Ses critiques
55 critiques
8/10
La Sucrière à Lyon, nous donne l’opportunité de voir jusqu’au 26 juillet 2020 le travail du photographe Sebastiao Salgado sur le thème de la nature encore préservée. Avec l’exposition GENESIS, nous sont présentées 245 photographies qui ont la particularité d’être en noir et blanc comme l’a déjà fait l’artiste dans d’autres expositions. Cinq territoires ayant échappé à l’emprise humaine sont proposés comme les froids extrêmes de l’Antarctique, les zones humides du Pantanal ou bien les communautés mantawaï d’Indonésie. Glaciers du Perito Moreno, manchots à jugulaire, albatros à sourcil noir, pétrels prédateurs côtoient iguanes marins des Galapagos, méandres du rio Jurua en Amazonie et tribus nomades Nénètses du Cercle arctique. Le travail en noir et blanc magnifie à la fois la beauté des animaux, des paysages et des hommes tout en intellectualisant le drame que vit aujourd’hui la planète. C’est donc « esthétisant » et alors ? Pourquoi se passer de ce filet moucheté projeté sur la pellicule, pourquoi se passer du graphisme accentuant les fissures des glaciers, pourquoi se passer du détail des écailles de l’iguane marin, révélées si précieusement comme un bijou ? Au-delà de l’intérêt écologique de l’exposition visant à nous rappeler les beautés de la planète que nous sommes en train de perdre, Sebastiao Salgado et son épouse Lélia Wanick Salgado, commissaire de l’exposition, nous questionnent en fin d’exposition sur l’espoir qu’il est permis d’attendre si on s’en donne les moyens. Et cela donne la présentation de photographies en couleurs cette fois-ci, sur la réhabilitation en quinze ans de l’environnement de leur propre ferme dans le Minas Gerais au Brésil, avec l’ONG qu’ils ont créée Instituto Terra. Les résultats y sont spectaculaires. Après le film de Wim Wenders « le sel de la terre », sorti en 2014, qui nous montrait le parcours de ce photographe, l’exposition GENESIS, fruit de 32 voyages sur 8 années est pour cet artiste unanimement reconnu, sa « déclaration d’amour à la planète ».
4/10
Le musée Vouland des arts décoratifs d’Avignon propose une exposition sur « Jean Marie Fage » - Tracer la lumière « du 20 juin 2020 au 3 janvier 2021 Ce peintre qui aura prochainement 95 ans est né à l’Isle sur la Sorgue et a rencontré René Char et Georges Braque.
Privé de vision stéréoscopique (enfant, il a perdu un œil), il ne cessera d’être un chercheur sur l’espace, la couleur, la lumière. L’ensemble de son œuvre hétéroclite traverse les différents courants stylistiques de la peinture du XXème siècle avec plus ou moins de décalage temporel. Jean Marie Fage ne souhaitait pas avoir de style personnel, ni appartenir à un courant. C’est bien ce qui est déroutant. Il a peint pour lui car cela devait lui être nécessaire. Il n’a pas peint pour la postérité.
Privé de vision stéréoscopique (enfant, il a perdu un œil), il ne cessera d’être un chercheur sur l’espace, la couleur, la lumière. L’ensemble de son œuvre hétéroclite traverse les différents courants stylistiques de la peinture du XXème siècle avec plus ou moins de décalage temporel. Jean Marie Fage ne souhaitait pas avoir de style personnel, ni appartenir à un courant. C’est bien ce qui est déroutant. Il a peint pour lui car cela devait lui être nécessaire. Il n’a pas peint pour la postérité.
8/10
Sans l’aura du festival, Avignon prend des allures provinciales. Et pourtant, en souterrain, les radicelles du théâtre continuent de faire œuvre et d’innerver la ville. Quelques rares théâtres proposent cet été des pièces. Le théâtre Le Verbe Fou a eu cette audace en nous proposant … « Les Audacieux ». Malheureusement sur une trop courte période. Bien dommage car cette pièce de la compagnie Imagine est un vrai petit bijou à découvrir lors de prochaines tournées ou … dans votre salon (oui, c’est possible!). Deux artistes sont sur scène : une actrice Mathilde Maumont interprète en toute subtilité différentes lectures de l’audacieuse Colette. Chaque lecture est suivie d’un moment musical tiré de l’oeuvre de Debussy et interprété par le pianiste Jean Philippe Guillo. Des moments délicieux, sensuels, pleins d’humour, voire caustiques, vous attendent. Colette est tout simplement étonnante et mérite vraiment qu’on découvre ses nouvelles de « la femme cachée ». Les textes ont tous été parfaitement choisis et les morceaux au piano reflètent tout à fait l’ambiance de chaque lecture. Le temps a passé trop vite. On aurait voulu prolonger ces moments gourmands...
8/10
Architecture, mise en scène par Pascal Rambert est une pièce volontairement écrite pour une troupe d’acteurs, pièce pensée pour chacun d’eux. Aussi ce sont leurs propres prénoms qui identifient les personnages comme Emmanuelle (Béart), Stan (Nordey), Jacques (Weber), Marie Sophie (Ferdane) … Tous sont excellents.
Dans Architecture, il y a bien un architecte, le patriarche qui se révèle être un ogre, Saturne dévorant ses enfants. Tous dans le même bateau, à voyager de Vienne à Budapest, Sarajevo, Skopje, Athènes, Corfou … Tous dans la même galère : un huit-clos où chacun va vociférer à sa manière. Tous brillants : musicien, philosophe, poétesse, psychanalyste … Mais tous en perte de leurs valeurs, empêchés d’exister par leur père ou par un autre, tous démunis par la violence qui aboutira à la première guerre mondiale et par la montée des nationalismes. L’histoire de cette famille commence avant l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand, évènement déclencheur de la première guerre mondiale, et se poursuit quatorze ans plus tard lorsque la famille est disloquée par « les conséquences » , les dégâts collatéraux de cette boucherie . Les personnages tout en blanc, évoluent dans des espaces-cabines au style Biedermeier. Au fond, une balustrade aux chapiteaux ioniques composés de magnétophones, témoins de l’enregistrement des traces des violences internes et externes de cette famille. Quatorze ans plus tard, les personnages vêtus de noir , se fracasseront contre un mobilier plus contemporain.
La pièce se termine à notre époque avec les petits-enfants qui racontent les fins dramatiques de leurs grands-parents. Attention ! Dit une actrice. Tout peut recommencer … La pièce un peu longue (3h) est interprétée par des acteurs pleins d’énergie et de conviction. Le texte chargé de désespoir aux répliques parfois cyniques, nous interroge sur nos capacités à résister à la violence. En tournée aux Célestins à Lyon jusqu’au 19 février 2020.
Dans Architecture, il y a bien un architecte, le patriarche qui se révèle être un ogre, Saturne dévorant ses enfants. Tous dans le même bateau, à voyager de Vienne à Budapest, Sarajevo, Skopje, Athènes, Corfou … Tous dans la même galère : un huit-clos où chacun va vociférer à sa manière. Tous brillants : musicien, philosophe, poétesse, psychanalyste … Mais tous en perte de leurs valeurs, empêchés d’exister par leur père ou par un autre, tous démunis par la violence qui aboutira à la première guerre mondiale et par la montée des nationalismes. L’histoire de cette famille commence avant l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand, évènement déclencheur de la première guerre mondiale, et se poursuit quatorze ans plus tard lorsque la famille est disloquée par « les conséquences » , les dégâts collatéraux de cette boucherie . Les personnages tout en blanc, évoluent dans des espaces-cabines au style Biedermeier. Au fond, une balustrade aux chapiteaux ioniques composés de magnétophones, témoins de l’enregistrement des traces des violences internes et externes de cette famille. Quatorze ans plus tard, les personnages vêtus de noir , se fracasseront contre un mobilier plus contemporain.
La pièce se termine à notre époque avec les petits-enfants qui racontent les fins dramatiques de leurs grands-parents. Attention ! Dit une actrice. Tout peut recommencer … La pièce un peu longue (3h) est interprétée par des acteurs pleins d’énergie et de conviction. Le texte chargé de désespoir aux répliques parfois cyniques, nous interroge sur nos capacités à résister à la violence. En tournée aux Célestins à Lyon jusqu’au 19 février 2020.
8,5/10
Avec Les Enivrés de l’auteur russe Ivan Viripaev, le public, à peine assis, est accueilli par un hurluberlu qui, coiffé de deux canettes de bière en guise d’oreillettes, va pousser la chansonnette et raconter des blagues loufoques. La messe est dite …
Les spectateurs comprennent de suite qu’ils vont se griser eux aussi au clownesque, au burlesque, à l’absurde mais aussi à la poésie, au lyrisme et à la métaphysique. Et pour les acteurs divinement saoulés, quoi de mieux qu’un plateau tournant et un grand miroir déformant comme dans une galerie des glaces. In Vino Veritas, nous dit le proverbe … Peut-être mais pas facile à trouver dans ce delirium tremens jouissif ! Les personnages déclarent tous avoir entendu au moins une fois dans leur vie « le chuchotement de Dieu dans leur coeur » (moment théâtral exceptionnel!) ; et leurs tribulations nocturnes les questionneront sur l’existence, l’amour, la liberté, l’essentiel : « ne pas perdre le contact », cesser de « baratiner » ce qui ne sert qu’à amasser « des créances » alors qu’ « il faudra tout rendre » ! Un amoureux de la vie, certes ivre et misérable, mais pétri d’humanité, clame « sans créance, sans croyance, telle est ma religion ! ». De quoi être transfiguré en demi-dieu !
La mise en scène de Clément Poirée sert parfaitement le texte à la fois drôle et pathétique. Les acteurs, tous merveilleux, ne dessaoulent pas du début à la fin et font exulter la détresse et le sublime. Le tout dans une ambiance bon enfant, carnavalesque, rythmée par la danse et le chant. Au TNP Villeurbanne jusqu’au 16 février 2020.
Les spectateurs comprennent de suite qu’ils vont se griser eux aussi au clownesque, au burlesque, à l’absurde mais aussi à la poésie, au lyrisme et à la métaphysique. Et pour les acteurs divinement saoulés, quoi de mieux qu’un plateau tournant et un grand miroir déformant comme dans une galerie des glaces. In Vino Veritas, nous dit le proverbe … Peut-être mais pas facile à trouver dans ce delirium tremens jouissif ! Les personnages déclarent tous avoir entendu au moins une fois dans leur vie « le chuchotement de Dieu dans leur coeur » (moment théâtral exceptionnel!) ; et leurs tribulations nocturnes les questionneront sur l’existence, l’amour, la liberté, l’essentiel : « ne pas perdre le contact », cesser de « baratiner » ce qui ne sert qu’à amasser « des créances » alors qu’ « il faudra tout rendre » ! Un amoureux de la vie, certes ivre et misérable, mais pétri d’humanité, clame « sans créance, sans croyance, telle est ma religion ! ». De quoi être transfiguré en demi-dieu !
La mise en scène de Clément Poirée sert parfaitement le texte à la fois drôle et pathétique. Les acteurs, tous merveilleux, ne dessaoulent pas du début à la fin et font exulter la détresse et le sublime. Le tout dans une ambiance bon enfant, carnavalesque, rythmée par la danse et le chant. Au TNP Villeurbanne jusqu’au 16 février 2020.