Ses critiques
1005 critiques
4,5/10
La beauté sépulcrale et onirique de la scénographie d'un spectacle suffit-elle à en faire un bon spectacle ?
Je ne le pense évidemment pas.
Julie Ducros a choisi de s'attaquer à la pièce-phare de Maurice Maeterlinck, que Debussy mit en musique avec l'immense succès que l'on sait.
Cette pièce, cette histoire d'amour et de jalousie, n'est que très rarement montée. Je pense avoir compris pourquoi.
La scénographie d'Hélène Jourdan est donc très belle.
Très peu de lumière, plusieurs niveaux de plateaux, un camaïeu de gris, une dernière partie dans une pénombre intense, autant d'éléments qui plongent le spectateur dans un magnifique climat mystérieux et à bien des égards volontairement déstabilisant.
Melle Ducros, a son habitude, mêle judicieusement théâtre et cinéma.
Les petits films de Quentin Vigier, souvent en noir et blanc, disséminés ici et là, sont très beaux.
Seulement voilà : ils sont trop beaux et surtout trop explicites.
Tout comme certains partis pris dramaturgiques.
A-t-on besoin, chez Maeterlinck, chantre du symbolisme, laudateur de l'intime et de son inacessibilité, de voir réellement à l'écran une forêt, la mer, la grève, est-il indispensable de voir Mélisande en culotte, la voir se prendre une vraie raclée par son Golaud de mari, un Golaud qui dormira un peu plus avant en pantalon sous les draps, pourquoi filmer en immense gros plan l'interrogatoire du petit Yniold ?
J'ai assisté bien souvent à des moments visuellement réussis, certes, mais totalement gratuits, sans véritable nécessité.
Pourquoi annihiler ainsi la poésie du grand auteur belge, prix Nobel de littérature en 1911 ?
Et puis surtout, des problèmes de rythme, de jeu et de direction d'acteurs m'ont en permanence perturbé.
Des lenteurs certaines, des phrasés et des dictions étranges, des interprétations de moments poignants sont souvent à la limite de la caricature.
Pourquoi ne pas chercher à interpréter le texte, cette magnifique langue qui se suffit à elle même, de façon naturelle, simple, contemporaine ?
Seul Vincent Dissez tire son épingle du jeu, dans une sauvagerie magnifique. Il est totalement convaincant en mari éperdu et fou de douleur.
Mais hélas, hier soir, le trio amoureux Pelléas-Mélisande-Golaud m'a laissé complètement de marbre. Impossible pour moi de rentrer dans cette histoire-là.
Des applaudissements timides et très polis (c'est un véritable euphémisme) viennent conclure les presque deux heures de ce spectacle.
Je ne le pense évidemment pas.
Julie Ducros a choisi de s'attaquer à la pièce-phare de Maurice Maeterlinck, que Debussy mit en musique avec l'immense succès que l'on sait.
Cette pièce, cette histoire d'amour et de jalousie, n'est que très rarement montée. Je pense avoir compris pourquoi.
La scénographie d'Hélène Jourdan est donc très belle.
Très peu de lumière, plusieurs niveaux de plateaux, un camaïeu de gris, une dernière partie dans une pénombre intense, autant d'éléments qui plongent le spectateur dans un magnifique climat mystérieux et à bien des égards volontairement déstabilisant.
Melle Ducros, a son habitude, mêle judicieusement théâtre et cinéma.
Les petits films de Quentin Vigier, souvent en noir et blanc, disséminés ici et là, sont très beaux.
Seulement voilà : ils sont trop beaux et surtout trop explicites.
Tout comme certains partis pris dramaturgiques.
A-t-on besoin, chez Maeterlinck, chantre du symbolisme, laudateur de l'intime et de son inacessibilité, de voir réellement à l'écran une forêt, la mer, la grève, est-il indispensable de voir Mélisande en culotte, la voir se prendre une vraie raclée par son Golaud de mari, un Golaud qui dormira un peu plus avant en pantalon sous les draps, pourquoi filmer en immense gros plan l'interrogatoire du petit Yniold ?
J'ai assisté bien souvent à des moments visuellement réussis, certes, mais totalement gratuits, sans véritable nécessité.
Pourquoi annihiler ainsi la poésie du grand auteur belge, prix Nobel de littérature en 1911 ?
Et puis surtout, des problèmes de rythme, de jeu et de direction d'acteurs m'ont en permanence perturbé.
Des lenteurs certaines, des phrasés et des dictions étranges, des interprétations de moments poignants sont souvent à la limite de la caricature.
Pourquoi ne pas chercher à interpréter le texte, cette magnifique langue qui se suffit à elle même, de façon naturelle, simple, contemporaine ?
Seul Vincent Dissez tire son épingle du jeu, dans une sauvagerie magnifique. Il est totalement convaincant en mari éperdu et fou de douleur.
Mais hélas, hier soir, le trio amoureux Pelléas-Mélisande-Golaud m'a laissé complètement de marbre. Impossible pour moi de rentrer dans cette histoire-là.
Des applaudissements timides et très polis (c'est un véritable euphémisme) viennent conclure les presque deux heures de ce spectacle.
10/10
Dernier appel ! Les passagers à destination de l'an de grâce 1660 sont priés de monter à bord de la machine à remonter le temps de la compagnie Aigle de Sable !
Une compagnie qui nous propose à l'Epée de bois une remarquable et magnifique mise en scène de cette pièce importante écrite par M. Poquelin, en l'année sus-nommée.
Une mise en scène baroque, formidablement et totalement assumée en tant que telle, que l'on doit à Milena Vlach et Jean-Denis Monory.
Dans cette histoire de bon bourgeois qui se croit (à tort) cocufié, tous les codes baroques nous seront montrés.
Avec notamment l'éclairage aux bougies, les maquillages blancs des visages avec les pommettes rouges, les costumes d'époque, mais également la diction si particulière avec les « r » roulés à l'intérieur des mots, les « r », « s », « t » finaux rendus sonores ou encore la diphtongue « oi » prononcée « oué ».
Sans oublier les intonations et la gestuelle pouvant nous paraître parfois outrées à nos yeux, mais complètement nécessaires au XVIIème pour capter l'attention des salles et des publics.
Les quatre comédiens, Milena Vlach, ainsi qu'Eléna Rossi, Laurent Charoy et Alexandre Palma Salas, interprétant (pratiquement) tous les rôles, s'acquittent de la tâche avec un réel brio et un grand talent.
Et surtout, tous mettent parfaitement en évidence les trois raisons énoncées par l'universitaire Georges Forestier, dernier éditeur en date des œuvres complètes de Molière dans La pléiade, les trois raisons qui font que cette pièce est d'une importance capitale dans l'histoire du théâtre français.
- Molière innove avec une perspective comique qui tranche radicalement avec les histoires précédentes de cocu, et ce, depuis l'Antiquité : ici, Sganarelle n'est jamais cocufié, à la différence de ce qui se faisait précédemment dans la dramaturgie française. Il croit seulement porter les cornes.
N'oublions jamais que le nom propre Sganarelle vient du verbe italien «ingannare », tromper. Sganarelle, celui qui se trompe sur lui-même.
- Molière modernise le rapport père-fille.
- Molière créé un personnage théâtral totalement inédit, celui du notable bourgeois, borné et surtout persuadé de l'infériorité et de la légèreté des femmes. (C'est en quelque sorte un premier croquis du futur Arnolphe.)
Ces trois axes sont parfaitement rendus évidents dans la proposition qui nous est faite.
Il y a le fond, mais il y a également la forme.
Nous sommes véritablement transportés au grand siècle, dans une salle en bois, avec des comédiens qui viennent d'installer leurs tréteaux et leurs bougies afin d'édifier des citadins d'une petite ville de province.
Ce que nous voyons est très beau. Une scénographie très inspirée nous fait immanquablement penser aux tableaux en contre-jour ou en clairs-obscurs de Georges de la Tour ou Mathieu le Nain.
Des accessoires judicieusement choisis ont eux aussi un rôle important à jouer, comme ces cadres de tableaux vides, ce cheval de bois, ce mannequin, ce grand miroir...
Et non, vous n'en saurez pas plus !
Nous rions énormément.
Les comédiens sont totalement investis dans cette mécanique baroque.
Parfois, l'on sent bien la comédia dell'arte qui n'est pas loin. Les "burles", les pitreries qui sont à l'origine du mot "burlesque", sont fort réjouissantes.
De grands moments nous sont réservés, comme par exemple la fameuse scène XVII, dans laquelle Sganarelle va assumer sa couardise.
Laurent Charoy est alors épatant de drôlerie, les jambes arquées, puis avachi sur son siège, le béret en bataille.
Ses deux derniers alexandrins, les N° 656 et 657 pour les amateurs de précision, seront dits de façon à nous faire réfléchir sur la morale et l'universalité de ce qui vient de nous être dit et montré.
Je vous laisse découvrir. Le procédé fonctionne parfaitement.
Ses duos avec son épouse interprétée par Melle Vlach sont jubilatoires. Les coups sont donnés, mais également rendus ! Que d'énergie, que de fougue !
Eleonora Rossi est elle aussi épatante en jeune fille de la maison, drôle et rouée en diable, Alexandre Palma Salas est quant à lui parfait dans le double rôle d'un vieux barbon et du jeune premier.
Je n'aurai garde d'oublier de mentionner la présence de Jean-Marc Puigserver, à l'orgue de barbarie, qui renforce le côté poétique de l'entreprise.
Surtout, surtout, ne passez pas à côté de cette complète réussite, maîtrisée de bout en bout, même si vous pouvez être un peu surpris au premier abord par le côté baroque.
Je vous conseille de lire ou relire le texte auparavant, pour mieux savourer encore ce qui vous attend.
On le trouve en téléchargement libre ici même :
https://www.theatre-classique.fr/pages/pdf/MOLIERE_SGANARELLE.pdf
Voici ce qu'écrivait Monsieur, frère du roi, à la création de la pièce :
« La première fois qu'elle fit paraître ses beautés au public, elle me parut si admirable que je crus que ce n'était pas rendre justice à un si merveilleux ouvrage, que de ne la voir qu'une fois, ce qui me fit retourner cinq ou six autres. »
Pas mieux !
Une compagnie qui nous propose à l'Epée de bois une remarquable et magnifique mise en scène de cette pièce importante écrite par M. Poquelin, en l'année sus-nommée.
Une mise en scène baroque, formidablement et totalement assumée en tant que telle, que l'on doit à Milena Vlach et Jean-Denis Monory.
Dans cette histoire de bon bourgeois qui se croit (à tort) cocufié, tous les codes baroques nous seront montrés.
Avec notamment l'éclairage aux bougies, les maquillages blancs des visages avec les pommettes rouges, les costumes d'époque, mais également la diction si particulière avec les « r » roulés à l'intérieur des mots, les « r », « s », « t » finaux rendus sonores ou encore la diphtongue « oi » prononcée « oué ».
Sans oublier les intonations et la gestuelle pouvant nous paraître parfois outrées à nos yeux, mais complètement nécessaires au XVIIème pour capter l'attention des salles et des publics.
Les quatre comédiens, Milena Vlach, ainsi qu'Eléna Rossi, Laurent Charoy et Alexandre Palma Salas, interprétant (pratiquement) tous les rôles, s'acquittent de la tâche avec un réel brio et un grand talent.
Et surtout, tous mettent parfaitement en évidence les trois raisons énoncées par l'universitaire Georges Forestier, dernier éditeur en date des œuvres complètes de Molière dans La pléiade, les trois raisons qui font que cette pièce est d'une importance capitale dans l'histoire du théâtre français.
- Molière innove avec une perspective comique qui tranche radicalement avec les histoires précédentes de cocu, et ce, depuis l'Antiquité : ici, Sganarelle n'est jamais cocufié, à la différence de ce qui se faisait précédemment dans la dramaturgie française. Il croit seulement porter les cornes.
N'oublions jamais que le nom propre Sganarelle vient du verbe italien «ingannare », tromper. Sganarelle, celui qui se trompe sur lui-même.
- Molière modernise le rapport père-fille.
- Molière créé un personnage théâtral totalement inédit, celui du notable bourgeois, borné et surtout persuadé de l'infériorité et de la légèreté des femmes. (C'est en quelque sorte un premier croquis du futur Arnolphe.)
Ces trois axes sont parfaitement rendus évidents dans la proposition qui nous est faite.
Il y a le fond, mais il y a également la forme.
Nous sommes véritablement transportés au grand siècle, dans une salle en bois, avec des comédiens qui viennent d'installer leurs tréteaux et leurs bougies afin d'édifier des citadins d'une petite ville de province.
Ce que nous voyons est très beau. Une scénographie très inspirée nous fait immanquablement penser aux tableaux en contre-jour ou en clairs-obscurs de Georges de la Tour ou Mathieu le Nain.
Des accessoires judicieusement choisis ont eux aussi un rôle important à jouer, comme ces cadres de tableaux vides, ce cheval de bois, ce mannequin, ce grand miroir...
Et non, vous n'en saurez pas plus !
Nous rions énormément.
Les comédiens sont totalement investis dans cette mécanique baroque.
Parfois, l'on sent bien la comédia dell'arte qui n'est pas loin. Les "burles", les pitreries qui sont à l'origine du mot "burlesque", sont fort réjouissantes.
De grands moments nous sont réservés, comme par exemple la fameuse scène XVII, dans laquelle Sganarelle va assumer sa couardise.
Laurent Charoy est alors épatant de drôlerie, les jambes arquées, puis avachi sur son siège, le béret en bataille.
Ses deux derniers alexandrins, les N° 656 et 657 pour les amateurs de précision, seront dits de façon à nous faire réfléchir sur la morale et l'universalité de ce qui vient de nous être dit et montré.
Je vous laisse découvrir. Le procédé fonctionne parfaitement.
Ses duos avec son épouse interprétée par Melle Vlach sont jubilatoires. Les coups sont donnés, mais également rendus ! Que d'énergie, que de fougue !
Eleonora Rossi est elle aussi épatante en jeune fille de la maison, drôle et rouée en diable, Alexandre Palma Salas est quant à lui parfait dans le double rôle d'un vieux barbon et du jeune premier.
Je n'aurai garde d'oublier de mentionner la présence de Jean-Marc Puigserver, à l'orgue de barbarie, qui renforce le côté poétique de l'entreprise.
Surtout, surtout, ne passez pas à côté de cette complète réussite, maîtrisée de bout en bout, même si vous pouvez être un peu surpris au premier abord par le côté baroque.
Je vous conseille de lire ou relire le texte auparavant, pour mieux savourer encore ce qui vous attend.
On le trouve en téléchargement libre ici même :
https://www.theatre-classique.fr/pages/pdf/MOLIERE_SGANARELLE.pdf
Voici ce qu'écrivait Monsieur, frère du roi, à la création de la pièce :
« La première fois qu'elle fit paraître ses beautés au public, elle me parut si admirable que je crus que ce n'était pas rendre justice à un si merveilleux ouvrage, que de ne la voir qu'une fois, ce qui me fit retourner cinq ou six autres. »
Pas mieux !
9,5/10
« Retenez bien ce nom, Mesdames et Messieurs : Inchorus ! »
Mais comme elle a raison, Fanja Rahajason, la directrice musical du festival L'Haÿ en Chœurs, lorsqu'elle nous prodigue sur scène ce conseil à l'issue de sa désannonce du concert !
Retenons bien le nom de ce remarquable et très jeune chœur de chambre a capella.
C'est en effet une première et puissante impression de jeunesse qui se dégage dès l'arrivée sur scène des quelque vingt-deux chanteurs.
Une raison à cela : tous ces musiciens viennent du CNJ, le Chœur National des Jeunes.
Ils ont décidé en 2018 de devenir autonomes afin de créer leur propre ensemble, à vocation professionnelle.
Robe ou tenue de soirée noire pour les filles, chemise blanche et fines bretelles pour les garçons, tous s'installent sur le plateau de l'auditorium Dispan de Floran.
Leur chef, choisi par eux, vient les rejoindre sous les applaudissements.
Pascal Adoumbou, puisque c'est lui, est un tout jeune (lui aussi...) chef de chœur professionnel, diplômé d'état de direction d'ensembles vocaux, avec également en poche un Master de Direction de Chœur au Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Lyon.
Le programme de ce soir sera intitulé « le sable du temps », un choix de pièces faisant référence au temps qui passe, l'urgence du temps, ou encore le temps qui apaise ou panse les blessures.
Ces pièces chorales seront issues des XXème et XXIème siècles, Inchorus ayant fait de ce répertoire contemporain une matière de prédilection, même si l'ensemble ne s'interdit pas d'aborder d'autres époques musicales.
La première œuvre de ce programme va immédiatement démontrer la grande maîtrise vocale, et surtout la grande précision des chanteurs.
Il s'agit de « O Emmanuel », du jeune (quand on vous dit...) compositeur slovène Andrej Makor.
Ici, les chanteurs vont rester le plus souvent dans le registre du pianissimo.
Ce choix de début de programme peut paraître au premier abord un peu étrange, on commence souvent par une œuvre plutôt « éclatante », mais ce choix-là va se révéler fort judicieux.
Ce que nous allons entendre force d'emblée le respect.
La difficulté technique générée par la douceur de ces premières notes et leurs proches intervalles, leur justesse absolue, la suavité, la rondeur, l'impressionnante maîtrise vocale sont immédiatement perceptibles.
Nous avons vraiment affaire à des musiciens accomplis qui nous plongent dans la grâce aérienne et presque onirique de cette première pièce.
Les morceaux suivants confirmeront cette maîtrise vocale.
Une vraie cohérence dans les tessitures, une grande homogénéité, une très belle « pâte sonore » vont se dégager durant toute l'heure que durera de ce concert.
Beaucoup de nuances, d'ampleur, beaucoup de précision technique (je me répète, mais il le faut), beaucoup de détails même peu perceptibles ravissent le public : l'impressionnant silence qui règne dans la salle le prouve.
Un silence qui suit même chaque interprétation, comme si nous ressentions le besoin de prendre le temps de « redescendre » après chaque titre, avant d'applaudir, afin de mieux le savourer.
J'ai particulièrement été enthousiasmé par l'interprétation de la pièce « Drei Französiche Chöre », du compositeur Werner Egk, reprenant des poèmes de Charles de France, ainsi que le « Dum Medium Silentium » du compositeur lituanien Vyautas Miskinis, sans oublier le titre d'Astor Piazzolla, « Adios Nonino ».
Toutes ces œuvres, qu'elles soient profanes ou sacrées, sont des pièces très exigeantes.
Il est hors de question de les aborder sans une solide formation et surtout un grand talent.
Ici, c'est pleinement le cas.
Le concert se terminera avec une remarquable version du « And so it goes », du chanteur Billy Joël, arrangée quasiment en gospel.
Les spectateurs n'en mènent pas large devant tant de beauté.
Impossible de ne pas ressentir des frissons dans le dos et les avant-bras...
Il faut noter le grand humour du « patron » : Pascal Adoumbou a une manière bien à lui de présenter le répertoire. Nous rions beaucoup.
J'en veux pour preuve sa façon de nous annoncer le rappel, « Nyon nyon », de l'Américain Jake Runstead, avec, nous dit-il, une « impressionnante chorégraphie ».
Ce rappel, très rythmique, comportant de nombreux et somptueux glissandi, avec un accompagnement parfois de claquements de mains et de bretelles (si si...) enchantera une dernière fois les oreilles du public de connaisseurs.
Au final, applaudissements nourris et standing ovation.
Quoi de plus logique et de plus normal !
Ne manquez surtout pas les prochains concerts d'Inchorus !
Vous ne pourrez pas dire que vous ne saviez pas !
Mais comme elle a raison, Fanja Rahajason, la directrice musical du festival L'Haÿ en Chœurs, lorsqu'elle nous prodigue sur scène ce conseil à l'issue de sa désannonce du concert !
Retenons bien le nom de ce remarquable et très jeune chœur de chambre a capella.
C'est en effet une première et puissante impression de jeunesse qui se dégage dès l'arrivée sur scène des quelque vingt-deux chanteurs.
Une raison à cela : tous ces musiciens viennent du CNJ, le Chœur National des Jeunes.
Ils ont décidé en 2018 de devenir autonomes afin de créer leur propre ensemble, à vocation professionnelle.
Robe ou tenue de soirée noire pour les filles, chemise blanche et fines bretelles pour les garçons, tous s'installent sur le plateau de l'auditorium Dispan de Floran.
Leur chef, choisi par eux, vient les rejoindre sous les applaudissements.
Pascal Adoumbou, puisque c'est lui, est un tout jeune (lui aussi...) chef de chœur professionnel, diplômé d'état de direction d'ensembles vocaux, avec également en poche un Master de Direction de Chœur au Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Lyon.
Le programme de ce soir sera intitulé « le sable du temps », un choix de pièces faisant référence au temps qui passe, l'urgence du temps, ou encore le temps qui apaise ou panse les blessures.
Ces pièces chorales seront issues des XXème et XXIème siècles, Inchorus ayant fait de ce répertoire contemporain une matière de prédilection, même si l'ensemble ne s'interdit pas d'aborder d'autres époques musicales.
La première œuvre de ce programme va immédiatement démontrer la grande maîtrise vocale, et surtout la grande précision des chanteurs.
Il s'agit de « O Emmanuel », du jeune (quand on vous dit...) compositeur slovène Andrej Makor.
Ici, les chanteurs vont rester le plus souvent dans le registre du pianissimo.
Ce choix de début de programme peut paraître au premier abord un peu étrange, on commence souvent par une œuvre plutôt « éclatante », mais ce choix-là va se révéler fort judicieux.
Ce que nous allons entendre force d'emblée le respect.
La difficulté technique générée par la douceur de ces premières notes et leurs proches intervalles, leur justesse absolue, la suavité, la rondeur, l'impressionnante maîtrise vocale sont immédiatement perceptibles.
Nous avons vraiment affaire à des musiciens accomplis qui nous plongent dans la grâce aérienne et presque onirique de cette première pièce.
Les morceaux suivants confirmeront cette maîtrise vocale.
Une vraie cohérence dans les tessitures, une grande homogénéité, une très belle « pâte sonore » vont se dégager durant toute l'heure que durera de ce concert.
Beaucoup de nuances, d'ampleur, beaucoup de précision technique (je me répète, mais il le faut), beaucoup de détails même peu perceptibles ravissent le public : l'impressionnant silence qui règne dans la salle le prouve.
Un silence qui suit même chaque interprétation, comme si nous ressentions le besoin de prendre le temps de « redescendre » après chaque titre, avant d'applaudir, afin de mieux le savourer.
J'ai particulièrement été enthousiasmé par l'interprétation de la pièce « Drei Französiche Chöre », du compositeur Werner Egk, reprenant des poèmes de Charles de France, ainsi que le « Dum Medium Silentium » du compositeur lituanien Vyautas Miskinis, sans oublier le titre d'Astor Piazzolla, « Adios Nonino ».
Toutes ces œuvres, qu'elles soient profanes ou sacrées, sont des pièces très exigeantes.
Il est hors de question de les aborder sans une solide formation et surtout un grand talent.
Ici, c'est pleinement le cas.
Le concert se terminera avec une remarquable version du « And so it goes », du chanteur Billy Joël, arrangée quasiment en gospel.
Les spectateurs n'en mènent pas large devant tant de beauté.
Impossible de ne pas ressentir des frissons dans le dos et les avant-bras...
Il faut noter le grand humour du « patron » : Pascal Adoumbou a une manière bien à lui de présenter le répertoire. Nous rions beaucoup.
J'en veux pour preuve sa façon de nous annoncer le rappel, « Nyon nyon », de l'Américain Jake Runstead, avec, nous dit-il, une « impressionnante chorégraphie ».
Ce rappel, très rythmique, comportant de nombreux et somptueux glissandi, avec un accompagnement parfois de claquements de mains et de bretelles (si si...) enchantera une dernière fois les oreilles du public de connaisseurs.
Au final, applaudissements nourris et standing ovation.
Quoi de plus logique et de plus normal !
Ne manquez surtout pas les prochains concerts d'Inchorus !
Vous ne pourrez pas dire que vous ne saviez pas !
9,5/10
Georges et Lars, même combat !
Et ce, à un siècle d'intervalle.
Un combat féministe. Il fallait y penser. C'est ce qu'elle fit.
Elle, c'est Emilie Anna Maillet, qui de façon très judicieuse et surtout très réussie parvient à relier Feydeau et Norén, à travers la volonté d'une femme de lutter contre la domination masculine.
Lutter grâce à un moyen à la fois radical et nécessitant finalement peu de moyens : la nudité.
On connaît l'histoire.
Il fait chaud, cet été-là, à Paris. « 36° de latitude », nous dit Clarisse, la femme du député Ventroux, pressenti pour devenir ministre.
Celui-ci reçoit un journaliste du Figaro et le maire Hochepaix, ancien adversaire politique..
Utilisant son couple comme façade de respectabilité, (tiens tiens...), le mettant en scène dans la presse (re tiens tiens...), lui demandant même de le représenter alors qu'elle n'a aucune légitimité politique (re-re tiens tiens...), Ventroux n'imagine pas la volonté d'exister par elle-même de sa femme.
Etre nue sera pour elle un combat d'émancipation. Et de vengeance, également.
(A ce titre, j'ai été ravi de constater que Melle Maillet partageait dans son dossier de presse ce que je professe depuis longtemps : Pierrette Le Pen, la maman de qui vous savez, lorsqu'elle pose en soubrette dénudée dans Playboy en 1987, à la suite de son divorce avec le papa borgne de qui vous savez, Pierrette Le Pen ne fait pas autre chose que Clarisse. Elle se venge.)
Emilie Anna Maillet a mêlé le texte de Feydeau avec plusieurs citations de Norén, qui lui aussi, un siècle plus tard, se fait le chantre cette fois-ci de la deuxième vague de féminisme.
L'idée se révèle lumineuse. Ceci fonctionne à la perfection.
La cruauté de Feydeau, la violence intrinsèque des rapports hommes-femmes qu'il décrit, trouvent un saisissant écho, une sévère rémanence dans les propos du dramaturge suédois.
Ce que le premier ne dit pas, le second ne s'en prive pas. C'est ainsi que Ventroux se retrouve à traiter sa femme de « mégère de banlieue » ou encore de « pute hystérique ».
Voici pour le fond.
La forme est à l'avenant : remarquable !
Ce qui se joue sur le plateau du théâtre Paris-Villette relève de la plus aboutie des réussites.
Un maëlstrom, une onde de choc, un formidable jeu de massacre d'une sauvage, impitoyable et irrésistible drôlerie vont secouer les spectateurs durant une heure et quart.
Nous allons énormément rire des mésaventures politicardes et sociétales de tout ce petit monde, mésaventures rendues hilarantes grâce à un burlesque achevé et parfois à un surréalisme assumé.
Oui, qu'est-ce que nous rions !
Grâce notamment aux savoureux duos entre Sébastien Lalanne (Ventroux, en petit costume cintré, fine cravate et à l'allure d'un député LREM) et Denis Lejeune en Hochepaix.
Ces deux là se déchaînent pour parfois même arriver à provoquer une espèce de chaos vocal.
Chapeau !
Ils réaliseront également sans relâche toute une série de gags burlesques hilarants.
Autre source de rire, c'est le jeu de Simon Terrenoire, qui en journaliste équipé d'un attirail de reportage, nous ravit avec ses ruptures, ses intonations pédantes. Lui aussi est parfait en gandin pédant, puant d'auto-satisfaction.
Et puis Marion Suzanne est une époustouflante Clarisse.
Elle non plus ne ménage pas sa peine.
Ici, la metteure en scène a appelé un chat un chat. « Toute nue », par principe, ne souffre aucune restriction...
A tel point que les personnages masculins n'oseront jamais prononcer les trois mots « chemise de nuit ».
Melle Suzanne est elle aussi excellente dans le rôle de cette femme qui s'émancipe, qui se libère de toute tutelle, devenant même une véritable femen telle qu'on les connaît, avec les revendications au marqueur noir sur la poitrine.
Autre élément qui contribue à la réussite de cette entreprise artistique : la scénographie de Benjamin Gabrié, qui permet à la metteure en scène de mettre en place une dramaturgie basée sur une multitude de lieux.
De cet appartement moderne où se joue le vaudeville, nous verrons, ou nous apercevrons le salon, mais également la cuisine, la salle de bains, les couloirs, le hall, les étages.
Tout le théâtre est utilisé à très bon escient. Tout ceci est très malin. Je n'en dis pas plus.
L'utilisation de la video est elle aussi très pertinente, et sert véritablement la modernité du propos.
C'est astucieux et très habile. Et ça fonctionne.
Tout comme l'utilisation de l'élément liquide qui vient surligner les moments de chaos.
Victor est interprété par le percussionniste François Merville, que les amateurs de jazz connaissent bien. La batterie lui sert parfois à apporter lui aussi un élément comique au propos.
Ne manquez surtout pas cette brillante et très originale version de cette pièce.
Elles sont assez rares, finalement, les mises en scène qui poussent un auteur dans ses retranchements.
Emilie Anna Maillet y est parfaitement parvenue.
Hop hop hop !
Hop hop hop ? Oui, Hop hop hop !
Et ce, à un siècle d'intervalle.
Un combat féministe. Il fallait y penser. C'est ce qu'elle fit.
Elle, c'est Emilie Anna Maillet, qui de façon très judicieuse et surtout très réussie parvient à relier Feydeau et Norén, à travers la volonté d'une femme de lutter contre la domination masculine.
Lutter grâce à un moyen à la fois radical et nécessitant finalement peu de moyens : la nudité.
On connaît l'histoire.
Il fait chaud, cet été-là, à Paris. « 36° de latitude », nous dit Clarisse, la femme du député Ventroux, pressenti pour devenir ministre.
Celui-ci reçoit un journaliste du Figaro et le maire Hochepaix, ancien adversaire politique..
Utilisant son couple comme façade de respectabilité, (tiens tiens...), le mettant en scène dans la presse (re tiens tiens...), lui demandant même de le représenter alors qu'elle n'a aucune légitimité politique (re-re tiens tiens...), Ventroux n'imagine pas la volonté d'exister par elle-même de sa femme.
Etre nue sera pour elle un combat d'émancipation. Et de vengeance, également.
(A ce titre, j'ai été ravi de constater que Melle Maillet partageait dans son dossier de presse ce que je professe depuis longtemps : Pierrette Le Pen, la maman de qui vous savez, lorsqu'elle pose en soubrette dénudée dans Playboy en 1987, à la suite de son divorce avec le papa borgne de qui vous savez, Pierrette Le Pen ne fait pas autre chose que Clarisse. Elle se venge.)
Emilie Anna Maillet a mêlé le texte de Feydeau avec plusieurs citations de Norén, qui lui aussi, un siècle plus tard, se fait le chantre cette fois-ci de la deuxième vague de féminisme.
L'idée se révèle lumineuse. Ceci fonctionne à la perfection.
La cruauté de Feydeau, la violence intrinsèque des rapports hommes-femmes qu'il décrit, trouvent un saisissant écho, une sévère rémanence dans les propos du dramaturge suédois.
Ce que le premier ne dit pas, le second ne s'en prive pas. C'est ainsi que Ventroux se retrouve à traiter sa femme de « mégère de banlieue » ou encore de « pute hystérique ».
Voici pour le fond.
La forme est à l'avenant : remarquable !
Ce qui se joue sur le plateau du théâtre Paris-Villette relève de la plus aboutie des réussites.
Un maëlstrom, une onde de choc, un formidable jeu de massacre d'une sauvage, impitoyable et irrésistible drôlerie vont secouer les spectateurs durant une heure et quart.
Nous allons énormément rire des mésaventures politicardes et sociétales de tout ce petit monde, mésaventures rendues hilarantes grâce à un burlesque achevé et parfois à un surréalisme assumé.
Oui, qu'est-ce que nous rions !
Grâce notamment aux savoureux duos entre Sébastien Lalanne (Ventroux, en petit costume cintré, fine cravate et à l'allure d'un député LREM) et Denis Lejeune en Hochepaix.
Ces deux là se déchaînent pour parfois même arriver à provoquer une espèce de chaos vocal.
Chapeau !
Ils réaliseront également sans relâche toute une série de gags burlesques hilarants.
Autre source de rire, c'est le jeu de Simon Terrenoire, qui en journaliste équipé d'un attirail de reportage, nous ravit avec ses ruptures, ses intonations pédantes. Lui aussi est parfait en gandin pédant, puant d'auto-satisfaction.
Et puis Marion Suzanne est une époustouflante Clarisse.
Elle non plus ne ménage pas sa peine.
Ici, la metteure en scène a appelé un chat un chat. « Toute nue », par principe, ne souffre aucune restriction...
A tel point que les personnages masculins n'oseront jamais prononcer les trois mots « chemise de nuit ».
Melle Suzanne est elle aussi excellente dans le rôle de cette femme qui s'émancipe, qui se libère de toute tutelle, devenant même une véritable femen telle qu'on les connaît, avec les revendications au marqueur noir sur la poitrine.
Autre élément qui contribue à la réussite de cette entreprise artistique : la scénographie de Benjamin Gabrié, qui permet à la metteure en scène de mettre en place une dramaturgie basée sur une multitude de lieux.
De cet appartement moderne où se joue le vaudeville, nous verrons, ou nous apercevrons le salon, mais également la cuisine, la salle de bains, les couloirs, le hall, les étages.
Tout le théâtre est utilisé à très bon escient. Tout ceci est très malin. Je n'en dis pas plus.
L'utilisation de la video est elle aussi très pertinente, et sert véritablement la modernité du propos.
C'est astucieux et très habile. Et ça fonctionne.
Tout comme l'utilisation de l'élément liquide qui vient surligner les moments de chaos.
Victor est interprété par le percussionniste François Merville, que les amateurs de jazz connaissent bien. La batterie lui sert parfois à apporter lui aussi un élément comique au propos.
Ne manquez surtout pas cette brillante et très originale version de cette pièce.
Elles sont assez rares, finalement, les mises en scène qui poussent un auteur dans ses retranchements.
Emilie Anna Maillet y est parfaitement parvenue.
Hop hop hop !
Hop hop hop ? Oui, Hop hop hop !
10/10
La grâce, la beauté, la perfection du geste dansé se sont donné rendez-vous au Palais des Congrès.
Gil Roman, Directeur artistique du Béjart Ballet Lausanne, celui que l'immense Maurice avait choisi en 2007 pour lui succéder, Gil Roman célèbre son père spirituel.
Un hommage au danseur, au créateur, au chorégraphe. Deux heures trente festives, magnifiques pour dire, redire encore et toujours combien Béjart a marqué à jamais le monde de la danse.
Trois parties vont composer le programme.
Tout d'abord un ballet signé Gil Roman, t'M et variations.
On devine à quoi correspond l'initiale M.
Tous les pas lui sont adressés, à ce M, le fondateur de la compagnie.
Sur la scène deux percussionnistes, jB Meier et Thierry Hochstätter, ont composé douze variations, pour claviers et diverses percussions, sur lesquels les membres de la compagnie vont danser.
Immédiatement, dès les premiers pas de deux, une intense émotion saisit le public.
La beauté. Ce que nous voyons est d'une incomparable beauté.
Les pas de deux, de trois, de cinq, les portés, les soli, les ensembles, les rondes se succèdent dans un magnifique tourbillon visuel et musical.
Des moments parfois oniriques ou violents, drôles (les chaussons de danse sur la tête...) ou plus graves nous rappellent l'excellence dont est capable le corps humain en matière de danse.
Le chorégraphe Gil Roman a mis en forme des tableaux où ses outils, ses pinceaux et ses brosses sont les corps des danseurs, à qui il a beaucoup demandé.
L'impression de facilité qui se dégage de tout ceci ne doit jamais faire oublier les heures quotidiennes à la barre, au miroir...
La technique qui produit l'excellence.
J'avais les yeux écarquillés en permanence.
Après l'entracte, Gil Roman, avec la pièce qui a donné son titre au spectacle, nous convie à une autre fête.
En quelques tableaux, il nous montre l'héritage que nous devons à Béjart, tout ce qui continue à vivre au sein de la compagnie.
Une succession de pas de deux inventés par le fondateur du ballet vont nous être remis en mémoire, pour la plupart.
Ces pas, certains très brefs, d'autres au contraire plus longs, seront réunis dans une pièce durant environ une demi-heure, avec huit parties musicales, allant de Beethoven à la musique traditionnelle du Tchad, en passant par Rossini, Webern, Strauss, ou encore une mélodie populaire juive.
Et Gil Roman de nous rappeler que ce qui caractérise avant tout Béjart, c'est de ne pas « enfermer le danseur dans un style ou dans un système chorégraphique, mais au contraire, le libérer ».
L'émotion découle d'une suite d'actions à exécuter. Un texte d'actions simples, précise-t-il, et le seul lien entre elles, c'est le danseur. « C'est cela son écriture, son génie ».
Nous, nous nous laissons embarquer par ces jeunes femmes et jeunes hommes qui semblent ne pas toucher le plateau.
Les corps qui volent, qui défient en permanence la pesanteur.
Et puis voici la troisième partie, tellement attendue.
Des techniciens apportent la fameuse petite scène surélevée rouge.
Les danseurs entrent sur le plateau avec chacun leur chaise au piétement de la même couleur.
Le boléro.
Ce ballet, créé le 10 janvier 1961 au théâtre royal de la Monnaie, à Bruxelles, est bien entendu la chorégraphie la plus célèbre de Maurice Béjart.
Elle a connu plusieurs variantes.
Créé pour la soliste Duska Sifnios, l'œuvre fut notamment dansée par Jorge Donn. (Les amateurs de Lelouch connaissant bien la fin du film « Les uns et les autres ».)
Ici, c'est la version dans laquelle la mélodie est à nouveau dansée par une femme et le rythme par dix-huit garçons torse nu.
Elisabet Ros, par ailleurs directrice artistique adjointe de la compagnie, est merveilleuse, dans ce rôle difficile et exigeant.
Ici, l'enjeu est bien entendu de « coller » à la progression de Ravel.
Si la pulsation et le rythme restent identiques, l'entrée progressive des instruments fournit la progression chorégraphique.
Et toujours cette impression que personne ne pourra plus jamais danser autrement ce célébrissime boléro.
Un tonnerre d'applaudissements viendra saluer cette chorégraphie mythique.
Vous aussi, venez donc participer à cette fête de la danse.
Une fête des corps, une fête du mouvement sublimé, exacerbé.
Une fête sensuelle et merveilleuse.
Une fête du temps présent.
Gil Roman, Directeur artistique du Béjart Ballet Lausanne, celui que l'immense Maurice avait choisi en 2007 pour lui succéder, Gil Roman célèbre son père spirituel.
Un hommage au danseur, au créateur, au chorégraphe. Deux heures trente festives, magnifiques pour dire, redire encore et toujours combien Béjart a marqué à jamais le monde de la danse.
Trois parties vont composer le programme.
Tout d'abord un ballet signé Gil Roman, t'M et variations.
On devine à quoi correspond l'initiale M.
Tous les pas lui sont adressés, à ce M, le fondateur de la compagnie.
Sur la scène deux percussionnistes, jB Meier et Thierry Hochstätter, ont composé douze variations, pour claviers et diverses percussions, sur lesquels les membres de la compagnie vont danser.
Immédiatement, dès les premiers pas de deux, une intense émotion saisit le public.
La beauté. Ce que nous voyons est d'une incomparable beauté.
Les pas de deux, de trois, de cinq, les portés, les soli, les ensembles, les rondes se succèdent dans un magnifique tourbillon visuel et musical.
Des moments parfois oniriques ou violents, drôles (les chaussons de danse sur la tête...) ou plus graves nous rappellent l'excellence dont est capable le corps humain en matière de danse.
Le chorégraphe Gil Roman a mis en forme des tableaux où ses outils, ses pinceaux et ses brosses sont les corps des danseurs, à qui il a beaucoup demandé.
L'impression de facilité qui se dégage de tout ceci ne doit jamais faire oublier les heures quotidiennes à la barre, au miroir...
La technique qui produit l'excellence.
J'avais les yeux écarquillés en permanence.
Après l'entracte, Gil Roman, avec la pièce qui a donné son titre au spectacle, nous convie à une autre fête.
En quelques tableaux, il nous montre l'héritage que nous devons à Béjart, tout ce qui continue à vivre au sein de la compagnie.
Une succession de pas de deux inventés par le fondateur du ballet vont nous être remis en mémoire, pour la plupart.
Ces pas, certains très brefs, d'autres au contraire plus longs, seront réunis dans une pièce durant environ une demi-heure, avec huit parties musicales, allant de Beethoven à la musique traditionnelle du Tchad, en passant par Rossini, Webern, Strauss, ou encore une mélodie populaire juive.
Et Gil Roman de nous rappeler que ce qui caractérise avant tout Béjart, c'est de ne pas « enfermer le danseur dans un style ou dans un système chorégraphique, mais au contraire, le libérer ».
L'émotion découle d'une suite d'actions à exécuter. Un texte d'actions simples, précise-t-il, et le seul lien entre elles, c'est le danseur. « C'est cela son écriture, son génie ».
Nous, nous nous laissons embarquer par ces jeunes femmes et jeunes hommes qui semblent ne pas toucher le plateau.
Les corps qui volent, qui défient en permanence la pesanteur.
Et puis voici la troisième partie, tellement attendue.
Des techniciens apportent la fameuse petite scène surélevée rouge.
Les danseurs entrent sur le plateau avec chacun leur chaise au piétement de la même couleur.
Le boléro.
Ce ballet, créé le 10 janvier 1961 au théâtre royal de la Monnaie, à Bruxelles, est bien entendu la chorégraphie la plus célèbre de Maurice Béjart.
Elle a connu plusieurs variantes.
Créé pour la soliste Duska Sifnios, l'œuvre fut notamment dansée par Jorge Donn. (Les amateurs de Lelouch connaissant bien la fin du film « Les uns et les autres ».)
Ici, c'est la version dans laquelle la mélodie est à nouveau dansée par une femme et le rythme par dix-huit garçons torse nu.
Elisabet Ros, par ailleurs directrice artistique adjointe de la compagnie, est merveilleuse, dans ce rôle difficile et exigeant.
Ici, l'enjeu est bien entendu de « coller » à la progression de Ravel.
Si la pulsation et le rythme restent identiques, l'entrée progressive des instruments fournit la progression chorégraphique.
Et toujours cette impression que personne ne pourra plus jamais danser autrement ce célébrissime boléro.
Un tonnerre d'applaudissements viendra saluer cette chorégraphie mythique.
Vous aussi, venez donc participer à cette fête de la danse.
Une fête des corps, une fête du mouvement sublimé, exacerbé.
Une fête sensuelle et merveilleuse.
Une fête du temps présent.