- Classique
- Théâtre de L'Athénée - Louis Jouvet
- Paris 9ème
UN MOIS A LA CAMPAGNE
- Théâtre de L'Athénée - Louis Jouvet
- Square de l'Opéra Louis-Jouvet - 7 rue Boudreau
- 75009 Paris
- L 3-7-8 Opéra
Un seul être vous manque et tout est dépeuplé, un seul individu survient et la vie bouillonne aux marges de l’entendement.
Tout semblait calme dans cette campagne russe du XIXe siècle, maris, femmes, amants en routine réglée, quand un fougueux jeune homme vint perturber ce bel agencement : Alexeï, le précepteur venu de Moscou que Natalia Petrovna a engagé pour s’occuper du petit Kolia, va mettre le microcosme local à feu et à sang (chaud). Ancêtre du Théorème pasolinien tout comme inspiration du théâtre de Tchekhov, ce joyau de Tourgueniev, loué pour sa modernité et sa finesse psychologique, déplace aussi sur le plan des mœurs un geste déjà poussé par l’auteur dans sa critique du servage et des propriétaires telle qu’on la lit dans Mémoires d’un chasseur - et qui lui valut censure et emprisonnement. Car, par-delà les chassés-croisés amoureux, c’est l’ordre établi qui est aussi attaqué, et nul doute que Natalia, dans sa rivalité avec Vera, sa protégée orpheline, pour s’emparer du cœur du précepteur, exerce aussi une mainmise de classe.
L'AVIS DE LA REDACTION : 8,5/10
La confusion des sentiments !
Décidément, les auteurs russes vont bien à Clément Hervieu-Léger.
Après une sublime Cerisaie l'année dernière, le talentueux metteur en scène s'empare à nouveau de cette âme slave si particulière, où la langueur et l'ennui empêchent les personnages de se réaliser.
Un mois, c'est le temps qui suffit à bouleverser l'équilibre précaire de ce petit monde, famille comme amis.
A partir d'une étincelle - l'arrivée d'un jeune homme séduisant - tout s'enflamme dans ce désir d'une vie plus intense, le feu s'allume.....et puis tout s'éteint.
Nul besoin de sensationnel.
C'est toute la délicatesse et la sensibilité de Clément Hervieu-Léger qui sondent les sentiments humains.
Il peut compter pour cela sur sa troupe, dont on sent la complicité et l'habitude de travailler ensemble.
Chacun est parfaitement à sa place et dans son rôle.
Le décor, formidable de réalisme, nous projette dans cette campagne russe du 19e siècle avec beaucoup de poésie et d'efficacité.
Un beau moment d'humanité.
Sylvie Tuffier
Comme dans « Une des dernières soirées du Carnaval » de Carlo Goldoni, Clément Hervieu-Léger s’est emparé de ce texte brillamment adapté en 2018 par Michel Vinaver pour y apporter sa sensibilité à fleur de peau de metteur en scène dans cette ronde de personnages en quête d’amour dans une lutte des classes sans merci et lucide, prolongée par une vision d’une aristocratie en perte d’éclat.
Un texte écrit au XIXe siècle qui encore aujourd’hui fait les beaux jours de l’actualité.
Que l’on soit jeune ou à l’arrière saison de sa vie, cupidon ne cesse de jeter ses flèches qui atteignent plus ou moins ses cibles avec plus ou moins de bonheur.
Dans une scénographie d’Aurélie Maestre, des praticables aux couleurs chaudes, aux lignes géométriques épurées, mis en valeur par les lumières d’Alban Sauvé, s’emboîtent dans la douceur des rencontres enfiévrées, tels des solos, des pas de deux, qui s’enchaînent au rythme indolent des chassés-croisés amoureux pendant ce mois à la campagne dans un jeu de chamboule tout où les têtes ont bien du mal à rester sur leurs épaules.
Sur un air d’opéra en fond sonore, que l’on doit à Jean-Luc Ristord (mais aussi les tic-tac de la pendule qui résonneront plus tard pour nous signifier le temps qui passe dans ce mois à la campagne), Natalia, la femme du riche propriétaire Arkadi, un mari plus intéressé par la gestion de son patrimoine que de conter fleurette à sa femme, telle une comtesse aux pieds nus s’ennuie en écoutant la lecture de son amant platonique Rakitine, pendant que sa belle-mère joue aux cartes avec la gouvernante.
D’une vivacité étrange l’on comprendra que Natalia fait fi de la lecture pour ne penser qu’à la troublante présence du jeune précepteur au charme indéniable, dont il ne mesure pas la capacité à faire tourner les têtes, Alexeï, engagé récemment pour éduquer son fils Kolia.
Le filet de voix de son amant ne suffit plus à Natalia pour rester vivante, éveillée aux charmes de la campagne insouciante. Tout en étant consciente que l’on fait souffrir celui qu’on aime, elle a besoin de sentir des papillons dans son ventre et dans ses yeux pour exister, vivre dans cette petite aristocratie entretenue par son mari dont ses pensées et ses actes ne peuvent que la pousser vers un danger à l’issue incertaine.
Un précepteur venu de Moscou qui fait tourner également la tête de l’orpheline Véra placée sous la protection de Natalia, une délicate fleur qui ne demande qu’à éclore et qui pourrait bien être une rivale…et qui dit rivale…
Un petit monde aristocratique, dont la comptine « Aux marches du palais » viendra donner un petit souffle d’insouciance, encadré par un médecin, un Talleyrand de province, conscient de ces différences de classe, qui pourrait bien en manipulant cette « cour » bouleverser l’ordre des choses, avec au lointain un cerf-volant annonciateur, sur une brise légère, d’un renouveau.
Un théâtre russe qui a marqué notre époque, un théâtre où les thèmes de la vie sont décrits avec lucidité, pragmatisme, dont on ne se lasse pas d’écouter ses répliques qui font mouche à chaque fois, et dont l’humour et la musicalité, excellemment mis en valeur par Michel Vinaver, viennent souligner la dramaturgie.
Une dramaturgie dont Clément Hervieu-Léger connaît toutes les ficelles et qu’il retranscrit habilement dans la fluidité de sa mise en scène, soulignant l’essentiel, au service d’une troupe, celle de La Compagnie des Petits Champs, qui triomphe pour notre plus grand bonheur dans chacune de ses créations.
Une distribution de plus bel effet, habillée par Caroline de Vivaise, où chaque personnage dans un raffinement de justesse de jeu est mis en lumière par des comédiens qui habitent leurs rôles modestement pour mettre en valeur leurs arguments : Louis Berthélémy, Clémence Boué, Jean-Noël Brouté, Stéphane Facco, Isabelle Gardien, Juliette Léger, Guillaume Ravoire, Mireille Roussel, Daniel San Pedro et Nathan Goldsztejn, nous ont émus, attendris, passionnés, subjugués par leurs charismes, tenus en haleine jusqu’à la dernière note, dernière réplique.
Une très belle soirée qu’il nous a été proposé de vivre dans la douceur d’une atmosphère rafraîchissante d’une campagne aux reflets amoureux.
Clément Hervieu-Léger nous transporte avec élégance dans ce théâtre russe qui décrit les âmes humaines avec profondeur et compassion.
A la campagne, dans la maison d Arkady propriétaire terrien et de son épouse Natalia, le temps s’écoule lentement et paisiblement. Bien qu’entourée de sa famille et de ses amis, Natalia s’ennuie.
« C'est terrible de s'ennuyer avec des amis. Vous vous sentez bien, vous n'êtes pas gêné, vous les aimez, rien ne vous irrite ; et pourtant l'ennui vous accable, et votre cœur gémit bêtement, comme s'il avait faim. »
Rakitine son fidèle et dévoué amant platonique tente de la distraire sans grand succès.
Jusqu’au jour où un jeune homme, Alexeï Beliaev, précepteur de son fils Kolia va bouleverser sa vie.
Cette femme, « rangée », va éprouver un désir qui lui était jusqu’ alors inconnu.
Natalia ravagée et bouleversée par cet amour impossible va rencontrer aux détours des chemins bien des obstacles…
*Véra sa jeune pupille est follement amoureuse, elle aussi d’Alexeï.
* Afanassi un voisin riche et vieux désire Véra en mariage.
*Arkadi , l’époux de Natalia va se monter suspicieux envers Rakitine
Les sentiments vont se contredire à travers cet amour interdit, ce coup de foudre fulgurant : mensonges et sincérité, cruauté et tendresse vont s'affronter.
La scénographie sobre et harmonieuse, nous plonge dans l’ambiance champêtre des propriétés terriens, un environnement à la fois apaisant et plaisant que rien ne semble pouvoir ébranler…
La mise en scène de Clément Hervieu-Léger est toute en élégance et en finesse bien que la complexité des sentiments, la souffrance et la frustration des protagonistes soient un peu amoindrie.
Les comédiens nous émeuvent et nous enchantent.
Clémence Boué incarne avec brio Natalia raffinée et perdue dans ses tourments et sa passion naissante.
La pétulante Juliette Léger nous séduit dans le rôle de cette jeune fille délicate et pétillante.
Stéphane Facco nous enchante et nous réjouit, il interprète avec justesse, Rakitine pétri d’amour et de tendresse pour Natalia.
Merci à tous pour ce beau moment passé à La campagne en compagnie de Tourgueniev.
Débarque alors, Alexeï Nikolaïtch, étudiant venu de Moscou, nouveau précepteur de Kolia, le fils de Natalia. Le jeune homme est sage et doux, il a un charme naturel dont il n’a guère conscience.
La Mme Bovary russe se retrouve alors confrontée à une ardeur ravageuse. Elle tombe amoureuse pour la première fois et nous assistons à tout le chemin de la passion : mauvaise conscience, tourment, supplice, confusion des sentiments…
Les passions humaines dans toutes leurs vérités, grandeurs et petitesses, se déchainent alors et par un effet domino, la petite communauté soumise aux conventions sociales va en être bouleversée et va s’effondrer.
Il se passe pourtant peu de chose ; seulement des émotions intérieures qui s’affolent et s’embrasent. On se laisse emporter avec plaisir dans cette déambulation des sentiments, sans attendre un évènement spectaculaire. C’est un huit clos de plein air dans un milieu social ou la contrainte force la recherche de la liberté.
La mise en scène de Clément Hervieu-Léger, sociétaire de la Comédie-Française, est fine et épurée et révèle la grande modernité de la pièce tout en en restituant toute la puissance et la profondeur.
Transposés dans le cinéma des années 70, dans un décor sobre et vêtus de costumes très chics, les comédiens évoluent entre douceur et exaltation.
Clémence Boué nous offre une Natalia pleine de classe et de passion, Juliette Léger une Véra délicate et innocente, toute jeune fille qui va grandir très vite en l’espace d’un mois, confronté au premier chagrin d’amour, Stéphane Facco un subtil et intelligent Ratikine, et Daniel San Pedro s’impose en en médecin gentiment manipulateur. Dans la version proposée par Clément Hervieu-Léger aucun personnage n’est vraiment mauvais, ils sont tous attachants. Chacun tentant de tirer son épingle du jeu le mieux possible.
Cette pièce écrite en 1851 est dans la plus pure tradition des œuvres russes, pulsions, contradictions, émois… On y retrouve les thèmes classiques, l’ennui, le mariage, la question du statut social.
On assiste là à une belle pièce de troupe !
Décidément, les auteurs russes vont bien à Clément Hervieu-Léger.
Après une sublime Cerisaie l'année dernière, le talentueux metteur en scène s'empare à nouveau de cette âme slave si particulière, où la langueur et l'ennui empêchent les personnages de se réaliser.
Un mois, c'est le temps qui suffit à bouleverser l'équilibre précaire de ce petit monde, famille comme amis.
A partir d'une étincelle, l'arrivée d'un jeune homme séduisant, tout s'enflamme dans ce désir d'une vie plus intense, le feu s'allume.....et puis tout s'éteint.
Nul besoin de sensationnel.
C'est toute la délicatesse et la sensibilité de Clément Hervieu-Léger qui sondent les sentiments humains.
Il peut compter pour cela sur sa troupe, dont on sent la complicité et l'habitude de travailler ensemble.
Chacun est parfaitement à sa place et dans son rôle.
Le décor, formidable de réalisme, nous projette dans cette campagne russe du 19e siècle avec beaucoup de poésie et d'efficacité.
Un beau moment d'humanité.