- Théâtre contemporain
- Théâtre de l'Aquarium
- Paris 12ème
Les chaises

- Théâtre de l'Aquarium
- route du Champ-de-Manœuvre
- 75012 Paris
- Château de Vincennes (l.1) puis bus 112
On connaît l’histoire : un couple âgé a convié le ban et l’arrière-ban pour lui délivrer un ultime message au monde avant de…
Mais, pour toute assistance, seules des chaises vides envahissent leur petit appartement.
Le merveilleux de la mise en scène de Bernard Lévy est de nous faire redécouvrir ce « classique du XXème siècle » comme si c’était la première fois, à mille lieux de tous nos a priori, et par la grâce de ses deux immenses interprètes que sont Emmanuelle Grangé et Thierry Bosc (ce dernier étant aussi, pour la petite et belle histoire, un des fondateurs de l’Aquarium !).
Ici, l’écriture de Ionesco (tout sauf « absurde » une fois débarrassée des clichés qui nous encombrent l’œil et l’oreille !) sonne à plein, débordante de poésie, d’humour, de violence, d’érotisme, de tendresse surtout.
Car si tout se déglingue autour de ces deux vieux amants, le monde comme leur mémoire, seul semble résister l’immense mystère qu’est l’amour de toute une vie.
Deux vieux sont plongés dans leur routine. Lui, a un message à délivrer au monde. Il a convoqué le monde et c'est l'orateur qui délivrera le message.
Les invités arrivent et représentent le monde. Pendant que le vieux accueille les gens, elle place des chaises sur toute la scène au fur et à mesure des arrivées.
La scène se remplit de chaises. On n'attend plus que l'orateur. Celui-ci arrive. C'est un malade qui ne peut pas parler. Il ne délivrera rien au monde.
Pièce entre réalité et rêve, elle marque l'impossibilité de la parole, la relation à la mort. Le manque de communication est criant (un peu à la forme de la cantatrice chauve) quand les vieux parlent de leur fils. J'ai perçu, peut-être à tort, un lien avec notre monde d'aujourd'hui sur la perte de mémoire, sur la maladie qui rend impossible le souvenir.
L'idée de l'orateur en malade est originale.
L'interprétation est magistrale. La mise en scène est très efficace. C'est une belle lecture de ce classique (peut être plus terre à terre que le texte originel). Pas facile à faire et très réussi.
*Tu es très doué, mon chou. Tu aurais pu être Président chef, Roi chef, ou même Docteur chef, Maréchal chef, si tu avais voulu…
Ils ressassent leurs souvenirs, s’amusent toujours des mêmes histoires, mais ce soir ils ont un message à transmettre à l’humanité. Pour cela ils ont invité du beau monde
Un colonel, un couple, une ancienne amoureuse, un empereur, un photograveur… des invités invisibles et imaginaires arrivent de plus en plus vite, la vielle s’affaire… Les chaises envahissent le plateau.
* Du monde ! Des chaises ! Du monde ! Des chaises ! Entrez, entrez messieurs-dames..."
En attendant avec impatience l’orateur chef qui doit révéler leur message.
Le message qui atteste que leur vie a eu un sens…
Ils évoquent, leur existence, leurs souvenirs, leurs regrets, leurs convictions en compagnie de leurs visiteurs irréels et illusoires.
Leur mémoire est usée, les images se troublent, c’est la vieillesse…
Thierry Bosc et Emmanuelle Grangé sont bouleversants, leur complicité, leur sensibilité, leur justesse, leur finesse et leur talent nous transpercent et nous émeuvent. Ils sont touchants, drolatiques et profondément vrais.
Tous ceci se passe dans un petit appartement au décor des années 60.
Une baie vitrée face à l’océan, des piles de vieux journaux, une radio qui diffuse « Please love me » de Plonareff.
Une ambiance intime cotonneuse, poétique et quelque peu irréelle nous envahit.
C’est un moment de pur bonheur et de profondes émotions.
Nous sommes touchés par ce couple, deux vieillards qui ressassent leurs souvenirs, leurs regrets jusqu'au grand soir...
Très belle mise en scène de Bernard Levy. Magnifique interprétation des 2 comédiens: Thierry Bosc et Emmanuelle Grangé. A voir !
Le "dossier" de ces Chaises est connu : un couple de plus que seniors de 94 et 95 ans attend une multitude d'invités. Il faut vite installer des chaises : lui, plus que jamais résolu, a décidé de délivrer un message définitif, qu'il fera dire par un orateur. Une conférence est donc organisée, avant que...
Tels des anthropologues, les spectateurs que nous sommes allons observer ce couple du cinquième âge, ces deux vieux installés dans leur vivarium.
C'est en effet dans un appartement aux murs (y compris le quatrième) et aux cloisons en verre qu'ils vont évoluer.
Nous sommes plus qu'observateurs, nous sommes des voyeurs.
C'est lui qui arrive le premier, pantalon à bretelles et marcel, une pile de journaux à la main. Un premier moment de comédie se déroule dans le plus grand silence. Il déplace ses tas de journaux, du sol au tiroir de sa commode, et inversement. Sans raison précise.
Sans rien dire, Thierry Bosc nous fait rire une première fois.
Elle le rejoint. Emmanuelle Grangé, robe tristounette et impersonnelle en jersey, chaussures Scholl, soquettes sur mi-bas.
Qui sont-ils, ces deux-là ?
Dans bien des mises en scène de ce classique du théâtre du XXème siècle, nous n'avons pas la réponse à cette question. Ils sont là. Point.
Seul l'absurde, le surréalisme de Ionesco sont mis en avant.
Ici le metteur en scène Bernard Lévy a creusé fort judicieusement la question de l'identité propre des deux personnages.
Le fait de les placer dans ce bocal nous force à nous interroger et à envisager des hypothèses.
Sommes-nous en présence d'un couple archétypal, sommes-nous devant le dernier couple de l'humanité, avons-nous devant nous deux êtres qui pourraient fort nous ressembler ?
Bien entendu, Bernard Lévy a respecté à la lettre le texte et le propos de Ionesco, mais il s'est attaché à montrer les relations qui unissent encore ces deux jeunes mariés depuis seulement soixante-quinze ans.
Ces deux-là s'aiment. Encore. Toujours.
Les chansons diffusées par le vieux poste, les baisers, les souvenirs échangés ne laissent planer aucun doute.
Ils se souviennent, ils ont encore plein de choses à se dire, ils communiquent.
Tout se délite, tout se désagrège autour d'eux, mais ils ont tenu bon. Ils font face. Jusqu'à la fin.
Thierry Bosc (qui connaît bien les lieux, il fut l'un des fondateurs de l'Aquarium), et Emmanuelle Grangé sont tout simplement merveilleux.
Durant l'heure et quart que dure cette pièce, leurs voix reprises par des micros bien cachés, ils vont énormément nous faire rire, ils seront également tour à tour émouvants, étonnants, bouleversants.
Deux grands acteurs nous donnent la leçon : une leçon de jeu, de comédie.
Oui, ils vont nous faire beaucoup rire. Voir Emmanuelle Grangé se hisser tant bien que mal sur une chaise pour relever jusqu'à mi-cuisses sa robe est un grand moment !
Les scènes d'accueil des invités, derrière un mur de papier peint translucide, ces scènes sont drôlissimes.
Oui, il vont nous bouleverser, rendant leurs personnages attachants et inoubliables.
Il faut signaler que Bernard Lévy a choisi très judicieusement de nous montrer l'orateur, le conférencier.
Là encore, l'arrivée sur le plateau de ce personnage interprété par Michel Fouquet et sa scène muette déclenchent les rires de la salle.
Voici donc une version terriblement passionnante de ce chef d'œuvre, que j'ai eu l'impression de redécouvrir. Comme un sentiment d'une première vision.
Cette entreprise artistique fait d'ores et déjà partie des grandes réussites de la saison.
C'est un spectacle incontournable de cette fin d'hiver.