Ses critiques
384 critiques
7,5/10
Je suis allée voir Pierre Palmade ce dimanche après-midi dans une étrange salle en arc de cercle située à quelques mètres de la très animée place de Clichy.
Inauguré en 1872 sous le nom de Concert européen en raison de sa proximité avec le quartier de l'Europe, ce music-hall populaire de 600 places a rapidement été rebaptisé par abréviation l'Européen. La salle sera entièrement reconstruite dans les années 1960, se tournera vers le théâtre, et prendra le nom de Théâtre en Rond en raison de sa nouvelle forme.
En 1987, Philippe Hourdé, alors directeur de l'atelier Hourdé (année préparatoire aux écoles d'art) et de l'École supérieure des arts et techniques (ESAT), décide d'y implanter son activité, sauvant ainsi la salle de la démolition. Il lui redonne son nom d'origine et renoue avec la musique en programmant de nombreux concerts, tous genres confondus (pop-rock, variété française, musiques du monde, jazz) ainsi que des spectacles musicaux. C'est là que le groupe Chanson plus bifluorée y fera son premier enregistrement en 1991.
A cette époque Pierre Palmade avait déjà fait ses premiers pas sur des scènes parisiennes :
1989 : Ma mère aime beaucoup ce que je fais, mise en scène Sylvie Joly, au Théâtre du Point-Virgule
1990 : On se connaît ?, mise en scène Didier Long, au Palais des glaces
1991 : One man show, mise en scène Roger Louret, à l'Olympia
1992 : Passez me voir à l'occasion... , à La Cigale
Avant de partir jouer un peu partout en France et de démarrer une nouvelle pièce de François Bégaudeau avec Catherine Hiegel, intitulée Le lien, et après avoir joué quelques dates dans diverses salles, sans doute pour tester la formule, le voilà, quelque trente ans plus tard, à l'Européen, situé à un quart d'heure à pieds de la Cigale, pour reprendre une sélection de sketches qu’il a piochés parmi ses neuf one-man-shows. Pierre les a choisis parce qu'il les affectionne particulièrement mais aussi parce qu'il était curieux de voir s'ils pouvaient toujours fonctionner aujourd’hui...
Il ne lui a pas semblé utile de s'embarrasser de beaucoup d’éléments de décor. Il a retenu quelques objets fonctionnels et plutôt élégants. Il entre en sifflant, en jeans, veste bleu de Prusse, assortie à la couleur de ses yeux, immuablement très bleus.
Il ne croit pas si bien dire en disant j’estime qu'être léger, à notre époque, il faut lever le doigt pour le signaler. L'épidémie de Covid 19 n'est encore pas reconnue en France (alors qu'on comprendra dans quelques jours que le virus circule déjà pleinement).
Il prétend n'avoir pas eu davantage d'inspiration pour une chanson que ces quelques rimes : J’habite à la campagne ... sous un mât de cocagne, avec des chats, des chiens et des petits lapins, l'odeur de l'herbe verte, l'église qui nous alerte qu'il est bientôt midi, Qu’elle est belle la vie.
Je n’ai écrit que cela. Là encore tous ceux qui ont eu la chance de pouvoir se loger loin des villes vont bientôt apprécier leur bonheur. Mais pour le moment le public rit, complice, estimant que la vie parisienne est tout de même plus excitante que l'isolement en ruralité.
Et l'artiste de poursuivre en faisant allusion à son hypocondrie légendaire : Il s’est passé quelque chose de fort dans ma vie. Je suis devenu plus léger, je n'ai plus d’angoisses métaphysiques.... malgré la mort qui rôde.
Pour rôder, elle rôde ... mais on ne le sait pas. Alors on sourit encore.
Le sketch du suicide où il se dit bisexuel, celui du nouveau voisin alcoolique, sa blague au chauffeur de taxi. Tout nous plait. Y compris celui qu'il a imaginé en s'inspirant de faits réels et du bon feeling qu'il avait cru avoir avec une certaine Catherine.
J'émettrai une réserve à propos de celui du mexicain chez le dentiste, non pas particulièrement pour son racisme et sa mauvaise foi mais parce que j'aime trop le Mexique et ses habitants pour supporter la raillerie.
Arrive fort heureusement le moment mythique de la partie de scrabble dont on ne se lassera probablement jamais, suivi du film X et du "suspense jusqu’à l’ennui". La devise de l'homme politique de "rassurer sans ennuyer", est tout à fait de circonstance en pleines municipales.
Puis ce seront la maladie de Julie, la lettre écrite par un Poilu depuis le Front et ...., juste après, la réponse à la question métaphysique de savoir ce qui se passe quand on ne tond pas un mouton. On voit bien quel type d’angoisse hallucinatoire peut inquiéter l’artiste.
ll termine en chanson, comme dans les émission de Patrick Sébastien. Il y a 30 ans j’avais 21 ans, faites le calcul, je finissais avec l’hirondelle. Aucune raison pour que ça change.
Pierre n'a rien éludé de ses errements, l'alcool, la drogue, le sexe, ni de ses angoisses même s'il affirme s'être débarrassé de la plupart. On en partage quelques unes avec lui, ce qui rend ses textes toujours autant percutants, et surtout toujours aussi drôles. On est bien dans nos pompes en face de lui et on se sent encore jeune. Pourvu que ça dure !
Inauguré en 1872 sous le nom de Concert européen en raison de sa proximité avec le quartier de l'Europe, ce music-hall populaire de 600 places a rapidement été rebaptisé par abréviation l'Européen. La salle sera entièrement reconstruite dans les années 1960, se tournera vers le théâtre, et prendra le nom de Théâtre en Rond en raison de sa nouvelle forme.
En 1987, Philippe Hourdé, alors directeur de l'atelier Hourdé (année préparatoire aux écoles d'art) et de l'École supérieure des arts et techniques (ESAT), décide d'y implanter son activité, sauvant ainsi la salle de la démolition. Il lui redonne son nom d'origine et renoue avec la musique en programmant de nombreux concerts, tous genres confondus (pop-rock, variété française, musiques du monde, jazz) ainsi que des spectacles musicaux. C'est là que le groupe Chanson plus bifluorée y fera son premier enregistrement en 1991.
A cette époque Pierre Palmade avait déjà fait ses premiers pas sur des scènes parisiennes :
1989 : Ma mère aime beaucoup ce que je fais, mise en scène Sylvie Joly, au Théâtre du Point-Virgule
1990 : On se connaît ?, mise en scène Didier Long, au Palais des glaces
1991 : One man show, mise en scène Roger Louret, à l'Olympia
1992 : Passez me voir à l'occasion... , à La Cigale
Avant de partir jouer un peu partout en France et de démarrer une nouvelle pièce de François Bégaudeau avec Catherine Hiegel, intitulée Le lien, et après avoir joué quelques dates dans diverses salles, sans doute pour tester la formule, le voilà, quelque trente ans plus tard, à l'Européen, situé à un quart d'heure à pieds de la Cigale, pour reprendre une sélection de sketches qu’il a piochés parmi ses neuf one-man-shows. Pierre les a choisis parce qu'il les affectionne particulièrement mais aussi parce qu'il était curieux de voir s'ils pouvaient toujours fonctionner aujourd’hui...
Il ne lui a pas semblé utile de s'embarrasser de beaucoup d’éléments de décor. Il a retenu quelques objets fonctionnels et plutôt élégants. Il entre en sifflant, en jeans, veste bleu de Prusse, assortie à la couleur de ses yeux, immuablement très bleus.
Il ne croit pas si bien dire en disant j’estime qu'être léger, à notre époque, il faut lever le doigt pour le signaler. L'épidémie de Covid 19 n'est encore pas reconnue en France (alors qu'on comprendra dans quelques jours que le virus circule déjà pleinement).
Il prétend n'avoir pas eu davantage d'inspiration pour une chanson que ces quelques rimes : J’habite à la campagne ... sous un mât de cocagne, avec des chats, des chiens et des petits lapins, l'odeur de l'herbe verte, l'église qui nous alerte qu'il est bientôt midi, Qu’elle est belle la vie.
Je n’ai écrit que cela. Là encore tous ceux qui ont eu la chance de pouvoir se loger loin des villes vont bientôt apprécier leur bonheur. Mais pour le moment le public rit, complice, estimant que la vie parisienne est tout de même plus excitante que l'isolement en ruralité.
Et l'artiste de poursuivre en faisant allusion à son hypocondrie légendaire : Il s’est passé quelque chose de fort dans ma vie. Je suis devenu plus léger, je n'ai plus d’angoisses métaphysiques.... malgré la mort qui rôde.
Pour rôder, elle rôde ... mais on ne le sait pas. Alors on sourit encore.
Le sketch du suicide où il se dit bisexuel, celui du nouveau voisin alcoolique, sa blague au chauffeur de taxi. Tout nous plait. Y compris celui qu'il a imaginé en s'inspirant de faits réels et du bon feeling qu'il avait cru avoir avec une certaine Catherine.
J'émettrai une réserve à propos de celui du mexicain chez le dentiste, non pas particulièrement pour son racisme et sa mauvaise foi mais parce que j'aime trop le Mexique et ses habitants pour supporter la raillerie.
Arrive fort heureusement le moment mythique de la partie de scrabble dont on ne se lassera probablement jamais, suivi du film X et du "suspense jusqu’à l’ennui". La devise de l'homme politique de "rassurer sans ennuyer", est tout à fait de circonstance en pleines municipales.
Puis ce seront la maladie de Julie, la lettre écrite par un Poilu depuis le Front et ...., juste après, la réponse à la question métaphysique de savoir ce qui se passe quand on ne tond pas un mouton. On voit bien quel type d’angoisse hallucinatoire peut inquiéter l’artiste.
ll termine en chanson, comme dans les émission de Patrick Sébastien. Il y a 30 ans j’avais 21 ans, faites le calcul, je finissais avec l’hirondelle. Aucune raison pour que ça change.
Pierre n'a rien éludé de ses errements, l'alcool, la drogue, le sexe, ni de ses angoisses même s'il affirme s'être débarrassé de la plupart. On en partage quelques unes avec lui, ce qui rend ses textes toujours autant percutants, et surtout toujours aussi drôles. On est bien dans nos pompes en face de lui et on se sent encore jeune. Pourvu que ça dure !
9/10
En entrant dans la salle du Théâtre du Gymnase j'avais repéré une sculpture posée sur le plateau, représentant trois singes en position totémique, le premier se bouchant les oreilles, le second les yeux et le troisième la bouche. Il s'agissait de toute évidence d'un message codé.
Je comprendrai plus tard que l'objet symbolise la volonté de plusieurs personnages à ne pas voir la réalité.
Mais, pour le moment, la soirée commence quasiment joyeusement dans une ambiance jazzy plutôt décontractée alors que Charly (Charlotte Kady) s’apprête à recevoir dans son appartement parisien ses invités dans le cadre de "juste une soirée amicale entre vieux potes de lycée"… 35 ans plus tard tout de même. On imagine que l'eau a coulé sous les ponts et on sent qu'il y a de la révélation dans l'air, justifiant pleinement le second degré du titre, Double Jeu.
Une maitresse de maison, six invités et un absent dont le souvenir pèse lourd puisqu'il est décédé. On a compris que la soirée ne va pas se dérouler comme de simples retrouvailles dans une atmosphère bon enfant. C'est d'ailleurs pour cela que nous, public, sommes venus, pour assister au jeu de massacre. Nous allons rire mais ce sera un vrai cauchemar sur le plateau pour certains. Comme le pressent une des participantes : On danse sur un volcan et on va tous sauter.
Ils sont pourtant tous venus de leur plein gré et semblent heureux de se revoir. Certes, ils ont différemment "réussi" et les premières tensions apparaissent entre Simon (Bernard Fructus), le flic, Pierre (Philippe Roullier), le psy médiatisé, Caroline (Olivia Dutron) la maman (provinciale) de cinq enfants et son désormais mari Luc (Pierre Deny), Abigail (Juliette Degenne), l'écologiste à l'allure gitane, qui voudrait faire le bien autour d'elle en cherchant à convaincre qu'on ne diminue pas le bonheur en le partageant, et dont la personnalité est si diamétralement opposée à celle de son amie Marjorie (Nathalie Marquay-Pernaut) qui joue la scandaleuse de service.
Charly tire les ficelles mais on s'interroge sur ses motivations. Sont-elles bienveillantes ou aurait-elle une arrière-pensée ? A-t-elle tout manigancé ou aurait-elle un(e) complice ? Personne n'a-t-il vraiment revu aucun de ses camarades (hormis bien entendu le couple formé par Caroline et Luc) ? Chacun de nous a son avis à propos de la finalité du jeu des devinettes. Une chose est sûre et ce proverbe africain se vérifie : Le hasard est le chemin que Dieu prend s’il veut voyager incognito.
Ils ont tous des choses à cacher et les masques vont tomber successivement comme sous l'effet d'une force bousculant une rangée de dominos.
Brigitte Massiot a tissé des dialogues très tendus, et le public le soir de ma venue, le 23 février, était très réactif, ayant du mal à se retenir d'exprimer son opinion, autrement qu'à travers des rires et des applaudissements très nourris. C'est elle qui a choisi les costumes et les tenues achèvent de nous donner des indications sur les tempéraments des personnages.
L'auteure nous interroge subtilement sur le frontière entre le pas responsable, le pas coupable, et le pas complice. Double Jeu est une excellente comédie psychologique, formidablement interprétée et mise en scène avec précision par Olivier Macé.
Je comprendrai plus tard que l'objet symbolise la volonté de plusieurs personnages à ne pas voir la réalité.
Mais, pour le moment, la soirée commence quasiment joyeusement dans une ambiance jazzy plutôt décontractée alors que Charly (Charlotte Kady) s’apprête à recevoir dans son appartement parisien ses invités dans le cadre de "juste une soirée amicale entre vieux potes de lycée"… 35 ans plus tard tout de même. On imagine que l'eau a coulé sous les ponts et on sent qu'il y a de la révélation dans l'air, justifiant pleinement le second degré du titre, Double Jeu.
Une maitresse de maison, six invités et un absent dont le souvenir pèse lourd puisqu'il est décédé. On a compris que la soirée ne va pas se dérouler comme de simples retrouvailles dans une atmosphère bon enfant. C'est d'ailleurs pour cela que nous, public, sommes venus, pour assister au jeu de massacre. Nous allons rire mais ce sera un vrai cauchemar sur le plateau pour certains. Comme le pressent une des participantes : On danse sur un volcan et on va tous sauter.
Ils sont pourtant tous venus de leur plein gré et semblent heureux de se revoir. Certes, ils ont différemment "réussi" et les premières tensions apparaissent entre Simon (Bernard Fructus), le flic, Pierre (Philippe Roullier), le psy médiatisé, Caroline (Olivia Dutron) la maman (provinciale) de cinq enfants et son désormais mari Luc (Pierre Deny), Abigail (Juliette Degenne), l'écologiste à l'allure gitane, qui voudrait faire le bien autour d'elle en cherchant à convaincre qu'on ne diminue pas le bonheur en le partageant, et dont la personnalité est si diamétralement opposée à celle de son amie Marjorie (Nathalie Marquay-Pernaut) qui joue la scandaleuse de service.
Charly tire les ficelles mais on s'interroge sur ses motivations. Sont-elles bienveillantes ou aurait-elle une arrière-pensée ? A-t-elle tout manigancé ou aurait-elle un(e) complice ? Personne n'a-t-il vraiment revu aucun de ses camarades (hormis bien entendu le couple formé par Caroline et Luc) ? Chacun de nous a son avis à propos de la finalité du jeu des devinettes. Une chose est sûre et ce proverbe africain se vérifie : Le hasard est le chemin que Dieu prend s’il veut voyager incognito.
Ils ont tous des choses à cacher et les masques vont tomber successivement comme sous l'effet d'une force bousculant une rangée de dominos.
Brigitte Massiot a tissé des dialogues très tendus, et le public le soir de ma venue, le 23 février, était très réactif, ayant du mal à se retenir d'exprimer son opinion, autrement qu'à travers des rires et des applaudissements très nourris. C'est elle qui a choisi les costumes et les tenues achèvent de nous donner des indications sur les tempéraments des personnages.
L'auteure nous interroge subtilement sur le frontière entre le pas responsable, le pas coupable, et le pas complice. Double Jeu est une excellente comédie psychologique, formidablement interprétée et mise en scène avec précision par Olivier Macé.
9/10
On dit que c'est un spectacle-culte et on a raison.
Tenir l'affiche pendant douze ans chaque dimanche soir à 21 heures sans avoir recours à un texte du répertoire, et avec une distribution fluctuante, chapeau !
Après le Gymnase, le Casino de Paris et le Théâtre Michel, Colors est désormais bien installé sur la scène de la Pépinière Théâtre et a déjà diverti et fait rire plus de 100 000 spectateurs. La troupe compte bien reprendre à la rentrée de septembre 2020 ... ou un peu plus tard.
Les règles sont constantes. Le maitre de cérémonie est toujours Esteban Perroy, directeur de l'école française d'improvisation théâtrale, alias Mister Purple, facilement reconnaissable à sa chemise violette. Il partage la scène avec au moins quatre comédiens qui sont identifiés eux (et elles) aussi par la couleur de leur vêtement. Un invité extraordinaire est habillé de blanc et joue le jeu de s'intégrer au groupe un peu au débotté. Ils (elles) sont environ 500 à avoir relevé le défi.
Parmi eux Gregori Baquet, Thierry Beccaro, Liane Foly, Sophie Forte, Virginie Lemoine, William Mesguich, Patrick De Valette des Chiche Capon ... Le soir de ma venue c'était Xavier Lemaire, comédien, metteur en scène, que j'avais souvent applaudi sur scène, plutôt dans un registre dramatique d'ailleurs.
Si vous connaissez, pas besoin d'aller plus loin. Vous êtes forcément acquis. Si ce n'est pas le cas je vous raconterai juste que dans la file d'attente on vous sollicitera pour proposer des sujets aux comédiens, sou forme d'une expression, d'un titre de film, d'une question, ... il n'y a aucune limite à votre propre imagination. Et si vous croyez que vous réussirez à les piéger ... et bien essayez !
Tous les petits papiers seront pliés en quatre et rassemblés dans un aquarium dans lequel, plus tard, on puisera les thèmes sur lesquels les comédiens devront improviser en temps réel. Cela se fait en deux temps. D'abord chacun "pitchera" sa proposition et ensuite on en retiendra une qui sera développée.
Dimanche dernier il y eut les verrues plantaires, le tango, faire les boutiques, la Joconde... des indications apparemment impossible à traiter comme "pourvu qu’elle soit douce", et "le côté de la biscotte", et puis aussi un thème qui devait plutôt concerner les comédiens : vendre sa pièce au festival d’Avignon. Nous ignorions alors que le prochain festival n'aurait pas lieu !
Ils sont tous admirables et l'invité particulièrement puisqu'à de rares exceptions il n'a pas cette habitude. Improviser ne s'improvise pas. C'est un immense travail qui repose sur la confiance et l'écoute. Ce soir là ils en ont tous fait la démonstration et le public n'a pas senti le moindre temps mort. je suis certaine que c'est tout le temps le cas même s'il y a certainement des moments plus forts que les autres.
Aucun ne tire la couverture à lui. Chacun a son moment de "gloire". C'est tout le "secret" de l'attention que le metteur en scène porte à son équipe. Sans se départir d'une grande bienveillance il pousse les comédiens à aller plus loin et le cas échéant il infléchit les registres. Le public lui-même est très vite complice. On en sort tous dopés.
Il ne faut pas oublier le rôle de la musique, jouée en direct, qui adoucit ou pimente, c'est selon.
En avant-programme, on découvre quelques élèves, improvisateurs amateurs, de l'école créée par Esteban Perroy et qui font un peu office de chauffeurs de salle à partir des contraintes que les spectateurs leur fixent. Cette disposition offre au public la possibilité d'entrer en salle jusqu'à 21h30 mais il me semble important d'arriver néanmoins à l'heure car il est essentiel pour ces élèves dont certains font leurs premiers pas sous les lumières de ne pas jouer devant des rangées clairsemées.
Tenir l'affiche pendant douze ans chaque dimanche soir à 21 heures sans avoir recours à un texte du répertoire, et avec une distribution fluctuante, chapeau !
Après le Gymnase, le Casino de Paris et le Théâtre Michel, Colors est désormais bien installé sur la scène de la Pépinière Théâtre et a déjà diverti et fait rire plus de 100 000 spectateurs. La troupe compte bien reprendre à la rentrée de septembre 2020 ... ou un peu plus tard.
Les règles sont constantes. Le maitre de cérémonie est toujours Esteban Perroy, directeur de l'école française d'improvisation théâtrale, alias Mister Purple, facilement reconnaissable à sa chemise violette. Il partage la scène avec au moins quatre comédiens qui sont identifiés eux (et elles) aussi par la couleur de leur vêtement. Un invité extraordinaire est habillé de blanc et joue le jeu de s'intégrer au groupe un peu au débotté. Ils (elles) sont environ 500 à avoir relevé le défi.
Parmi eux Gregori Baquet, Thierry Beccaro, Liane Foly, Sophie Forte, Virginie Lemoine, William Mesguich, Patrick De Valette des Chiche Capon ... Le soir de ma venue c'était Xavier Lemaire, comédien, metteur en scène, que j'avais souvent applaudi sur scène, plutôt dans un registre dramatique d'ailleurs.
Si vous connaissez, pas besoin d'aller plus loin. Vous êtes forcément acquis. Si ce n'est pas le cas je vous raconterai juste que dans la file d'attente on vous sollicitera pour proposer des sujets aux comédiens, sou forme d'une expression, d'un titre de film, d'une question, ... il n'y a aucune limite à votre propre imagination. Et si vous croyez que vous réussirez à les piéger ... et bien essayez !
Tous les petits papiers seront pliés en quatre et rassemblés dans un aquarium dans lequel, plus tard, on puisera les thèmes sur lesquels les comédiens devront improviser en temps réel. Cela se fait en deux temps. D'abord chacun "pitchera" sa proposition et ensuite on en retiendra une qui sera développée.
Dimanche dernier il y eut les verrues plantaires, le tango, faire les boutiques, la Joconde... des indications apparemment impossible à traiter comme "pourvu qu’elle soit douce", et "le côté de la biscotte", et puis aussi un thème qui devait plutôt concerner les comédiens : vendre sa pièce au festival d’Avignon. Nous ignorions alors que le prochain festival n'aurait pas lieu !
Ils sont tous admirables et l'invité particulièrement puisqu'à de rares exceptions il n'a pas cette habitude. Improviser ne s'improvise pas. C'est un immense travail qui repose sur la confiance et l'écoute. Ce soir là ils en ont tous fait la démonstration et le public n'a pas senti le moindre temps mort. je suis certaine que c'est tout le temps le cas même s'il y a certainement des moments plus forts que les autres.
Aucun ne tire la couverture à lui. Chacun a son moment de "gloire". C'est tout le "secret" de l'attention que le metteur en scène porte à son équipe. Sans se départir d'une grande bienveillance il pousse les comédiens à aller plus loin et le cas échéant il infléchit les registres. Le public lui-même est très vite complice. On en sort tous dopés.
Il ne faut pas oublier le rôle de la musique, jouée en direct, qui adoucit ou pimente, c'est selon.
En avant-programme, on découvre quelques élèves, improvisateurs amateurs, de l'école créée par Esteban Perroy et qui font un peu office de chauffeurs de salle à partir des contraintes que les spectateurs leur fixent. Cette disposition offre au public la possibilité d'entrer en salle jusqu'à 21h30 mais il me semble important d'arriver néanmoins à l'heure car il est essentiel pour ces élèves dont certains font leurs premiers pas sous les lumières de ne pas jouer devant des rangées clairsemées.
10/10
Voilà encore un spectacle essentiel et il se joue lui aussi à La Scène Parisienne qui offre pour sa réouverture une programmation de grande qualité.
Une table de bois avec une toile cirée fleurie comme on en a tous connue chez nos grands-parents ... cela semble pauvre comme décor mais c'est bien l'élément essentiel symbolisant alors la vie d'un foyer.
Coté jardin, une vareuse pend à un cintre et rappelle la mémoire du père.
Coté cour, un accordéoniste (Gregory Daltin) qui fait bien davantage qu'accompagner le spectacle.
Nous sommes à Nogent-sur-Marne, chez des immigrés italiens qu'on appela d'abord les Macaronis jusqu'aux années 1935, et puis qu'on désigna ensuite par le terme, sans doute pas plus élogieux de Ritals. On était les seuls étrangers explique le petit garçon (Bruno Putzulu). J'avais beau parfaitement savoir que François Cavanna (1923-2014) avait écrit Les Ritals (publié chez Belfond en 1978) et avoir entendu l'auteur en parler j'ai été tellement happée par l'histoire de ce petit garçon parlant de lui, quand il était gosse, en jurant que c’est rien que du vrai que j'ai complètement oublié l'origine du texte.
Sachant le comédien d'origine italienne je suis allée jusqu'à croire qu'il me racontait sa propre histoire familiale. Seules les dates m'ont fait tiquer. Bruno ne pouvait pas avoir 12 ans en 1935 : ça ne collait pas. J'ai failli le rencontrer à la fin du spectacle et j'aurais fait une belle gaffe en l'interrogeant là-dessus. ou peut-être non. Il aurait sans doute pris ma naïveté pour un immense compliment. Rien n'est mieux que de croire à ce qu'on voit sur la scène, non ? Surtout pour quelqu'un comme moi qui va beaucoup au théâtre.
Revenons au sujet. François Cavanna (dont on remarquera que le prénom ne pouvait pas être plus "français") offre, dans un roman autobiographique, un vibrant hommage à son père, sans pour autant renier sa mère et sans masquer sa colère contre les coups du sort. Manman, dit-il en gonflant les joues, ... quelle bourrasque ! Et le spectateur imagine très bien chaque scène parce que la drôlerie, la tendresse et le dynamisme de l'écriture sont respectés, quasiment sublimés.
Le roman a déjà été adapté au cinéma, mais c'est la première fois qu'il est joué sur une scène de théâtre. Si l'interprétation coule de source la performance est réelle et je peux dire que le comédien "mouille la chemise" pour interpréter tous les personnages, père, mère, enfant ... copains, et même une fille de joie… et pour chanter aussi, avec la complicité du musicien qui est un vrai partenaire, pendant une heure quinze, et sans jamais sortir de scène.
Pour la première fois de sa carrière, aussi belle au cinéma qu'au théâtre, ce grand acteur de la Comédie Française assume un seul-en-scène. Il était jusqu'à quelques jours le juré numéro 8 de Douze hommes en colère au Théâtre Hébertot, celui-là même interprété interprété au cinéma par Henri Fonda, qui ne lève pas la main parce qu'il n'est convaincu ni de l'innocence ni de la culpabilité de l'accusé, et dont la conscience fait tout basculer.
Ici il passe aisément du phrasé parisien aux vocalises italiennes. Il a en commun avec Cavanna (et je crois aussi avec Grégory Daltin) d'avoir eu pareillement une mère française (normande) et un père italien (sarde) qui, lui aussi a tout fait pour s'intégrer, allant jusqu'à franciser son prénom de Giovanni, devenu Jean, y compris sur sa pierre tombale. Celui de Cavanna, Luigi (1880-1954), était devenu Louis en obtenant la naturalisation en octobre 1939 à la suite des menaces de renvoi en Italie pendant les années 1930. La différence tient à ce qu'il n'a découvert le racisme subi par son père que lorsqu'il est allé travailler à l'usine où les camarades lui ont alors raconté quelques anecdotes.
Du coup (mais cela ne minore pas son mérite) il a sans doute été naturel de se glisser dans la peau de ce petit garçon à l'enfance modeste au sein d'une famille où l'on "tout fait pour ses enfants". Par contre, si François était enfant unique, Bruno avait un frère, Mario, et c'est lui qui le met en scène.
Moins médiatique que son frère, Mario Putzulu (né en 1952) partage avec Bruno (né en 1967) la passion du théâtre. Licencié en philosophie, il a exercé de nombreux métiers : manutentionnaire, ouvrier spécialisé, vendeur, régisseur… et il fut longtemps professeur des écoles. Mais Mario fut aussi comédien. De 1986 à 1988 il a suivi une formation au Théâtre des deux rives à Rouen, avec Catherine Delattres et Michel Bézu. Il a joué dans 19 pièces. Bruno dit volontiers que c'est grâce à lui qu'il est devenu comédien parce que c'est lui qui l’a fait monter sur scène la première fois. Comme il a eu raison de lui confier la mise en scène du spectacle!
Tout a commencé pour les Ritals avec la proposition faite par Rocco Femia, directeur de la revue Radici, à Bruno Putzulu et Grégory Daltin, d’intervenir à la Mutualité de Paris lors de conférences sur l’émigration italienne, en 2016, avec un extrait du texte de François Cavanna. Le public est partagé entre émotion et rires. Alors Bruno s'attelle à l'adaptation et Grégory à la musique. Une lecture mise en espace a lieu en octobre 2017 à Toulouse. Le succès se confirme et Mario est appelé pour la mise en scène.
De Cavanna, l'histoire retient la célébrité et les coups de gueule. Mais il faut savoir que n'ayant pas envie de poursuivre ses études il entra à la Poste en septembre 1939 (était-il influencé par sa mère qui aurait rêvé d'épouser un employé des Postes plutôt qu'un maçon ?) et perdra son emploi suite à des compressions de personnel. Il deviendra commis d'un marchand de fruits et légumes, puis travaillera dans plusieurs entreprises du bâtiment. Fin 1942, ironie de l'histoire, il sera recruté comme maçon par le service d'entretien d'une firme nogentaise, avant d'être requis pour le STO (début 1943).
On se souvient plus de lui comme chroniqueur, illustrateur et humoriste, souvent féroce avec ses contradicteurs. Il avait fondé Hara Kiri et Charlie (fusionnés en Charlie Hebdo), il ne faut pas oublier. Mais il était aussi capable d'une infinie tendresse et le comédien la restitue à la perfection, sans faire oublier la pauvreté, en sublimant les joies simples du quotidien. Les anecdotes pourraient faire rire mais elles ne font que sourire et l'on voudrait nous aussi serrer entre nos bras ce papa qui ne se révolte jamais.
Le spectacle commence comme le roman par l'évocation du père maçon, fabriquant de nouveaux mètres avec les bouts de mètres cassés ramassés sur les chantiers : Le dimanche matin, […], papa ouvre la fenêtre, […], et il répare des mètres. […] Avec un paquet de vieux mètres, papa en fait un neuf. Quand il est fait, il le regarde au soleil, content comme tout. Il y a juste le nombre de branches qu'il faut, cinq pour un mètre simple, dix pour un double mètre, juste le nombre, pas une branche de plus ou de moins, merde, c'est pas un con, papa. Je suis très fier de lui.
Nous quitterons la cuisine pour aller nous promener sur les bords de Marne, à Nogent, découvrir les guinguettes, les bals populaires, tout cela en marge du Front populaire et d'une crise économique.
Il s'achève de la même façon sur cette conclusion : J'étais parti pour raconter les Ritals, je crois qu'en fin de compte j'ai surtout raconté papa.
Je ne sais pas si le texte a une valeur universelle. Ce que je sais c'est qu'à de nombreux moments j'ai eu le sentiment de voir le mien de papa, qui n'est pourtant pas italien, mais qui a lui aussi subi une forme de racisme, celui d'être né dans une famille de paysans que l'on traitait de culs-terreux. Dans les années cinquante le mépris touchait tous ceux qui n'avaient pas la chance de "faire des études" et qui n'étaient pas pour autant des illettrés.
Puisse ce spectacle ouvrir les yeux sur tout ce que l'humanité a de simple et de beau. Et faire comprendre qu'on peut être humble sans risquer l'humiliation.
Plusieurs moments sont d'une intensité spéciale et les larmes me sont souvent montées aux yeux. Ah ... le chômage des années 1932-33 qui exacerbe la montée d'un racisme ordinaire, par ceux qui accuseront toujours les autres de venir prendre leur travail, (leur pain) et de toucher le chômage par-dessus le marché. On aurait voulu qu'après avoir participé à l'économie et fondé une famille ils rentrent subitement sur les terres de leur famille, alors que chez nous est devenu chez eux ?
Ah ... le mythe de l'employé des Postes que sa mère aurait rêvé d'épouser. Ah ... le calme du père qui ne proteste rien et qui tait sa honte. Ah ... l'histoire de la petite pêche qui deviendra un arbre. Ah ... le parapluie.
Et s'il nous est permis de faire un voeu, on aimerait bien que le trio se penche aussi sur la suite du récit de sa vie que Cavanna raconta dans Les Russkoffs (1979), à moins qu'il ne travaille d'abord sur la poursuite de l'enfance et sur la mère qui sont au coeur de L'Œil du lapin (1987).
Une table de bois avec une toile cirée fleurie comme on en a tous connue chez nos grands-parents ... cela semble pauvre comme décor mais c'est bien l'élément essentiel symbolisant alors la vie d'un foyer.
Coté jardin, une vareuse pend à un cintre et rappelle la mémoire du père.
Coté cour, un accordéoniste (Gregory Daltin) qui fait bien davantage qu'accompagner le spectacle.
Nous sommes à Nogent-sur-Marne, chez des immigrés italiens qu'on appela d'abord les Macaronis jusqu'aux années 1935, et puis qu'on désigna ensuite par le terme, sans doute pas plus élogieux de Ritals. On était les seuls étrangers explique le petit garçon (Bruno Putzulu). J'avais beau parfaitement savoir que François Cavanna (1923-2014) avait écrit Les Ritals (publié chez Belfond en 1978) et avoir entendu l'auteur en parler j'ai été tellement happée par l'histoire de ce petit garçon parlant de lui, quand il était gosse, en jurant que c’est rien que du vrai que j'ai complètement oublié l'origine du texte.
Sachant le comédien d'origine italienne je suis allée jusqu'à croire qu'il me racontait sa propre histoire familiale. Seules les dates m'ont fait tiquer. Bruno ne pouvait pas avoir 12 ans en 1935 : ça ne collait pas. J'ai failli le rencontrer à la fin du spectacle et j'aurais fait une belle gaffe en l'interrogeant là-dessus. ou peut-être non. Il aurait sans doute pris ma naïveté pour un immense compliment. Rien n'est mieux que de croire à ce qu'on voit sur la scène, non ? Surtout pour quelqu'un comme moi qui va beaucoup au théâtre.
Revenons au sujet. François Cavanna (dont on remarquera que le prénom ne pouvait pas être plus "français") offre, dans un roman autobiographique, un vibrant hommage à son père, sans pour autant renier sa mère et sans masquer sa colère contre les coups du sort. Manman, dit-il en gonflant les joues, ... quelle bourrasque ! Et le spectateur imagine très bien chaque scène parce que la drôlerie, la tendresse et le dynamisme de l'écriture sont respectés, quasiment sublimés.
Le roman a déjà été adapté au cinéma, mais c'est la première fois qu'il est joué sur une scène de théâtre. Si l'interprétation coule de source la performance est réelle et je peux dire que le comédien "mouille la chemise" pour interpréter tous les personnages, père, mère, enfant ... copains, et même une fille de joie… et pour chanter aussi, avec la complicité du musicien qui est un vrai partenaire, pendant une heure quinze, et sans jamais sortir de scène.
Pour la première fois de sa carrière, aussi belle au cinéma qu'au théâtre, ce grand acteur de la Comédie Française assume un seul-en-scène. Il était jusqu'à quelques jours le juré numéro 8 de Douze hommes en colère au Théâtre Hébertot, celui-là même interprété interprété au cinéma par Henri Fonda, qui ne lève pas la main parce qu'il n'est convaincu ni de l'innocence ni de la culpabilité de l'accusé, et dont la conscience fait tout basculer.
Ici il passe aisément du phrasé parisien aux vocalises italiennes. Il a en commun avec Cavanna (et je crois aussi avec Grégory Daltin) d'avoir eu pareillement une mère française (normande) et un père italien (sarde) qui, lui aussi a tout fait pour s'intégrer, allant jusqu'à franciser son prénom de Giovanni, devenu Jean, y compris sur sa pierre tombale. Celui de Cavanna, Luigi (1880-1954), était devenu Louis en obtenant la naturalisation en octobre 1939 à la suite des menaces de renvoi en Italie pendant les années 1930. La différence tient à ce qu'il n'a découvert le racisme subi par son père que lorsqu'il est allé travailler à l'usine où les camarades lui ont alors raconté quelques anecdotes.
Du coup (mais cela ne minore pas son mérite) il a sans doute été naturel de se glisser dans la peau de ce petit garçon à l'enfance modeste au sein d'une famille où l'on "tout fait pour ses enfants". Par contre, si François était enfant unique, Bruno avait un frère, Mario, et c'est lui qui le met en scène.
Moins médiatique que son frère, Mario Putzulu (né en 1952) partage avec Bruno (né en 1967) la passion du théâtre. Licencié en philosophie, il a exercé de nombreux métiers : manutentionnaire, ouvrier spécialisé, vendeur, régisseur… et il fut longtemps professeur des écoles. Mais Mario fut aussi comédien. De 1986 à 1988 il a suivi une formation au Théâtre des deux rives à Rouen, avec Catherine Delattres et Michel Bézu. Il a joué dans 19 pièces. Bruno dit volontiers que c'est grâce à lui qu'il est devenu comédien parce que c'est lui qui l’a fait monter sur scène la première fois. Comme il a eu raison de lui confier la mise en scène du spectacle!
Tout a commencé pour les Ritals avec la proposition faite par Rocco Femia, directeur de la revue Radici, à Bruno Putzulu et Grégory Daltin, d’intervenir à la Mutualité de Paris lors de conférences sur l’émigration italienne, en 2016, avec un extrait du texte de François Cavanna. Le public est partagé entre émotion et rires. Alors Bruno s'attelle à l'adaptation et Grégory à la musique. Une lecture mise en espace a lieu en octobre 2017 à Toulouse. Le succès se confirme et Mario est appelé pour la mise en scène.
De Cavanna, l'histoire retient la célébrité et les coups de gueule. Mais il faut savoir que n'ayant pas envie de poursuivre ses études il entra à la Poste en septembre 1939 (était-il influencé par sa mère qui aurait rêvé d'épouser un employé des Postes plutôt qu'un maçon ?) et perdra son emploi suite à des compressions de personnel. Il deviendra commis d'un marchand de fruits et légumes, puis travaillera dans plusieurs entreprises du bâtiment. Fin 1942, ironie de l'histoire, il sera recruté comme maçon par le service d'entretien d'une firme nogentaise, avant d'être requis pour le STO (début 1943).
On se souvient plus de lui comme chroniqueur, illustrateur et humoriste, souvent féroce avec ses contradicteurs. Il avait fondé Hara Kiri et Charlie (fusionnés en Charlie Hebdo), il ne faut pas oublier. Mais il était aussi capable d'une infinie tendresse et le comédien la restitue à la perfection, sans faire oublier la pauvreté, en sublimant les joies simples du quotidien. Les anecdotes pourraient faire rire mais elles ne font que sourire et l'on voudrait nous aussi serrer entre nos bras ce papa qui ne se révolte jamais.
Le spectacle commence comme le roman par l'évocation du père maçon, fabriquant de nouveaux mètres avec les bouts de mètres cassés ramassés sur les chantiers : Le dimanche matin, […], papa ouvre la fenêtre, […], et il répare des mètres. […] Avec un paquet de vieux mètres, papa en fait un neuf. Quand il est fait, il le regarde au soleil, content comme tout. Il y a juste le nombre de branches qu'il faut, cinq pour un mètre simple, dix pour un double mètre, juste le nombre, pas une branche de plus ou de moins, merde, c'est pas un con, papa. Je suis très fier de lui.
Nous quitterons la cuisine pour aller nous promener sur les bords de Marne, à Nogent, découvrir les guinguettes, les bals populaires, tout cela en marge du Front populaire et d'une crise économique.
Il s'achève de la même façon sur cette conclusion : J'étais parti pour raconter les Ritals, je crois qu'en fin de compte j'ai surtout raconté papa.
Je ne sais pas si le texte a une valeur universelle. Ce que je sais c'est qu'à de nombreux moments j'ai eu le sentiment de voir le mien de papa, qui n'est pourtant pas italien, mais qui a lui aussi subi une forme de racisme, celui d'être né dans une famille de paysans que l'on traitait de culs-terreux. Dans les années cinquante le mépris touchait tous ceux qui n'avaient pas la chance de "faire des études" et qui n'étaient pas pour autant des illettrés.
Puisse ce spectacle ouvrir les yeux sur tout ce que l'humanité a de simple et de beau. Et faire comprendre qu'on peut être humble sans risquer l'humiliation.
Plusieurs moments sont d'une intensité spéciale et les larmes me sont souvent montées aux yeux. Ah ... le chômage des années 1932-33 qui exacerbe la montée d'un racisme ordinaire, par ceux qui accuseront toujours les autres de venir prendre leur travail, (leur pain) et de toucher le chômage par-dessus le marché. On aurait voulu qu'après avoir participé à l'économie et fondé une famille ils rentrent subitement sur les terres de leur famille, alors que chez nous est devenu chez eux ?
Ah ... le mythe de l'employé des Postes que sa mère aurait rêvé d'épouser. Ah ... le calme du père qui ne proteste rien et qui tait sa honte. Ah ... l'histoire de la petite pêche qui deviendra un arbre. Ah ... le parapluie.
Et s'il nous est permis de faire un voeu, on aimerait bien que le trio se penche aussi sur la suite du récit de sa vie que Cavanna raconta dans Les Russkoffs (1979), à moins qu'il ne travaille d'abord sur la poursuite de l'enfance et sur la mère qui sont au coeur de L'Œil du lapin (1987).
8/10
J’ai été extrêmement surprise par Je m'appelle Erik Satie comme tout le monde dont beaucoup de personnes m’avaient dit le le plus grand bien mais sans me préparer à ce que j’allais voir.
De ce fait, le spectacle qui se déroulait sous mes yeux m’a déroutée parce que je n'avais pas imaginé, pas une seconde, que Laetitia Gonzalbes (autrice et metteuse en scène) avait écrit une fiction. J'aurais dû lire ce qu'on en disait avant de m'y rendre mais je voulais garantir mon impartialité.
Et ne pas me laisser influencer par le réalisme de l'affiche.
Et pourtant dieu sait combien les deux comédiens sont exceptionnels, le mapping prodigieux et d'un esthétisme rare, les chorégraphies extrêmement soignées, les ombres chinoises très suggestives, les mimes et bruitages très réussis. Je suis sûre que j'aurais adoré si j'avais été mise en garde. Je ne me serais sans doute pas agacée d'entendre la chanson J'irai revoir ma Normandie sous prétexte que l'homme est né à Honfleur. J'aurais sans doute supporté la danse de la comédienne, nue sous un voile, alors que la voir ainsi considérée comme un objet m'a prodigieusement agacée.
Ça commence avec une partie de cache-cache alors que l’on reconnaît évidemment la musique de Gymnopédie No.1 que le musicien a tout de même composé à seulement 22 ans. Ça continuera avec un parapluie et de l'eau qui coulera et ça se terminera sous la pluie et sans parapluie. Rien d'étonnant à ce que l'artiste soit mort d'une pleurésie. Mais voilà que je déraille moi-même ...
Je ne suis pas davantage d'accord avec cette réplique, Nous sommes des loosers magnifiques. Je les trouve plutôt héroïques. Par contre Satie a raison de dire N’écoutez jamais les critiques !
Alors ne m'écoutez pas et faites-vous votre propre opinion. Soyez prêts à vous émerveiller de ce spectacle qui est une vraie prouesse. Tout cela a forcément un sens.
Prenez-le comme une fiction pleine d’humour qui vous plongera dans la vie et l’œuvre du génial compositeur Erik Satie, artiste hors norme, avant-gardiste virtuose, qui composa des musiques aujourd’hui jouées dans le monde entier, telles les célébrissimes Gymnopédies. Il fit de sa vie un véritable roman, avec humour et légèreté, et fut l’ami des grands artistes de son époque : Debussy, Cocteau, Picasso... mais je crois qu'il n'aimait guère Poulenc.
Laetitia Gonzalbes est ce qu'on appelle une artiste plurielle, comédienne dès l’âge de neuf ans, metteuse en scène à quatorze, puis danseuse. Elle a joué dans des spectacles musicaux, a été modèle pour photographes... exerçant ses talents aussi bien sur scène qu’au cinéma ou à la télévision. Après avoir notamment travaillé sur les valeurs de la République, Péguy, Anna Karénine de Léon Tolstoï, elle a écrit et mis en scène Je m’appelle Erik Satie comme tout le monde en réponse à une commande du Théâtre de la Contrescarpe.
Éducateur pour enfants autistes en début de carrière, Elliot Jenicot s’est très tôt formé à la comédie, au mime et au clown. Ses talents ont été applaudis dans des seul-en-scène multirécompensés. Il a souvent joué dans des café-théâtres, festivals de rue et music-halls à travers le monde. Mais il a aussi été pensionnaire de 2011 à juillet 2019 à la Comédie Française.
Anaïs Yazit (Anna) a fait ses premiers pas artistiques dès l'âge de onze ans en dansant : claquettes, danse contemporaine, hip-hop, modern jazz... et surtout flamenco. Elle a également commencé le théâtre très jeune, avant de compléter sa formation au cours Florent, dont elle est sortie en 2016. La jeune femme est aussi une excellente chanteuse de pop funk, rock et soul, de tessiture mezzo soprano.
L'illustration est signée de Suki qui réalise sa seconde collaboration avec Laetitia Gonzalbes en animant le spectacle de ses admirables illustrations projetées.
De ce fait, le spectacle qui se déroulait sous mes yeux m’a déroutée parce que je n'avais pas imaginé, pas une seconde, que Laetitia Gonzalbes (autrice et metteuse en scène) avait écrit une fiction. J'aurais dû lire ce qu'on en disait avant de m'y rendre mais je voulais garantir mon impartialité.
Et ne pas me laisser influencer par le réalisme de l'affiche.
Et pourtant dieu sait combien les deux comédiens sont exceptionnels, le mapping prodigieux et d'un esthétisme rare, les chorégraphies extrêmement soignées, les ombres chinoises très suggestives, les mimes et bruitages très réussis. Je suis sûre que j'aurais adoré si j'avais été mise en garde. Je ne me serais sans doute pas agacée d'entendre la chanson J'irai revoir ma Normandie sous prétexte que l'homme est né à Honfleur. J'aurais sans doute supporté la danse de la comédienne, nue sous un voile, alors que la voir ainsi considérée comme un objet m'a prodigieusement agacée.
Ça commence avec une partie de cache-cache alors que l’on reconnaît évidemment la musique de Gymnopédie No.1 que le musicien a tout de même composé à seulement 22 ans. Ça continuera avec un parapluie et de l'eau qui coulera et ça se terminera sous la pluie et sans parapluie. Rien d'étonnant à ce que l'artiste soit mort d'une pleurésie. Mais voilà que je déraille moi-même ...
Je ne suis pas davantage d'accord avec cette réplique, Nous sommes des loosers magnifiques. Je les trouve plutôt héroïques. Par contre Satie a raison de dire N’écoutez jamais les critiques !
Alors ne m'écoutez pas et faites-vous votre propre opinion. Soyez prêts à vous émerveiller de ce spectacle qui est une vraie prouesse. Tout cela a forcément un sens.
Prenez-le comme une fiction pleine d’humour qui vous plongera dans la vie et l’œuvre du génial compositeur Erik Satie, artiste hors norme, avant-gardiste virtuose, qui composa des musiques aujourd’hui jouées dans le monde entier, telles les célébrissimes Gymnopédies. Il fit de sa vie un véritable roman, avec humour et légèreté, et fut l’ami des grands artistes de son époque : Debussy, Cocteau, Picasso... mais je crois qu'il n'aimait guère Poulenc.
Laetitia Gonzalbes est ce qu'on appelle une artiste plurielle, comédienne dès l’âge de neuf ans, metteuse en scène à quatorze, puis danseuse. Elle a joué dans des spectacles musicaux, a été modèle pour photographes... exerçant ses talents aussi bien sur scène qu’au cinéma ou à la télévision. Après avoir notamment travaillé sur les valeurs de la République, Péguy, Anna Karénine de Léon Tolstoï, elle a écrit et mis en scène Je m’appelle Erik Satie comme tout le monde en réponse à une commande du Théâtre de la Contrescarpe.
Éducateur pour enfants autistes en début de carrière, Elliot Jenicot s’est très tôt formé à la comédie, au mime et au clown. Ses talents ont été applaudis dans des seul-en-scène multirécompensés. Il a souvent joué dans des café-théâtres, festivals de rue et music-halls à travers le monde. Mais il a aussi été pensionnaire de 2011 à juillet 2019 à la Comédie Française.
Anaïs Yazit (Anna) a fait ses premiers pas artistiques dès l'âge de onze ans en dansant : claquettes, danse contemporaine, hip-hop, modern jazz... et surtout flamenco. Elle a également commencé le théâtre très jeune, avant de compléter sa formation au cours Florent, dont elle est sortie en 2016. La jeune femme est aussi une excellente chanteuse de pop funk, rock et soul, de tessiture mezzo soprano.
L'illustration est signée de Suki qui réalise sa seconde collaboration avec Laetitia Gonzalbes en animant le spectacle de ses admirables illustrations projetées.