Le Retour au Désert

Le Retour au Désert
De Bernard-Marie Koltès
Mis en scène par Arnaud Meunier
  • Théâtre de la Ville
  • 2, place du Châtelet
  • 75004 Paris
  • Châtelet (l.1,4,7,12,14)
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MATHILDE : … Où est-elle la terre sur laquelle je pourrais me coucher ? En Algérie, je suis une étrangère et je rêve de la France ; en France, je suis encore plus étrangère et je rêve d’Alger. Est-ce que la patrie, c’est l’endroit où l’on n’est pas ? …

 

Dans cette étrange maison entourée de hauts murs, Mathilde Serpenoise débarque un beau matin des années 60, avec enfants et bagages. Voici quinze ans qu’elle avait quitté ce lieu pour l’Algérie. Aujourd’hui, elle entend bien récupérer son dû. Mais, Adrien, son frère, ne l’entend pas ainsi. Un affrontement explosif reprend entre le frère et la soeur. Les deux camps se déchirent, tandis que des événements surprenants se produisent au dedans, comme au dehors, évoquant eux aussi la violence de cette guerre que nul n’accepte de nommer.

L’Histoire franco-algérienne est pleine de fantômes, Koltès leur donne vie. Son écriture puise dans les non-dits qui tissent l’incompréhension commune entre ces deux pays. Parce qu’il a la conviction que notre relation à l’immigration reste liée à ce passé occulté, Arnaud Meunier, depuis longtemps déjà, désirait aborder cet épisode de notre Histoire. Le retour au désert lui offre cette opportunité, par le biais d’une formidable comédie. D’irrésistibles dialogues y côtoient des éléments fantastiques. Profondeur, poésie et ironie ne cessent d’y flirter ensemble… Pour incarner cet ovni théâtral, le metteur en scène retrouve plusieurs fidèles. À leurs côtés, Catherine Hiegel incarne Mathilde, Didier Bezace, Adrien.

Note rapide
7,3/10
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1 critique
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Toutes les critiques
28 janv. 2016
4/10
124
Désolée mais selon moi c'est raté.

Hiegel est certes magistrale, mais ne parvient pas selon moi à tenir assez haut ce texte et sa portée, face à ses collègues qui ne sont vraiment pas à la hauteur. Bezace notamment, plutôt décevant et complètement à côté du rôle.

On parle de comique mais où est le comique dans cette farce noire ? Drôle, mais grinçant et désespérant. Je n'ai jamais ressenti ce que ce texte porte dans sa puissance d'évocation.

On rit dans la salle et c'est désespérant, car c'est la rage qui devrait en ressortir devant la folie en marche, vraiment pas drôle du tout et redoutable. Le message "politique" et poétique de la pièce en est totalement occulté devant ces effets pseudo comiques de drôlerie, et une mise en scène pas toujours bien sentie.

J'avais souvenir d'une version des années 90 avec Myriam Boyer, bien plus puissante.
Dommage !
10/10
113
« Une comédie sur un sujet qui n’est peut-être pas tout à fait – ou seulement – un sujet de comédie » écrit Bernard–Marie Koltès à propos de sa pièce « le Retour au désert ».

Les retrouvailles du frère et de la sœur, si elles ne donnent pas lieu à des éclats de rire permanents, n’en sont pas moins tellement paroxystiques par moments, aux limites de la bestialité, que nous ne pouvons que sourire voire rire franchement des répliques et des situations caustiques et cyniques dont la pièce est truffée.

Après plusieurs années d’absence, Mathilde revient d’Algérie avec ses deux enfants. Elle reprend possession de sa maison, habitée par son frère Adrien et sa famille. Tout de suite, c’est l’explosion. Tout dérape, tout échappe, tout remonte. Ces deux-là ne peuvent s’entendre tant ils se haïssent, tant leurs enfances et leurs jeunesses les rattrapent et finalement tant ils s’aiment et ne peuvent que s’opposer pour mieux se sauver.

Nous sommes au début des années 1960, en pleine guerre d’Algérie. Bernard-Marie Koltès dénonce les attentats racistes, la xénophobie, le colonialisme rampant et l’empire de la bourgeoisie de province. Sa pièce est porteuse de messages politiques et sociaux qu’une écriture directe, vivante et fantasmagorique transforme en comédie. Nous suivons le fil ténu de l’histoire et nous faisons surprendre par des instants suspendus, des monologues impressionnants qui expriment pour chacun d’eux, des considérations délibérément drôles ou oniriques de l’auteur sur les relations interhumaines, les aspirations d’avenir, les illusions enfouies, les espérances impossibles.

Arnaud Meunier propose une mise en scène totalement au service du texte et de ses messages, dans une approche incisive des relations entre les personnages et une visibilité agrandie du huis-clos initialement prévu par la pièce. La dimension dramatique et politique se conjugue pour faire « théâtre ».

La distribution est remarquable. Le « couple fraternel » est explosif avec Catherine Hiégel et Didier Bezace, magnifiques et brillants.

Un moment fort de théâtre qui fera date sans doute.
24 janv. 2016
7/10
105
C’est une version bien troublante que celle qu’Arnaud Meunier propose, oscillant entre comédie et tragédie.

Le texte cinglant de Bernard-Marie Koltès semble avoir perdu de son éclat et de sa force devenant un immense désert aride dont la traversée nous est éprouvante. Pourtant, rien de vraiment raté ni détestable mais l’ensemble est très (trop) conventionnel.

Si la proposition manque d’intensité, nous déplorons également une prise de risque réduite à néant. La scénographie, plutôt intéressante avec le beau décor d’une véranda pour signifier la maison entourée d’une grande étendue d’herbe, n’est pas assez exploitée et donne une impression de déjà vu. Tout est dans l’extrême retenue au sein de cette comédie âpre qui souffre de nombreuses longueurs et de choix peu judicieux comme l’apparition ratée du spectre de Marie, la première épouse d’Adrien.

C’est propre, sage, scolaire mais terriblement aseptisé y compris dans les thèmes les plus marqués comme la bourgeoisie, la cohabitation ou le racisme. Koltès interroge également la notion d’étranger comme a pu le faire Camus et cela demeure relativement bien amené dans la mise en scène de Meunier mais où donc est passée la force sidérante de l’auteur, magnifiquement relevée dans la pièce créée par Patrice Chéreau en 1988 dans le cadre du festival d’Automne à Paris avec Jacqueline Maillan et Michel Piccoli ? Ici l’ennui fait place à la rage malgré quelques réussites comme le suicide de Mathieu qui disparait dans les cintres du théâtre. Mais est-ce suffisant pour assurer une bonne création ?

Cependant, il serait injuste de ne pas souligner l’unique raison de rester jusqu’à la fin des deux heures et quart de spectacle : la présence sur scène de la fabuleuse Catherine Hiegel qui prouve – si besoin est encore de le faire –qu’elle est une grande actrice comme il en reste peu. Elle se démène à merveille pour retranscrire toute l’ambigüité de Mathilde qui ne sait pas où est sa place et va faire voler en éclat la cellule familiale comme la guerre qui fait rage a détruit l’unité coloniale de la France. Animée par une rancune tenace tarissant sa soif de vengeance, elle étonne dans les joutes verbales qu’elle échange avec Adrien, son frère, incarné par le très bon Didier Bezace qui peine néanmoins à exister face à elle. Isabelle Sadoyan parvient à tirer son épingle du jeu en se démarquant dans le rôle de Madame Queuleu, la vieille domestique las des querelles fraternelles où Mathilde et Adrien ne se battent que par des mots qui font mal à tout le monde sauf à eux-mêmes.

Déçus par la mise en scène de ce Retour au désert, nous captons néanmoins la volonté d’Arnaud Meunier de nous mener à une réflexion citoyenne sur la France d’aujourd’hui en prenant comme support un texte fort au regard lucide sur notre société et savourons l’immense plaisir de retrouver sur scène la talentueuse Catherine Hiegel, véritable oasis dans ce désert aride.
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Notes détaillées (pour les plus courageux)
Texte
Jeu des acteurs
Emotions
Intérêt intellectuel
Mise en scène et décor