- Théâtre contemporain
- Théâtre Montparnasse
- Paris 14ème
Adieu Monsieur Haffmann

- Franck Desmedt
- Grégori Baquet
- Salomé Villiers
- Théâtre Montparnasse
- 31, rue de la Gaîté
- 75014 Paris
- Edgard Quinet (l.6), Gaité (l.13)
Au milieu de la seconde guerre mondiale, les allemands occupent la France.
A Paris, en 1942, un marché peu ordinaire est conclu dans la boutique du bijoutier juif Joseph Haffmann. Ce dernier propose à son employé de lui confier son commerce et de le loger clandestinement en échange.
Pierre Vigneau accepte la prise de risque tout en formulant lui aussi une requête : stérile, il demande à Haffmann d'offrir à sa femme un enfant... Le pacte faustien est ainsi posé.
Combien de temps ce marchandage sera-t-il supportable ?
Adieu Monsieur Haffmann a été récompensée de 4 Molières : du théâtre privé, de l'auteur, du comédien dans un second rôle pour Franck Desmedt et de la révélation féminine pour Julie Cavanna (2018).
L'Avis de la rédaction : 8.5/10.
Une petite histoire peut en cacher une grande !
Ou comment des êtres humains, confrontés à des choix douloureux, se retrouvent finalement tous enfermés, aussi bien dans une cave que dans un choix difficile.
Sauver une vie d'un côté, donner la vie de l'autre ! Pour y parvenir, il faut aux personnages de cette très belle histoire, un courage plus fort que la peur .... Mais aussi, et c'est cela qui est beau, des doutes, des jalousies, de l'orgueil, de la colère, du chagrin, de l'envie ...
C'est finalement en luttant contre toutes ces faiblesses qu'ils deviennent des héros !
Ainsi il fallait de grands comédiens pour nous faire ressentir toute cette palette d'émotions contenue dans ce très beau texte.
Forte de ses 4 Molières, la pièce continue son chemin et va se jouer jusqu'au 16 juillet 2023 au Théâtre Montparnasse.
Un succès qui n'en finit pas !
Sylvie Tuffier
Un moment de pure émotion sur fond d’actualité, avant sa reprise au théâtre de l’œuvre le 03 septembre prochain, sans oublier l’adaptation cinématographique qui a repris son tournage depuis la fin du confinement.
Une construction dramaturgique qui se prête d’ailleurs admirablement pour une version filmée et même par sa musicalité à une comédie musicale.
Quel bonheur de pouvoir retourner au théâtre, de retrouver les émotions procurées par le spectacle vivant, sans lequel nous ne serions rien.
Une émotion intacte qui a même gagné en intensité depuis la représentation à laquelle j’avais assisté en février 2018 au théâtre du Petit Montparnasse.
Une distribution identique à la différence près : Charlotte Matzneff jouait, ce soir, le rôle de la femme de l’insupportable nazi Otto Abetz, dans lequel j’avais apprécié Salomé Villiers.
Une pièce récompensée à juste titre par plusieurs Molière et le prix de la fondation Barrière.
Une pièce au cœur de l’histoire mais aussi de l’actualité dans l’évocation de la peur de l’autre, de sa différence, qui conduisent inexorablement au racisme.
Une évocation non sans humour qui dédramatise la situation tout en faisant corps avec les tensions palpables de la cohabitation où l’amour en est le ciment.
Notre cœur bat au rythme des répliques sans complaisance qui font mouche, qui ne cherchent pas l’effet, mais qui respirent aux sons des claquettes ou de la TSF qui déverse son flot d’insanités, ces informations qui se voulaient bien-pensantes.
Nous sommes à Paris dans la bijouterie de Monsieur Haffmann qui a comme employé Pierre Vigneau.
1942 : le port de l’étoile jaune est décrété pour les juifs.
Monsieur Haffmann qui a mis à l’abri sa famille en l’envoyant en Suisse veut au démarrage de la pièce préserver son commerce.
Il propose à son employé Pierre Vigneau de sauver les apparences. Pendant que lui vivra dans la cave comme un rat, évocation porteuse de symbole des nazis, son employé donnera le change et fera prospérer son commerce par son précieux talent que lui procurent ses mains et sa créativité, accompagné par le réconfort, le soutien, de son épouse Isabelle.
Pierre Vigneau prend un très grand risque qui ne va pas sans contrepartie, guerre oblige.
La nature humaine émerge toujours sa tête de l’eau, mais dans quel état !?
Chassez le naturel, il revient au galop.
En quelque sorte un pari gagnant gagnant, mais jusqu’où la fable peut-elle en tirer sa morale ?
Faut-il pactiser avec le diable ou préserver son intégrité : être irréprochable ?
Jusqu’où le courage peut-il être notre fierté ?
Dans une sobriété salvatrice, tant dans le jeu, que dans les décors de Caroline Mexme ou encore dans les costumes de Virginie H, Jean-Philippe Daguerre qui m’avait cueilli, fasciné avec sa dernière pièce « La famille Ortiz », m’a une nouvelle fois bouleversé avec son histoire aux dialogues ciselés où la gratuité n’a pas sa place.
Il a le sens du rythme sans forcer le trait, il dirige ses comédiens dans un jeu naturel aux couleurs généreuses qui vont droit à l’essentiel.
Il sait faire travailler notre imagination bien que cette histoire repose sur des faits réels.
Un pari gagné dans cette immense salle du Châtelet où l’émotion a grimpé jusqu’aux fauteuils du premier balcon.
Pour interpréter cette pièce magnifique, il fallait une troupe unie, à la hauteur de la puissance des dialogues, des situations. Ils ont trouvé le juste équilibre sans tomber dans un discours aux accents pathétiques qui auraient nui à sa réception. Ils sont tout simplement au service d’un auteur, d’un texte, sans chercher à se tirer la couverture sur un quelconque jeu qui aurait pu détruire l’édifice.
Alexandre Bonstein, Monsieur Haffmann, Grégory Baquet, Pierre Vigneau et Julie Cavanna, Isabelle Vigneau, forment ce trio au jeu émouvant, intelligent, dépouillé, efficace, qui nous prend aux tripes, sans nous lâcher jusqu’à la dernière réplique.
Cet équilibre est bouleversé par l’apparition d’Otto Abetz et de son épouse, qui fut l’ambassadeur d’Allemagne à Paris pendant la seconde guerre mondiale, francophile, ancien professeur d’art, mais qui malheureusement pour les juifs fut fasciné par la personnalité d’Hitler et sa barbarie.
Franck Desmedt est glaçant de vérité dans ce rôle où l’ironie présente nous conduit à sourire, à rire. Ce comédien me fascinera toujours par sa présence sur scène où dans chaque rôle qu’il interprète, il donne vie au personnage d’une façon inventive, fulgurante.
Il est accompagné par Charlotte Matzneff, qui est remarquable de drôlerie dans son rôle de femme insouciante à la bêtise mesurée.
Sans oublier « La femme assise » d’Henri Matisse dans son rôle muet mais tout aussi important dans l’intrigue.
Une pièce à ne manquer sous aucun prétexte !
Un pacte réciproque passé entre un patron juif empêché de travailler par les événements politiques et son employé qui accepte de le cacher moyennement un service.
Le contexte historique est évoqué avec intelligence.
Les acteurs sont tous formidables.
L’histoire n’est pas triste, surtout pas ennuyeuse, on ressent la tension que devaient éprouver les gens a l’époque: la peur, l’envie de survivre, bref c’est un très bon spectacle à voir absolument.
Le sujet est grave et traité sans détour, la mise en scène est originale et bien rythmée, les acteurs sont parfaits dans leur rôle, les décors minimalistes mais très imagés; nous avons eu la chance d'y être le soir où le metteur en scène est lui même acteur.
Allez-y vite, c'est un grand moment !
Comme on me l’avait conseillé à plusieurs reprises, j’y suis allée en y emmenant ma maman qui n’est pas très théâtrophile... Et on a toutes les deux adoré ! On a trouvé la pièce bien écrite, subtile avec des personnages profonds. Ils ont tous une personnalité complexe où l’on sent qu’à certains moments ils vont basculer et que l’on est au bord d’une rupture.
Une pièce à aller voir !
Jean-Philippe Daguerre fait ici montre de son talent pour l’écriture et la mise en scène de ce joyaux. Dialogues ciselés, tempo d’une précision d’horloger, sertissage minutieux des jeux des comédiens de ce « diamantaire ». Dans un écrin minimaliste pour servir et sublimer l’interprétation des comédiens, Jean Philippe Daguerre s’attache à traiter les questions délicates et profondes dans le plus parfait dosage de la profondeur et de l’humour satirique :
– Comment garder son âme ?
– Peut-on pactiser avec le mal ?
– Comment ne pas trahir celui qui vous a tout donné ?
– Comment aimer l’enfant d’un autre ?
– Comment ne pas céder à la peur, à la jalousie morbide ?