans aucun projecteur.
Je dois vous avouer que si ce parti-pris fonctionne bien la première demi-heure, il devient un peu répétitif ensuite, rien ne venant renouveler la mécanique générale de l’entreprise.
Les comédiens sont irréprochables et font le job demandé par le metteur en scène Grégory Barco.
Une nouvelle fois, encore et toujours, c’est Virginie Lemoine qui enchante le public grâce à une vis comica dont l’efficacité n’est plus à démontrer.
Ici, elle campe la voisine du couple Arthur Jugnot / Mélanie Page.
Une sorte de vieille fille, fille de pasteur, et grande pourfendeuse des boissons alcoolisées, made in UK or not.
La comédienne est hilarante, dans cette épatante composition.
Ses ruptures, sa façon d’annoncer de façon définitive les proverbes de feu son père, son accoutrement (Ah ! Cette scène où elle rajuste son collant !…), tout ceci déchaîne les rires.
Et puis surtout le personnage va subir une transformation on ne peut plus réjouissante.
Le gin anglais va accomplir bien des ravages.
Melle Lemoine, par petites touches, fait alors évoluer son personnage de façon étonnante et drôlissime, ce qui aura pour effet de faire fonctionner à plein régime les zygomatiques du public.
Ce qui explique donc mon impossibilité de vous publier la traditionnelle photo des saluts.
Si l’on peut au final se demander s’il était bien judicieux d’exhumer cette pièce un peu oubliée, les inconditionnels de Virginie Lemoine, dont je suis, se régalent !
8,5/10
Avec Zélie , la batterie n’est pas en danger !
Zélie… Mais si, voyons, enfin…. Zélie, la batteuse du célèbre groupe de rock Grande Ourse !
Elle est en coulisse, Zélie, à une heure du concert. Sur un petit tabouret de batterie.
Elle se concentre, même si c’est compliqué, avec les allées et venues de son attaché de presse et d’un machiniste fan accompagné de son fils méga-trop-cool !
Elle va profiter de ce moment très particulier qui précède l’entrée sur le plateau pour nous raconter comment elle est parvenue à braver tous les obstacles qui ont surgi sur le chemin de sa carrière, et ce, depuis sa tendre enfance, lorsqu’elle a décidé envers et contre tout de s’asseoir derrière une caisse claire, une grosse caisse, des toms et des cymbales.
Avec cette jeune femme musicienne professionnelle, Etienne Bianco a imaginé un personnage attachant, touchant, bouleversant.
Une jeune femme qui très tôt n’a jamais douté de sa vocation.
Et c’est bien de cela dont il sera question durant cette heure et dix minutes.
Nous allons revivre grâce à des judicieux allers-retours temporels les grandes étapes de cette jeune vie, des premiers frisés, des hésitants « papa-mamans » jusqu’à la célébrité.
Dur dur de devenir une star !
Surtout lorsque la famille ne vous encourage pas dans cette voie-là.
Etienne Bianco, sollicité en ce sens par son comédien Luc Rodier, pose ainsi le problème de la vocation artistique et la façon dont des parents peuvent se positionner face à un ou une enfant dont le plus ardent désir est de vivre de et pour son art, que ce soit la musique en particulier ou le spectacle vivant en général.
Avec deux grandes catégories de familles : celles qui appuient et épaulent coûte que coûte leur rejeton/ "rejetonne", et puis les autres, du genre « passe ton bac d’abord et envisage après un métier sérieux ! »
Bien entendu, pas besoin d’être grand clerc pour deviner que le sujet de cette entreprise a un lien direct avec le vécu personnel du comédien.
De façon plus générale, la question du regard sur soi-même, à l’approche des trente ans, le retour sur l’homme qu’il est devenu, tout ceci a pesé lourd également dans l’élaboration du texte.
Un texte qui va déclencher beaucoup de rire chez les spectateurs.
Mais cet humour côtoiera une émotion toujours vraie.
Le décor, réduit à son minimum avec ce siège, a volontairement été épuré, même que plus épuré, ça ferait trop.
C’est bien le comédien qui va réaliser tout le job. (Avec néanmoins une paire d’accessoires et des confettis. Vous n’en saurez pas plus!)
Luc Rodier, mis en scène par Guillaume Jacquemont, va se charger d’interpréter avec beaucoup de finesse et de justesse une multitude de personnages. Seul en scène, il n’a pas d’autre choix.
Si ça fonctionne ? A la perfection.
Tout d’abord, Zélie c’est lui !
Et ce, à tous les âges, de la plus tendre enfance à l’adolescence jusqu’à l’âge adulte.
Il nous fait beaucoup rire, donc, à jouer tous ceux qui vont graviter autour de la demoiselle.
La famille, en premier lieu.
Un père étranger aux désirs de sa fille, de plus en plus éloigné d’elle.
Une mère un peu « soumise »qui finira par dire ses quatre vérités à son mari.
L’oncle déclencheur sans le vouloir de la vocation.
Le thème de la communication avec les parents est très présent, lui aussi, et incontestablement résonne fort dans chaque spectateur.
Nous serons également présentés les camarades d’école puis de collège et de lycée de Zélie, avec des scènes dignes du Petit Nicolas de Goscinny, des 400 coups, ou de l’Argent de poche, de Truffaut.
Le monde de l’enfance et de l’adolescence est présenté avec drôlerie, certes, mais avec également une réelle justesse.
J’ai adoré les interprétations épatantes des différents ados !
Les profs seront eux aussi présents sur le plateau, avec une scène très réussie où les dialogues s’enchaînent sans discontinuer dans la bouche des différents « bons » maîtres.
Un autre grand moment : celui ou le père emporté par s on énervement imagine ce que serait un monde dans lequel les hommes seraient eux aussi soumis aux cycles menstruels.
C’est très drôle !
Et puis, un SDF et son chien, qui ne seront pas pour rien dans la réussite de la batteuse ! Parce que les obstacles peuvent également provenir de l'intérieur...
Pour autant, l’énergie du comédien et son humour côtoient en permanence une grande sensibilité permettant de faire passer une émotion juste et vraie.
Et alors pourquoi ce titre, «Grande ourse », me direz-vous ?
Allez donc voir ce spectacle, vous saurez et comprendrez… L’émotion, vous dis-je !
Il vous reste deux jours aux Déchargeurs, mais nul doute que ce seul-en-scène très réussi sera repris ici ou là.
Ce spectacle est en effet un bien beau moment de théâtre.
Et vivent Cindy Blackman, Anne Paceo, Sheila E., Julie Saury ou encore Meg White !
Zélie… Mais si, voyons, enfin…. Zélie, la batteuse du célèbre groupe de rock Grande Ourse !
Elle est en coulisse, Zélie, à une heure du concert. Sur un petit tabouret de batterie.
Elle se concentre, même si c’est compliqué, avec les allées et venues de son attaché de presse et d’un machiniste fan accompagné de son fils méga-trop-cool !
Elle va profiter de ce moment très particulier qui précède l’entrée sur le plateau pour nous raconter comment elle est parvenue à braver tous les obstacles qui ont surgi sur le chemin de sa carrière, et ce, depuis sa tendre enfance, lorsqu’elle a décidé envers et contre tout de s’asseoir derrière une caisse claire, une grosse caisse, des toms et des cymbales.
Avec cette jeune femme musicienne professionnelle, Etienne Bianco a imaginé un personnage attachant, touchant, bouleversant.
Une jeune femme qui très tôt n’a jamais douté de sa vocation.
Et c’est bien de cela dont il sera question durant cette heure et dix minutes.
Nous allons revivre grâce à des judicieux allers-retours temporels les grandes étapes de cette jeune vie, des premiers frisés, des hésitants « papa-mamans » jusqu’à la célébrité.
Dur dur de devenir une star !
Surtout lorsque la famille ne vous encourage pas dans cette voie-là.
Etienne Bianco, sollicité en ce sens par son comédien Luc Rodier, pose ainsi le problème de la vocation artistique et la façon dont des parents peuvent se positionner face à un ou une enfant dont le plus ardent désir est de vivre de et pour son art, que ce soit la musique en particulier ou le spectacle vivant en général.
Avec deux grandes catégories de familles : celles qui appuient et épaulent coûte que coûte leur rejeton/ "rejetonne", et puis les autres, du genre « passe ton bac d’abord et envisage après un métier sérieux ! »
Bien entendu, pas besoin d’être grand clerc pour deviner que le sujet de cette entreprise a un lien direct avec le vécu personnel du comédien.
De façon plus générale, la question du regard sur soi-même, à l’approche des trente ans, le retour sur l’homme qu’il est devenu, tout ceci a pesé lourd également dans l’élaboration du texte.
Un texte qui va déclencher beaucoup de rire chez les spectateurs.
Mais cet humour côtoiera une émotion toujours vraie.
Le décor, réduit à son minimum avec ce siège, a volontairement été épuré, même que plus épuré, ça ferait trop.
C’est bien le comédien qui va réaliser tout le job. (Avec néanmoins une paire d’accessoires et des confettis. Vous n’en saurez pas plus!)
Luc Rodier, mis en scène par Guillaume Jacquemont, va se charger d’interpréter avec beaucoup de finesse et de justesse une multitude de personnages. Seul en scène, il n’a pas d’autre choix.
Si ça fonctionne ? A la perfection.
Tout d’abord, Zélie c’est lui !
Et ce, à tous les âges, de la plus tendre enfance à l’adolescence jusqu’à l’âge adulte.
Il nous fait beaucoup rire, donc, à jouer tous ceux qui vont graviter autour de la demoiselle.
La famille, en premier lieu.
Un père étranger aux désirs de sa fille, de plus en plus éloigné d’elle.
Une mère un peu « soumise »qui finira par dire ses quatre vérités à son mari.
L’oncle déclencheur sans le vouloir de la vocation.
Le thème de la communication avec les parents est très présent, lui aussi, et incontestablement résonne fort dans chaque spectateur.
Nous serons également présentés les camarades d’école puis de collège et de lycée de Zélie, avec des scènes dignes du Petit Nicolas de Goscinny, des 400 coups, ou de l’Argent de poche, de Truffaut.
Le monde de l’enfance et de l’adolescence est présenté avec drôlerie, certes, mais avec également une réelle justesse.
J’ai adoré les interprétations épatantes des différents ados !
Les profs seront eux aussi présents sur le plateau, avec une scène très réussie où les dialogues s’enchaînent sans discontinuer dans la bouche des différents « bons » maîtres.
Un autre grand moment : celui ou le père emporté par s on énervement imagine ce que serait un monde dans lequel les hommes seraient eux aussi soumis aux cycles menstruels.
C’est très drôle !
Et puis, un SDF et son chien, qui ne seront pas pour rien dans la réussite de la batteuse ! Parce que les obstacles peuvent également provenir de l'intérieur...
Pour autant, l’énergie du comédien et son humour côtoient en permanence une grande sensibilité permettant de faire passer une émotion juste et vraie.
Et alors pourquoi ce titre, «Grande ourse », me direz-vous ?
Allez donc voir ce spectacle, vous saurez et comprendrez… L’émotion, vous dis-je !
Il vous reste deux jours aux Déchargeurs, mais nul doute que ce seul-en-scène très réussi sera repris ici ou là.
Ce spectacle est en effet un bien beau moment de théâtre.
Et vivent Cindy Blackman, Anne Paceo, Sheila E., Julie Saury ou encore Meg White !
8,5/10
Les deux sœurs. Presque Tchekhov…
La grande. Et la petite. Ou tout du moins la moins grande.
Mais au fait, combien sont-elles, ces sœurs-là, que l’on découvre au sol, dans un enchevêtrement quasi fusionnel, devant un amoncellement de boîtes en carton ?
Deux corps qui n’en feraient peut-être qu’un, habillés de grande pulls dans lesquels on peut se cacher ou trouver un refuge matriciel.
Deux ? Vraiment ?
Le spectateur en est-il si sûr ?
Ne seraient-elles pas plutôt trois ? Ou un seul et même humain ?
Ou personne, après tout…
Mais au fait, est-on vraiment certains d’avoir des humains devant nous ? Leur démarche et leurs gestes saccadés pourraient bien nous faire douter...
Ariane Louis a écrit un texte passionnant, Le caveau est sourd, dans lequel elle interroge certes le concept de sororité, mais également et peut-être surtout les rapports à l’autre et à soi.
Un voyage dans lequel deux univers vont se retrouver : celui de l’auteur et celui du lecteur ou du spectateur.
L’écriture de Mademoiselle Louis est acérée, puissante, sans concession, une écriture d’urgence.
Le Bureau des Lecteurs de la Comédie-Française, et son directeur littéraire Laurent Mulheisen ne s’y sont pas trompés, qui ont sélectionné ce texte dans le cadre de leur mission de faire émerger de belles écritures contemporaines.
Tout commence un peu comme chez Ionesco. Un théâtre de l’absurde.
Un espace clos. Une pièce hermétique. Un cocon à la fois rassurant et inquiétant.
Une jeune femme range, dérange, déplace, entasse des boîtes, sur lesquelles sa sœur et elle pourront monter. On ne comprend pas trop la logique qui préside à ces mouvements de carton. Il va falloir attendre un peu.
Une autre jeune femme fixe une porte matérialisée par une lumière intense. Désespérément.
On comprend immédiatement que le mythe de la caverne de Platon n’est pas très loin du tout.
Un homme surgit, à la mâchoire carrée très tarantinienne et au look de Jude Law dans A.I. , le film de Spielberg, marcel, bretelles et grand manteau de cuir noir.
L’Autre. L’homme. Qui lui aussi peut rassurer ou faire peur. C’est selon.
Une sorte de narrateur.
Les trois comédiens vont volontairement et salutairement nous déstabiliser.
Nous allons devoir entreprendre un travail de « décohérence ».
C’est à dire, pour reprendre ce concept utilisé dans la physique quantique, nous allons devoir déterminer nous-mêmes l’état d’une chose.
En l’occurrence, l’existence ou non de ces personnages.
D’ailleurs à ce propos, et le parti-pris est très judicieux, nous sera rappelée la fable du chat de Schrödinger, ce félin qui dans une boîte hermétique (tiens tiens…) pouvait être à la fois mort et vivant.
Bien entendu, une autre approche est également possible : celle de la psychanalyse, avec des personnages tentant un travail plus ou moins « sauvage » sur elles-mêmes.
Ici, au lieu d’un matou, nous avons donc deux félines.
L’auteure elle-même, Ariane Louis, et Julia Gratens.
Les deux comédiennes ne vont ménager ni leur peine ni leur énergie.
Mises en scène par Thibaut Besnard, elles vont laisser une place très importante à un travail corporel impressionnant, qui va mêler sensualité,
De véritables moments chorégraphiés nous attendent.
Le corps qui en dit peut-être autant que le texte, le corps qui est utilisé parce que l’intellect ne peut suffire à expliquer cette relation ambigüe à la fois fusionnelle et répulsive, le corps qui définit autant les êtres que leurs dires.
Et puis des corps qui parlent.
Et qui vont souvent crier, voire hurler. Le texte au scalpel est exigent, très exigeant.
Les trois personnages parviennent à nous faire douter, à oublier nos certitudes, et ce, plusieurs fois dans la soirée. Parce que notre imaginaire est mis à rude épreuve.
Et puis, la fin, remarquable, nous laissera tirer nos propres conclusions.
Ici, il sera question de Sysiphe avec son rocher, ou encore de Ptolémée et son aigle.
Le récit se rapproche encore une fois du mythe.
Je n’aurai garde d'oublier de mentionner également la magnifique création sonore et musicale de Jules Doucet, faite de sons souvent inquiétants, dérangeants, de nappes synthétiques étranges, qui accentuent le sentiment de déstabilisation permanente du propos.
C’est une pièce qui s’écoute, également.
Au final, cette heure d’un théâtre passionnant, intense et sur le fil nous procure le sentiment de n’être pas seulement spectateur, mais également « acteur » de la résolution de ce que nous voyons et voulons comprendre.
Petite, un grand spectacle.
La grande. Et la petite. Ou tout du moins la moins grande.
Mais au fait, combien sont-elles, ces sœurs-là, que l’on découvre au sol, dans un enchevêtrement quasi fusionnel, devant un amoncellement de boîtes en carton ?
Deux corps qui n’en feraient peut-être qu’un, habillés de grande pulls dans lesquels on peut se cacher ou trouver un refuge matriciel.
Deux ? Vraiment ?
Le spectateur en est-il si sûr ?
Ne seraient-elles pas plutôt trois ? Ou un seul et même humain ?
Ou personne, après tout…
Mais au fait, est-on vraiment certains d’avoir des humains devant nous ? Leur démarche et leurs gestes saccadés pourraient bien nous faire douter...
Ariane Louis a écrit un texte passionnant, Le caveau est sourd, dans lequel elle interroge certes le concept de sororité, mais également et peut-être surtout les rapports à l’autre et à soi.
Un voyage dans lequel deux univers vont se retrouver : celui de l’auteur et celui du lecteur ou du spectateur.
L’écriture de Mademoiselle Louis est acérée, puissante, sans concession, une écriture d’urgence.
Le Bureau des Lecteurs de la Comédie-Française, et son directeur littéraire Laurent Mulheisen ne s’y sont pas trompés, qui ont sélectionné ce texte dans le cadre de leur mission de faire émerger de belles écritures contemporaines.
Tout commence un peu comme chez Ionesco. Un théâtre de l’absurde.
Un espace clos. Une pièce hermétique. Un cocon à la fois rassurant et inquiétant.
Une jeune femme range, dérange, déplace, entasse des boîtes, sur lesquelles sa sœur et elle pourront monter. On ne comprend pas trop la logique qui préside à ces mouvements de carton. Il va falloir attendre un peu.
Une autre jeune femme fixe une porte matérialisée par une lumière intense. Désespérément.
On comprend immédiatement que le mythe de la caverne de Platon n’est pas très loin du tout.
Un homme surgit, à la mâchoire carrée très tarantinienne et au look de Jude Law dans A.I. , le film de Spielberg, marcel, bretelles et grand manteau de cuir noir.
L’Autre. L’homme. Qui lui aussi peut rassurer ou faire peur. C’est selon.
Une sorte de narrateur.
Les trois comédiens vont volontairement et salutairement nous déstabiliser.
Nous allons devoir entreprendre un travail de « décohérence ».
C’est à dire, pour reprendre ce concept utilisé dans la physique quantique, nous allons devoir déterminer nous-mêmes l’état d’une chose.
En l’occurrence, l’existence ou non de ces personnages.
D’ailleurs à ce propos, et le parti-pris est très judicieux, nous sera rappelée la fable du chat de Schrödinger, ce félin qui dans une boîte hermétique (tiens tiens…) pouvait être à la fois mort et vivant.
Bien entendu, une autre approche est également possible : celle de la psychanalyse, avec des personnages tentant un travail plus ou moins « sauvage » sur elles-mêmes.
Ici, au lieu d’un matou, nous avons donc deux félines.
L’auteure elle-même, Ariane Louis, et Julia Gratens.
Les deux comédiennes ne vont ménager ni leur peine ni leur énergie.
Mises en scène par Thibaut Besnard, elles vont laisser une place très importante à un travail corporel impressionnant, qui va mêler sensualité,
De véritables moments chorégraphiés nous attendent.
Le corps qui en dit peut-être autant que le texte, le corps qui est utilisé parce que l’intellect ne peut suffire à expliquer cette relation ambigüe à la fois fusionnelle et répulsive, le corps qui définit autant les êtres que leurs dires.
Et puis des corps qui parlent.
Et qui vont souvent crier, voire hurler. Le texte au scalpel est exigent, très exigeant.
Les trois personnages parviennent à nous faire douter, à oublier nos certitudes, et ce, plusieurs fois dans la soirée. Parce que notre imaginaire est mis à rude épreuve.
Et puis, la fin, remarquable, nous laissera tirer nos propres conclusions.
Ici, il sera question de Sysiphe avec son rocher, ou encore de Ptolémée et son aigle.
Le récit se rapproche encore une fois du mythe.
Je n’aurai garde d'oublier de mentionner également la magnifique création sonore et musicale de Jules Doucet, faite de sons souvent inquiétants, dérangeants, de nappes synthétiques étranges, qui accentuent le sentiment de déstabilisation permanente du propos.
C’est une pièce qui s’écoute, également.
Au final, cette heure d’un théâtre passionnant, intense et sur le fil nous procure le sentiment de n’être pas seulement spectateur, mais également « acteur » de la résolution de ce que nous voyons et voulons comprendre.
Petite, un grand spectacle.
9,5/10
Le silence de la fille !
Et quel silence ! Et quelle fille !
Bientôt trois-cent-cinquante-sept ans, qu’elle se tait, Esprit-Madeleine Poquelin, ci-devant fille de M. Molière et d’Armande Béjart.
Pour la première fois, et qui plus est en public, elle va prendre la parole, et dire « sa » vérité.
Cette prise de parole est possible grâce dans un premier temps au texte éponyme de Giovanni Macchia, publié en 1985, dans lequel il imagine une « interview » courant 1705, menée par un jeune homme aspirant à devenir auteur de théâtre, grand admirateur de Molière, face à Melle Poquelin.
Des questions, toutes légitimes, toutes judicieuses, et des réponses pertinentes et totalement justes historiquement, les unes comme les autres mises en mots par ce grand spécialiste transalpin de littérature française.
Danièle Lebrun et Anne Kessler, qui la met en scène, ont eu l’excellente idée de porter ce texte sur les planches.
Année Molière oblige, certes, mais également parce qu’elles sont toutes les deux en quelque sorte « héritières » d’une dynastie, peut-être pas sanguine, mais en tout cas théâtrale du « clan » Poquelin-Béjart.
Au cours de cette année-hommage au Patron, on joue dans sa maison ses pièces, certes, mais également des textes donnant différents éclairages sur l’homme et son œuvre.
Ce faisant, Melles Lebrun et Kessler vont nous faire découvrir un personnage extraordinaire, au sens premier du terme.
Une femme de silence, née de deux parents dont le métier était de parler et de jouer la comédie.
Quel paradoxe !
Une femme qui toute petite, et surtout un peu plus tard, va être confrontée à la méchanceté, la jalousie, notamment à cause des rumeurs concernant sa possible naissance d’un mariage incestueux.
(A ce propos, j’ouvre une petite parenthèse pour vous conseiller vivement d’écouter la chronique de Thomas V.D.B. sur France Inter, chronique intitulée « Cancel Molière ».)
Esprit-Madeleine, par la plume de Macchia, va nous dire ses rapports (ou ses non-rapports) avec son père, dans une terrible ambivalence d’admiration et de détestation, ainsi que ceux avec sa mère, pas beaucoup plus cordiaux…
Elle va nous confier sa profonde amertume (et c’est un euphémisme) concernant la représentation de la famille que donne son père aux spectateurs, dans ses pièces.
Elle va nous rappeler que le rôle de Louison dans le Malade imaginaire avait écrit pour elle, et qu’au grand dam de l’illustre paternel, elle ne put prononcer un seul mot sur scène.
Elle va nous avouer que sa scène à elle, c’est le couvent, dans lequel elle avait choisi de devenir pensionnaire.
Dans cette confession d’une heure, on ne peut s’empêcher de trouver une connotation psychanalytique dans tout ce que que nous allons entendre.
Une banquette noire. Un grand miroir.
Elle arrive à jardin, dans une magnifique robe sombre, rehaussée d’un grand col de dentelle précieuse couleur crème.
La perruque imposante est assortie.
Et puis la voix. Et les magnifiques yeux bleus.
La grande, l’immense Danièle Lebrun.
Immédiatement, elle va nous subjuguer, nous attirer dans ses rêts pour ne plus nous lâcher.
Et ce, dans une sidérante entreprise de vérité.
Il est absolument impossible de ne pas se formuler à un moment ou à un autre la remarque suivante : «Mais ce n’est pas possible, elle y était, elle a assisté à ce qu’elle nous raconte, elle revient du passé ! »
La comédienne est sidérante de vérité, comme toujours.
On croit immédiatement à son personnage et à ce qu’elle nous révèle. Elle ne joue pas, elle est purement et simplement Esprit-Madeleine.
Encore une fois, tout élève-comédien devrait assister à ce spectacle, et devrait venir la voir interpréter ce personnage à la fois complexe et passionnant.
Tour à tour nostalgique, amère, drôle, sombre, bouleversante, Melle Lebrun utilise son immense palette pour faire siens les mots de l’auteur.
Elle parvient admirablement à nous camper cette femme aux différentes époques de sa vie, petite fille, adolescente, jeune femme…
Anne Kessler a complètement repris le principe de l’interview. Ce sont quelques spectateurs du public qui vont se charger de lire les questions préalablement écrites sur un petit carton.
Le judicieux procédé fonctionne à la perfection. Dès que le micro est mis à disposition, les interrogations se font entendre.
On comprend bien entendu que la metteure en scène a refusé la solution de facilité qui aurait consisté à enregistrer une voix off et à la diffuser dans les excellentes enceintes LAcoustics du Studio Théâtre.
Il ressort de cette démarche comportant une (légère) prise de risque un sentiment accru de vérité, de naturel.
Je n’aurai garde d’oublier de mentionner les belles lumières d’Eric Dumas. Il est toujours délicat d’éclairer un plateau comportant de grands miroirs.
Au final, on se dit que ce spectacle est bien trop court. Je serais bien resté quant à moi trois fois plus longtemps à écouter pratiquement bouche bée Melle Lebrun.
Il faut impérativement assister à cette entreprise dramaturgique totalement réussie, passionnante tant sur le fond que sur la forme.
Un véritable moment de grâce.
Et quel silence ! Et quelle fille !
Bientôt trois-cent-cinquante-sept ans, qu’elle se tait, Esprit-Madeleine Poquelin, ci-devant fille de M. Molière et d’Armande Béjart.
Pour la première fois, et qui plus est en public, elle va prendre la parole, et dire « sa » vérité.
Cette prise de parole est possible grâce dans un premier temps au texte éponyme de Giovanni Macchia, publié en 1985, dans lequel il imagine une « interview » courant 1705, menée par un jeune homme aspirant à devenir auteur de théâtre, grand admirateur de Molière, face à Melle Poquelin.
Des questions, toutes légitimes, toutes judicieuses, et des réponses pertinentes et totalement justes historiquement, les unes comme les autres mises en mots par ce grand spécialiste transalpin de littérature française.
Danièle Lebrun et Anne Kessler, qui la met en scène, ont eu l’excellente idée de porter ce texte sur les planches.
Année Molière oblige, certes, mais également parce qu’elles sont toutes les deux en quelque sorte « héritières » d’une dynastie, peut-être pas sanguine, mais en tout cas théâtrale du « clan » Poquelin-Béjart.
Au cours de cette année-hommage au Patron, on joue dans sa maison ses pièces, certes, mais également des textes donnant différents éclairages sur l’homme et son œuvre.
Ce faisant, Melles Lebrun et Kessler vont nous faire découvrir un personnage extraordinaire, au sens premier du terme.
Une femme de silence, née de deux parents dont le métier était de parler et de jouer la comédie.
Quel paradoxe !
Une femme qui toute petite, et surtout un peu plus tard, va être confrontée à la méchanceté, la jalousie, notamment à cause des rumeurs concernant sa possible naissance d’un mariage incestueux.
(A ce propos, j’ouvre une petite parenthèse pour vous conseiller vivement d’écouter la chronique de Thomas V.D.B. sur France Inter, chronique intitulée « Cancel Molière ».)
Esprit-Madeleine, par la plume de Macchia, va nous dire ses rapports (ou ses non-rapports) avec son père, dans une terrible ambivalence d’admiration et de détestation, ainsi que ceux avec sa mère, pas beaucoup plus cordiaux…
Elle va nous confier sa profonde amertume (et c’est un euphémisme) concernant la représentation de la famille que donne son père aux spectateurs, dans ses pièces.
Elle va nous rappeler que le rôle de Louison dans le Malade imaginaire avait écrit pour elle, et qu’au grand dam de l’illustre paternel, elle ne put prononcer un seul mot sur scène.
Elle va nous avouer que sa scène à elle, c’est le couvent, dans lequel elle avait choisi de devenir pensionnaire.
Dans cette confession d’une heure, on ne peut s’empêcher de trouver une connotation psychanalytique dans tout ce que que nous allons entendre.
Une banquette noire. Un grand miroir.
Elle arrive à jardin, dans une magnifique robe sombre, rehaussée d’un grand col de dentelle précieuse couleur crème.
La perruque imposante est assortie.
Et puis la voix. Et les magnifiques yeux bleus.
La grande, l’immense Danièle Lebrun.
Immédiatement, elle va nous subjuguer, nous attirer dans ses rêts pour ne plus nous lâcher.
Et ce, dans une sidérante entreprise de vérité.
Il est absolument impossible de ne pas se formuler à un moment ou à un autre la remarque suivante : «Mais ce n’est pas possible, elle y était, elle a assisté à ce qu’elle nous raconte, elle revient du passé ! »
La comédienne est sidérante de vérité, comme toujours.
On croit immédiatement à son personnage et à ce qu’elle nous révèle. Elle ne joue pas, elle est purement et simplement Esprit-Madeleine.
Encore une fois, tout élève-comédien devrait assister à ce spectacle, et devrait venir la voir interpréter ce personnage à la fois complexe et passionnant.
Tour à tour nostalgique, amère, drôle, sombre, bouleversante, Melle Lebrun utilise son immense palette pour faire siens les mots de l’auteur.
Elle parvient admirablement à nous camper cette femme aux différentes époques de sa vie, petite fille, adolescente, jeune femme…
Anne Kessler a complètement repris le principe de l’interview. Ce sont quelques spectateurs du public qui vont se charger de lire les questions préalablement écrites sur un petit carton.
Le judicieux procédé fonctionne à la perfection. Dès que le micro est mis à disposition, les interrogations se font entendre.
On comprend bien entendu que la metteure en scène a refusé la solution de facilité qui aurait consisté à enregistrer une voix off et à la diffuser dans les excellentes enceintes LAcoustics du Studio Théâtre.
Il ressort de cette démarche comportant une (légère) prise de risque un sentiment accru de vérité, de naturel.
Je n’aurai garde d’oublier de mentionner les belles lumières d’Eric Dumas. Il est toujours délicat d’éclairer un plateau comportant de grands miroirs.
Au final, on se dit que ce spectacle est bien trop court. Je serais bien resté quant à moi trois fois plus longtemps à écouter pratiquement bouche bée Melle Lebrun.
Il faut impérativement assister à cette entreprise dramaturgique totalement réussie, passionnante tant sur le fond que sur la forme.
Un véritable moment de grâce.
10/10
T’as d’beaux vieux, tu sais !
Je n’irai pas par quatre chemins, et annoncerai d’emblée la couleur (rouge, celles des chaises du Poche) : je ne voudrais pas être à la place du prochain metteur en scène à avoir l’idée de monter cette pièce de Ionesco, tellement le trio Stéphanie Tesson, Catherine Salviat et Jean-Paul Farré a placé la barre très haute en nous proposant cette merveilleuse version.
Oui, j’assume l’épithète ! Merveilleuse !
Une réussite totale qui nous plonge dans une folie burlesque complètement maîtrisée de bout en bout.
Cette pièce détonne (et détone aussi) quelque peu dans l’œuvre de Ionesco.
Alors que le théâtre de l’absurde est évidemment la principale caractéristique de la dramaturgie de cet auteur majeur du XXème siècle, Les chaises se situerait plutôt dans un théâtre de l’irrationnel ou du fantastique, même.
Une pièce qui nous provoque : comment trouver un message à cette œuvre, dès lors que l’auteur fait en sorte que son personnage principal ne parvienne pas à annoncer au monde et à l’univers entiers, le sien, de message !
Œuvre métaphysique, pièce qui pointe le vide intersidéral de nos existences, pièce que la quête de l’absolu, propos sur la supposée vérité de nos consciences ?
C’est tout à la fois, et encore bien plus, ce que voudra bien y trouver en tout cas chacun des spectateurs.
Un vieux et une vieille, donc.
Près de deux-cents ans à eux deux, mariés depuis soixante-quinze ans.
Lui, maréchal des logis, a concocté durant toute son existence un message ultime à délivrer à l’humanité entière. Pas moins !
Le couple attend les invités qui vont recevoir le discours prononcé par un orateur qui ne va pas tarder à venir.
Un coup de sonnette retentit, puis d’autres. Une foule arrive qu’il faut installer.
Une dame de la haute, un colonel, des journalistes, un photograveur, etc, etc.
Même l’empereur sera présent, c’est vous dire…
Pour interpréter ces deux rôles très exigeants, il faut deux sacrés comédiens, capables de faire passer la folie, la dérision mais aussi l’humour ravageur côtoyant une forme de désespérance du texte.
Deux comédiens qui en permanence, vont nous confronter à une ambivalence des personnages : nous devons à la fois croire à l’existence du message, et à sa non-existence.
Catherine Salviat et Jean-Paul Farré sont évidemment ces deux comédiens-là !
Durant une heure et dix minutes, les deux vont nous livrer une magnifique performance.
Ce qu’ils vont nous dire et nous montrer relève purement et simplement de la leçon de théâtre.
Melle Salviat et M. Farré ne vont pas ménager leur peine.
Durant ces soixante-dix minutes, mis en scène de façon on ne peut plus énergique et organique par Stéphanie Tesson, ils vont se dépenser sans compter, insufflant une sidérante énergie à ces deux vieux.
Un signe qui ne trompe pas : ils portent aux pieds des chaussures souples d’acrobatie.
Il en faut de l’énergie pour investir comme ils le font la totalité de la salle du petit-poche, le plateau, sautant, se roulant par terre, grimpant sur l’estrade, le piano ou les chaises.
Ah ces chaises !
Dans une scène délirante, étonnante, époustouflante, ils vont créer à eux deux un véritable chaos jubilatoire, provoquant l’hilarité générale et il faut bien le dire une véritable et délicieuse stupéfaction.
Je ne peux vous en dire plus, afin de vous laisser vous aussi la surprise, mais cette scène restera à jamais gravée dans ma mémoire.
Et puis l’art, le talent, le métier de ces deux grands de la scène !
Tous les apprentis-comédiens devraient venir les voir jouer !
Le ton est immédiatement donné, dès leur apparition sur le plateau : dans les beaux costumes de Corinne Rossi (je viens d’écrire un pléonasme), sur lesquels Marguerite Danguy des Deserts a peint des éléments contribuant au burlesque général, maquillés assez fortement, ils ne laissent planer que peu de doutes : nous avons devant nous des clowns plus ou moins tristes, des augustes dérisoires et pathétiques, au sens premier du terme.
Là aussi, les parti-pris fonctionnent à la perfection.
Catherine Salviat est cette vieille, admirative de son mari tout en lui reprochant son manque d’ambition.
Elle confère à son personnage quelque chose d’enfantin. (A bien des égards, le monde l’enfance est très présent dans ce texte.)
Ses mimiques de gamine, sa façon de dire certaines répliques avec une voix de petite fille, ses ruptures épatantes, certaines de ses gestuelles pouvant faire penser à une poupée animée, tout ceci relève d’une grande composition.
Qu’est-ce qu’elle nous fait rire, à dialoguer avec ses invités fantômes, faisant parfois les questions et les réponses !
Son « le maréchâââl » est formidable !
La sociétaire honoraire de la Comédie-Française nous ravit une nouvelle fois, nous rappelant s’il en était encore besoin qu’elle peut tout jouer, même là où l’on ne l’attendrait pas forcément.
Jean-Paul Farré laisse éclater la douce folie intérieure qui l’habite, incarnant ce maréchal des logis à la fois pédant, suffisant mais aussi fragile et parfois sombre.
Il faut l’entendre de sa voix reconnaissable entre toutes, déclamer pratiquement certaines tirades, exagérant les consonnes doubles, mettant la plus noble des emphases à pérorer, à pontifier.
C’est magnifique !
Cette fois-ci encore, le comédien démontre sa capacité rare et peut-être unique à jouer un rôle burlesque sur le fil.
Lui aussi fait fortement fonctionner nos zygomatiques !
Gloire à celui ou celle qui a eu l’idée d’associer ces deux-là !
Quant à l'orateur, qui finira par arriver, il est incarné en alternance, de façon muette (encore que... je n'en dis pas plus...) par Alejandro Guerrero ou Jade Breidi.
Courez toutes affaires cessantes au Poche-Montparnasse, ne manquez surtout pas ce spectacle incontournable de cette fin d’hiver !
Une leçon, vous dis-je !
Je n’irai pas par quatre chemins, et annoncerai d’emblée la couleur (rouge, celles des chaises du Poche) : je ne voudrais pas être à la place du prochain metteur en scène à avoir l’idée de monter cette pièce de Ionesco, tellement le trio Stéphanie Tesson, Catherine Salviat et Jean-Paul Farré a placé la barre très haute en nous proposant cette merveilleuse version.
Oui, j’assume l’épithète ! Merveilleuse !
Une réussite totale qui nous plonge dans une folie burlesque complètement maîtrisée de bout en bout.
Cette pièce détonne (et détone aussi) quelque peu dans l’œuvre de Ionesco.
Alors que le théâtre de l’absurde est évidemment la principale caractéristique de la dramaturgie de cet auteur majeur du XXème siècle, Les chaises se situerait plutôt dans un théâtre de l’irrationnel ou du fantastique, même.
Une pièce qui nous provoque : comment trouver un message à cette œuvre, dès lors que l’auteur fait en sorte que son personnage principal ne parvienne pas à annoncer au monde et à l’univers entiers, le sien, de message !
Œuvre métaphysique, pièce qui pointe le vide intersidéral de nos existences, pièce que la quête de l’absolu, propos sur la supposée vérité de nos consciences ?
C’est tout à la fois, et encore bien plus, ce que voudra bien y trouver en tout cas chacun des spectateurs.
Un vieux et une vieille, donc.
Près de deux-cents ans à eux deux, mariés depuis soixante-quinze ans.
Lui, maréchal des logis, a concocté durant toute son existence un message ultime à délivrer à l’humanité entière. Pas moins !
Le couple attend les invités qui vont recevoir le discours prononcé par un orateur qui ne va pas tarder à venir.
Un coup de sonnette retentit, puis d’autres. Une foule arrive qu’il faut installer.
Une dame de la haute, un colonel, des journalistes, un photograveur, etc, etc.
Même l’empereur sera présent, c’est vous dire…
Pour interpréter ces deux rôles très exigeants, il faut deux sacrés comédiens, capables de faire passer la folie, la dérision mais aussi l’humour ravageur côtoyant une forme de désespérance du texte.
Deux comédiens qui en permanence, vont nous confronter à une ambivalence des personnages : nous devons à la fois croire à l’existence du message, et à sa non-existence.
Catherine Salviat et Jean-Paul Farré sont évidemment ces deux comédiens-là !
Durant une heure et dix minutes, les deux vont nous livrer une magnifique performance.
Ce qu’ils vont nous dire et nous montrer relève purement et simplement de la leçon de théâtre.
Melle Salviat et M. Farré ne vont pas ménager leur peine.
Durant ces soixante-dix minutes, mis en scène de façon on ne peut plus énergique et organique par Stéphanie Tesson, ils vont se dépenser sans compter, insufflant une sidérante énergie à ces deux vieux.
Un signe qui ne trompe pas : ils portent aux pieds des chaussures souples d’acrobatie.
Il en faut de l’énergie pour investir comme ils le font la totalité de la salle du petit-poche, le plateau, sautant, se roulant par terre, grimpant sur l’estrade, le piano ou les chaises.
Ah ces chaises !
Dans une scène délirante, étonnante, époustouflante, ils vont créer à eux deux un véritable chaos jubilatoire, provoquant l’hilarité générale et il faut bien le dire une véritable et délicieuse stupéfaction.
Je ne peux vous en dire plus, afin de vous laisser vous aussi la surprise, mais cette scène restera à jamais gravée dans ma mémoire.
Et puis l’art, le talent, le métier de ces deux grands de la scène !
Tous les apprentis-comédiens devraient venir les voir jouer !
Le ton est immédiatement donné, dès leur apparition sur le plateau : dans les beaux costumes de Corinne Rossi (je viens d’écrire un pléonasme), sur lesquels Marguerite Danguy des Deserts a peint des éléments contribuant au burlesque général, maquillés assez fortement, ils ne laissent planer que peu de doutes : nous avons devant nous des clowns plus ou moins tristes, des augustes dérisoires et pathétiques, au sens premier du terme.
Là aussi, les parti-pris fonctionnent à la perfection.
Catherine Salviat est cette vieille, admirative de son mari tout en lui reprochant son manque d’ambition.
Elle confère à son personnage quelque chose d’enfantin. (A bien des égards, le monde l’enfance est très présent dans ce texte.)
Ses mimiques de gamine, sa façon de dire certaines répliques avec une voix de petite fille, ses ruptures épatantes, certaines de ses gestuelles pouvant faire penser à une poupée animée, tout ceci relève d’une grande composition.
Qu’est-ce qu’elle nous fait rire, à dialoguer avec ses invités fantômes, faisant parfois les questions et les réponses !
Son « le maréchâââl » est formidable !
La sociétaire honoraire de la Comédie-Française nous ravit une nouvelle fois, nous rappelant s’il en était encore besoin qu’elle peut tout jouer, même là où l’on ne l’attendrait pas forcément.
Jean-Paul Farré laisse éclater la douce folie intérieure qui l’habite, incarnant ce maréchal des logis à la fois pédant, suffisant mais aussi fragile et parfois sombre.
Il faut l’entendre de sa voix reconnaissable entre toutes, déclamer pratiquement certaines tirades, exagérant les consonnes doubles, mettant la plus noble des emphases à pérorer, à pontifier.
C’est magnifique !
Cette fois-ci encore, le comédien démontre sa capacité rare et peut-être unique à jouer un rôle burlesque sur le fil.
Lui aussi fait fortement fonctionner nos zygomatiques !
Gloire à celui ou celle qui a eu l’idée d’associer ces deux-là !
Quant à l'orateur, qui finira par arriver, il est incarné en alternance, de façon muette (encore que... je n'en dis pas plus...) par Alejandro Guerrero ou Jade Breidi.
Courez toutes affaires cessantes au Poche-Montparnasse, ne manquez surtout pas ce spectacle incontournable de cette fin d’hiver !
Une leçon, vous dis-je !