Critiques pour l'événement Une Vie
Du Pascal Rambert avec ce que j'adore et ce que je déteste.
Ce qui reste une expérience assez étourdissante. Mise en scène parfaite, comédiens au sommet, et encore un texte qui nous emporte loin, nous perd, nous agace, nous retient, nous reprend, nous émeut, et au final laisse un goût indéfinissable.
Le théâtre de Pascal Rambert est unique. Il faut le voir et l'entendre. Ce n'est pas lisse, c'est comme la vie, et ça mérité d'être vécu.
Ce qui reste une expérience assez étourdissante. Mise en scène parfaite, comédiens au sommet, et encore un texte qui nous emporte loin, nous perd, nous agace, nous retient, nous reprend, nous émeut, et au final laisse un goût indéfinissable.
Le théâtre de Pascal Rambert est unique. Il faut le voir et l'entendre. Ce n'est pas lisse, c'est comme la vie, et ça mérité d'être vécu.
Les comédiens au pouvoir
Les créations proposées au Vieux Colombier sont toujours assez surprenantes. Des logorrhées trop lourdes qui pêchent par excès de zèle littéraire mais par chance, le jeu des comédiens rattrape toujours les propositions. C'est le cas encore ici. Beaucoup trop de phrases trop longues et pas toujours très intéressantes, de silences. Il faut bien se concentrer sur le texte pour éviter de sombrer dans le sommeil. C'est d'autant plus difficile lorsque les gens qui vous entourent n'arrêtent pas de piquer du nez.
Je reste le regard dirigé vers la scène où des comédiens d'exception pratiquent leur art avec talent. L'artiste est interprété par l'excellent Denis Podalydès qui transforment tout ce qu'il touche en quelque chose de fabuleux. Il devient cet artiste détestable joué avec une justesse incroyable. Tout comme le frère, jaloux et frustré, campé avec folie par Alexandre Pavloff, qui tranche avec tous les autres jeux. Il occupe tout l'espace avec empressement, colère et désespoir. Une incroyable prestance qui donne au personnage son authenticité. Et enfin, j'ai adoré le calme et sa présence tranquille de Hervé Pierre. Il a une voix très agréable qui doit être génial à entendre à la radio.
Pascal Rambert le dit : « je n’écris pas sur la vie privée des acteurs, j’écris pour leur voix, leur corps, leur énergie, précise-t-il, ce sont des êtres humains, pas des personnages de papier ».
Une mise en scène originale
C'est dans un studio d'enregistrement que se déroule l'histoire. Les murs d'isolations sont blancs et l'espace est assez bien délimité. Une porte de sortie avec une lumière rouge pour indiqué que c'est en enregistrement, un espace où doit être les techniciens pour la diffusion, une bonbonne d'eau, un grand canapé de coin en cuir, une grande table avec cinq sièges style année 70. Tout s'articule dans cet espace très grand.
Les actions sont ponctuées par un excellent jeu de lumière. Au dessus de la scène une dizaine de grosses lumières avec des filtres devant qui vont monter et descendre selon les besoins. Leur effet de mouvement est assez impressionnant visuellement. En plus, les couleurs vont changer selon les moments du passé qui vont être explorés avec du rouge ou du vert. Un magnifique travail de Yves Godin. Qui se complète très bien avec celui d'Alexandre Meyer qui lui a crée l'univers sonore souvent assez discret. Parfois le silence, puis en tendant l'oreille un son lointain est présent, récurent, qui impose le tragique à la situation.
Malgré un texte assez pompeux le travail des comédiens est extraordinaire et donne tout l'intérêt à la pièce. Les 1h50 passent plus vite et l'immersion dans le monde fou de l'artiste est plus directe.
Les créations proposées au Vieux Colombier sont toujours assez surprenantes. Des logorrhées trop lourdes qui pêchent par excès de zèle littéraire mais par chance, le jeu des comédiens rattrape toujours les propositions. C'est le cas encore ici. Beaucoup trop de phrases trop longues et pas toujours très intéressantes, de silences. Il faut bien se concentrer sur le texte pour éviter de sombrer dans le sommeil. C'est d'autant plus difficile lorsque les gens qui vous entourent n'arrêtent pas de piquer du nez.
Je reste le regard dirigé vers la scène où des comédiens d'exception pratiquent leur art avec talent. L'artiste est interprété par l'excellent Denis Podalydès qui transforment tout ce qu'il touche en quelque chose de fabuleux. Il devient cet artiste détestable joué avec une justesse incroyable. Tout comme le frère, jaloux et frustré, campé avec folie par Alexandre Pavloff, qui tranche avec tous les autres jeux. Il occupe tout l'espace avec empressement, colère et désespoir. Une incroyable prestance qui donne au personnage son authenticité. Et enfin, j'ai adoré le calme et sa présence tranquille de Hervé Pierre. Il a une voix très agréable qui doit être génial à entendre à la radio.
Pascal Rambert le dit : « je n’écris pas sur la vie privée des acteurs, j’écris pour leur voix, leur corps, leur énergie, précise-t-il, ce sont des êtres humains, pas des personnages de papier ».
Une mise en scène originale
C'est dans un studio d'enregistrement que se déroule l'histoire. Les murs d'isolations sont blancs et l'espace est assez bien délimité. Une porte de sortie avec une lumière rouge pour indiqué que c'est en enregistrement, un espace où doit être les techniciens pour la diffusion, une bonbonne d'eau, un grand canapé de coin en cuir, une grande table avec cinq sièges style année 70. Tout s'articule dans cet espace très grand.
Les actions sont ponctuées par un excellent jeu de lumière. Au dessus de la scène une dizaine de grosses lumières avec des filtres devant qui vont monter et descendre selon les besoins. Leur effet de mouvement est assez impressionnant visuellement. En plus, les couleurs vont changer selon les moments du passé qui vont être explorés avec du rouge ou du vert. Un magnifique travail de Yves Godin. Qui se complète très bien avec celui d'Alexandre Meyer qui lui a crée l'univers sonore souvent assez discret. Parfois le silence, puis en tendant l'oreille un son lointain est présent, récurent, qui impose le tragique à la situation.
Malgré un texte assez pompeux le travail des comédiens est extraordinaire et donne tout l'intérêt à la pièce. Les 1h50 passent plus vite et l'immersion dans le monde fou de l'artiste est plus directe.
J’ai eu très peur au début du spectacle. On se retrouve dans la cabine d’enregistrement d’une émission de radio où un critique (Hervé Pierre) interroge un artiste (Denis Podalydès), dont on comprend rapidement qu’il peint des portraits mais également des sexes. Le chroniqueur cherche à s’immiscer dans la vie plus personnelle de l’artiste, qui ne laissera pas le critique prendre la main sur l’émission. Bien au contraire, c’est lui qui construira la suite, en évoquant des souvenirs, des personnages marquants de sa vie, de sa mère à sa première liaison en passant par son frère et son meilleur ami.
J’ai eu très peur parce que cette première scène est un condensé de ce que je peux reprocher à Pascal Rambert. L’affrontement en les deux personnages – que les comédiens tentent de sauver autant qu’ils le peuvent – est vite lassante, et pour cause. Cette espèce de « fausse philosophie » que j’avais déjà haïe lors de Répétition s’insinue peu à peu dans ce début de spectacle et je me sentais sombrer vers d’autres cieux lorsque le propos évolue quelque peu : un autre personnage entre. Le premier monologue – car Rambert fonctionne beaucoup en monologues, mais j’y reviendrai après – est incarné par Cécile Brune qui nous prend aux tripes dans son personnage de mère énigmatique mais également de femme intemporelle. Après une entrée plutôt bouillonnante, les lumières rosissent et l’atmosphère se détend : un magnétisme s’instaure entre l’actrice et le spectateur.
Malheureusement, la comédienne qui suit n’a pas la présence de Cécile Brune et le tableau suivant s’avère être un véritable supplice pour moi. Pis encore que Rambert, c’est le combo Decker-Rambert : non seulement le texte n’est pas intéressant, mais en plus il est mal dit. Jennifer Decker braille, mes poils se hérissent, et je me retrouve à me tortiller de malaise sur mon fauteuil. Heureusement, Alexandre Pavloff reprend la main dans un monologue totalement possédé, âcre presque démoniaque. Si le propos est facile – cet homme tombé dans le fanatisme après des frustrations sexuelles, c’est un plaisir non dissimulé de retrouver un Alexandre Pavloff saisissant de démence et d’acidité, auxquels s’ajoute un malheur palpable à travers le regard bien plus qu’au moyen des mots. Pour le dernier monologue, on retrouve un Pierre Louis-Calixte à la partition plus terre-à-terre et plus monolithique, plutôt attendue : ce meilleur ami que tout oppose au peintre, ce diable de la tentation, devrait détonner mais finit par ennuyer.
Malgré un bilan plus mitigé que la première fois, l’auteur commet à mon sens plusieurs erreurs plutôt gênantes : d’abord, la première partie est bien trop polluée par des histoires de sang, de sperme, de chatte, et de jouissance – cherche-t-il à choquer, à interpeller, ou a-t-il encore quelque chose à régler de ce côté-là ? Ensuite, il faut reconnaître que la scène finale qui réunit les différents personnages est plutôt bien construite ce qui entraîne néanmoins deux critiques de ma part : d’abord, c’est plutôt dommage que Rambert se borne à écrire ses pièces comme des suites de monologues (en tout cas en majorité) alors qu’il nous montre qu’il n’est pas si mauvais sur des dialogues. Ensuite, bien que la scène soit plutôt intéressante, il faut reconnaître qu’elle n’a rien à faire ici : à titre d’exemple, le personnage de la mère, qui sort à la manière d’un fantôme qui retournerait dans les Limbes lors de l’un des premiers tableaux, se retrouve ici en train de hurler sur tout le monde ? Étrange.
J’ai eu très peur parce que cette première scène est un condensé de ce que je peux reprocher à Pascal Rambert. L’affrontement en les deux personnages – que les comédiens tentent de sauver autant qu’ils le peuvent – est vite lassante, et pour cause. Cette espèce de « fausse philosophie » que j’avais déjà haïe lors de Répétition s’insinue peu à peu dans ce début de spectacle et je me sentais sombrer vers d’autres cieux lorsque le propos évolue quelque peu : un autre personnage entre. Le premier monologue – car Rambert fonctionne beaucoup en monologues, mais j’y reviendrai après – est incarné par Cécile Brune qui nous prend aux tripes dans son personnage de mère énigmatique mais également de femme intemporelle. Après une entrée plutôt bouillonnante, les lumières rosissent et l’atmosphère se détend : un magnétisme s’instaure entre l’actrice et le spectateur.
Malheureusement, la comédienne qui suit n’a pas la présence de Cécile Brune et le tableau suivant s’avère être un véritable supplice pour moi. Pis encore que Rambert, c’est le combo Decker-Rambert : non seulement le texte n’est pas intéressant, mais en plus il est mal dit. Jennifer Decker braille, mes poils se hérissent, et je me retrouve à me tortiller de malaise sur mon fauteuil. Heureusement, Alexandre Pavloff reprend la main dans un monologue totalement possédé, âcre presque démoniaque. Si le propos est facile – cet homme tombé dans le fanatisme après des frustrations sexuelles, c’est un plaisir non dissimulé de retrouver un Alexandre Pavloff saisissant de démence et d’acidité, auxquels s’ajoute un malheur palpable à travers le regard bien plus qu’au moyen des mots. Pour le dernier monologue, on retrouve un Pierre Louis-Calixte à la partition plus terre-à-terre et plus monolithique, plutôt attendue : ce meilleur ami que tout oppose au peintre, ce diable de la tentation, devrait détonner mais finit par ennuyer.
Malgré un bilan plus mitigé que la première fois, l’auteur commet à mon sens plusieurs erreurs plutôt gênantes : d’abord, la première partie est bien trop polluée par des histoires de sang, de sperme, de chatte, et de jouissance – cherche-t-il à choquer, à interpeller, ou a-t-il encore quelque chose à régler de ce côté-là ? Ensuite, il faut reconnaître que la scène finale qui réunit les différents personnages est plutôt bien construite ce qui entraîne néanmoins deux critiques de ma part : d’abord, c’est plutôt dommage que Rambert se borne à écrire ses pièces comme des suites de monologues (en tout cas en majorité) alors qu’il nous montre qu’il n’est pas si mauvais sur des dialogues. Ensuite, bien que la scène soit plutôt intéressante, il faut reconnaître qu’elle n’a rien à faire ici : à titre d’exemple, le personnage de la mère, qui sort à la manière d’un fantôme qui retournerait dans les Limbes lors de l’un des premiers tableaux, se retrouve ici en train de hurler sur tout le monde ? Étrange.
C'est l'avis !
Ça partait d'une bonne idée. Lors d'une interview, un artiste se souvient de sa vie passée, se rappelle et rappelle à la vie les êtres chers qui ont marqué son existence et de ce fait son œuvre. Seulement voila, ce qui aurait pu être beau est saboté par des monologues longs et verbeux qui perdent le spectateur dans les méandres d'un fleuve pas tranquille.
« La vie est une longue phrase peu ponctuée, mais avec beaucoup de parenthèses. » Robert Sabatier
Ça partait d'une bonne idée. Lors d'une interview, un artiste se souvient de sa vie passée, se rappelle et rappelle à la vie les êtres chers qui ont marqué son existence et de ce fait son œuvre. Seulement voila, ce qui aurait pu être beau est saboté par des monologues longs et verbeux qui perdent le spectateur dans les méandres d'un fleuve pas tranquille.
« La vie est une longue phrase peu ponctuée, mais avec beaucoup de parenthèses. » Robert Sabatier
Au prétexte d’une émission de radio, un célèbre artiste-peintre se prête volontiers à une interview à laquelle il est invité par un critique d’art très connu. Il se livre et se délivre.
Les questions incisives cherchent les liens entre la vie et l’œuvre. Souvent coupées par la verve fougueuse de l’invité, ces questions rencontrent la passion et la radicalité. Il semble que l’autorité socialement reconnue du peintre en matière artistique fusionne avec une sorte de quête de domination de chaque instant. Comme pour échapper à la peur de se voir dans ce qu’il dit, au risque de trop parler et au désir dangereux d’être découvert.
Réalité du présent et fantômes du passé se croisent sur le plateau. Pour évoquer sa vie, il convoque les personnages de son histoire. Sa mère, son amante, lui-enfant, son frère et son ami d’enfance interviennent pour hanter avec force ses propos.
Le récit provoque. Nous voyageons, tout le temps de l’émission-spectacle, dans les rappels fulgurants de la mémoire et les pulsions soudaines de l’inconscient qui surgit. Nous nous laissons prendre à son écoute, à l’urgence de dévoiler les sources qui fondent et nourrissent son inspiration et sa sensibilité depuis l’enfance.
L’écriture de Pascal Rambert, sa scénographie et sa mise en scène paraissent jongler avec la précision des mots et leurs florilèges d’associations, les concepts existentiels, les émotions vives et les doutes meurtris.
La scène éclaire le discours autant que celui-ci la guide.
Beaucoup de rhétorique et de dialectique rendent le texte exigeant et pesant. Par des redondances et des accentuations, des mélopées éthérées et des répliques ciselées, des silences et des regards.
Un théâtre d’acteurs et « un théâtre pour les acteurs » avant tout, qui ne peuvent que se régaler d’avoir à défendre ce texte proche de la performance, que Rambert a écrit pour chacun d’entre eux.
Les sujets traités traversent la vie de l’artiste et son art mais aussi le théâtre, souvent pointé avec un sourire en coin, et la critique d’art, aimablement égratignée pour lui donner sa place ou la remettre.
Les comédiens de la Troupe, sublimes, nous subjuguent. Cécile Brune, Denis Podalydès, Alexandre Pavloff, Hervé Pierre, Pierre-Louis Calixte, Jennifer Decker (et un enfant) nous envoutent de leurs charmes, nous transportent de bout en bout. Ils offrent leur sincérité et leur précision à cette pièce pour lui donner les saveurs et les couleurs d’une introspection spectaculaire.
Une expérience théâtrale impressionnante qui fait appel à une attention soutenue du spectateur, où l’ennui se perd parmi l’intensité et la tension de plusieurs moments uniques par leur superbe.
Les questions incisives cherchent les liens entre la vie et l’œuvre. Souvent coupées par la verve fougueuse de l’invité, ces questions rencontrent la passion et la radicalité. Il semble que l’autorité socialement reconnue du peintre en matière artistique fusionne avec une sorte de quête de domination de chaque instant. Comme pour échapper à la peur de se voir dans ce qu’il dit, au risque de trop parler et au désir dangereux d’être découvert.
Réalité du présent et fantômes du passé se croisent sur le plateau. Pour évoquer sa vie, il convoque les personnages de son histoire. Sa mère, son amante, lui-enfant, son frère et son ami d’enfance interviennent pour hanter avec force ses propos.
Le récit provoque. Nous voyageons, tout le temps de l’émission-spectacle, dans les rappels fulgurants de la mémoire et les pulsions soudaines de l’inconscient qui surgit. Nous nous laissons prendre à son écoute, à l’urgence de dévoiler les sources qui fondent et nourrissent son inspiration et sa sensibilité depuis l’enfance.
L’écriture de Pascal Rambert, sa scénographie et sa mise en scène paraissent jongler avec la précision des mots et leurs florilèges d’associations, les concepts existentiels, les émotions vives et les doutes meurtris.
La scène éclaire le discours autant que celui-ci la guide.
Beaucoup de rhétorique et de dialectique rendent le texte exigeant et pesant. Par des redondances et des accentuations, des mélopées éthérées et des répliques ciselées, des silences et des regards.
Un théâtre d’acteurs et « un théâtre pour les acteurs » avant tout, qui ne peuvent que se régaler d’avoir à défendre ce texte proche de la performance, que Rambert a écrit pour chacun d’entre eux.
Les sujets traités traversent la vie de l’artiste et son art mais aussi le théâtre, souvent pointé avec un sourire en coin, et la critique d’art, aimablement égratignée pour lui donner sa place ou la remettre.
Les comédiens de la Troupe, sublimes, nous subjuguent. Cécile Brune, Denis Podalydès, Alexandre Pavloff, Hervé Pierre, Pierre-Louis Calixte, Jennifer Decker (et un enfant) nous envoutent de leurs charmes, nous transportent de bout en bout. Ils offrent leur sincérité et leur précision à cette pièce pour lui donner les saveurs et les couleurs d’une introspection spectaculaire.
Une expérience théâtrale impressionnante qui fait appel à une attention soutenue du spectateur, où l’ennui se perd parmi l’intensité et la tension de plusieurs moments uniques par leur superbe.
Dans le même genre
Les avis de la rédaction