- Théâtre contemporain
- La Scala
- Paris 10ème
En attendant Godot
- Philippe Duquesne
- Eric BERGER
- La Scala
- 13, boulevard de Strasbourg
- 75010 Paris
- Strasbourg Saint-Denis (l.4, l.8, l.9)
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Vladimir et Estragon, quelque part à la campagne, à côté d’un arbre, le soir, attendent Godot, dont on ne sait rien, ils n’en savent pas grand-chose non plus et ne se rappellent plus vraiment pourquoi ils l’attendent. En attendant ils discutent, se livrent à diverses activités, considèrent l’arbre, le ciel, l’un sa chaussure l’autre son chapeau. Un moment donné, Pozzo et Lucky passent. Voilà toute l’action de la pièce : presque rien, une attente.
L'attente, qui prend toute la place dans la pièce, permet, plus radicalement que jamais auparavant dans l’Histoire du théâtre, de mettre en exergue le simple fait d’être là ; une présence humaine, sur scène, des acteurs. Et c’est ainsi que la première grande pièce de Beckett révèle une inventivité formidable, déployant son humour sauvage à même la scène, à chaque instant du jeu.
AVIS DE LA REDACTION 9,5/10.
L'avantage d'écrire une critique d' "En attendant Godot" c'est qu'il n'est pas nécessaire de raconter l'histoire. Ah oui ?
Ce sont deux vagabonds qui attendent Godot au pied d'un arbre et ils ne savent pas pourquoi. Voilà tout.
Du coup, on peut aller à l'essentiel.
D'accord, qui sont ces deux personnages, Vladimir et Estragon c'est ça ?
On ne le sait pas non plus. Ah oui ?
Non, mais on se demande bien qui ils sont, surtout Vladimir qui s'exprime remarquablement bien. Il est très cultivé même s'il n'a qu'une connaissance imparfaite des évangiles. Estragon est lui plus terre-à-terre. Mais si on ne sait rien d'eux, on voit bien qu'ils s'apprécient, qu'ils s'aiment bien et qu'ils attendent tous deux Godot.
Ah oui ? Mais qui est Godot ?
Alors là, c'est une super bonne question. On ne sait pas. On ne le verra jamais, parce qu'il ne viendra pas. Certains ont dit que c'était Dieu, God(ot). Il faut savoir que Beckett qui est Irlandais a écrit cette pièce en français. Chacun y verra ce qu'il y voudra, et c'est bien entendu la force de cette écriture. Moi j'y ai vu la mort, ça pourrait alors s'appeler " En attendant la mort". Ah oui ?
Oui ça fait sens. Ils sont là au pied de l'arbre et attendent la mort, avant la fin de la journée. Et si Godot ne vient pas, ils ont un jour de plus à vivre. Ils pensent bien se suicider puisqu'il y a un arbre, mais ils n'ont pas de corde suffisament solide pour se pendre.
Un des personnages déclare d'ailleurs, Elles accouchent à cheval sur une tombe, le jour brille un instant, puis c’est la nuit à nouveau.
Ah oui ? C'est assez noir non ?
Becket a écrit à un de ses amis "si mon cœur n'avait pas mis en moi la peur de la mort je serais encore en train de boire & de ricaner & de traîner & de me dire que j'étais trop bon pour quoi que ce soit d'autre"
Ah oui ?
Tu m'énerves avec tes Ah oui, on dirait Gogo qui dit ça à chaque fois que Vladimir lui rappelle qu'ils attendent Godot.
Ah...
Il y a des moments drôles. ça s'appelle l'humour. Il y a même de l'action avec deux autres personnages qui arrivent. Le mieux c'est que tu ailles voir la pièce. Tu verras sur scène de grands comédiens, ils sont tous formidable, tous, tu comprends et pourtant les rôles ne sont pas faciles.
André Marcon (Estragon) est confondant de réalisme. On s'identifie et on s'attache à lui. Gilles Privat (Vladimir, monsieur Albert) est brillant et subtil lorsqu'il nous laisse deviner ses doutes . Ils sont sur scène de bout en bout et livrent une très grande prestation qui ne peut que forcer l'admiration.
Guillaume Lévêque (impétueux Pozzo), nous dérange, nous bouscule mais arrive à nous faire comprendre que la nature humaine n'est pas si facile à saisir. Éric Berger (Lucky) est fascinant dans son jeu d'ombre et de lumière, de mimes et de silences et lorsque c'est à son tour de parler.. ça devient carrément grandiose. Antoine Heuillet (le jeune garçon) campe avec délicatesse ce qui pourrait s'apparenter à un ange, Gabriel ?
La mise en scène est brillantissime. Alain Françon nous démontre une fois encore qu'il est bien tout la haut, au niveau des plus grands. Direction d'acteurs, compréhension du texte et du contexte, sobriété et mise en abyme. Déplacements dignes d'un jeu d'échecs et placement des accessoires tels les pièces de cet échiquier si bien dessiné que représente la scène.
Bref c'est du très très grand théâtre qu'il ne faut absolument pas manquer quand on aime le théâtre. Car tout est là. Sous tes yeux ébahis.
Ah oui ?
Oui sans aucun doute.
Carlos Bejarano.
Une palme particulière pour la longue tirade de Lucky
Tout était parfait mais ... comme on s'ennuie nous aussi à attendre Godot. A déconseiller si on est fatigué.
Mais plaisanterie a part, je vous encourage tout de même à aller voir cette pièce accompagné de quelqu'un, vous aurez tellement envie d'en parler en sortant.
Jamais je n'avais aussi bien entendu le texte de Beckett.
Jamais je n'avais ressenti autant d'émotions, ni d'empathie pour ses personnages.
Jamais l'absurde ne m'avait paru aussi évident.
Alain Françon confirme une fois de plus qu'il est un grand metteur en scène.
Avec une immense délicatesse et une vraie simplicité, il nous montre toute l'humanité de Beckett et avec elle toute l'humanité du monde.
Sa cruauté, sa beauté, sa fragilité ....
Dans un décor somptueux et abstrait à la fois, deux anti héros attendent Godot.
Vladimir et Estragon.
Gilles Privat et André Marcon.
Ces deux là sont étonnants de justesse et de vérité.
Gardant leur mystère jusqu'au bout, ils nous captivent, nous font rire, nous émeuvent et nous montrent l'humain dans toute sa réalité, sans aucun artifice.
Deux clochards d'une richesse absolue.
Et puis il y a la violence, incarnée par Lucky et Pozzo, l'esclave et le maître.
Eric Berger et Philippe Duquesne.
La noirceur du monde au bout d'une corde !
Là aussi quelle virtuosité !
Parfait équilibre entre tragique et burlesque, respect absolu de l'auteur, la recette magique orchestrée par Alain Françon est un bijou !
Depuis sa création en 1953, scandale devenu triomphe, son épopée poursuit à travers le monde son chemin de découvertes toujours renouvelées, illustré par de nombreuses approches qui ne cessent d’interroger la raison et l’émotion qui ressortent de ce chef-œuvre théâtral labyrinthique.
« Vladimir et Estragon, quelque part à la campagne, à côté d’un arbre, le soir, attendent Godot dont on ne sait rien. Ils n’en savent pas grand-chose non plus et ne se rappellent plus vraiment pourquoi ils l’attendent. Et en attendant, ils discutent, se livrent à diverses activités, considèrent l’arbre, le ciel, l’un sa chaussure et l’autre son chapeau, à un moment Pozzo et Lucky passent…»
L’univers de cette narration qui n’en finit pas de tisser son suspens est composé d’un décor intentionnellement minimal et désolé (ici grisâtre même), comme le souhaite l’auteur. Décor rehaussé toutefois par des accessoires (les chaussures, les chapeaux, la pipe, le fouet, la corde, le panier, la valise…) qui appuient là où c’est incongru, pour échapper sans doute à la routine de l’écoute et parsemer notre regard de ruptures ironiques voire sarcastiques. Les objets occupent là encore une place particulière et importante. Ce sont des enjeux narratifs permanents, étroitement associés à la gestuelle, à la parole et à la situation. Eux aussi sont des acteurs essentiels de la dramaturgie.
Une fois plongés dans ce récit abscons, entrepris par des personnages envoutants et déroutants à la fois, il y a comme un délice à se laisser porter par ce flux de paroles désenchantées, d’images confondantes de simplicité résignée, dans cet ailleurs qui ne peut trouver sens en lui-même et qui casse toute velléité de signification. Cette fameuse vacuité de la vie si chère aux dénonciations présentes dans la littérature beckettienne.
Et toujours, ce jeu de miroir, ce méta-théâtre qui donne aux personnages l’occasion de sortir tout à coup de l’illusion fictionnelle et de commenter ce qu’ils disent et ce que les comédiens font, de multiplier les adresses au public. Comme souvent chez Beckett, le 4ème mur se doit d’être fragile et poreux. (« Ça passera le temps », « comment m’as-tu trouvé ? » », « ceci devient vraiment insignifiant ».)
La mise en scène d’Alain Françon montre formidablement bien comment les personnages de Beckett sont révoltés et résignés à la fois, confrontés à l’ignorance confuse et récurrente du temps qui passe et qui est passé, meurtris par l’insignifiance et la déroute de leurs vies. Nous sommes face à une forme d’onirisme gris qui envahit le plateau et le récit. Estragon et Vladimir sont tout en nuances de gris vêtus. Un gris de désolation que seules viennent contrarier les couleurs des costumes de Pozzo, Lucky et du garçon, apportant une luminosité cocasse comme autant de perles d'espoirs impromptus et vains.
André Marcon (Estragon) et Gilles Privat (Vladimir, monsieur Albert) excellent véritablement. Ils donnent une évidence au texte avec brio, s’en emparent avec une sorte de gourmandise qui attise notre curiosité, leur attente de Godot et leur errance deviennent nôtres, nous sommes saisis.
Guillaume Lévêque (impérieux Pozzo), Éric Berger (très agile Lucky), Antoine Heuillet (impeccable garçon) ne sont pas en reste et apportent une crédibilité convaincante à l’ensemble de cet aréopage farouchement irréaliste et pourtant joué avec tout le naturalisme beckettien qui convient.
Un spectacle impressionnant, une magnifique prestation de comédiens, un « Godot » mémorable à n’en pas douter. Courez-y !
Magnifique mise en scène d’Alain Françon, merveilleuse interprétation de Gilles Privat, André Marcon, Philippe Duquesne, Éric Berger, Antoine Heuillet. Un grand moment de théâtre.
Sur une route de campagne au paysage hivernal et désertique, à la tombée du jour, Wladimir (Gilles Privat) et Estragon (André Marcon), deux vagabonds viennent à la rencontre d’un homme nommé Godot, un homme qu’ils ne connaissent point. Godot se fait attendre.
Est-ce bien aujourd’hui ?
Est-ce bien ici sous cet arbre ?
Est-il venu et reparti ?
Didi et Gogo discutent de tout et de rien, d’eux, du monde, de la vie en attendant Godot.
Estragon enlève ses chaussures, ils élaborent un plan pour se pendre à l’unique arbre squelettique et dénudé…Leurs discours décousus nous captivent, nous attendons Godot en leur compagnie.
Puis apparait Pozzo (Philippe Duquesne) homme tyrannique et dominateur accompagné de son esclave Lucky (Éric Berger).
Estragon mange l’os de Pozzo.
Pozzo ordonne à Lucky de penser.
Lucky récite une tirade abominable sans ponctuation.
La nuit est là, Godot toujours pas...
Ce texte joué pour la première fois en 1953 fut tout d’abord un fiasco avant d’être l’un des plus grands succès du théâtre d’après-guerre et faire le tour du monde. C’est une pièce puissante où les phrases succinctes nous embrasent.
Alain Françon en fait ressortir toutes les subtilités de ce texte par une mise en scène minutieusement orchestrée toute en finesse et profondeur.
La scénographie sobre et conforme aux vœux de Beckett, un arbre squelettique et un rocher perdus sur une route de campagne, est rehaussée par un immense dessin de Jacques Gabel tapissant le fond de scène. Tableau représentant la campagne au crépuscule sur lequel la lune apparaitra lorsque nos compères la nuit venue, remettront au lendemain leur attente. C’est magique et d’une belle poésie.
Les comédiens sont excellents, ils nous enchantent et nous captivent.
Gilles Privat, Vladimir, André Marcon, Estragon, ‘Didi et Gogo’, sont bouleversants de simplicité, de générosité et d’humanité. Un duo étonnant de complicité qui nous enchante et nous ravi et dont on se souviendra longtemps.
Philippe Duquesne incarne avec brio Pozzo dominateur et esclavagiste envers Lucky interprété par l’époustouflant Eric Berger.
Antoine Heuillet joue avec finesse et talent le jeune Garçon.
C’est un grand moment de théâtre, Merci à tous pour ce grand moment de plaisir et d’émotions