Ses critiques
10 critiques
8/10
Le style Guillermo Guiz est piquant. Il peut sortir les pires horreurs avec une décontraction impressionnante. Contrairement à beaucoup de ses collègues qui s’excusent d’un « c’est pour rire » à chaque vanne limite, il enchaîne sur une autre. Sa tête de gentil garçon et le contrat passé avec le public font le reste. On est là pour dépasser le politiquement correct, on en aura pour notre argent. Cet homme est une mitraillette de l’humour. Chaque phrase est une vanne et chacune atteint son but. Il vise juste.
Quand il prend un peu plus de temps pour placer sa blague, c’est que la rythmique est importante pour la chute. Il y a du Baptiste Lecaplain dans sa vivacité. L’heure de spectacle est dense et riche en fous-rires.
Quand il prend un peu plus de temps pour placer sa blague, c’est que la rythmique est importante pour la chute. Il y a du Baptiste Lecaplain dans sa vivacité. L’heure de spectacle est dense et riche en fous-rires.
8,5/10
Descendez l’escalier qui mène à la petite salle du Théâtre de Poche-Montparnasse, et le voyage dans le temps est assuré. Vous voilà transporté à Berlin à la fin de la république de Weimar alors qu’un petit moustachu nerveux prend les rênes du pays avec son parti nationaliste. Des tables autour desquels est installé le public, un serveur torse nu en short et bretelles zigzague entre les tables pour servir les consommations des spectateurs. Nous sommes dans le Cabaret de Kirsten (Marisa Berenson).
Il semble d’emblée évident que Stéphan Druet a décidé de casser le traditionnel quatrième mur qui sépare l’action théâtrale du spectateur. De mémoire de spectateur, cet auteur et metteur en scène n’en est pas à son coup d’essai quand il s’agit de bousculer le public dans ses attentes. On se souviendra longtemps de sa version du Docteur Oxd’Offenbach en 2003 qui a marqué par sa modernité et sa rupture des codes. Beaucoup plus récemment, il nous avait mis une claque esthétique avec L’histoire du soldatdans ce même théâtre. Il a d’ailleurs été couronné Lundi du Molière du meilleur spectacle musical.
Mais c’est une fois que le spectacle démarre qu’on cerne les réelles intentions de Stéphan Druet. Une musique jazz entraînante est parasitée par le discours haineux de Nuremberg. Le personnage de Marisa Berenson a beau nous prévenir que son cabaret est un refuge isolé du monde extérieur, celui-ci s’infiltre dès qu’il peut. Il est menaçant et se rappelle à chaque instant à ces employés dont deux sont juifs et un homosexuel travesti. Si le cabaret apparaît comme un lieu de liberté totale où toutes les folies et les chansons satiriques sont possibles, Kirsten est la personnification de ce qui ne va pas dans cette république qui se dirige sûrement vers le IIIème Reich. C’est un personnage monstrueux qui l’assume et le revendique haut et fort. Sa haine envers son fils homosexuel, Victor (Sebastiàn Galeota), est traitée sans détour.
Cependant, le spectacle est baigné dans un humour et une joie de vivre constante. Les airs entraînants se succèdent. Les compositions de Stéphane Corbin portent en elle la gaieté et la gravité de la situation. On reconnaît ici parfaitement son style qu’on a pu appréhender dans la comédie musicale 31et pour le collectif Les Funambules. C’est la marque des grands artistes. De plus, ses chansons se fondent merveilleusement avec d’autres musiques d’époque comme des airs de Kurt Weill. Ce n’est pas rien.
L’ensemble de la distribution est au diapason de ce spectacle où tout est à sa place. Marisa Berenson irradie le public de sa présence incontestable. Elle attire les regards à chaque instant et fascine par sa capacité à jouer un personnage pourri jusqu’à la moelle avec un glamour constant. Un monstre charmant. Mais la vraie révélation du spectacle reste la muse de Stéphan Druet, Sebastiàn Galeota. Il campe une drag-queen élégante, fragile et d’une beauté terrassante. Son habileté au chant, à la danse et aux acrobaties fait de chacun de ses numéros une découverte. Il hypnotise le public et le captive. Il est la représentation même de la liberté et de la transgression de l’époque qui vont être bientôt étouffé par un gouvernement répressif.
Il semblerait que chaque visite que nous faisons au Théâtre de Poche-Montparnasse révèle à chaque fois des petits bijoux. Berlin Kabarett fait indéniablement parti de cette catégorie. Par une narration pratiquement composée que de chansons, Stéphan Druet parvient à nous dépeindre une époque et des personnages. Et il ne faut pas s’arrêter au fait que l’argument de la pièce puisse faire penser à la comédie musicale américaine Cabaret. Si les points communs sont nombreux, Stéphan Druet est parvenu à faire une œuvre singulière qui lui appartient. Immanquable !
Il semble d’emblée évident que Stéphan Druet a décidé de casser le traditionnel quatrième mur qui sépare l’action théâtrale du spectateur. De mémoire de spectateur, cet auteur et metteur en scène n’en est pas à son coup d’essai quand il s’agit de bousculer le public dans ses attentes. On se souviendra longtemps de sa version du Docteur Oxd’Offenbach en 2003 qui a marqué par sa modernité et sa rupture des codes. Beaucoup plus récemment, il nous avait mis une claque esthétique avec L’histoire du soldatdans ce même théâtre. Il a d’ailleurs été couronné Lundi du Molière du meilleur spectacle musical.
Mais c’est une fois que le spectacle démarre qu’on cerne les réelles intentions de Stéphan Druet. Une musique jazz entraînante est parasitée par le discours haineux de Nuremberg. Le personnage de Marisa Berenson a beau nous prévenir que son cabaret est un refuge isolé du monde extérieur, celui-ci s’infiltre dès qu’il peut. Il est menaçant et se rappelle à chaque instant à ces employés dont deux sont juifs et un homosexuel travesti. Si le cabaret apparaît comme un lieu de liberté totale où toutes les folies et les chansons satiriques sont possibles, Kirsten est la personnification de ce qui ne va pas dans cette république qui se dirige sûrement vers le IIIème Reich. C’est un personnage monstrueux qui l’assume et le revendique haut et fort. Sa haine envers son fils homosexuel, Victor (Sebastiàn Galeota), est traitée sans détour.
Cependant, le spectacle est baigné dans un humour et une joie de vivre constante. Les airs entraînants se succèdent. Les compositions de Stéphane Corbin portent en elle la gaieté et la gravité de la situation. On reconnaît ici parfaitement son style qu’on a pu appréhender dans la comédie musicale 31et pour le collectif Les Funambules. C’est la marque des grands artistes. De plus, ses chansons se fondent merveilleusement avec d’autres musiques d’époque comme des airs de Kurt Weill. Ce n’est pas rien.
L’ensemble de la distribution est au diapason de ce spectacle où tout est à sa place. Marisa Berenson irradie le public de sa présence incontestable. Elle attire les regards à chaque instant et fascine par sa capacité à jouer un personnage pourri jusqu’à la moelle avec un glamour constant. Un monstre charmant. Mais la vraie révélation du spectacle reste la muse de Stéphan Druet, Sebastiàn Galeota. Il campe une drag-queen élégante, fragile et d’une beauté terrassante. Son habileté au chant, à la danse et aux acrobaties fait de chacun de ses numéros une découverte. Il hypnotise le public et le captive. Il est la représentation même de la liberté et de la transgression de l’époque qui vont être bientôt étouffé par un gouvernement répressif.
Il semblerait que chaque visite que nous faisons au Théâtre de Poche-Montparnasse révèle à chaque fois des petits bijoux. Berlin Kabarett fait indéniablement parti de cette catégorie. Par une narration pratiquement composée que de chansons, Stéphan Druet parvient à nous dépeindre une époque et des personnages. Et il ne faut pas s’arrêter au fait que l’argument de la pièce puisse faire penser à la comédie musicale américaine Cabaret. Si les points communs sont nombreux, Stéphan Druet est parvenu à faire une œuvre singulière qui lui appartient. Immanquable !
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9/10
Vu durant le festival d'Avignon 2018 :
Chaque jeudi, cinq amis se retrouvent chez l’un d’entre eux pour déjeuner. Mais ce ne sont pas n’importe quels hommes. L’hôte ? Lucien Guitry, le père de Sacha. Les convives ? Jules Renard, Alphonse Allais, Tristan Bernard et Alfred Capus. Leur routine hebdomadaire est réglée comme du papier à musique. Mais en cette année 1901, de petits mensonges vont s’infiltrer dans cette amitié. Est-elle aussi indéfectible qu’ils le croient ?
Le thème principal de la pièce surgit comme une évidence dans ce résumé : l’amitié dans ce qu’elle a de cimentant mais aussi de fragile. L’amitié fonctionne-t-elle sur une vérité frontale ou sur de petits mensonges de convenance ? Mais si ce n’était que le seul attrait de la pièce, on l’a déjà vu ailleurs. Emmanuel Gaury et Mathieu Rannou sont bien plus malins et subtils. En nous racontant l’amitié réelle des esprits parisiens les plus brillants de leur époque, c’est le début du vingtième siècle qu’ils nous peignent en filigrane : une période d’insouciance où les deux guerres mondiales à venir ne sont pas dans les esprits, où l’absinthe n’est qu’un alcool un peu trop enivrant mais qu’on n’imagine pas dangereux. Une période également où les arts de la scène sont en pleine effervescence et dominés par des acteurs comme Lucien Guitry.
Le texte est drôle (parfois même hilarant), fin et utilise un éventail assez large d’émotions. On se surprend à verser des larmes à la fin. Les saillies des personnages sont fidèles à leur légende : spirituelles et visant juste. Ils nous font (re)découvrir des noms bien souvent oubliés ou méconnus de notre patrimoine littéraire. Dès la sortie de la salle, nous n’avons qu’une envie : se ruer sur leurs œuvres pour prolonger un peu de temps avec ces amis qu’on ne veut plus quitter.
Amis à la ville, les cinq comédiens brillent par leur complicité évidente qui donne une épaisseur supplémentaire à l’ensemble. Maxence Gaillard est un Jules Renard frustré de ne pas être encore reconnu. Il porte un regard plein d’envie sur ses camarades déjà au sommet. Emmanuel Gaury incarne un Lucien Guitry plein d’esprit avec une espièglerie communicative. Toujours un sourire en coin, il glisse comme une anguille dans cette amitié : il ne se fait jamais attraper mais est pourtant là. Le Tristan Bernard de Guillaume D’Harcourt est plein de bonhomie, volontiers arnaqueur, souvent une bouteille en main maisjamais méchant. Nicolas Poli, quant à lui, campe un Alfred Capus dont la raideur physique évoque une certaine raideur morale. Il incarne la droiture. Mathieu Rannou s’offre, avec le rôle d’Alphonse Allais, une escapade burlesque réussie. Toujours à contretemps, il évolue comme un personnage de Jacques Tati. Il est lunaire.
Et si on ne se mentait plus ? est, sans conteste, premier dans notre cœur de festivalier. Il cumule un texte subtil et drôle, une distribution impeccable et une mise en scène au diapason de tout ceci. On en ressort charmé. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le spectacle affiche complet et a des listes d’attentes. Il est prudent de réserver. Gageons que le succès ne s’arrêtera pas là et nous prédisons un grand avenir pour cette pièce.
Chaque jeudi, cinq amis se retrouvent chez l’un d’entre eux pour déjeuner. Mais ce ne sont pas n’importe quels hommes. L’hôte ? Lucien Guitry, le père de Sacha. Les convives ? Jules Renard, Alphonse Allais, Tristan Bernard et Alfred Capus. Leur routine hebdomadaire est réglée comme du papier à musique. Mais en cette année 1901, de petits mensonges vont s’infiltrer dans cette amitié. Est-elle aussi indéfectible qu’ils le croient ?
Le thème principal de la pièce surgit comme une évidence dans ce résumé : l’amitié dans ce qu’elle a de cimentant mais aussi de fragile. L’amitié fonctionne-t-elle sur une vérité frontale ou sur de petits mensonges de convenance ? Mais si ce n’était que le seul attrait de la pièce, on l’a déjà vu ailleurs. Emmanuel Gaury et Mathieu Rannou sont bien plus malins et subtils. En nous racontant l’amitié réelle des esprits parisiens les plus brillants de leur époque, c’est le début du vingtième siècle qu’ils nous peignent en filigrane : une période d’insouciance où les deux guerres mondiales à venir ne sont pas dans les esprits, où l’absinthe n’est qu’un alcool un peu trop enivrant mais qu’on n’imagine pas dangereux. Une période également où les arts de la scène sont en pleine effervescence et dominés par des acteurs comme Lucien Guitry.
Le texte est drôle (parfois même hilarant), fin et utilise un éventail assez large d’émotions. On se surprend à verser des larmes à la fin. Les saillies des personnages sont fidèles à leur légende : spirituelles et visant juste. Ils nous font (re)découvrir des noms bien souvent oubliés ou méconnus de notre patrimoine littéraire. Dès la sortie de la salle, nous n’avons qu’une envie : se ruer sur leurs œuvres pour prolonger un peu de temps avec ces amis qu’on ne veut plus quitter.
Amis à la ville, les cinq comédiens brillent par leur complicité évidente qui donne une épaisseur supplémentaire à l’ensemble. Maxence Gaillard est un Jules Renard frustré de ne pas être encore reconnu. Il porte un regard plein d’envie sur ses camarades déjà au sommet. Emmanuel Gaury incarne un Lucien Guitry plein d’esprit avec une espièglerie communicative. Toujours un sourire en coin, il glisse comme une anguille dans cette amitié : il ne se fait jamais attraper mais est pourtant là. Le Tristan Bernard de Guillaume D’Harcourt est plein de bonhomie, volontiers arnaqueur, souvent une bouteille en main maisjamais méchant. Nicolas Poli, quant à lui, campe un Alfred Capus dont la raideur physique évoque une certaine raideur morale. Il incarne la droiture. Mathieu Rannou s’offre, avec le rôle d’Alphonse Allais, une escapade burlesque réussie. Toujours à contretemps, il évolue comme un personnage de Jacques Tati. Il est lunaire.
Et si on ne se mentait plus ? est, sans conteste, premier dans notre cœur de festivalier. Il cumule un texte subtil et drôle, une distribution impeccable et une mise en scène au diapason de tout ceci. On en ressort charmé. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le spectacle affiche complet et a des listes d’attentes. Il est prudent de réserver. Gageons que le succès ne s’arrêtera pas là et nous prédisons un grand avenir pour cette pièce.
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9/10
Démarrant comme un vaudeville classique dans lequel la légèreté et le rire sont de mise, le spectacle dérive lentement vers quelque chose de plus profond. On sent que sous la surface se cachent bien des drames. Comment pourrait-il en être autrement quand on se pose sous le double patronage de l’opéra Pagliacci de Leoncavallo (qu’on vous conseille pour son intensité décuplée par sa brièveté) et de Othello de Shakespeare ?
L’intelligence de Eric Chantelauze et Samuel Sené est de prendre le public par la main pour l’emmener où ils veulent sans qu’il s’en rende compte. Nous ne vous parlerons pas du ressort important du spectacle pour ne pas gâcher le plaisir, mais on a rarement vu un tel retournement amené avec une telle subtilité. Le texte joue sur toutes les gammes d’émotions avec la même virtuosité qu’on avait décelé dans La Poupée Sanglante. Les différentes couches du spectacle se dévoilent petit à petit et sans jamais forcer le passage révélant les thèmes de la frustration artistique, la jalousie, mais aussi la frontière très fine entre le comédien et son personnage. C’est le rêve de tout dramaturge.
La mise en scène de Samuel Sené est en harmonie avec ce texte subtil. Il captive le regard tout au long du spectacle et parvient à instaurer une atmosphère pesante quand c’est nécessaire. De fait, le spectateur se prend une claque et ressort du théâtre hagard. Le texte ne peut avoir ce résultat seul. C’est uniquement porté par une mise en scène qu’il déploie son artillerie lourde. De plus, Samuel Sené s’arrange merveilleusement avec le petit plateau du théâtre de la Huchette. Son décor est évolutif et, comme il s’agit de répétitions, est mis en place par les comédiens eux-mêmes. On évite alors les longs noirs qui, parfois, ralentissent le rythme. Il offre également une des scènes les plus hypnotisantes qu’il nous ai été donné de voir sur une scène avec le personnage de Pierre se maquillant devant son miroir. Avec cette scène, le spectacle bascule définitivement vers une autre strate.
Le trio de comédiens porte la pièce avec force et un jeu d’une sincérité déconcertante. Les trois donnent l’impression d’un documentaire tant ils sont justes dans leurs répliques. C’est aussi pour marquer une réelle différence avec le surjeu du vaudeville Au Diable Vauvert où ils semblent prendre plaisir à réutiliser les codes de jeu de l’époque.
Marion Préité, que nous avions adoré dans Les Aventures de Tom Sawyer le Musical, campe une Coco pleine de rêves frustrés qui compte bien utiliser son retour sur Paris pour corriger le tir. Elle aime son mari mais elle aime encore plus son métier. Cyril Romoli est, quant à lui, la boule de fraîcheur du spectacle. Son personnage un peu lunaire assure la comédie sans soucis qu’il s’agisse de composer des accents improbables ou d’avoir un tic qui tombe toujours au mauvais moment. Quant à Fabian Richard, sa plongée au fur et à mesure du spectacle est proprement stupéfiante. Il va chercher des émotions au plus profond pour offrir un personnage torturé crédible. Ils vont tous d’ailleurs tellement loin qu’il leur faut quelques instants aux saluts pour sortir d’une sorte de léthargie.
Comédiens ! est drôle et intense. Ses numéros chantés et dansés entêtent et nous font même parfois claquer des doigts. Mais c’est bien plus que cela. C’est un spectacle intelligent qui distribue ses cartes avec parcimonie pour abattre son jeu dans une troisième partie surprenante. Après La Poupée Sanglante et L’Écume des jours, le Théâtre de la Huchette se pose définitivement comme un lieu de création qui ose. Si vous ne l’avez pas encore vu, foncez. Et si vous l’avez déjà vu, vous savez que vous devez y retourner.
L’intelligence de Eric Chantelauze et Samuel Sené est de prendre le public par la main pour l’emmener où ils veulent sans qu’il s’en rende compte. Nous ne vous parlerons pas du ressort important du spectacle pour ne pas gâcher le plaisir, mais on a rarement vu un tel retournement amené avec une telle subtilité. Le texte joue sur toutes les gammes d’émotions avec la même virtuosité qu’on avait décelé dans La Poupée Sanglante. Les différentes couches du spectacle se dévoilent petit à petit et sans jamais forcer le passage révélant les thèmes de la frustration artistique, la jalousie, mais aussi la frontière très fine entre le comédien et son personnage. C’est le rêve de tout dramaturge.
La mise en scène de Samuel Sené est en harmonie avec ce texte subtil. Il captive le regard tout au long du spectacle et parvient à instaurer une atmosphère pesante quand c’est nécessaire. De fait, le spectateur se prend une claque et ressort du théâtre hagard. Le texte ne peut avoir ce résultat seul. C’est uniquement porté par une mise en scène qu’il déploie son artillerie lourde. De plus, Samuel Sené s’arrange merveilleusement avec le petit plateau du théâtre de la Huchette. Son décor est évolutif et, comme il s’agit de répétitions, est mis en place par les comédiens eux-mêmes. On évite alors les longs noirs qui, parfois, ralentissent le rythme. Il offre également une des scènes les plus hypnotisantes qu’il nous ai été donné de voir sur une scène avec le personnage de Pierre se maquillant devant son miroir. Avec cette scène, le spectacle bascule définitivement vers une autre strate.
Le trio de comédiens porte la pièce avec force et un jeu d’une sincérité déconcertante. Les trois donnent l’impression d’un documentaire tant ils sont justes dans leurs répliques. C’est aussi pour marquer une réelle différence avec le surjeu du vaudeville Au Diable Vauvert où ils semblent prendre plaisir à réutiliser les codes de jeu de l’époque.
Marion Préité, que nous avions adoré dans Les Aventures de Tom Sawyer le Musical, campe une Coco pleine de rêves frustrés qui compte bien utiliser son retour sur Paris pour corriger le tir. Elle aime son mari mais elle aime encore plus son métier. Cyril Romoli est, quant à lui, la boule de fraîcheur du spectacle. Son personnage un peu lunaire assure la comédie sans soucis qu’il s’agisse de composer des accents improbables ou d’avoir un tic qui tombe toujours au mauvais moment. Quant à Fabian Richard, sa plongée au fur et à mesure du spectacle est proprement stupéfiante. Il va chercher des émotions au plus profond pour offrir un personnage torturé crédible. Ils vont tous d’ailleurs tellement loin qu’il leur faut quelques instants aux saluts pour sortir d’une sorte de léthargie.
Comédiens ! est drôle et intense. Ses numéros chantés et dansés entêtent et nous font même parfois claquer des doigts. Mais c’est bien plus que cela. C’est un spectacle intelligent qui distribue ses cartes avec parcimonie pour abattre son jeu dans une troisième partie surprenante. Après La Poupée Sanglante et L’Écume des jours, le Théâtre de la Huchette se pose définitivement comme un lieu de création qui ose. Si vous ne l’avez pas encore vu, foncez. Et si vous l’avez déjà vu, vous savez que vous devez y retourner.
7,5/10
Cette pièce à un seul personnage a le mérite d’avoir un texte fin et une folie drolatique communicative. Elle nous présente un être d’emblée attachant par ses faiblesses et ses angoisses qui font échos aux nôtres.
Nul besoin d’être hypocondriaque pour se sentir concerné, c’est avant tout notre rapport au monde extérieur qui est abordé avec malice. Au fur et à mesure, les couches se relèvent pour dévoiler un parcours initiatique touchant. On assiste à la naissance d’un adulte qui laisse ses peurs d’enfants pour aborder la vie.
L’interprétation de Lucas Andrieu apporte une plus-value au texte. Du haut de ses 21 ans, il joue de son physique juvénile et de son visage enfantin pour incarner Hypo dans toute sa vérité. On ne pense jamais au comédien mais toujours au personnage. C’est le principe du théâtre me direz-vous, mais il n’est pas rare que les jeunes acteurs éprouvent le besoin de rendre visible l’étendue de leur jeu. C’est avec le temps qu’on apprend à incarner. Lucas Andrieu n’a pas ce problème et se met au service de son personnage. Il déploie une énergie impressionnante et retient l’attention tout au long de la pièce. On ne décroche jamais. Il est drôle, espiègle, tourmenté : il nous rappelle l’enfant qu’on a été.
Afin de nous plonger pleinement dans le monde de l’enfance, Xavier-Adrien Laurent a eu la très bonne idée d’axer sa mise en scène autour de jouets que Lucas Andrieu sort d’un grand coffre. Nous avons l’impression d’être dans la chambre d’Hypo où il décide de nous raconter son histoire, figurines et fioles de médicaments à l’appui. La psyché du personnage devient physique et sert de support à l’imagination.
Hypo est une belle surprise tant cette pièce ne donne pas toutes ses clefs dès le départ. Elle déploie avec ingéniosité sa drôlerie poétique et le talent indéniable de son comédien. Elle sert d’écrin idéal à Lucas Andrieu qui nous démontre qu’il va faire partie des gens à surveiller dans ce métier. Il a beaucoup à offrir et son art est déjà bien développé à son jeune âge. On ose imaginer ce que cela sera dans quelques années.
Nul besoin d’être hypocondriaque pour se sentir concerné, c’est avant tout notre rapport au monde extérieur qui est abordé avec malice. Au fur et à mesure, les couches se relèvent pour dévoiler un parcours initiatique touchant. On assiste à la naissance d’un adulte qui laisse ses peurs d’enfants pour aborder la vie.
L’interprétation de Lucas Andrieu apporte une plus-value au texte. Du haut de ses 21 ans, il joue de son physique juvénile et de son visage enfantin pour incarner Hypo dans toute sa vérité. On ne pense jamais au comédien mais toujours au personnage. C’est le principe du théâtre me direz-vous, mais il n’est pas rare que les jeunes acteurs éprouvent le besoin de rendre visible l’étendue de leur jeu. C’est avec le temps qu’on apprend à incarner. Lucas Andrieu n’a pas ce problème et se met au service de son personnage. Il déploie une énergie impressionnante et retient l’attention tout au long de la pièce. On ne décroche jamais. Il est drôle, espiègle, tourmenté : il nous rappelle l’enfant qu’on a été.
Afin de nous plonger pleinement dans le monde de l’enfance, Xavier-Adrien Laurent a eu la très bonne idée d’axer sa mise en scène autour de jouets que Lucas Andrieu sort d’un grand coffre. Nous avons l’impression d’être dans la chambre d’Hypo où il décide de nous raconter son histoire, figurines et fioles de médicaments à l’appui. La psyché du personnage devient physique et sert de support à l’imagination.
Hypo est une belle surprise tant cette pièce ne donne pas toutes ses clefs dès le départ. Elle déploie avec ingéniosité sa drôlerie poétique et le talent indéniable de son comédien. Elle sert d’écrin idéal à Lucas Andrieu qui nous démontre qu’il va faire partie des gens à surveiller dans ce métier. Il a beaucoup à offrir et son art est déjà bien développé à son jeune âge. On ose imaginer ce que cela sera dans quelques années.
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