Ses critiques
119 critiques
9/10
Avec Sœurs, deuxième opus du « cylcle domestique », Wadji Mouawad écrit l’histoire de Geneviève Bergeron, avocate spécialisée dans la médiation des conflits de guerre et de Leyla, experte en assurances, elle-même exilée au Canada de son Liban natal.
Geneviève recherche sa demi-sœur indienne, Irène, disparue depuis l’enfance ; coincée par une tempête de neige près d’Ottawa, elle est contrainte de faire halte dans un hôtel de la capitale. La technologie outrancière et impersonnelle de cette chambre high tech, l’impossibilité de parler en français à des canadiens purement anglophones, le froid et la solitude lui font perdre pied. Les vannes se libèrent, le fragile équilibre qui la retenait s’écroule et Geneviève saccage la chambre, la transformant en un champ de ruines aussi dévasté qu’elle l’est à l’intérieur.
Il y a dans l’œuvre de Wajdi Mouawad quelque chose d’intangible, une sorte de constellation de bouts d’histoires, de parcours a priori éparpillés et qui pourtant s’interpellent, se répondent et se rejoignent à travers les personnages et leurs destins et, au-delà, finissent par se réunir et former une toile immense et poignante, une fresque collective, faite d’humanités déchirées enfin réunies. A travers Geneviève et Leyla, ce sont des années d’exil, de douleur, de pertes qui sont racontées, qui jaillissent des mots et des gestes de deux femmes : perte identitaire, avec cette langue anglaise assénée et ce français proscrit, perte familiale avec Irène, la sœur disparue, pertes de guerre avec la famille de Leyla. Le deuil, l’impossibilité de se reconstruire, l’avancement aveugle et machinal qui devient trop lourd à porter, les déchirures intérieures qui lacèrent insidieusement les entrailles, les peurs, les humiliations, les renoncements, la quête des origines, les relations filiales et intergénérationnelles, sont autant de thèmes forts omniprésents dans l’œuvre de Mouawad.
Le décor, cette chambre d’hôtel glaciale et déshumanisée où même les machines parlent, est souligné par des projections vidéos (images ou mots qui défilent en français, anglais ou arabe), par des projections de croquis presque naïfs également qui représentent la salle de bain ; des panneaux coulissants permettent de passer à l’intérieur ou l’extérieur de la chambre. Une reproduction immense du tableau « Gabrielle d’Estrée et une de ses sœurs » sert de tête de lit.
Cette histoire forte de deux femmes, « pas encore vieilles mais en train de le devenir », est incarnée par la formidable Annick Bergeron : tour à tour Geneviève, femme de chambre, directrice d’établissement, ou Leyla, Annick Bergeron se métamorphose, se transforme, se démultiplie. Toujours sur le fil, bouleversante et juste, jamais dans l’excès, elle incarne parfaitement la douleur, la peur, le vide intérieur et enfin le déferlement, le basculement, et enfin l’apaisement, quand Leyla et Geneviève se soutiennent et se portent l’une l’autre.
Une pièce forte, donc, dont la scénographie technique et complexe souligne le sujet sans l’alourdir. Avec des lumières magnifiques, et sa mise en scène extrêmement précise, millimétrée et très esthétique, Sœurs nous entraine dans un tourbillon émotionnel profondément captivant.
Geneviève recherche sa demi-sœur indienne, Irène, disparue depuis l’enfance ; coincée par une tempête de neige près d’Ottawa, elle est contrainte de faire halte dans un hôtel de la capitale. La technologie outrancière et impersonnelle de cette chambre high tech, l’impossibilité de parler en français à des canadiens purement anglophones, le froid et la solitude lui font perdre pied. Les vannes se libèrent, le fragile équilibre qui la retenait s’écroule et Geneviève saccage la chambre, la transformant en un champ de ruines aussi dévasté qu’elle l’est à l’intérieur.
Il y a dans l’œuvre de Wajdi Mouawad quelque chose d’intangible, une sorte de constellation de bouts d’histoires, de parcours a priori éparpillés et qui pourtant s’interpellent, se répondent et se rejoignent à travers les personnages et leurs destins et, au-delà, finissent par se réunir et former une toile immense et poignante, une fresque collective, faite d’humanités déchirées enfin réunies. A travers Geneviève et Leyla, ce sont des années d’exil, de douleur, de pertes qui sont racontées, qui jaillissent des mots et des gestes de deux femmes : perte identitaire, avec cette langue anglaise assénée et ce français proscrit, perte familiale avec Irène, la sœur disparue, pertes de guerre avec la famille de Leyla. Le deuil, l’impossibilité de se reconstruire, l’avancement aveugle et machinal qui devient trop lourd à porter, les déchirures intérieures qui lacèrent insidieusement les entrailles, les peurs, les humiliations, les renoncements, la quête des origines, les relations filiales et intergénérationnelles, sont autant de thèmes forts omniprésents dans l’œuvre de Mouawad.
Le décor, cette chambre d’hôtel glaciale et déshumanisée où même les machines parlent, est souligné par des projections vidéos (images ou mots qui défilent en français, anglais ou arabe), par des projections de croquis presque naïfs également qui représentent la salle de bain ; des panneaux coulissants permettent de passer à l’intérieur ou l’extérieur de la chambre. Une reproduction immense du tableau « Gabrielle d’Estrée et une de ses sœurs » sert de tête de lit.
Cette histoire forte de deux femmes, « pas encore vieilles mais en train de le devenir », est incarnée par la formidable Annick Bergeron : tour à tour Geneviève, femme de chambre, directrice d’établissement, ou Leyla, Annick Bergeron se métamorphose, se transforme, se démultiplie. Toujours sur le fil, bouleversante et juste, jamais dans l’excès, elle incarne parfaitement la douleur, la peur, le vide intérieur et enfin le déferlement, le basculement, et enfin l’apaisement, quand Leyla et Geneviève se soutiennent et se portent l’une l’autre.
Une pièce forte, donc, dont la scénographie technique et complexe souligne le sujet sans l’alourdir. Avec des lumières magnifiques, et sa mise en scène extrêmement précise, millimétrée et très esthétique, Sœurs nous entraine dans un tourbillon émotionnel profondément captivant.
10/10
Avec Pixel le chorégraphe Mourad Merzouki transcende les genres en mariant arts de la danse et numérique : en collaboration avec les ingénieurs Adrien Mondot et Claire Bardainne, il a imaginé un bal hors normes qui nous entraîne dans une dimension à la fois humaine et virtuelle. Sur un espace scénique dénudé onze danseurs et artistes de cirque (contorsionniste) évoluent au milieu de projections en 3D : accompagnés, suivis, enveloppés de dizaines de pixels, ils épousent ce monde virtuel venu s’offrir à eux.
Totalement hypnotisé, le spectateur béat ne peut que s’étourdir dans ce ballet vertigineux, où tout est mouvement, sinuosité, fluidité. Le hip-hop se pare de douceur, de lenteur, se fige dans une impression de latence entre deux réalités flottantes. Que ce soit en épousant les volutes de pixels, en les enjambant, en les repoussant, les danseurs, par leurs mouvements un peu saccadés, scandés, deviennent à leur tour des créatures d’un monde qui n’est plus tout à fait terrestre. Les spirales qui se déroulent, s’écartent, poussées, repoussées par les danseurs, les vagues qui se créent et s’écrasent à leurs pieds, la fluidité des mouvements semblent tellement naturels, innés, normaux, que l’on ne peut que se croire transporté, le temps du ballet, dans une dimension parallèle et parfaite.
Une réminiscence d’enfance est venue à moi, après le spectacle : je me revoyais, petite, faisant des bulles de savon et essayant de les attraper, de les suivre, les laissant m’envelopper : il y a un peu de ça dans Pixel, une douceur, une féerie irréelle où l’adulte oublie ce qu’il est et se fond dans une réalité immatérielle, intangible et impalpable.
Il est difficile de trouver des mots pour qualifier Pixel. Il est difficile de qualifier cet instant de grâce absolue, de voyage tridimensionnel. Parenthèse intemporelle, Pixel nous amène dans un voyage hors du temps et hors du monde. C’est délicieux, magique, irréel.
Totalement hypnotisé, le spectateur béat ne peut que s’étourdir dans ce ballet vertigineux, où tout est mouvement, sinuosité, fluidité. Le hip-hop se pare de douceur, de lenteur, se fige dans une impression de latence entre deux réalités flottantes. Que ce soit en épousant les volutes de pixels, en les enjambant, en les repoussant, les danseurs, par leurs mouvements un peu saccadés, scandés, deviennent à leur tour des créatures d’un monde qui n’est plus tout à fait terrestre. Les spirales qui se déroulent, s’écartent, poussées, repoussées par les danseurs, les vagues qui se créent et s’écrasent à leurs pieds, la fluidité des mouvements semblent tellement naturels, innés, normaux, que l’on ne peut que se croire transporté, le temps du ballet, dans une dimension parallèle et parfaite.
Une réminiscence d’enfance est venue à moi, après le spectacle : je me revoyais, petite, faisant des bulles de savon et essayant de les attraper, de les suivre, les laissant m’envelopper : il y a un peu de ça dans Pixel, une douceur, une féerie irréelle où l’adulte oublie ce qu’il est et se fond dans une réalité immatérielle, intangible et impalpable.
Il est difficile de trouver des mots pour qualifier Pixel. Il est difficile de qualifier cet instant de grâce absolue, de voyage tridimensionnel. Parenthèse intemporelle, Pixel nous amène dans un voyage hors du temps et hors du monde. C’est délicieux, magique, irréel.
7,5/10
Un violoncelle et un piano, c’est tout ce qu’il faut à Laurent Cirade et Paul Staïcu pour se lancer dans un duel acharné pendant 1h20. Les gags se succèdent et tous les outils possibles deviennent à leur tour instruments (pince monseigneur, chaise longue, …), toutes les positions aussi, car les deux compères joueront debout, assis, couchés, à l’endroit, à l’envers, à une main, à deux, trois ou quatre, sans que jamais aucune fausse note ne soit entendue. Une vraie performance musicale, aussi étonnante que poétique parfois, et un vrai moment de plaisir.
Si les numéros sont parfois inégaux, d’autres révèlent en revanche un véritable talent burlesque : le numéros avec les chaises longues est digne d’un numéro de clown. J’ai imaginé les nez rouges et sachant à quel point l’exercice de Clown est difficile, probablement un des plus difficiles de l’art théâtral, je suis restée béate devant ce numéro particulièrement réussi. La réappropriation de My funny Valentine est un vrai régal et donne envie de trinquer à la santé de ces deux zouaves aussi Laurel que Hardy, aussi perchés que virtuoses.
Laurent Cirade a fait partie de l’excellent Quatuor pendant une douzaine d’années avant de fonder Duel avec Paul Staïcu. Il en reste beaucoup d’inspiration, une recherche continue du burlesque et du poétique, un plaisir effréné et communicatif.
Un pur moment de détente à la fois touchant et hilarant. Et rire, ça fait aussi du bien, parfois. Ou plutôt toujours.
Si les numéros sont parfois inégaux, d’autres révèlent en revanche un véritable talent burlesque : le numéros avec les chaises longues est digne d’un numéro de clown. J’ai imaginé les nez rouges et sachant à quel point l’exercice de Clown est difficile, probablement un des plus difficiles de l’art théâtral, je suis restée béate devant ce numéro particulièrement réussi. La réappropriation de My funny Valentine est un vrai régal et donne envie de trinquer à la santé de ces deux zouaves aussi Laurel que Hardy, aussi perchés que virtuoses.
Laurent Cirade a fait partie de l’excellent Quatuor pendant une douzaine d’années avant de fonder Duel avec Paul Staïcu. Il en reste beaucoup d’inspiration, une recherche continue du burlesque et du poétique, un plaisir effréné et communicatif.
Un pur moment de détente à la fois touchant et hilarant. Et rire, ça fait aussi du bien, parfois. Ou plutôt toujours.
8/10
Ils sont quatre jeunes gens, pas encore trentenaires, plus du tout des enfants mais des adultes en devenir. Nacera et Jonas reçoivent Alice et Robin. Tous différents, ils incarnent chacun un désir différent face à la société. Nacera (excellente Nacima Bekhtaoui) est une jeune militante socialiste engagée en politique avec ferveur et un vrai désir de faire évoluer la société. Jonas (Nicolas Schmitt), son compagnon, refuse de céder aux sirènes de l’industrialisation et du numérique, il veut intégrer un village écologique et autonome en Lozère, loin de l’aliénation digitale de ses comparses. Alice (Zoé Schellenberg) est professeur de biologie, sur-équipée, sur-connectée, déconnectée de la vraie vie aux yeux de Jonas. Robin (Manuel Severi), quant à lui, est plutôt squatteur qui se cherche, éternel étudiant, éternel rêveur qui gagne plus ou moins sa vie en tant que cobaye pour l’industrie médicamenteuse et industrielle. Le contexte est planté, ces quatre-là se retrouvent régulièrement chez Nacera et Jonas, pendant 9 mois, le temps de la grossesse de Nacera.
Entre fable d’anticipation (l’histoire se déroule en 2018) et chronique sociétale, En héritage nous emmène à nous questionner sur l’héritage que nous avons reçu de nos parents, mais aussi et surtout celui que nous voudrons laisser à notre tour, à nos propres enfants. Joël Dragutin croque avec précision ethnologique cette jeunesse écartelée entre désir d’épanouissement personnel et volonté de changer la société. Le décor (l’appartement de Nacera et Jonas) est à la fois contemporain et intemporel. Des projections videos sur l’un des murs (flous lumineux, lueurs diffuses ou en forme de chaines physiques) viennent souligner les monologues intérieurs pleins de doutes auxquels se livrent les jeunes adultes. Écartelés entre altruisme et individualisme, chacun, à sa façon, veut être acteur et moteur d’une évolution sociétale qui apparaît de plus en plus inéluctable. Chacun est investi, chacun s’interroge, chacun se conforte dans ses convictions, avec l’intransigeance de la jeunesse.
Alice et Robin sont les hérauts de la révolution numérique, pour eux le progrès ne sera que digital et électronique et l’intelligence humaine sera supplée sinon supplantée par l’intelligence artificielle. Face à eux, Jonas et Nacera, chacun à leur manière, incarnent la résistance et le maintien à tout prix de relations interpersonnelles et humaines, réelles et non plus seulement au travers d’outils numérique. Nacera s’interroge aussi sur la valeur de son engagement politique : est-elle seulement utilisée pour ses origines, dans un seul but de discrimination positive, ou est-elle appréciée pour la force et la sincérité de son investissement ? Jonas est partagé entre cette future paternité qu’il n’a pas voulue et son rejet du monde moderne. Alice est confrontée à des élèves en plein questionnement, Robin n’en finit plus de se chercher…
Grâce à ces ancrages bien réels, Joël Dragutin soulève des questions qui vont bien au-delà de la seule fable d’anticipation : qui sommes-nous ? Que voulons-nous devenir et quelle société voulons-nous laisser à nos enfants ? Quelle est la valeur de nos engagements ? Sommes-nous seulement des passants ou des passeurs ? A travers ces quatre profils différents, la réponse est probablement propre à chacun, et nulle n’est aussi inutile que collectivement indispensable.
Entre fable d’anticipation (l’histoire se déroule en 2018) et chronique sociétale, En héritage nous emmène à nous questionner sur l’héritage que nous avons reçu de nos parents, mais aussi et surtout celui que nous voudrons laisser à notre tour, à nos propres enfants. Joël Dragutin croque avec précision ethnologique cette jeunesse écartelée entre désir d’épanouissement personnel et volonté de changer la société. Le décor (l’appartement de Nacera et Jonas) est à la fois contemporain et intemporel. Des projections videos sur l’un des murs (flous lumineux, lueurs diffuses ou en forme de chaines physiques) viennent souligner les monologues intérieurs pleins de doutes auxquels se livrent les jeunes adultes. Écartelés entre altruisme et individualisme, chacun, à sa façon, veut être acteur et moteur d’une évolution sociétale qui apparaît de plus en plus inéluctable. Chacun est investi, chacun s’interroge, chacun se conforte dans ses convictions, avec l’intransigeance de la jeunesse.
Alice et Robin sont les hérauts de la révolution numérique, pour eux le progrès ne sera que digital et électronique et l’intelligence humaine sera supplée sinon supplantée par l’intelligence artificielle. Face à eux, Jonas et Nacera, chacun à leur manière, incarnent la résistance et le maintien à tout prix de relations interpersonnelles et humaines, réelles et non plus seulement au travers d’outils numérique. Nacera s’interroge aussi sur la valeur de son engagement politique : est-elle seulement utilisée pour ses origines, dans un seul but de discrimination positive, ou est-elle appréciée pour la force et la sincérité de son investissement ? Jonas est partagé entre cette future paternité qu’il n’a pas voulue et son rejet du monde moderne. Alice est confrontée à des élèves en plein questionnement, Robin n’en finit plus de se chercher…
Grâce à ces ancrages bien réels, Joël Dragutin soulève des questions qui vont bien au-delà de la seule fable d’anticipation : qui sommes-nous ? Que voulons-nous devenir et quelle société voulons-nous laisser à nos enfants ? Quelle est la valeur de nos engagements ? Sommes-nous seulement des passants ou des passeurs ? A travers ces quatre profils différents, la réponse est probablement propre à chacun, et nulle n’est aussi inutile que collectivement indispensable.
8/10
Quatre heures. Quatre heures, c’est le laps de temps maximum qui doit s’écouler entre le moment où le cœur est retiré d’un corps en état de mort cérébrale et le moment où il est transplanté dans la poitrine d’une autre personne. Quatre heures d’urgence pendant lesquelles une course contre le temps est engagée, une course contre la mort et pour la vie. Le roman de Maylis de Kerangal, paru en 2014 et plusieurs fois primé, raconte cette course folle à partir de l’accident de Simon Limbres. Simon avait 19 ans, il venait de surfer, lui et ses amis ont raté un virage. Simon est en état de mort cérébrale, son cœur est intact.
De la déclaration de mort cérébrale, l’annonce aux parents de Simon, le déclenchement de la greffe (sélectionner un receveur, listes d’urgences, choix de compatibilité, annonce au receveur, préparation de la greffe), le metteur en scène Sylvain Maurice garde l’essentiel : l’aspect clinique, hospitalier, médical. L’urgence de transplanter, sauver une vie à partir d’une autre vie. Aller vite, aller à l’essentiel, et garder l’essence du texte, l’urgence, la froideur médicale, l’application méthodique et rigoureuse qui s’impose pour le corps médical. Ecarter volontairement l’humain derrière le corps, pour se consacrer à la science. Oublier les sentiments, garder la froideur, être opérationnel, efficace. Sauver une autre vie, puisque celle-ci est perdue, aller vite.
Le dispositif scénique est froid, mécanique : un tapis roulant sur lequel évoluera Vincent Dissez, surplombé d’un portique où joue Joachim Latarjet, le musicien qui accompagne le récit. Les lumières, crues, blanches, évoquent le bloc opératoire mais aussi l’aspect clair-obscur de l’entre vie et mort. Vincent Dissez, raconte, parle, court, ralentit, danse sur ce tapis roulant. Il est le Dr. Révol, le médecin qui annonce la mort, il est Thomas Rémige, infirmier coordinateur des greffes, il est Sean, le père de Simon, il est Marianne sa mère ou Claire, qui recevra le cœur de Simon. Il est hypnotique et solaire, fascinant. Les musiques de Joachim Latarjet sont douces, vives, pop ou électro et épousent le texte elles-aussi.
Une course folle, donc, urgente, une frénésie clinique, une énergie pressante. Sylvain Maurice a fait le choix volontaire d’écarter la dimension émotionnelle du récit pour mettre en exergue l’urgence, la précision, la concentration. Si la dimension humaine est bien présente (l’annonce de l’accident, le désespoir des parents de Simon, leur refus d’accepter, puis la résignation, l’acceptation), elle est réduite a minima pour éviter tout débordement de pathos. On en oublie parfois ce qui faisait battre le cœur de Simon, tout ce qui était impalpable et chimique, tout ce qui faisait qu’il n’était pas seulement un cœur, un organe, mais aussi un jeune homme.
Un spectacle beau et froid.
De la déclaration de mort cérébrale, l’annonce aux parents de Simon, le déclenchement de la greffe (sélectionner un receveur, listes d’urgences, choix de compatibilité, annonce au receveur, préparation de la greffe), le metteur en scène Sylvain Maurice garde l’essentiel : l’aspect clinique, hospitalier, médical. L’urgence de transplanter, sauver une vie à partir d’une autre vie. Aller vite, aller à l’essentiel, et garder l’essence du texte, l’urgence, la froideur médicale, l’application méthodique et rigoureuse qui s’impose pour le corps médical. Ecarter volontairement l’humain derrière le corps, pour se consacrer à la science. Oublier les sentiments, garder la froideur, être opérationnel, efficace. Sauver une autre vie, puisque celle-ci est perdue, aller vite.
Le dispositif scénique est froid, mécanique : un tapis roulant sur lequel évoluera Vincent Dissez, surplombé d’un portique où joue Joachim Latarjet, le musicien qui accompagne le récit. Les lumières, crues, blanches, évoquent le bloc opératoire mais aussi l’aspect clair-obscur de l’entre vie et mort. Vincent Dissez, raconte, parle, court, ralentit, danse sur ce tapis roulant. Il est le Dr. Révol, le médecin qui annonce la mort, il est Thomas Rémige, infirmier coordinateur des greffes, il est Sean, le père de Simon, il est Marianne sa mère ou Claire, qui recevra le cœur de Simon. Il est hypnotique et solaire, fascinant. Les musiques de Joachim Latarjet sont douces, vives, pop ou électro et épousent le texte elles-aussi.
Une course folle, donc, urgente, une frénésie clinique, une énergie pressante. Sylvain Maurice a fait le choix volontaire d’écarter la dimension émotionnelle du récit pour mettre en exergue l’urgence, la précision, la concentration. Si la dimension humaine est bien présente (l’annonce de l’accident, le désespoir des parents de Simon, leur refus d’accepter, puis la résignation, l’acceptation), elle est réduite a minima pour éviter tout débordement de pathos. On en oublie parfois ce qui faisait battre le cœur de Simon, tout ce qui était impalpable et chimique, tout ce qui faisait qu’il n’était pas seulement un cœur, un organe, mais aussi un jeune homme.
Un spectacle beau et froid.