- Théâtre contemporain
- Studio Hébertot
- Paris 17ème
Un picasso

- Studio Hébertot
- 78bis, boulevard des Batignolles
- 75017 Paris
- Rome (l.2)
1941, Paris est occupé.
Pablo Picasso est convoqué par Mlle Fischer, attachée culturelle allemande.
Il doit authentifier 3 de ses œuvres, volées par les nazis à leurs propriétaires juifs.
Le but : organiser une exposition d’« art dégénéré », dont l’autodafé final sera le point d’orgue.
Mais que recherche au juste cette femme fascinée par ce génie ?
C’est le début pour Picasso d’une négociation tout en séduction, ambigüe et violente pour sauver ses toiles…
Un propos sur l'art et la politique et leurs places dans la société.
L'AVIS DE LA REDACTION : 8/10
1941, Paris sous l'Occupation.
Dans une cave remplie d'objets d'art confisqués par les nazis, Pablo Picasso, le Maitre, est convoqué par Fräulein Fischer mais il ne sait pas pourquoi il est là, il attend... Fräulein Fischer descend l'escalier qui mène à la cave et c'est un affrontement qui va se dérouler sous nos yeux entre d'une part l'artiste à l'égo surdimensionné mais exilé à Paris et l'attachée culturelle allemande, qui sous son tailleur strict révèlera d'autres facettes de sa personnalité. Picasso doit identifier trois de ses toiles. Picasso comprend que les toiles vont servir à une exposition d’ « art dégénéré » dont le final sera la destruction des œuvres par le feu… Un autodafé rien de moins que ça… Il doit l’empêcher à tout prix !
La pièce de Jeffrey Hatcher (le scénariste du Mentalist entre autre) nous décrit effectivement un face à face entre deux caractères hors normes. Il aura fallu attendre 7 ans pour que le Studio Hébertot puisse disposer des droits pour la France afin d’adapter ‘Un Picasso’. Ce fut long certes mais voilà une pièce nécessaire par les temps qui courent.
Pour interpréter le légendaire Picasso, il fallait un comédien qui puisse supporter le poids du Maitre et Jean-Pierre Bouvier est l’homme parfait pour ce rôle, il exhale une force de son regard et une fierté de son allure qui cadrent à merveille avec l’image de Picasso. On trouve un Picasso ‘authentique’. En face, il y a Sylvia Roux, implacable en attachée culturelle du Reich avec son tailleur assorti à sa précieuse mallette et ses escarpins. Elle maitrise d’un regard ou d’un geste l’artiste impétueux. Ils s’observeront puis s’approcheront dans une scénographie réglée au millimètre entre les caisses de la cave. Le duo qu’ils forment sera inattendu et l’alchimie qui naitra de cette rencontre sera surprenante et intense. La relation entre Picasso et ses œuvres est disséquée avec finesse et vraiment intéressante.
La tension entre les deux protagonistes va monter progressivement et terminera à son comble dans une apothéose finale digne d’une scène de tauromachie. La mise en scène d’Anne Bouvier sert cette tension palpable avec efficacité. Il y a un je ne sais quoi d’animal dans cette pièce qui me séduit étrangement.
Je vous conseille vivement de voir ‘Un Picasso’.
Valérie Leah
Vu au Studio Hébertot en décembre 2018
Picasso : cet homme fascine, il déclenche les passions, les critiques les plus vives, toujours présent au devant de la scène.
Sans parler de son musée à Paris, en cette année 2018 on a pu voir « Picasso bleu & rose » au musée d’Orsay (jusqu’au 06 janvier 2019), un nombre incroyable de ses toiles dans l’exposition sur le cubisme au Centre Pompidou (jusqu’au 25 février 2019) et cette remarquable pièce de Jeffrey Hatcher écrite en 2005 au Studio Hébertot (jusqu’au 03 mars 2019) : merci à Sylvia Roux pour cette programmation.
Cette pièce jouée dans le monde entier dans toutes les langues s’est arrêtée pour notre plus grand bonheur à Paris.
1941 Paris est occupé et Jeffrey Hatcher coutumier du fait a créé son histoire comme un scénario de Columbo, dès le début nous connaissons le coupable. Et il nous décortique l’histoire de ce face à face, séquence après séquence avec de nombreux rebondissements à la clef.
L’intrigue est simple Mlle Fischer, attachée culturelle allemande est chargée d’authentifier trois œuvres de Picasso afin de les joindre à une exposition sur « l’Art Dégénéré » à Berlin ayant pour but final un autodafé, comme les nazis les affectionnaient.
Et ce face à face imaginé par l’auteur avec quelques répliques que l’on peut attribuer à Picasso est le prétexte pour exposer brillamment les méfaits d’une idéologie politique sur l’art, provoquant l’exil des artistes et pour ce qui nous concerne la peinture.
Nous savons tous qu’Hitler était « peintre », un peintre « académique » avec un esprit très fermé, limité et qui n’acceptait pas une autre ligne de conduite que la sienne.
Nous assistons à un déchaînement passionné d’argumentaires, à l’affrontement entre Picasso qui veut sauver ses œuvres et Mlle Fischer qui doit obéir à son parti et revenir à Berlin avec son butin.
Une Mlle Fischer qui tient tête avec ingéniosité à un Picasso brut de décoffrage. Chacun à leur tour usant de subtilité, de séduction pour faire pencher la balance en leur faveur. Jusqu’où sont-ils prêts à aller pour gagner la partie ? : un esprit machiavélique comme celui de Jeffrey Hatcher nous réserve bien des surprises et nous comble de bonheur dans cette joute verbale formidablement structurée.
La passion puissante va crescendo entre ces deux personnages qui apparemment n’ont rien en commun mais qui pourraient être liés par l’amour de l’Art.
Lequel va gagner, lequel va s’ouvrir à l’autre, lequel va se dévoiler ? : un jeu très subtil mis en scène délicatement par Anne Bouvier (que j’avais admirée dans « Mademoiselle Molière »).
Elle a su tirer, avec économie, le meilleur de ses deux comédiens, l’essence même du jeu sans artifices comme je l’aime : Sylvia Roux à la froideur exacerbée et l’œil pénétrant donne parfaitement le change à ce monstre de Picasso incarné avec justesse et au regard pétillant par Jean-Pierre Bouvier. On se délecte avec leurs échanges qui tournent parfois au vitriol pour revenir dans l’Amour de l’Art, leurs passions communes qui peut dénouer les situations les plus tendues : l’Art qui peut ouvrir les esprits et accueillir les pensées de l’adversaire.
Un thriller au suspense jouissif où la passion amoureuse fait écho pour un duo de comédiens impliqués jusqu’au bout des ongles : Picasso parviendra-t-il à sauver ses œuvres ? Parviendra-t-il à vivre pour son Art ? la réponse est au studio Hébertot et je vous recommande vivement de réserver votre place !
Il ne s'agit pas de parler ou de voir les œuvres de Picasso dont il est question mais de se pencher sur l'origine de l'acte créatif. Une dimension ludique est apportée grâce à l'interprétation de l'artiste très caractériel mais sans tomber dans la caricature.
Bref, que ce soit sur l'art ou la période de l'occupation les poncifs sont évités ! Le temps passe très vite et on rentre vite dans le vif du sujet, je recommande fortement, connaisseurs de Picasso ou non.
Cette comédie nous fait découvrir l’homme derrière le peintre qui se bat pour sauver ses œuvres. Jean-Pierre Bouvier s’investi totalement dans le personnage qu’il incarne avec une énergie débordante. On découvre un Picasso colérique, égocentrique et imbu de lui-même totalement dénué d’affection pour ses confrères. Sylvia Roux est une attachée culturelle chez qui se cache le feu sous la glace. Elle doit détruire tout ce qui n’est pas dans l’idéologie Nazie et en particulier « l’art dégénéré ». Un propos sur la place de l’art dans la société.
Une captivante joute verbale à ne pas manquer.
Une femme le rejoint, ce n’est pas un rendez-vous galant, mais l’histoire d’un fabuleux peintre qui devra défendre son œuvre face à l’attachée culturelle du régime nazi. Nous sommes à Paris, c’est l’Occupation. Une exposition privée doit se faire, mais ce sera pour détruire les œuvres « dégénérées ». Picasso s’interpose, il n’a pas beaucoup d’affection pour certains de ses collègues, mais il veut sauver trois autoportraits que lui présente Frau Fisher.
Ce sera le duel, entre un génie arrogant et égocentrique et une femme rigide qui veut elle aussi sauver sa peau. A-t-on de la sympathie pour l’un ou l’autre ? Pas vraiment, mais le sujet est plus vaste que celle de ces deux individus.
Les autodafés du régime nazi, la destruction de tout ce qui n’était pas « l’esprit allemand », Picasso tentera le tout pour le tout, la séduction ? Il connaît parfaitement, ses mots sont cruels envers ses compagnes et ses enfants. Mlle Fischer est victime d’un chantage odieux, mais voue une véritable passion pour l’homme qui est devant elle. Elle sait frapper où il faut, Guernica ? Une œuvre politique, lui s’en défend, il a souffert et pleuré lors de la destruction de ce village basque. Il s’emporte, elle sait l’affronter mais pour combien de temps encore ?
Jean-Pierre Bouvier est un de nos rares comédiens à s’investir totalement dans le personnage qu’il incarne, c’est toujours un bonheur de le voir sur scène. Sylvia Roux c’est la glace et le feu qui couve. La mise en scène de Anne Bouvier est dense, le texte et les répliques ne manquent pas d’humour.
Une belle pièce qui nous interpelle sur la liberté d’expression et de création.
Mais pour les nazis, à l'époque de la seconde guerre mondiale, beaucoup d'entre elles étaient qualifiées d'art dégénéré et devaient être purement et simplement détruites.
Pas question évidemment de brûler des reproductions. Il est donc important de s'assurer que ce qu'on va détruire sont des oeuvres originales. Et qui mieux que l'artiste qui les a réalisées pour les authentifier ?
Telle est la mission de Mlle Fischer, adjointe au ministère de la culture, d'obtenir de Picasso de déterminer si les trois tableaux (confisqués à des fuyards) destinés à un autodafé sont bel et bien de sa main.
On se doute que ce ne sera pas une simple formalité. D'abord parce que le peintre a un caractère très fort et qu'il n'est pas disposé à obéir. Ensuite parce que la jeune femme n'est pas insensible au charisme de l'artiste et que, même si elle veut rester loyale envers son gouvernement, elle est une amatrice d'art.
On assiste à la rencontre qui par moments prend des allures de corrida. Sans avoir chorégraphié les déplacements, on a souvent cette image qui s'impose, de Picasso en toréador quand il courbe la main pour mimer comment il tracerait les traits du visage de son interlocutrice s'il en faisait le portrait.
Jean-Pierre Bouvier est un Pablo Picasso fascinant qui, sans chercher à le copier le suggère très précisément. Il suffit d'avoir en mémoire un film, une interview, pour être frappé par la puissance de l'évocation. Parfois un léger accent espagnol surgit et renforce l'impression.
Sylvia Roux est à la hauteur de son rôle. A l'inverse de son partenaire, on ne sait pas comment était cette jeune femme (si tant est qu'elle ait existé, en tout cas elle est plausible) et on pourrait croire qu'il était facile de se glisser dans sa peau. Pas du tout. Car il faut avoir un très fort caractère pour contrer un homme comme Picasso. Représenter la philosophie nazi sans se faire détester du public n'était pas une mince affaire. Il était astucieux de la vêtir de rouge. Il y a quelque chose de Carmen dans sa flamboyance.
Le face à face est captivant. Le spectateur a le sentiment que l'histoire s'écrit en direct, devant lui.
Les passionnés de peinture se régaleront tout autant parce que trois tableaux sont décortiqués et on en apprend beaucoup sur les motivations de Picasso à les peindre, de même que son oeuvre majeure de Guernica. Il raconte aussi son amitié avec Apollinaire.
Un Picasso n'est peut-être pas le titre que j'aurais retenu. Une telle qualité aurait mérité le pluriel.