Critiques pour l'événement Le Monte-Plats
En ce jour de premier avril je recommande un spectacle imprégné par l'absurde, Le monte-plats que l'auteur Harold Pinter, avait sous-titré Quelques heures à tuer.
L'affiche montre deux personnages, manipulés comme des marionnettes, et vous remarquerez une balle posée à coté d'eux, une vraie balle (mais à blanc) tirée pendant le spectacle et que m'a donné Mathias Minne qui est l'un des quatre comédiens Je veux bien croire que ce n'est pas une blague, et qu'elle portera chance.
Dans un sous-sol, deux tueurs à gages, Gus et Ben, attendent leur prochain "contrat". Ben lit le journal et Gus cherche à faire du thé. Le temps passe, provoquant ennui, impatience et pour finir tensions entre les deux compères. Soudain une enveloppe glisse sous la porte, un monte-plats se met en branle. C’est le début d’une série d’événements étranges et angoissants. Sont-ils observés ? Par qui ? Pourquoi ? Qui donne les ordres ? Avec cynisme et humour noir, Pinter dépeint une société asservie qui obéit aux ordres, aussi absurdes soient-ils. On aimerait croire que cette société n'est pas du tout la nôtre... même pas un peu.
Étienne Launay, le metteur en scène, (qui joue au Lucernaire dans un autre spectacle, l'Affaire Courteline) considère la pièce au-delà d’un théâtre de l’absurde. C'est selon lui un "théâtre de dérision" associant un univers comique et un rire grinçant au tragique de l’existence : J’ai la conviction que l’absurde reste aujourd’hui un excellent vecteur de vérité. Pinter nous plonge dans le tragique de l’Homme face à lui-même, et dans l’angoisse incessante du monde extérieur qui nous hante tous. Gus et Ben sont deux personnes "déviantes" au sens sociologique du terme, et qui interrogent forcément l’ordre imposé. L’un de mes désirs premiers est de placer le spectateur au centre de cette bulle propice au questionnement de l’être pour nous permettre d’avancer, je l’espère, dans notre quête de vérité.
Et pour ce faire il a eu une idée géniale, celle de diviser le plateau en deux et d'engager deux acteurs pour interpréter Ben et deux autres pour jouer Gus. Ainsi ce sont, à Jardin, Benjamin Kühn (Ben 1) et Simon Larvaron (Gus 1), et à Cour, le couple Bob Levasseur (Ben 2) et Mathias Minne (Gus 2). Si on considère aussi les espaces qui s'étendent derrière le rideau de fond et les deux coulisses ce sont en fait six espaces dans lesquelles évoluent les comédiens. Mais qu'on ne s'y trompe pas. Il y a une étanchéité sans faille et les deux duos évoluent chacun dans leur zone, organisé en trois espaces. Depuis la salle on ne voit jamais plus d'un Gus et un Ben, mais pas nécessairement dans le même camp de base.
Ce dédoublement théâtralise l'action, relance l'attention et surtout démontre que personne n'est irremplaçable.
Le spectateur perçoit la tension qui monte entre les deux compères ... pas tant copain que ça à entendre les critiques qui fusent :
- Tu t'intéresses à rien ! reproche le premier
- J'optimise mon temps dit l'autre (alors que le public entend qu'il tue le temps).
Les deux ne font pas la paire. On sent la suspicion qui se propage et on suppute que ça pourrait péter entre eux, même s'ils sont partenaires, apparemment.
- Quand est-ce qu'il va appeler ? Il y a quelque chose de beckettien dans ce théâtre. L'angoisse est nette, comme si quelque chose de pas clair était en train de se tramer. Il n'y a pas que le flotteur (de la chasse d'eau) qui grippe. Ce n'est pas en chantant Oh when the saints que l'optimiste va revenir.
Ajoutez à cela de drôle de bruitages (quand le monte-plats se met en branle) et une réplique clé qui revient en boucle comme un mantra : On fera exactement pareil.
Le message des allumettes à quoi ça rime s'il n'y a pas de gaz ? Quel rapport entre une chose et une autre ? On est en plein dans l'absurde, même quand on croit débusquer un semblant de logique.
Ta gueule ! hurle le premier. Le second s'énerve franchement : à quoi il joue, on a passé nos tests ! (il suppute une nouvelle mise à l'épreuve. On se dit que si on était le boss on se débarrasserait d'un tel élément, quoique que ultra touchant et sympathique). On se demande si tout n'est pas manigancé à l'instar de ce que Yohann Charrin a mis en scène dans son court-métrage Premier Jour (finaliste du Prix Polar SNCF 2017). On y voit Safia, jeune policière de 25 ans, qui subira une épreuve pour tester sa loyauté avant de l'intégrer définitivement dans la prestigieuse brigade du 36 quai des Orfèvres après 5 années de service à Clichy-sous-Bois.
Elle se trouve confrontée, dès son premier jour, à un dangereux criminel qui met sa droiture à rude épreuve. Dans Le monte-plats la mécanique est implacable et l’absurde questionne la condition humaine. Une rencontre avec l’équipe artistique est programmée le vendredi 13 avril 2018 à l’issue de la représentation.
L'affiche montre deux personnages, manipulés comme des marionnettes, et vous remarquerez une balle posée à coté d'eux, une vraie balle (mais à blanc) tirée pendant le spectacle et que m'a donné Mathias Minne qui est l'un des quatre comédiens Je veux bien croire que ce n'est pas une blague, et qu'elle portera chance.
Dans un sous-sol, deux tueurs à gages, Gus et Ben, attendent leur prochain "contrat". Ben lit le journal et Gus cherche à faire du thé. Le temps passe, provoquant ennui, impatience et pour finir tensions entre les deux compères. Soudain une enveloppe glisse sous la porte, un monte-plats se met en branle. C’est le début d’une série d’événements étranges et angoissants. Sont-ils observés ? Par qui ? Pourquoi ? Qui donne les ordres ? Avec cynisme et humour noir, Pinter dépeint une société asservie qui obéit aux ordres, aussi absurdes soient-ils. On aimerait croire que cette société n'est pas du tout la nôtre... même pas un peu.
Étienne Launay, le metteur en scène, (qui joue au Lucernaire dans un autre spectacle, l'Affaire Courteline) considère la pièce au-delà d’un théâtre de l’absurde. C'est selon lui un "théâtre de dérision" associant un univers comique et un rire grinçant au tragique de l’existence : J’ai la conviction que l’absurde reste aujourd’hui un excellent vecteur de vérité. Pinter nous plonge dans le tragique de l’Homme face à lui-même, et dans l’angoisse incessante du monde extérieur qui nous hante tous. Gus et Ben sont deux personnes "déviantes" au sens sociologique du terme, et qui interrogent forcément l’ordre imposé. L’un de mes désirs premiers est de placer le spectateur au centre de cette bulle propice au questionnement de l’être pour nous permettre d’avancer, je l’espère, dans notre quête de vérité.
Et pour ce faire il a eu une idée géniale, celle de diviser le plateau en deux et d'engager deux acteurs pour interpréter Ben et deux autres pour jouer Gus. Ainsi ce sont, à Jardin, Benjamin Kühn (Ben 1) et Simon Larvaron (Gus 1), et à Cour, le couple Bob Levasseur (Ben 2) et Mathias Minne (Gus 2). Si on considère aussi les espaces qui s'étendent derrière le rideau de fond et les deux coulisses ce sont en fait six espaces dans lesquelles évoluent les comédiens. Mais qu'on ne s'y trompe pas. Il y a une étanchéité sans faille et les deux duos évoluent chacun dans leur zone, organisé en trois espaces. Depuis la salle on ne voit jamais plus d'un Gus et un Ben, mais pas nécessairement dans le même camp de base.
Ce dédoublement théâtralise l'action, relance l'attention et surtout démontre que personne n'est irremplaçable.
Le spectateur perçoit la tension qui monte entre les deux compères ... pas tant copain que ça à entendre les critiques qui fusent :
- Tu t'intéresses à rien ! reproche le premier
- J'optimise mon temps dit l'autre (alors que le public entend qu'il tue le temps).
Les deux ne font pas la paire. On sent la suspicion qui se propage et on suppute que ça pourrait péter entre eux, même s'ils sont partenaires, apparemment.
- Quand est-ce qu'il va appeler ? Il y a quelque chose de beckettien dans ce théâtre. L'angoisse est nette, comme si quelque chose de pas clair était en train de se tramer. Il n'y a pas que le flotteur (de la chasse d'eau) qui grippe. Ce n'est pas en chantant Oh when the saints que l'optimiste va revenir.
Ajoutez à cela de drôle de bruitages (quand le monte-plats se met en branle) et une réplique clé qui revient en boucle comme un mantra : On fera exactement pareil.
Le message des allumettes à quoi ça rime s'il n'y a pas de gaz ? Quel rapport entre une chose et une autre ? On est en plein dans l'absurde, même quand on croit débusquer un semblant de logique.
Ta gueule ! hurle le premier. Le second s'énerve franchement : à quoi il joue, on a passé nos tests ! (il suppute une nouvelle mise à l'épreuve. On se dit que si on était le boss on se débarrasserait d'un tel élément, quoique que ultra touchant et sympathique). On se demande si tout n'est pas manigancé à l'instar de ce que Yohann Charrin a mis en scène dans son court-métrage Premier Jour (finaliste du Prix Polar SNCF 2017). On y voit Safia, jeune policière de 25 ans, qui subira une épreuve pour tester sa loyauté avant de l'intégrer définitivement dans la prestigieuse brigade du 36 quai des Orfèvres après 5 années de service à Clichy-sous-Bois.
Elle se trouve confrontée, dès son premier jour, à un dangereux criminel qui met sa droiture à rude épreuve. Dans Le monte-plats la mécanique est implacable et l’absurde questionne la condition humaine. Une rencontre avec l’équipe artistique est programmée le vendredi 13 avril 2018 à l’issue de la représentation.
J'ai particulièrement apprécié la mise en scène et les acteurs qui rendent texte et spectacle très attractifs.
1H00 mais chouette soirée !
1H00 mais chouette soirée !
Double-hommes au Lucernaire !
2 x 2 = 4 !
Ou comment la mathématique prend toute sa place au théâtre.
Mais commençons par le commencement.
Le monte-plats est l'une des premières œuvres de Pinter, écrite pour deux comédiens.
Ben et Gus, deux tueurs à gages, attendent un nouveau contrat, un nouveau job, dans une chambre aux vitres condamnées.
Un huis clos.
Angoissant. Oppressant.
Ces deux hommes dialoguent et vont exprimer bien des peurs, bien des désirs plus ou moins assouvis. Tous deux vont confronter leur vision des choses et du monde.
Nous sommes dans la première partie de l'oeuvre du Nobel de littérature.
Un théâtre de l'absurde, un théâtre de la dérision , où le tragique du monde est interrogé, décrypté à l'aune de sa dimension comique et pathétique.
Le metteur en scène de cette pièce, Etienne Launay (dont j'avais adoré la partition dans le Jeu de l'amour et du hasard monté par Salomé Villiers), Etienne Launay a poussé très loin le curseur de cette dérisoire absurdité.
Et comme il a eu raison !
Son idée est absolument formidable, à tel point que je me suis demandé pourquoi personne n'y avait pensé avant lui !
« Bon sang, mais c'est bien sûr ! », me suis-je en substance demandé en la comprenant, cette idée-là !
Il a purement et simplement multiplié par deux le plateau et surtout les comédiens.
Nous allons assister à un dédoublement scénique de la proposition pinterienne, avec une scène coupée en deux, représentant de façon inversement symétrique le même décor minimaliste où deux fois deux comédiens, deux Ben et deux Gus joueront la pièce !
2 x 2 = 4 ! CQFD ! Un double Pinter pour un Pinter trouble !
Si ça fonctionne ? A la perfection !
A chaque fois qu'un comédien sort à jardin, son double rentre automatiquement à cour, et inversement, avec la plus grande précision et le plus grand sens du timing.
Au bout de cinq minutes, à chaque sortie, je tournais naturellement la tête dans la direction opposée, attendant le venue de l'alter-ego, ce qui ne ratait jamais.
Le procédé est systématique au point qu'il « pavlovise » les spectateurs.
C'est absolument jouissif !
Alors bien entendu, ceci a demandé aux comédiens un travail d'orfèvre en matière de rythme et de précision.
La machine dramaturgique ne peut fonctionner et tourner à plein régime que grâce à un quatuor de comédiens tous excellents.
Dans le rôle des deux Ben, Benjamin Kühn et Bob Levasseur sont parfaits en clowns blancs tragiques. Ils nous font habilement comprendre que leur personnage se prend pour le raisonneur, celui qui pense avoir les réponses aux questions posées par la vie.
Bob Levasseur en marcel blanc, les cheveux gominés, le cure-dents à la bouche en permanence, regardant par en-dessous est très drôle et m'a fait irrésistiblement penser à Benoît Poelvoorde.
Les deux Gus sont interprétés par Simon Lavardon et Mathias Mine.
Eux aussi sont tout à fait crédibles en espèces d'augustes en survêtement, s'interrogeant en permanence mais en ayant peu-être la vision la plus claire de la situation du monde...
Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si à la fin..... Mais vous n'en saurez pas plus.
Leur interprétation nous fait également bien rire, chacun à leur façon. Mathias Minne est dans le registre « djeun's des cités », avec les mouvement corporels associés, Simon Larvaron est plus dans un registre pince-sans rire.
Que de moments hilarants !
Et le monte-plats dans tout ça ?
Pour savoir, courez-donc toutes affaires cessantes au Lucernaire découvrir cette pièce.
Une pièce de jeunes artistes audacieux qui osent, qui n'ont pas peur de prendre des risques, de bousculer un auteur pour mieux en faire ressortir le propos.
C'est brillant, c'est un spectacle qu'il faut absolument aller voir !
2 x 2 = 4 !
Ou comment la mathématique prend toute sa place au théâtre.
Mais commençons par le commencement.
Le monte-plats est l'une des premières œuvres de Pinter, écrite pour deux comédiens.
Ben et Gus, deux tueurs à gages, attendent un nouveau contrat, un nouveau job, dans une chambre aux vitres condamnées.
Un huis clos.
Angoissant. Oppressant.
Ces deux hommes dialoguent et vont exprimer bien des peurs, bien des désirs plus ou moins assouvis. Tous deux vont confronter leur vision des choses et du monde.
Nous sommes dans la première partie de l'oeuvre du Nobel de littérature.
Un théâtre de l'absurde, un théâtre de la dérision , où le tragique du monde est interrogé, décrypté à l'aune de sa dimension comique et pathétique.
Le metteur en scène de cette pièce, Etienne Launay (dont j'avais adoré la partition dans le Jeu de l'amour et du hasard monté par Salomé Villiers), Etienne Launay a poussé très loin le curseur de cette dérisoire absurdité.
Et comme il a eu raison !
Son idée est absolument formidable, à tel point que je me suis demandé pourquoi personne n'y avait pensé avant lui !
« Bon sang, mais c'est bien sûr ! », me suis-je en substance demandé en la comprenant, cette idée-là !
Il a purement et simplement multiplié par deux le plateau et surtout les comédiens.
Nous allons assister à un dédoublement scénique de la proposition pinterienne, avec une scène coupée en deux, représentant de façon inversement symétrique le même décor minimaliste où deux fois deux comédiens, deux Ben et deux Gus joueront la pièce !
2 x 2 = 4 ! CQFD ! Un double Pinter pour un Pinter trouble !
Si ça fonctionne ? A la perfection !
A chaque fois qu'un comédien sort à jardin, son double rentre automatiquement à cour, et inversement, avec la plus grande précision et le plus grand sens du timing.
Au bout de cinq minutes, à chaque sortie, je tournais naturellement la tête dans la direction opposée, attendant le venue de l'alter-ego, ce qui ne ratait jamais.
Le procédé est systématique au point qu'il « pavlovise » les spectateurs.
C'est absolument jouissif !
Alors bien entendu, ceci a demandé aux comédiens un travail d'orfèvre en matière de rythme et de précision.
La machine dramaturgique ne peut fonctionner et tourner à plein régime que grâce à un quatuor de comédiens tous excellents.
Dans le rôle des deux Ben, Benjamin Kühn et Bob Levasseur sont parfaits en clowns blancs tragiques. Ils nous font habilement comprendre que leur personnage se prend pour le raisonneur, celui qui pense avoir les réponses aux questions posées par la vie.
Bob Levasseur en marcel blanc, les cheveux gominés, le cure-dents à la bouche en permanence, regardant par en-dessous est très drôle et m'a fait irrésistiblement penser à Benoît Poelvoorde.
Les deux Gus sont interprétés par Simon Lavardon et Mathias Mine.
Eux aussi sont tout à fait crédibles en espèces d'augustes en survêtement, s'interrogeant en permanence mais en ayant peu-être la vision la plus claire de la situation du monde...
Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si à la fin..... Mais vous n'en saurez pas plus.
Leur interprétation nous fait également bien rire, chacun à leur façon. Mathias Minne est dans le registre « djeun's des cités », avec les mouvement corporels associés, Simon Larvaron est plus dans un registre pince-sans rire.
Que de moments hilarants !
Et le monte-plats dans tout ça ?
Pour savoir, courez-donc toutes affaires cessantes au Lucernaire découvrir cette pièce.
Une pièce de jeunes artistes audacieux qui osent, qui n'ont pas peur de prendre des risques, de bousculer un auteur pour mieux en faire ressortir le propos.
C'est brillant, c'est un spectacle qu'il faut absolument aller voir !
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Un spectacle déroutant et audacieux pour un Pinter novateur et réussi, particulièrement bien joué. Un temps de théâtre très agréable.
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