Critiques pour l'événement Les témoins
26 oct. 2019
7/10
7
C’est un spectacle prenant et angoissant car tellement proche de la vérité et de ce qui nous attend dans les années à venir.

Le texte est plutôt bien écrit et le spectacle a du rythme (malgré quelques longueurs, cela aurait gagné à être resserré avec une demi heure de moins...). La mise en scène est intéressante avec un bon enchaînement des scènes et l’écran qui projette le contenu éditorial du journal est bien trouvé et fonctionne bien.

En revanche, le décor qui se détruit au fur et à mesure que la situation se dégrade est inutile et repose sur un procédé assez éculé et surtout les comédiens n’ont pas trouvé d’autre moyen d’exprimer leur angoisse et leur stress que de hurler... il y avait sûrement moyen de jouer cela avec plus de finesse.

L’ensemble du spectacle et son message y auraient fortement gagné !
25 oct. 2019
7/10
11
« Les Témoins » de et mise en scène par Yann Reuzeau à la Manufacture des Abbesses est une fable politique dont les témoins sont sous le choc à l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite, telle est son nom.

Et si c’était vrai…pour reprendre le célèbre titre d’un roman à grand succès. Seulement nous ne jouons pas dans la même cour. D’une histoire d’amour nous plongeons dans les abysses de ce qui va devenir la terreur. Ce que tout le monde redoute depuis des décennies et qui finit malheureusement par arriver.
Un épisode de la vie politique qui se concrétise sournoisement.
Manquerions-nous de vigilance, ou le souhaitons-nous ?
Etre témoins certes mais jusqu’à quel point ?

Les témoins de cette histoire sont journalistes et travaillent au sein d’un journal ayant une ligne éditoriale intègre et professionnelle : aucune publicité, juste une subvention de la valeur de quelques cacahuètes.
Dans un décor de Goury qui va « évoluer » à la montée du chaos, annonçant sa chute, nos journalistes vont devoir traiter l’information comme elle se doit, avec du recul, mais sans pour autant « rester neutres ». Et c’est là que le bas blesse, comment rester intègre et s’engager ? N’est-ce pas le but d’un journal de se positionner ? Est-il possible de rester dans l’ombre de ses convictions, ou faut-il les crier au grand jour ?
Ces journalistes sont aussi en quelque sorte des représentants du peuple et dans ce cas précis comment réagirions-nous ? Quelle serait notre position ? Collaborer ou entrer en résistance ? La neutralité c’est pour les « Suisses ».
Pour crier, nos journalistes en connaissent un rayon, ce qui est un paradoxe. Ne sont-ils pas censé montrer l’exemple de la communication, du débat ? Au lieu de cela, toutes conférences de presse ne sont que cris, vociférations, ils ne savent se répandre qu’en invectives.
Ce qui je dois l’avouer m’a un peu perturbé pendant le déroulement de la montée en puissance du nouveau Président de la République, un dictateur en herbe, à en perdre le fil de temps en temps.
Un homme qui comme sa définition l’exprime, n’a qu’un seul but : exercer son pouvoir tout seul.
Et pour cela il lui faut museler tous les médias, en contrôlant par exemple la presse, la télévision, internet et ses satellites comme Twitter et Facebook.
Priver de liberté, des libertés tous ceux qui ne sont pas dans la même ligne que le nouveau parti au pouvoir.
Rappelons-nous ce qu’un certain George Moustaki chantait : « Ma liberté, longtemps je t’ai gardée, comme une perle rare, ma liberté… ». Penser c’est bien, agir c’est mieux.

Ce sont donc six journalistes qui sont autour de la table de conférence avec à sa tête Catherine, la rédactrice en chef adjointe, une femme de poigne, qui tente de garder un semblant d’unité à l’arrivée du chaos inéluctable. Un chaos qui s’orchestre sous nos yeux alimentés avec un écran vidéo de Mathieu Morelle déversant en continu son lot d’informations.
Parallèlement, en couple depuis huit ans avec le rédacteur en chef Eric, elle nous offre sa rupture sur un plateau. D’autres saynètes de ce genre viendront alimenter la vie trépidante, explosive, de cette rédaction.
Le chaos arrive mais la vie de tous les jours se poursuit tant bien que mal avec ses déboires qu’ils soient sentimentaux, parentaux ou autres : c’est la vie !
Viennent se greffer des sujets éditoriaux comme un projet d’action terroriste d’un groupuscule écologique, une histoire d’espionnage industrielle ou encore une supposée exécution d’un agent français par une puissance étrangère liée au nouveau président.

Autant de sujets qui gravitent autour de l’élection, de son développement, et qui donnent de l’épaisseur à l’intrigue.
Avec force et conviction Frédéric Andrau, Marjorie Ciccone, Frédérique Lazarini, Morgan Perez, Tewfik Snoussi et Sophie Vonlanthen, donnent vie à ces personnages saisissants de vérité qui doivent se regarder dans le miroir et prendre la décision qui convient à « leurs survies ».
Yann Reuzeau avec passion a mis en scène sa pièce très bien écrite comme les battements d’un cœur qui s’emballe jusqu’à l’asphyxie, jusqu’à la chute !

Devant une salle comble, conquise, s’est déroulée sous nos yeux et nos oreilles édifiés, cette histoire glaçante…Et si c’était vrai…
13 oct. 2019
7,5/10
5
Avec ses 130 minutes, "Les Témoins" dépasse la longueur habituelle d'une pièce sans entracte (et tant pis pour les vessies les plus faibles...). C'est du théâtre politique, c'est engagé, le texte est dense, il faut suivre, et pour moi, c'est un compliment. L'utilisation de l'écran vidéo, d'autres l'ont signalé, est plus qu'astucieuse.

C'est bien rythmé, bien joué. Ceci dit, ça crie, ça s'engueule et ça s'agite beaucoup, et cela devient un peu lassant à la longue. A mon avis, la pièce aurait gagné sur tous les plans avec quelques passages plus calmes, plus posés, des dialogues plus étoffés, donnant un peu de répit au spectateur. C'est quand même une belle réussite.
23 sept. 2019
8,5/10
28
Nous ne pourrons pas dire que nous n'étions pas prévenus !

Yann Reuzeau a décidé de continuer à nous plonger dans une politique fiction engagée et assumée en tant que telle ! Comme il a bien fait !

Avec Les Témoins, il prolonge en quelque sorte une précédente création, Chute d'une Nation, dans laquelle il montrait l'accession au pouvoir d'un président de la République d'extrême-droite.
Aujourd'hui, ce président-là est aux manettes.
Et tout va très vite s'enchaîner...

L'auteur va nous faire vivre par le biais d'un épatant prisme les méthodes fascistes, les dérives anti-républicaines du nouveau pouvoir en place.

Ce prisme, c'est la rédaction d'un journal, Les Témoins, un organe de presse reconnu, indépendant des groupes financiers et publicitaires.
Un journal dont la ligne éditoriale tente d'être la plus objective possible, et qui refuse toute prise de position, toute orientation. (Juste une petite question : est-ce réellement possible, sans tomber dans le syndrome « cinquante lignes pour Hitler, cinquante lignes pour les juifs » ? Parfois, souvent, il faut se positionner.... Le débat est ouvert...)

Sera-t-il possible pour les journalistes de cette rédaction intègre de garder cette ligne éditoriale-là ?
Pourront-ils préserver leur éthique sans que leur journal devienne un organe partisan ?
Comment survivre professionnellement de façon intègre avec la suspension probable des subventions à la presse et sans rentrées publicitaires ?
C'est à cette question que nous allons être confrontés durant les deux heures que dure ce spectacle.

Yann Reuzeau a passé du temps à la rédaction de Libé. Il a pu côtoyer cette instance au cours de laquelle se décide le contenu du journal. Il a donc pu témoigner du fonctionnement, et surtout de la façon démocratique (ou non...) qu'ont les membres de la conf' de s'exprimer, de pousser en avant leurs arguments...

A cet égard, tous les comédiens sont parfaits.
Ils vont de façon très subtile incarner des positionnements personnels face à l'arrivée de la peste brune au pouvoir, ainsi que les tensions associées.

Tout ceci va se mêler aux enquêtes en cours, et ce qui devait arriver arrive.
Intimidations en tous genres, perquisitions, violences par le pouvoir en place.

Bien entendu, et c'est la force d'une entreprise dramaturgique réussie, les principes de distanciation, d'identification et de catharsis vont fonctionner ici pleinement. Résonne en chacun des spectateurs des interrogations fondamentales : « comment me positionnerais-je moi, comment réagirais-je, que serais-je prêt à supporter, à quel moment dénoncerais-je cet insupportable-là ? »

L'auteur est son propre metteur en scène.
La scénographie, très réussie est basée sur la progression du chaos. Le chaos politique et le chaos à la rédaction...
La destructuration du décor fonctionne très bien. Je n'en dis pas plus...

Trois espaces de jeu sont utilisés. La salle de conférence de rédaction avec une importante table se trouve au centre du plateau.
Au mur, un écran, qui va reproduire la une électronique des Témoins.
Il faut mentionner le très beau travail graphique de Mathieu Morelle qui a conçu une charte et une interface complète.

A cour et à jardin, des espaces restreints, dans lequel les actions « hors-journal » se déroulent.

Six comédiens incarnent donc ces journalistes. Mais pas que.
D'autres personnages, que je vous laisse découvrir, interviennent tout au long de ces deux heures. Nous ne sommes jamais perdus.
Tous sont totalement justes et crédibles.
C'est un vrai bonheur de les voir interpréter ces rôles tendus, profonds, graves, parfois violents.

Voici donc un très beau moment de théâtre.
Une fiction.
Que personnellement, je ne souhaite pas voir, mais alors pas du tout, se réaliser.
Le théâtre de Yann Reuzeau nous confronte de façon implacable à nos peurs sociétales.
Oui, je me répète : nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas ce qui pourrait arriver !
Le feuilleton théâtrale "La chute d'une nation" qui racontait une campagne électorale qui voyait l'élection surprise d'un président d'extrême droite avait enthousiasmé le public il y a quelques années. Yann Reuzeau nous propose la suite, vu du côté du monde du journalisme. Quelle liberté d'expression dans un pays où le nouveau président se méfie des médias ? Passionnant.

Au soir de l'élection présidentielle qui a porté l'extrême droite au pouvoir c'est le choc au sein de la rédaction de "Les Témoins", média en ligne qui prône un journalisme d'investigation indépendant. Eric, rédacteur en chef, est en état de sidération que renforce la dépression qu'il subit depuis des semaines. Anna évoque la peur de devenir paranoïaque face à ce nouveau pouvoir qui n'a pas caché sa méfiance vis-à-vis de la presse. Romain est absent. Ses collègues craignent pour sa sécurité alors que des émeutes urbaines éclatent et que l'on a lancé le macabre décompte des blessés et des morts. Hassan est dans l'expectative tandis que Catherine, cofondatrice du journal se demande quelle attitude adopter pour continuer à exister dans ce nouveau paysage politique sans perdre l'intégrité et l'éthique qui sont la ligne de la rédaction.

Inutile d'avoir vu "La chute d'une nation" pour se laisser entraîner dans les interrogations de "Les Témoins". L'écriture dynamique de Yann Reuzeau nous interpelle sur la liberté de la presse, les compromissions avec le pouvoir. Il s'interroge sur ce que pourrait être l'information dans une société qui sombre dans la dictature. Politique fiction, analyse des dérives d'un système : sommes-nous totalement dans la fiction ? Sommes-nous assez vigilants ? Pouvons-nous rester indifférents ? A l'heure des fake-news, de la prolifération des réseaux sociaux, de l'information 24h/24h quels sont nos garde-fous ?

La scénographie place le cœur de l'action au sein du comité de rédaction du média. Des lignes au sol et en fond de scène délimitent cet espace de réflexion, de discussion, tout en enfermant cette rédaction qui est plongée dans la tourmente et qui se désagrège comme les individus qui l'occupent. Ce centre laisse sur les deux côtés de l'espace pour les scènes extérieures. La mise en scène dynamique permet de passer avec fluidité d'une scène à l'autre, dans un schéma qui fait penser au montage de séries télé. Un écran en fond de scène est utilisé avec intelligence, miroir de la page internet du site des Témoins, déroulant en direct le fil d'une actualité mouvante, inquiétante.

La mise en scène, couplée à cette scénographie, nous entraîne dans un récit captivant, haletant, parfois sidérant. Les comédiens et comédiennes qui pour la plupart faisaient déjà partie de l'aventure de "La chute d'une nation" captent notre attention, nous touchent par leur questionnement, leurs doutes, leurs dilemmes, leurs batailles intérieures, leur cheminement intellectuel. On espère qu'il y aura une suite !

En bref : "Les Témoins" nous questionne sur la liberté de la presse et son rapport avec le pouvoir. En nous plongeant dans le chaos d'une élection électorale à l'issue aussi inattendue que déroutante Yann Rézeau nous présente une fiction politique criante de vérité. Même si vous n'avez pas vu "Chute d'une nation" ne passez pas à côté de ce spectacle fascinant.

C’est la première pièce quej’ai vue depuis la rentrée et je dois dire qu’elle m’a beaucoup marqué. Votre critique restitue bien ce qui a été proposé et pourquoi.

1
Dimanche 20 octobre 2019
21 sept. 2019
9/10
5
In a Galaxy far far away….

Non, je me trompe d’échelle de distance, dans un pays pas si éloigné du notre physiquement et temporellement, l’extrême droite arrive au pouvoir. Aussitôt, à la rédaction du journal Les Témoins, on sent que les choses vont changer : la liberté de la presse est menacée….

Yann Reuzeau livre ici la suite attendue de ‘Chute d’une nation’ et pourtant cet opus peut être découvert sans avoir vu les précédents.

Disons-le de suite, cette pièce est glaçante et à plus d’une titre : elle me semble terriblement réaliste et toutes les dérives qui se produisent ont un petit gout angoissant car elles semblent réalisables.

La mise en tension est immédiate grâce à un texte très bien écrit qui ne tombe pas dans la caricature, ni même dans les clichés.

J’ai beaucoup aimé le plateau divisé en plusieurs espaces : la salle de rédaction et son ambiance électrique d’une part, et la une du site du journal et les articles en construction des journalistes apparaissant sur un écran d’autre part.

La salle de presse, véritable champ de bataille et terrain d’affrontements des différentes factions qui s’opposent, au point que le décor en pâtira au fur et à mesure.(J’ai adoré cette idée)

Sophie Vonlanthen campe Catherine la rédactrice en chef adjointe qui tente de conserver l’unité de son équipe avec une force impressionnante, elle est troublante d’humanité. Elle est entourée d’une équipe de comédiens de choc, chacun jouant plusieurs rôles. Mention spéciale pour Frédérique Lazarini. Mais l’ensemble des comédiens sont superbes.
Alors ?
"L'extrême droite prend le pouvoir, la presse vacille" mentionne l'affiche du spectacle Les témoins. Une telle accroche ne laisse pas de place au doute sur l'intention de la pièce de Yann Reuzeau.

Le candidat d'extrême droite, Thomas Mérendien, vient d’être élu président de la République. Stupeur dans la salle de rédaction où certains peinent à trouver les mots. Les témoins n'est pas le relais d'un journalisme d'opinion mais la frontière peut vite être franchie. L'intéressé ne se présentera pas mais son ombre planera tout le long de ces deux heures de représentation. Les journalistes ne parviennent pas à rester unis et chacun opte pour une stratégie ou une voie différente. Cette pluralité a le mérite d'interroger le spectateur sur sa propre réaction dans cette situation. Les enquêtes sont toujours menées de front au risque de faire affront au pouvoir.

La montée en tension est immédiate et peut-être trop maintenue. En effet, les comédiens semblent avoir eu pour consigne "criez tant que vous le pouvez, avant qu'il ne soit trop tard". Le texte est heureusement très bien écrit et offre quelques répliques cocasses, ainsi que des pistes de réflexion fondamentales sur le métier de journaliste. Les femmes dans cette pièce ont de la poigne (quel bonheur !).

A ce titre, j'ai été séduite par le jeu de Sophie Vonlanthen. Le plateau est malmené et accentue le registre déjà dramatique de la pièce mais l'effet est tout de même saisissant. Impossible de ne pas évoquer le dispositif utilisé pour diffuser le journal en ligne : un écran au fond de la salle projette le site internet. C'est brillant de réalisme.
1 sept. 2019
7,5/10
8
Les témoins est un journal dont l'éthique ne saurait être mise en doute qui informe et sort des "affaires" après avoir soigneusement recoupé et vérifié ses sources.
Nous sommes au lendemain des élections et c'est un président d'extrême droite qui arrive au pouvoir.

Peu favorable à la liberté de la presse et des médias il souhaite une information officielle et muselée qui va mettre le journal en danger.
Passionnante comme une série la pièce de Yann Reuzeau interroge sur le métier de journaliste, les lanceurs d'alertes, les fake news, le secret des sources...

Interprété avec conviction le spectacle bénéficie d'un dispositif vidéo qui le sert formidablement.
Comme l'était Chute d'une nation, les témoins est du théâtre efficace, intelligent, et fait réfléchir.