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Le Livre de ma Mère

Le Livre de ma Mère
De Albert Cohen
Mis en scène par Dominique Pitoiset
Avec Patrick Timsit
  • Patrick Timsit
  • En tournée dans toute la France
Itinéraire
Billets de 19,00 à 39,00
Evénement plus programmé pour le moment
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Il y a plus de trente ans, Patrick Timsit a ouvert un livre qu'il n'a jamais refermé depuis : un chant d'amour et de deuil à la gloire de la mère perdue, un monument de mots élevé par l'un des plus grands stylistes français. Dernièrement, il est devenu l'ami de Dominique Pitoiset, dont il a découvert l'univers créatif sur Cyrano de Bergerac, avec Philippe Torreton.

Timsit a attendu des années de savoir avec qui travailler autour du Livre de ma mère. Le verbe de Cohen, l'émotion de Timsit, la rigueur artistique de Pitoiset nous donnent rendez-vous pour un moment de théâtre qui promet d'être exceptionnel.

Daniel Loayza

 

Avec Le Livre de ma mère, tout à coup, le vacarme du monde reste à la porte. L'écrivain la referme, le silence se fait. La solitude est comme ressaisie, creusée, approfondie. Et avec elle, un manque impossible à combler. Le deuil de la mère.

Les chapitres du Livre de ma mère sont comme des respirations. Albert Cohen écrit comme on respire, c'est-à-dire quand il en a besoin (un besoin vital). Il n'exécute pas un programme, ne raconte pas une histoire. C'est plus une succession d'états qu'un récit. Parfois une anecdote affleure, des incidents remontent à la surface. Mais la mémoire de l'écrivain suit ses méandres sans sacrifier aux nécessités d'une histoire. Nous n'avons pas à être plus exhaustifs que lui. Nous allons nous laisser porter, Patrick et moi, par ce courant... Un petit homme, donc, un petit prince, aurait peut-être dit sa mère, qui marche sur la vaste croûte terrestre. Il ne se regarde pas faire, il ne s'écoute pas parler. Cherchant ses mots, il s'adresse à nous. Evoquant sa mère, convoquant le public. Il peut le faire, il doit le faire, parce qu'il est seul.

Un cœur mis à nu, sans caméras, sans miroirs, sans médiations. Sans narcissisme. Et lucide, sans les facilités de la misanthropie. Démuni, abandonné. Dépouillé.

Note rapide
7,2/10
pour 9 notes et 9 critiques
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Note de 4 à 7
56%
4 critiques
Note de 8 à 10
44%
Toutes les critiques
26 mars 2018
6/10
28
Le journal de ma mère est un texte magnifique que Patrick Timsit rêvait depuis des années d'interpréter. Je m'attendais donc à quelque chose de particulier, dans une mise en scène extrêmement soignée.

Si le comédien déploie une sensibilité hors pair je quitte néanmoins la salle animée par une relative (et rare) colère. Quelle idée de l'avoir équipé d’un micro ? Le pauvre serait-il devenu aphone? Aurait-il peur de n’être pas entendu dans ce théâtre dont l’acoustique est juste parfaite ?

L’appareil, réglé plein pot durant les premières minutes, suggérait la pièce radiophonique. Comme il fut difficile pour les spectateurs à l’audition normale de se projeter dans l’intimité de la confidence !

La béquille ne s'accorde pas avec le parti-pris de mise en scène puisque Dominique Pitoiset lui fait interpréter le rôle d'un acteur qui répète son rôle, texte à la main, auquel il se réfère très souvent (alors que j'aurais parié qu'il le connaissait par coeur). A-t-on déjà vu des comédiens équipés de micro en répétition ?

Il serait Albert Cohen dans son bureau d'écrivain, en Suisse. L'incongruité provient alors de la présence d'un écran de cinéma en fond de scène, lequel n'existe que dans les bureaux des producteurs de cinéma ou chez les grands patrons d'agence de publicité.

On verra pendant un peu plus d'une heure Patrick Timsit arpenter la scène, s'asseoir, se relever, déclencher avec une télécommande la mise en route d'images, comme si nous assistions à une conférence touristique. Encore une fois rien ne nous place sur le terrain de la confidence. La première image annonce Le livre de ma mère ... on n'en doutait pas.

Le récit est autant écrit à la gloire de la mère qu'il est autobiographique. On apprend l'arrivée de Albert Cohen à cinq ans, venant de Corfou avec sa famille. On était des rien-du-tout sociaux.

Le texte est sublime. Nos douleurs sont une ile déserte. Les mots consolent mais ils ne me rendront pas ma mère. La peine du fils est immense. La plainte, elle est morte reviendra en boucle et il égrènera bientôt la litanie des jamais plus. Le public est enthousiaste, applaudit l'arrivée du comédien a tout rompre, et rit sans réserve aux blagues juives. Du type les mariages qui commencent par de l'amour c'est mauvais signe.

Décor et lumières ne méritent pas davantage le compliment. La lecture du dossier de presse m’apprend que le metteur en scène a cumulé les postes. Manque de budget ou volonté de tout contrôler ? L’intelligentsia pourra lui tresser des couronnes parce que c’est Cohen, parce que c’est Timsit, je continuerai à regretter qu’il n’y ait pas eu de direction d’acteur mais juste une mise en place. Je m’en étonne d’autant plus que je sais que le comédien échafaude ce projet depuis une dizaine d’années.

Il y a cependant un superbe instant de théâtre et gloire à celui (ou celle) qui en a eu l’idée: le fils débouchonne la bouteille d’eau, s’accroupit et pose le bouchon de plastique sur le sol qui soudain devient cette tombe dont il vient de nous parler en termes émouvants : ... on a eu la gentille pensée de lui mettre dessus une lourde dalle de marbre, un presse-mort, pour être bien sûr qu'elle ne s'en ira pas.

Encore faut-il connaitre la coutume voulant que pour montrer que quelqu'un est venu se recueillir sur une tombe, on dépose une petite pierre, puisque les fleurs sont interdites dans la religion juive, ce que j'avais appris lors d'un séjour à Berlin.

Cette marque d'honneur est éternelle (à l'inverse des fleurs qui pourrissent rapidement). J'ai donc été extrêmement choquée qu'à la fin de la pièce le comédien ramasse le bouchon et le pose sur le bureau.

La musique est choisie avec soin. On entendra Smile de Nat King Cole sur des images familiales de vacances au bord de la mer filmées en super 8. Ce sera plus tard Mrs Robinson de Simon & Garfunkel (que l'on entend beaucoup au théâtre en ce moment) juste avant d'enchainer sur un sirtaki. On fait un saut dans le temps avec la chanson d'Arno (1995) qui célèbre de sa voix profonde et rauque Dans les yeux de ma mère au travers de paroles parfois crues et de mots peu élégants.

C'est une sorte de contrepoint à l'écriture de Cohen alors que bien entendu les deux textes ne sont pas du tout de la même époque. L'amour d'une mère serait-il universel ? Albert Cohen voyait dans les yeux de sa mère : une folie de tendresse, une divine folie. C’est la maternité. C’est la majesté de l’amour, la loi sublime, un regard de Dieu. Soudain, elle m’apparaît comme la preuve de Dieu.

J'ai mal compris (décidément) l'emploi du Petit train des Rita Mitsouko pour accompagner la fin du spectacle. Certes on voit alors les images d'une locomotive tirant un serpentin de wagons (Odyssey Smoking-petit train sur l'eau de Tang Nannan) mais est-ce parce que la chanson aborde le thème très grave et douloureux de la déportation des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale que Dominique Pitoiset l'a choisie ?

Cette chanson écrite en 1988 était dédiée à Sam Ringer, le père de Catherine, qui avait été l’une des victimes. Et je ne pense pas que la mère d'Albert Cohen, décédée à Marseille en janvier 1943, ait été déportée.

Le spectacle s'achève sur le désespoir de l'écrivain : Je suis un poussin sans poule. Il exhorte les garçons à être doux chaque jour avec leur mère.

Son ultime geste est de changer de cravate ... pour en porter une de couleur vive, signe de la fin du deuil ? Ce n'est pas certain puisque la musique de Nat King Cole revient. Mais au cas où on en douterait le comédien saisit la télécommande pour afficher le mot FIN sur l'écran;

Mon conseil : cassez une graine au Bistrot du théâtre (à l’étage) et enchaînez avec Baby. La maternité est au centre des préoccupations de l’Atelier. Après la mère bien réelle d’Albert Cohen c’est la question de la procréation pour autrui qu'Hélène Vincent met brillamment en scène.
16 févr. 2018
7/10
25
Timsit dans ce registre nous émeut.
Il parvient à apporter sa personnalité au spectacle tout en s'effaçant derrière ce texte fort.
Il le façonne à son image mais le laisse aussi vivre.

Les vidéos bien qu'un peu trop présentes sont très belles.
Le décor, la mise en scène apporte le dynamisme qui aurait pu manquer et rendre ça un peu trop figé.
A mon goût un peu trop de répétitions de mots. Je préfère qu'on mette du poids dans la manière de les interpréter plutôt que les appuyer en les répétant.
On aurait aussi aimé plus de passages tendres et drôles. Parfois les moments tristes sont trop longs et frisent l'ennui.
Mais comme le texte est magnifique on reste absorbé.

C'est un beau seul en scène. Une belle communion avec la salle.
3 févr. 2018
8/10
29
Jeu remarquable de Patrick Timsit, qui retranscrit avec passion et nostalgie le roman d'Albert Cohen.

Bien que seul sur scène et accompagné d'un décor sans intérêt, Timsit comble l'espace et le temps.

Il fait d'une autobiographie un texte parlant pour tous et accessible, autrement dit, pas besoin d'être un grand intellectuel pour aller voir cette représentation mais juste d'avoir eu une mère.

Le texte de Cohen est très intéressant jusqu'à la moitié du spectacle mais il se répète après.

Ps : Une pièce un peu courte (1h15) pour le prix.
6 janv. 2018
4/10
43
Rendez vous manqué.

Quelle joie d'enfin pouvoir découvrir Patrick Timsit sur scène, lui qui a le pouvoir de nous émouvoir et nous faire rire dans un même spectacle et/ou film. Alors quand l'on traite d'un sujet aussi sensible que la perte d'une mère dont on culpabilise de ne pas avoir su l'aimer suffisamment avant son trépas, on s'attend à sortir les mouchoirs. Du moins, le coeur va s'emballer et la mâchoire se serrer.

Dans une mise en scène, si on peut lui donner ce nom, si moderne et absurde, on se sent très vite dans une mascarade de spectacle. Le comédien est sur scène en permanence avec des feuilles et le spectacle ressemble bientôt plus à une lecture qu'à une confidence. Les nombreuses vidéos, du nombre de 5 je crois, durant au total approximativement 10 à 15 minutes, viennent détruire tout germe d'émotion et d'abandon et ridiculise le propos et la portée de la souffrance.

La douleur et la culpabilité du fils indifférent ne sachant comment faire rejaillir les mots et les excuses futiles face à une tombe sont désincarnées et ne nous transportent jamais. Un gâchis immense et au pourtant j'aime Mr Timsit qui réussi à m'émouvoir lors de ses spectacles comiques ou lors de certaines prestations cinématographiques.

C'est un rendez-vous manqué et j'en suis désolé. Mais il semble que la salle, aux vivas des applaudissements, ne partage pas ma profonde déception
30 déc. 2017
9/10
54
Trente ans !
Trente ans que Patrick Timsit a ouvert pour la première fois l'ouvrage d'Albert Cohen « Le livre de ma Mère », que l'écrivain lui-même qualifiait de « chant de mort ».

La mort de la Mère.
Un fils dit l'indicible : la mort de celle qui lui a donné la vie.

Trente ans que Timsit attendait de trouver le bon metteur en scène pour monter le texte sur un plateau.
La rencontre s'opéra à l'occasion du merveilleux Cyrano de Dominique Pitoiset.
Ce Cyrano bouleversant d'humanité, incarné par un Philippe Torreton qui criait la rage et la folie du personnage dans le réfectoire carrelé d'un hôpital psychiatrique.

Cohen / Timsit / Pitoiset.
Comme une évidence.
Parce que ces trois-là nous racontent une histoire universelle, commune à tous les fils, rassemblant finalement les deux moitiés de l'Humanité.

Le comédien va dire les mots de l'écrivain d'une façon on ne peut plus juste, convaincante, sans aucun pathos malvenu. Le piège a été évité de bien belle façon.

Drôle lorsqu'il le faut (les adresses à Dieu, les rapports à la judéité, les « excès » de la mère juive sont jubilatoires), souvent émouvant, parfois bouleversant, il incarne ce fils.

Pas besoin d'être grand clerc pour s'apercevoir que Timsit est lui-même ce fils-là.

Il incarne également le Cohen le déraciné, obligé de quitter à cinq ans Corfou pour Marseille.

(A ce propos, si l'on connaît l'écrivain Albert Cohen, on sait moins son rôle de diplomate, chargé notamment de l'élaboration de l'Accord international du 15 octobre 1946 relatif à la protection des Réfugiés, toujours en vigueur, mais bien souvent malmené. Suivez mon regard.
Timsit insiste bien sur la phrase suivante : « Ce qui est laid sur Terre, c'est qu'il ne suffit pas d'être naïf ou tendre, pour être accueilli à bras ouverts. » Et je referme ma parenthèse.)

La mise en scène de Dominique Pitoiset est sobre, sans effets ni gadgets inutiles.
Le personnage-fils-écrivain rédige son texte autour d'un grand bureau, devant un écran de projection.
Le metteur en scène, tout comme dans Cyrano, (Christian et Roxane communiquaient ainsi), va se servir d'un ordinateur à la pomme pour que le comédien projette des séquences de souvenirs personnels, ou des extraits du texte.

Lors d'une de ces séquences projetées, Timsit s'adresse à lui-même, au mauvais fils qu'il a parfois été ou croit avoir été. C'est un très joli moment.

La dernière partie, peut-être la plus émouvante, s'adresse au public en général, et aux « fils de mères encore vivantes » en particulier.
Le comédien a alors la larme à l'oeil, on comprend combien il aimerait être ce fils d'une mère encore vivante.

Tout ceci nous fait mesurer à nous autres dont c'est le cas la chance et le bonheur que nous avons d'être ce que ne sont plus ni le personnage ni son comédien.

Une chance que nous ne mesurons pas assez, une chance qui un jour ne sera plus.

C'est un spectacle qui vous engage alors soit à vous souvenir intensément, soit à vous précipiter pour crier « Je t'aime, ma Maman ! A moi. »
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Notes détaillées (pour les plus courageux)
Texte
Jeu des acteurs
Rire
Intérêt intellectuel
Mise en scène et décor