- Théâtre contemporain
- Comédie Française - Studio Théâtre
- Paris 1er
Construire un feu

- Comédie Française - Studio Théâtre
- 99, rue de Rivoli
- 75001 Paris
- Louvre-Rivoli (l.1)
Marc Lainé a choisi l’écrin du Studio-Théâtre comme un défi pour mettre en scène l’immensité enneigée que traverse le héros solitaire de « Construire un feu », la nouvelle de Jack London.
Auteur, metteur en scène, plasticien et scénographe, Marc Lainé – qui a signé à la Comédie-Française les décors d’Oblomov de Gontcharov en 2013 et d’Intérieur de Maeterlinck en 2017 – a choisi l’écrin du Studio-Théâtre comme un défi pour mettre en scène l’immensité enneigée que traverse le héros solitaire de la nouvelle de Jack London. Avec ce récit d’aventure écrit en 1910, juste après L’Appel de la forêt et Croc-Blanc, l’écrivain s’est confirmé en pionnier d’une littérature américaine et d’un cinéma qui subliment les rapports de l’homme et de la nature.
Tom Vincent décide de traverser le Klondike dans des conditions climatiques extrêmes, seulement accompagné d’un chien, bravant à la fois les sages conseils d’un vieil Indien et l’instinct de l’animal. Marc Lainé voit dans son inconscience une métaphore remarquable de la façon dont le monde contemporain s’égare dans un combat perdu d’avance. Liant toujours profondément dramaturgie et dispositifs scénographiques, il s’attache à la force immersive de ce texte rare et dense. Il le distribue de façon chorale aux acteurs utilisant un système de tournage et d’incrustation d’images en direct, trois caméras et des maquettes en volume inscrivent le jeu dans la dimension métaphysique qui naît de ces paysages du Grand Nord. Changements d’échelle, alternance d’images panoramiques et de gros plans, tout est « fabriqué » à vue dans ce théâtre qui mêle artisanat du plateau et technique cinématographique. L’enjeu est de mettre en tension la puissance de la langue et sa représentation, le tragique et le poétique – la virtuosité esthétique visant ici une concentration et un dénuement du jeu.
Le texte de J. London se suffit à lui-même : le lire où l’écouter dans sa nudité, et son intensité, dits par les mêmes comédiens, m’aurait je pense plus convaincue.
Un homme s’est engagé imprudemment, dans l’hiver du Klondike, trop sûr de lui (et faisant fi de l’expérience des anciens) avec un chien, qui le suit.
L’homme est surpris par l’intensité du froid. Il marchera vers sa mort.
Le chien l’abandonnera au tout dernier moment, en quête de nouveaux compagnons capables d’allumer un feu.
Un défi que s’est lancé le metteur en scène, vidéaste, Marc Lainé pour servir le texte de J. London.
Celui, dans un lieu confiné, la scène du Studio-théâtre, de traduire l’immensité des espaces glacés de l’Arctique, l’intensité du froid et l’hostilité d’une nature où l’homme n’a pas de place.
Sur scène : des tables où reposent de petites maquettes de paysages arctiques, des caméras, un écran, de la fausse neige, des sapins, 3 comédiens, l’homme, le chien et le récitant
Un comédien avec une parka et des gants, et des allumettes, de la fausse neige sur le visage, un autre qui fait le chien avec une gestuelle un peu ridicule…
Tout cet agencement et, cet objectif de performance technique, tout proches (trop ?) du public ……si bien qu’on ne les oublie pas un instant, m’ont distraites et ont annihilé en moi toute émotion.
J’ai même trouvé le dispositif assez destructeur. Il a bridé et mon imaginaire et mon émotion.
Je suis, moi aussi, « restée de glace » et me suis ennuyée assez vite.
Un comble tout de même avec un tel texte !
Dommage pour les comédiens, qui ont été embarqués dans un travail qui ne les valorise pas et ils ne le méritent pas !
« Il n’avait pas cru que mourir fût chose si aisée. »
Marc Lainé n’avait pas cru que construire une pièce de théâtre à partir d’une nouvelle fut chose si difficile. L’histoire est étincelante mais au final la pièce manque de vie. Juste des narrations et des images (très belles grâce au jeu expressif de de Nazim Boudjenah), cela ne tient pas en haleine.
« Le chien, déçu, regardait le feu avec regret ».
Le spectateur, mitigé, regardait la scène avec désarroi.
Klondike. Soixante-quinze degrés Celsius au dessous de zéro !
Jack London nous raconte le combat d'un homme pour survivre dans cet enfer glacial.
Ce type dont on ne saura jamais le nom se rend à la vieille concession sur la branche gauche du Henderson Creek, malgré la loi que lui a rappelé un ancien, une loi naturelle qui stipule qu'on ne voyage pas seul au dessous de cinquante degrés.
Sa survie va dépendre de sa seule capacité à construire un feu.
Plus facile à dire qu'à faire...
Lorsque le simple fait d'enlever sa moufle fait geler les doigts, lorsque un crachat se transforme en glace avant de retomber sur le sol, craquer une allumette relève de la gageure.
Dans la deuxième version de sa nouvelle, London va très vite nous faire ressentir l'inéluctabilité de la situation de cet homme.
La nature aura le dernier mot.
C'est un message pessimiste mais finalement assez réaliste que l'auteur de Martin Eden nous assène.
Un message très actuel et d'une actualité « brûlante », lourd de sens... Une illustration métaphorique d'un combat écologique perdu d'avance.
Le metteur en scène Marc Lainé a souhaité monter et adapter cette nouvelle à la suite d'une de ses précédentes pièces qui se déroulait déjà dans le grand nord.
Ici, la principale problématique en terme de scénographie est assez simple : comment représenter l'immensité d'un paysage glacé sur le petit plateau du Studio-Théâtre ?
Il a trouvé plusieurs solutions.
Tout d'abord, l'utilisation de la video embarquée, qui va ouvrir l'espace, paradoxalement en montrant des gros plans des comédiens.
Et puis l'utilisation de petites maquettes posées sur des tréteaux, et qui, filmées avec un filtre « salissant » légèrement l'image donnent cette sensation d'espace.
Les acteurs manipulent eux-mêmes les caméras dont les images sont sélectionnées et mixées par le vidéaste Baptiste Klein.
Trois comédiens vont se partager la narration de la nouvelle, qui évidemment, ne comporte aucun dialogue.
Pierre Louis-Calixte, en chemise nord-américaine, jeans et bottes se charge de la majeure partie du récit.
Tour à tour sévère, malicieux, parfois en hurlant son texte, il développe avec habileté le déroulé de l'histoire.
Alexandre Pavloff joue le rôle du chien de l'homme.
Il prendra le relais, racontant notamment le caractère vain de cette entreprise. Lui est dans un registre plus empreint de fatalité.
L'homme, c'est Nâzim Boudjenah, dans un rôle une nouvelle fois assez physique.
Il doit longtemps marcher sur place, en costume et capuche en fourrure.
Il nous fait très vite et très bien ressentir le froid, la douleur, la lutte avec les éléments. (La scène où il crève la glace et se retrouve dans l'eau mortelle est formidable.)
On a mal pour lui, on souffre, on voudrait l'encourager, aller l'aider pour que son personnage s'en tire.
Les gros plans en noir et blanc de son visage sont saisissants d'intensité et de gravité.
On ne saura jamais pourquoi ce personnage a choisi de s'aventurer seul dans cet environnement des plus hostiles, mais Nâzim Boudjenah nous fait parfaitement compatir à sa douleur morale et physique.
C'est donc un singulier et très beau spectacle qui nous est proposé.
Beau sur le fond, beau sur la forme.
Un spectacle très prenant, avec une vraie tension dramaturgique.
Un spectacle qui jette un froid pour notre plus grand plaisir.
En voilà un spectacle original : un narrateur (Pierre Louis-Calixte) conte l’histoire d’un homme (Nâzim Boudjenah) qui marche avec son chien (Alexandre Pavloff) vers la rivière Klondike par un temps où les températures largement en-dessous de zéro font crépiter les crachats.
L'histoire se déroule sur un fond de musique western. Pierre-Louis Calixte use de gestes pour marquer ce que Nâzim Boudjenah ne peut raconter. Il est parti sans imaginer la grandeur de la nature et ses codes à respecter. L’animal n’hésitera pas à se montrer déloyal vis-à-vis de son maître s’il croise la route d’un homme plus chaleureux. Une affaire d’instinct, en somme. La petite scène du studio-théâtre n’a pas eu froid aux yeux du Marc Lainé : on est surpris par les effets qui rendent les péripéties réalistes.
Pas adepte de la vidéo sur scène, j'ai trouvé cette fois son utilisation judicieuse, donnant mouvement et profondeur aux comédiens. Les trois caméras ne sont pas non plus indispensables mais donnent du mouvement aux comédiens. Le public est filmé (peut-on y échapper?), ce qui permet aux plus malins de faire avec leurs doigts le signe V sur grand écran. On retiendra surtout les moults tentatives de se réchauffer en se frictionnant et en se tapant les bras et les doigts. Alexandre Pavloff a un déhanché qui ferait pâlir n’importe quel chien de traîneau. Nâzim Boudjenah n’a pas beaucoup de texte mais il captive totalement notre attention.
Le spectateur est totalement en empathie avec celui qui n’a pas écouté les conseils des anciens. Il accumule les erreurs, on grince des dents, on est tenu en haleine, on frissonne, on ouvre la bouche pour manger le biscuit. Seul, il parvient à allumer plusieurs petits feux mais commet des erreurs. Il manque parfois de méthodes. Ça glace le cœur.
J'ai globalement aimé le jeu d'acteurs, (même si PL Calixte a savonné quelques passages), j'ai senti le froid, j'ai aimé la mélodie du texte, j'ai apprécié les trouvailles scénographiques, en conclusion j'ai aimé cette atmosphère et cette jolie création.
pièce vue dimanche 23 Septembre