Ses critiques
84 critiques
8/10
La Petite Folie, à La Folie Théâtre, est un bel écrin pour le beau texte de Danièle Mahaut, un moment clé dans la vie de deux femmes qui auraient du se détester et qui vont être chacune pour l’autre la clé d’un futur épanoui.
Merci d’être passée, un texte plein d’émotions, d’humour, d’impudeur pudique et de légèreté malicieuse, justement récompensé par le P’tit Molière 2017 du Meilleur Auteur Vivant. Hortense et Richard, il est musicien, enseigne le piano à domicile, elle est peintre, enseigne aux beaux arts.
Hortense s’ennuie dans une vie convenue et le défilé irritant des élèves de Richard. Arrive Axelle, rapidement surprise dans le lit de Richard. Tout est en place pour un petit boulevard primesautier avec une variante annoncée par le flyer, c’est vers Hortense qu’Axelle revient. C’est toute la finesse du texte de Danièle Mahaut de prendre la tangente d’une rigolade annoncée et d’éviter les cris et les claquements de portes, elle va se concentrer sur la relation Hortense / Axelle, la relation entre deux personnes que tout devrait opposer. Plus qu’une génération, une vision imposée de la vie les sépare. Hortense a quarante ans, elle a été élevée dans un modèle suranné encore figé dans le respect des conventions, l’obligation du mariage, le devoir d’enfanter, elle vit dans le souvenir de ses années de pensionnat, l’endroit où, au fond, elle était heureuse. De Madeleine, sa meilleure amie de l’époque. Elle vit dans la résignation.
Une résignation alimentée au Grand Marnier depuis des générations de femmes (là, si vous voulez comprendre, il faudra aller voir la pièce). Axelle a vingt ans, elle n’a pas de barrières mentales, elle n’a pas peur, elle ose. Son insolence n’a pas encore été polie par la réalité. Pour Hortense, plus qu’une rencontre, Axelle va être une porte. Je crois beaucoup aux personnes-portes, des personnes qu’on rencontre à un instant de sa vie, qui vont nous transformer, nous faire évoluer, nous faire découvrir qu’en bougeant, on découvre d’autres possibles. Grace à Axelle, Hortense va ouvrir les yeux sur la réalité de sa vie avec Richard, sur les mensonges, sur les moments intimes endurés plusieurs fois par jour (il y a quelques pépites sur le sujet, de ces répliques qui font rire d’un rire qui hésite entre le noir et le jaune). Elle va se (re)découvrir, s’accepter. Reprendre sa vie au point précis où elle l’avait laissée vingt cinq ans auparavant. J’ai beaucoup aimé le texte de Danièle Mahaut, il est fin, malicieux, pétillant, profond. Au delà d’un beau texte sur la découverte et l’acceptation de soi, et sans prise de tête aucune, c’est une invitation à bouger, à accepter de se laisser réveiller, bousculer par quelqu’un de différent pour pouvoir bouger.
Dans une belle mise en scène de Cécile Carrère, j’ai apprécié l’interprétation toute en retenue d’Anne Mano. Elle prend le temps de jouer, de se laisser emplir d’émotions, de les laisser passer. Dans un monde où tout va vite, où tout est mesuré, chronométré, millisecondé, c’est rare, c’est précieux. Une belle pièce, donc, de ces pièces dont on sort avec le souvenir d’un bon moment, dont on revisite le propos en se disant… « quand même, elle a raison ».
Danièle Mahaut (Mathilde Partiot) a reçu le P’tit Molière 2017 du Meilleur Auteur Vivant pour cette pièce qu’elle a écrite il y a deux ans, elle avait 21 ans. Elle en a 23, n’a pas encore fini ses études, et a des projets plein sa musette. A suivre avec attention.
Merci d’être passée, un texte plein d’émotions, d’humour, d’impudeur pudique et de légèreté malicieuse, justement récompensé par le P’tit Molière 2017 du Meilleur Auteur Vivant. Hortense et Richard, il est musicien, enseigne le piano à domicile, elle est peintre, enseigne aux beaux arts.
Hortense s’ennuie dans une vie convenue et le défilé irritant des élèves de Richard. Arrive Axelle, rapidement surprise dans le lit de Richard. Tout est en place pour un petit boulevard primesautier avec une variante annoncée par le flyer, c’est vers Hortense qu’Axelle revient. C’est toute la finesse du texte de Danièle Mahaut de prendre la tangente d’une rigolade annoncée et d’éviter les cris et les claquements de portes, elle va se concentrer sur la relation Hortense / Axelle, la relation entre deux personnes que tout devrait opposer. Plus qu’une génération, une vision imposée de la vie les sépare. Hortense a quarante ans, elle a été élevée dans un modèle suranné encore figé dans le respect des conventions, l’obligation du mariage, le devoir d’enfanter, elle vit dans le souvenir de ses années de pensionnat, l’endroit où, au fond, elle était heureuse. De Madeleine, sa meilleure amie de l’époque. Elle vit dans la résignation.
Une résignation alimentée au Grand Marnier depuis des générations de femmes (là, si vous voulez comprendre, il faudra aller voir la pièce). Axelle a vingt ans, elle n’a pas de barrières mentales, elle n’a pas peur, elle ose. Son insolence n’a pas encore été polie par la réalité. Pour Hortense, plus qu’une rencontre, Axelle va être une porte. Je crois beaucoup aux personnes-portes, des personnes qu’on rencontre à un instant de sa vie, qui vont nous transformer, nous faire évoluer, nous faire découvrir qu’en bougeant, on découvre d’autres possibles. Grace à Axelle, Hortense va ouvrir les yeux sur la réalité de sa vie avec Richard, sur les mensonges, sur les moments intimes endurés plusieurs fois par jour (il y a quelques pépites sur le sujet, de ces répliques qui font rire d’un rire qui hésite entre le noir et le jaune). Elle va se (re)découvrir, s’accepter. Reprendre sa vie au point précis où elle l’avait laissée vingt cinq ans auparavant. J’ai beaucoup aimé le texte de Danièle Mahaut, il est fin, malicieux, pétillant, profond. Au delà d’un beau texte sur la découverte et l’acceptation de soi, et sans prise de tête aucune, c’est une invitation à bouger, à accepter de se laisser réveiller, bousculer par quelqu’un de différent pour pouvoir bouger.
Dans une belle mise en scène de Cécile Carrère, j’ai apprécié l’interprétation toute en retenue d’Anne Mano. Elle prend le temps de jouer, de se laisser emplir d’émotions, de les laisser passer. Dans un monde où tout va vite, où tout est mesuré, chronométré, millisecondé, c’est rare, c’est précieux. Une belle pièce, donc, de ces pièces dont on sort avec le souvenir d’un bon moment, dont on revisite le propos en se disant… « quand même, elle a raison ».
Danièle Mahaut (Mathilde Partiot) a reçu le P’tit Molière 2017 du Meilleur Auteur Vivant pour cette pièce qu’elle a écrite il y a deux ans, elle avait 21 ans. Elle en a 23, n’a pas encore fini ses études, et a des projets plein sa musette. A suivre avec attention.
9/10
Dans les années 80, neuf personnes montent dans un autobus bulgare et délabré, emmenés dans un voyage catastrophe par un conducteur aussi invisible que fou.
Un voyage dans la petitesse et l’égoïsme de chacun, au théâtre 13. Neuf personnes montent dans un autobus. Neuf personnes, qui ne se connaissent pas, ou qui ne devraient pas se connaître. Neuf personnes, chacune avec son histoire, son caractère. Comme dans la vie, neuf personnes qui n’ont d’autre point commun que d’aller dans la même direction, chacun pour sa raison, à ce moment précis.
Au volant du bus – invisible, au dessus de tous comme une main divine surpuissante – le conducteur décide de ne pas suivre l’itinéraire prévu. Voilà le point de départ d’un voyage catastrophe. On est en Bulgarie dans les années 1980, la pression du régime communiste vient s’ajouter à l’inquiétude ambiante, la peur d’être dénoncé. Notre monde est-il si différent, où une femme peut se faire agresser dans le métro sans que personne ne bouge ? A froid, il ne devrait pas y avoir de problème. Ils sont neuf, il est seul, il suffirait de s’allier pour revenir sur l’itinéraire prévu, discuter avec le chauffeur, revenir à une situation normale. Mais pour ça, il faudrait se parler, s’écouter, se comprendre, se faire confiance. Préférer l’intérêt commun à l’intérêt de chacun, surtout quand au fond, l’intérêt commun et l’intérêt de chacun vont dans la même direction. Ils en sont incapables. Incapables de donner un peu chacun. Capables de vouloir que l’autre donne tout. Capables de sacrifier l’honneur, la vertu, la vie de l’autre.
Chacun défend son petit intérêt, incapable de s’ouvrir aux autres. Chacun veut sauver sa peau, oubliant que sauver la peau de tous, c’est aussi sauver la sienne. Plutôt que de se réunir, de réfléchir ensemble, le groupe va chercher une victime sacrificielle à offrir en hommage au Dieu-Conducteur tout puissant, jusqu’au moment où l’Autobus reprendra la route, où le groupe disparaîtra, où chacun reprendra sa place, ignorant des autres. L’autobus est une froide et glaçante description du comportement des groupes, de la façon dont un ensemble de personnes normales et pleines de bon sens peut se transformer en un groupe imbécile et méchant. On est aux bornes de l’expérience de Milgram (revoyez I comme Icare).
La mise en scène de Laurence Renn emmène les acteurs dans un ballet qui mérite un grand bravo, c’est réglé et joué au cordeau, quelque soit le passager sur lequel le regard se porte à un instant donné, il est vivant, j’aurais presque envie de revoir la pièce neuf fois, pour simplement pouvoir suivre chacun d’eux du début à la fin. Neuf acteurs, neuf gueules pour neuf profils marqués et différents.
La pièce se déroule en Bulgarie dans les années 1980, elle pourrait se dérouler en France en 2018, la mécanique de fonctionnement des groupes est toujours la même, toujours implacable. Une tragicomédie burlesque, grinçante et glaçante, à voir et à revoir.
Un voyage dans la petitesse et l’égoïsme de chacun, au théâtre 13. Neuf personnes montent dans un autobus. Neuf personnes, qui ne se connaissent pas, ou qui ne devraient pas se connaître. Neuf personnes, chacune avec son histoire, son caractère. Comme dans la vie, neuf personnes qui n’ont d’autre point commun que d’aller dans la même direction, chacun pour sa raison, à ce moment précis.
Au volant du bus – invisible, au dessus de tous comme une main divine surpuissante – le conducteur décide de ne pas suivre l’itinéraire prévu. Voilà le point de départ d’un voyage catastrophe. On est en Bulgarie dans les années 1980, la pression du régime communiste vient s’ajouter à l’inquiétude ambiante, la peur d’être dénoncé. Notre monde est-il si différent, où une femme peut se faire agresser dans le métro sans que personne ne bouge ? A froid, il ne devrait pas y avoir de problème. Ils sont neuf, il est seul, il suffirait de s’allier pour revenir sur l’itinéraire prévu, discuter avec le chauffeur, revenir à une situation normale. Mais pour ça, il faudrait se parler, s’écouter, se comprendre, se faire confiance. Préférer l’intérêt commun à l’intérêt de chacun, surtout quand au fond, l’intérêt commun et l’intérêt de chacun vont dans la même direction. Ils en sont incapables. Incapables de donner un peu chacun. Capables de vouloir que l’autre donne tout. Capables de sacrifier l’honneur, la vertu, la vie de l’autre.
Chacun défend son petit intérêt, incapable de s’ouvrir aux autres. Chacun veut sauver sa peau, oubliant que sauver la peau de tous, c’est aussi sauver la sienne. Plutôt que de se réunir, de réfléchir ensemble, le groupe va chercher une victime sacrificielle à offrir en hommage au Dieu-Conducteur tout puissant, jusqu’au moment où l’Autobus reprendra la route, où le groupe disparaîtra, où chacun reprendra sa place, ignorant des autres. L’autobus est une froide et glaçante description du comportement des groupes, de la façon dont un ensemble de personnes normales et pleines de bon sens peut se transformer en un groupe imbécile et méchant. On est aux bornes de l’expérience de Milgram (revoyez I comme Icare).
La mise en scène de Laurence Renn emmène les acteurs dans un ballet qui mérite un grand bravo, c’est réglé et joué au cordeau, quelque soit le passager sur lequel le regard se porte à un instant donné, il est vivant, j’aurais presque envie de revoir la pièce neuf fois, pour simplement pouvoir suivre chacun d’eux du début à la fin. Neuf acteurs, neuf gueules pour neuf profils marqués et différents.
La pièce se déroule en Bulgarie dans les années 1980, elle pourrait se dérouler en France en 2018, la mécanique de fonctionnement des groupes est toujours la même, toujours implacable. Une tragicomédie burlesque, grinçante et glaçante, à voir et à revoir.
7/10
Les troisièmes lundis du Dr Dory, c’est un spectacle qui a une âme, l’occasion de reprendre une profonde respiration avant de continuer à porter l’horrible fardeau du temps. Une réflexion autour de la passion éperdue, plus philosophique et moins légère qu’il n’y parait au premier abord.
Quand Cyril Dory est entré sur scène, je suis resté perplexe. Les yeux maquillés de noir, un peignoir rouge, un visage poupin, j’ai eu l’impression de voir arriver Elton John un peu perdu venir interpréter dans mon salon une chanson de Jean-Jacques Goldman. Je me suis calé sur mon fauteuil. Et puis la mayonnaise a pris. Dès le début du second morceau. Dr Dory venait d’expliquer que dans toute chanson, il y a une question. Une question qui n’a souvent pas sa réponse dans la chanson. Une question qui n’est pas le thème principal de la chanson. « Pourquoi je saigne, mais pas toi » ?
A travers les années, à travers les genres, à travers les anecdotes de la vie de leurs interprètes, Dr Dory convoque Marie-Paule Belle, Nicole Croisille, Véronique Sanson, Barbara… Avec un air émerveillé d’être sur scène, il suit son fil, déroule son propos. L’amour, l’amour passion, celui pour lequel on tombe, celui qui fait que Véronique Sanson va quitter Michel Berger en un instant pour traverser l’Atlantique et rejoindre Stephen Stills pendant que Michel Berger vient de réaliser son album Amoureuse, écoutons le titre maintenant, écoutons les paroles avec attention, son compagnon est en train de mixer ce titre… qui décrit son état, elle ne parle pas de lui. Horrible, non ?
Alors Dr Dory convoque Baudelaire, Enivrez-vous. Il convoque le français d’il y a bien des années, tomber éperdument amoureux, de éperdre, égarer, sortir du droit chemin (perdre son sang froid, être bouleversé chez Chrétien de Troyes) Dr Dory a raison, Baudelaire a raison, il faut s’enivrer, s’enivrer sans trêve, pour ne pas sentir l’horrible fardeau du temps, celui qui, Barbara a passé sa vie à le chanter, n’a qu’une issue. S’enivrer de quoi ? A votre guise ! Il a raison, ce blog s’appelle je n’ai qu’une vie, la fin de la phrase est « je n’ai qu’une vie, et si je ne la vis pas, personne ne la vivra à ma place », il a raison, il faut savourer la vie au delà de la raison, au delà du droit chemin. S’enivrer, mais de quoi ?
Ce sera le thème de la prochaine consultation du Dr Dory, je sens que j’irai chercher sa réponse. La mayonnaise a pris, donc, a donné une âme à ce spectacle pour passionnés. Le producteur en moi voyait quelques améliorations techniques, regrettait l’absence d’une basse pour soutenir le piano, au fond, ce n’est pas important de revenir sur le droit chemin, l’alchimie du spectacle tient aussi de ces détails, de voir Dr Dory s’enivrer d’être là, de voir Cyril Dory, sincère et généreux, mettre les habits du Dr Dory pour partager avec nous sa passion, sa réflexion, sa réflexion sur la passion. La réflexion continue, le fardeau du temps, la disparition d’Eglantine, The show must go on. Et la solitudine de celui qui reste. Baroudeur était là, attentif, je suis content qu’il ait pu entendre ce message. Somnolant sur la fin, il a explosé de rire à l’évocation de Karamel, mais ça, ça restera notre secret.
Les troisièmes lundis du Dr Dory est un spectacle imparfait mais chaud, un spectacle qui a une âme, un spectacle qui réchauffe le cœur, un spectacle qui réfléchit. Un spectacle qui fait du bien. Un spectacle unique, chaque représentation va poursuivre le fil de cette réflexion, est-ce qu’il va se créer un club des spectateurs fidèles ?
Je crois que j’ai envie de le savoir.
Quand Cyril Dory est entré sur scène, je suis resté perplexe. Les yeux maquillés de noir, un peignoir rouge, un visage poupin, j’ai eu l’impression de voir arriver Elton John un peu perdu venir interpréter dans mon salon une chanson de Jean-Jacques Goldman. Je me suis calé sur mon fauteuil. Et puis la mayonnaise a pris. Dès le début du second morceau. Dr Dory venait d’expliquer que dans toute chanson, il y a une question. Une question qui n’a souvent pas sa réponse dans la chanson. Une question qui n’est pas le thème principal de la chanson. « Pourquoi je saigne, mais pas toi » ?
A travers les années, à travers les genres, à travers les anecdotes de la vie de leurs interprètes, Dr Dory convoque Marie-Paule Belle, Nicole Croisille, Véronique Sanson, Barbara… Avec un air émerveillé d’être sur scène, il suit son fil, déroule son propos. L’amour, l’amour passion, celui pour lequel on tombe, celui qui fait que Véronique Sanson va quitter Michel Berger en un instant pour traverser l’Atlantique et rejoindre Stephen Stills pendant que Michel Berger vient de réaliser son album Amoureuse, écoutons le titre maintenant, écoutons les paroles avec attention, son compagnon est en train de mixer ce titre… qui décrit son état, elle ne parle pas de lui. Horrible, non ?
Alors Dr Dory convoque Baudelaire, Enivrez-vous. Il convoque le français d’il y a bien des années, tomber éperdument amoureux, de éperdre, égarer, sortir du droit chemin (perdre son sang froid, être bouleversé chez Chrétien de Troyes) Dr Dory a raison, Baudelaire a raison, il faut s’enivrer, s’enivrer sans trêve, pour ne pas sentir l’horrible fardeau du temps, celui qui, Barbara a passé sa vie à le chanter, n’a qu’une issue. S’enivrer de quoi ? A votre guise ! Il a raison, ce blog s’appelle je n’ai qu’une vie, la fin de la phrase est « je n’ai qu’une vie, et si je ne la vis pas, personne ne la vivra à ma place », il a raison, il faut savourer la vie au delà de la raison, au delà du droit chemin. S’enivrer, mais de quoi ?
Ce sera le thème de la prochaine consultation du Dr Dory, je sens que j’irai chercher sa réponse. La mayonnaise a pris, donc, a donné une âme à ce spectacle pour passionnés. Le producteur en moi voyait quelques améliorations techniques, regrettait l’absence d’une basse pour soutenir le piano, au fond, ce n’est pas important de revenir sur le droit chemin, l’alchimie du spectacle tient aussi de ces détails, de voir Dr Dory s’enivrer d’être là, de voir Cyril Dory, sincère et généreux, mettre les habits du Dr Dory pour partager avec nous sa passion, sa réflexion, sa réflexion sur la passion. La réflexion continue, le fardeau du temps, la disparition d’Eglantine, The show must go on. Et la solitudine de celui qui reste. Baroudeur était là, attentif, je suis content qu’il ait pu entendre ce message. Somnolant sur la fin, il a explosé de rire à l’évocation de Karamel, mais ça, ça restera notre secret.
Les troisièmes lundis du Dr Dory est un spectacle imparfait mais chaud, un spectacle qui a une âme, un spectacle qui réchauffe le cœur, un spectacle qui réfléchit. Un spectacle qui fait du bien. Un spectacle unique, chaque représentation va poursuivre le fil de cette réflexion, est-ce qu’il va se créer un club des spectateurs fidèles ?
Je crois que j’ai envie de le savoir.
8,5/10
Entré (un peu) dubitatif dans la XXL du Théâtre de Ménilmontant, je suis ressorti glacé et bluffé par cette interprétation magistrale de 1984, le livre de George Orwell a pris forme sous mes yeux, un grand Bravo à Sébastien Jeannerot.
Si vous n’avez pas lu 1984, le livre de George Orwell, lisez-le. C’est la description d’un monde totalitaire, qui lave le cerveau des gens dès leur petite enfance où il les embrigade dans un pimpant mouvement de jeunesse, un monde qui interdit la pensée personnelle, un monde qui interdit la pensée par tous les moyens.
George Orwell écrit en 1949, le monde sort juste de la deuxième guerre mondiale, le vaincu est le régime nazi, ses jeunesses hitlériennes, parmi les vainqueurs figure l’URSS, son régime stalinien, ses pimpants pionniers. Une dictature et un régime totalitaire ? Peut-être.
Au moment où je lis 1984, je lis en parallèle Désinformation flagrant délit de Wladimir Volkoff, comment les différents régimes ont modifié les photos d’archives pour faire coller le passé à la propagande du présent. Tous les régimes.
Quand vous aurez fini 1984, trouvez le livre de Volkoff (il en a écrit au moins trois sur le thème), 1984 ne serait pas une dystopie ni une uchronie, juste un trait un peu forcé ? Au moment où je lis le livre, le Cambodge est aux mains des Khmers rouges, le mur de Berlin n’est pas encore tombé…
Actuellement ? On peut se moquer du régime de la Corée du Nord et de son régime caricatural, on peut ouvrir les yeux, voir comment les polices de la pensée s’exportent, revivre les attentats de 2015, janvier, novembre. Les intégrismes ne sont jamais loin, ils frétillent à l’idée de se transformer en totalitarisme.
J’arrive chargé de tout ça pour voir 1984, me demandant un peu comment Sébastien Jeannerot a pris les choses.
Dès les premiers instants, j’ai la réponse. Il a pris les choses à bras le corps. Le spectacle commence sur une vidéo oppressante, la vidéo sera présente tout au long des deux heures que durera la représentation. A tort ou à raison, par leurs thèmes, la façon de filmer, l’usage du noir et blanc, les séquences vidéo m’ont renvoyé à THX 1138, un film réalisé par un certain Georges Lucas (à l’époque jeune réalisateur débutant), qui décrit là aussi un univers totalitaire et glaçant où l’amour est interdit.
Sébastien Jeannerot a pris les choses à bras le corps, il crée sur scène un univers oppressant, terrifiant. Bien sûr l’histoire est là, la trame du livre est suivie pas à pas. Elle est suivie et montrée, pas à pas. Dans une mise en scène sans filtre, parfois très crue, qui demande un vrai engagement aux acteurs. Qui lui demande, à lui, d’aller au bout des choses, de se mettre à nu, au propre comme au figuré.
Ce n’est pas vraiment une pièce de théâtre, d’ailleurs, il y a peu de dialogues, les choses sont montrées aussi souvent qu’elles sont dites, c’est presque un opéra parlé. Avec une scénographie parfaitement réglée, le décor joue autant que les acteurs, deux structures qui avancent, reculent, les murs froids d’une cellule, une chambre chaude et accueillante, le télécran omniprésent qui sort du mur, même quand il n’est pas là il est là.
Les séquences finales du livre, la torture, le retournement, l’exécution ? Elles sont là, toujours sans filtre. On est alors au delà du jeu, au delà du spectacle, le spectateur retient son souffle devant la performance de Sébastien Jeannerot, nu, ensanglanté qui s’expose sans aucun exhibitionnisme.
Face à lui, Bernard Senders donne un O’Brien cynique et manipulateur, on le verrait bien reproduire l’expérience de Milgram dans I comme Icare, Hélène Foin-Coffe une Julia amoureuse, naïve et touchante, elle est la touche d’espérance et de fraicheur.
Du début à la fin de la pièce, l’univers reste oppressant, glaçant, on doute de chacune des parcelles d’espoir, il n’y a pas d’espoir.
Enfin… en Océania, il n’y a plus d’espoir. Nous, on peut encore faire quelque chose.
Si vous n’avez pas lu 1984, le livre de George Orwell, lisez-le. C’est la description d’un monde totalitaire, qui lave le cerveau des gens dès leur petite enfance où il les embrigade dans un pimpant mouvement de jeunesse, un monde qui interdit la pensée personnelle, un monde qui interdit la pensée par tous les moyens.
George Orwell écrit en 1949, le monde sort juste de la deuxième guerre mondiale, le vaincu est le régime nazi, ses jeunesses hitlériennes, parmi les vainqueurs figure l’URSS, son régime stalinien, ses pimpants pionniers. Une dictature et un régime totalitaire ? Peut-être.
Au moment où je lis 1984, je lis en parallèle Désinformation flagrant délit de Wladimir Volkoff, comment les différents régimes ont modifié les photos d’archives pour faire coller le passé à la propagande du présent. Tous les régimes.
Quand vous aurez fini 1984, trouvez le livre de Volkoff (il en a écrit au moins trois sur le thème), 1984 ne serait pas une dystopie ni une uchronie, juste un trait un peu forcé ? Au moment où je lis le livre, le Cambodge est aux mains des Khmers rouges, le mur de Berlin n’est pas encore tombé…
Actuellement ? On peut se moquer du régime de la Corée du Nord et de son régime caricatural, on peut ouvrir les yeux, voir comment les polices de la pensée s’exportent, revivre les attentats de 2015, janvier, novembre. Les intégrismes ne sont jamais loin, ils frétillent à l’idée de se transformer en totalitarisme.
J’arrive chargé de tout ça pour voir 1984, me demandant un peu comment Sébastien Jeannerot a pris les choses.
Dès les premiers instants, j’ai la réponse. Il a pris les choses à bras le corps. Le spectacle commence sur une vidéo oppressante, la vidéo sera présente tout au long des deux heures que durera la représentation. A tort ou à raison, par leurs thèmes, la façon de filmer, l’usage du noir et blanc, les séquences vidéo m’ont renvoyé à THX 1138, un film réalisé par un certain Georges Lucas (à l’époque jeune réalisateur débutant), qui décrit là aussi un univers totalitaire et glaçant où l’amour est interdit.
Sébastien Jeannerot a pris les choses à bras le corps, il crée sur scène un univers oppressant, terrifiant. Bien sûr l’histoire est là, la trame du livre est suivie pas à pas. Elle est suivie et montrée, pas à pas. Dans une mise en scène sans filtre, parfois très crue, qui demande un vrai engagement aux acteurs. Qui lui demande, à lui, d’aller au bout des choses, de se mettre à nu, au propre comme au figuré.
Ce n’est pas vraiment une pièce de théâtre, d’ailleurs, il y a peu de dialogues, les choses sont montrées aussi souvent qu’elles sont dites, c’est presque un opéra parlé. Avec une scénographie parfaitement réglée, le décor joue autant que les acteurs, deux structures qui avancent, reculent, les murs froids d’une cellule, une chambre chaude et accueillante, le télécran omniprésent qui sort du mur, même quand il n’est pas là il est là.
Les séquences finales du livre, la torture, le retournement, l’exécution ? Elles sont là, toujours sans filtre. On est alors au delà du jeu, au delà du spectacle, le spectateur retient son souffle devant la performance de Sébastien Jeannerot, nu, ensanglanté qui s’expose sans aucun exhibitionnisme.
Face à lui, Bernard Senders donne un O’Brien cynique et manipulateur, on le verrait bien reproduire l’expérience de Milgram dans I comme Icare, Hélène Foin-Coffe une Julia amoureuse, naïve et touchante, elle est la touche d’espérance et de fraicheur.
Du début à la fin de la pièce, l’univers reste oppressant, glaçant, on doute de chacune des parcelles d’espoir, il n’y a pas d’espoir.
Enfin… en Océania, il n’y a plus d’espoir. Nous, on peut encore faire quelque chose.
7/10
On peut parler d'économie avec humour, on peut prendre position sans se prendre au sérieux, on peut tirer quelques leçons du passé pour regarder l'avenir, Jean-Marc Daniel le démontre tous les mardis au Théâtre de Poche Montparnasse, dans un spectacle-conférence ponctué de citations dont la découverte du nom de l'auteur est souvent renversante. Jean-Marc Daniel est polytechnicien (époque Montagne Sainte Geneviève), ancien du ministère de l'économie et des finances (époque Rivoli).
Il est prof à l'ESCP, chroniqueur sur BFM-TV et dans les Echos. J'ai la chance de l'entendre régulièrement chroniquer avec une langue acérée et un humour caustique les livres d'économie sortis le mois précédent. Soyons clair, son credo (que je partage), c'est que moins l'état s'occupe des choses, mieux elles se portent. Tous les mardi et mercredi soirs, il est au Poche Montparnasse. Le mardi pour une conférence générale sur l'économie, le mercredi pour explorer un thème particulier. Jean-Marc Daniel est un homme passionné, convaincu, punchy. Alors il balance, avec humour. Le nom original du collecteur d'impôts ? L'imposteur. Pourquoi Junon reçut le surnom de Moneta (qui connaît l'avenir) pour avoir prévenu les romains d'un tremblement de terre, et comme les premières monnaies furent frappées dans son temple... Le contexte est posé. Un banquier central ? L'oracle moderne, il semble qu'Alan Greenspan a déclaré "Si vous comprenez ce que je dis, c'est que je me suis mal exprimé", et quand à la corrélation entre le MUI (Men's Underwear Index, indice des ventes de slips) et la croissance... j'avoue que je vais personnellement un peu plus loin dans l'analyse de la tension du slip, depuis 1993 et le "je sens un frémissement de la croissance" d'un de mes anciens patrons. On va parler de l'incohérence des politiques monétaires, de la Grèce, dont les exportations seraient favorisées par une dévaluation et une dette exprimée en Drachmes, mais y a-t-il vraiment une tension sur l'huile d'olive, principale production du pays ? On va parler de la différence entre invention et innovation, l'un est un apport purement technique (la 4G vs la 3G, par exemple), l'autre change la vie des individus (une salle de bain, c'est de la physique du XVIIème siècle, mais une innovation des années 1950).
On va parler du Père Noël comme le dernier communiste, d'ailleurs il vous donne ce dont vous n'avez pas besoin, et comment un marché s'est créé sur Le Bon Coin, où on peut vendre à l'avance le cadeau qu'on va recevoir, et se garantir contre le fait que finalement on ne le recevrait pas. Et la SNCF ? Ah... la SNCF.
Elle est au cœur de beaucoup de choses, c'est un exemple... mais pour savoir lequel, là vous irez au théâtre de Poche, je surfe que sur l'anecdotique pour vous donner envie. Une série d'arguments, pour aboutir au fait que nous ne sommes pas dans une crise, mais dans une mutation, qu'il va falloir nous habituer au fait que l'inflation en reviendra pas, que la vie s'organisera au niveau de l'individu, dans un monde où le gouvernement le plus efficace sera celui qui en fera le moins possible.
Il est prof à l'ESCP, chroniqueur sur BFM-TV et dans les Echos. J'ai la chance de l'entendre régulièrement chroniquer avec une langue acérée et un humour caustique les livres d'économie sortis le mois précédent. Soyons clair, son credo (que je partage), c'est que moins l'état s'occupe des choses, mieux elles se portent. Tous les mardi et mercredi soirs, il est au Poche Montparnasse. Le mardi pour une conférence générale sur l'économie, le mercredi pour explorer un thème particulier. Jean-Marc Daniel est un homme passionné, convaincu, punchy. Alors il balance, avec humour. Le nom original du collecteur d'impôts ? L'imposteur. Pourquoi Junon reçut le surnom de Moneta (qui connaît l'avenir) pour avoir prévenu les romains d'un tremblement de terre, et comme les premières monnaies furent frappées dans son temple... Le contexte est posé. Un banquier central ? L'oracle moderne, il semble qu'Alan Greenspan a déclaré "Si vous comprenez ce que je dis, c'est que je me suis mal exprimé", et quand à la corrélation entre le MUI (Men's Underwear Index, indice des ventes de slips) et la croissance... j'avoue que je vais personnellement un peu plus loin dans l'analyse de la tension du slip, depuis 1993 et le "je sens un frémissement de la croissance" d'un de mes anciens patrons. On va parler de l'incohérence des politiques monétaires, de la Grèce, dont les exportations seraient favorisées par une dévaluation et une dette exprimée en Drachmes, mais y a-t-il vraiment une tension sur l'huile d'olive, principale production du pays ? On va parler de la différence entre invention et innovation, l'un est un apport purement technique (la 4G vs la 3G, par exemple), l'autre change la vie des individus (une salle de bain, c'est de la physique du XVIIème siècle, mais une innovation des années 1950).
On va parler du Père Noël comme le dernier communiste, d'ailleurs il vous donne ce dont vous n'avez pas besoin, et comment un marché s'est créé sur Le Bon Coin, où on peut vendre à l'avance le cadeau qu'on va recevoir, et se garantir contre le fait que finalement on ne le recevrait pas. Et la SNCF ? Ah... la SNCF.
Elle est au cœur de beaucoup de choses, c'est un exemple... mais pour savoir lequel, là vous irez au théâtre de Poche, je surfe que sur l'anecdotique pour vous donner envie. Une série d'arguments, pour aboutir au fait que nous ne sommes pas dans une crise, mais dans une mutation, qu'il va falloir nous habituer au fait que l'inflation en reviendra pas, que la vie s'organisera au niveau de l'individu, dans un monde où le gouvernement le plus efficace sera celui qui en fera le moins possible.