- Théâtre contemporain
- Ateliers Berthier Théâtre de l'Odéon
- Paris 17ème
La Réponse des Hommes

- Ateliers Berthier Théâtre de l'Odéon
- 32, boulevard Berthier
- 75017 Paris
- Porte de Clichy ( l.13, RER C)
Comment nous orienter en matière éthique ?
Pour sa nouvelle création, Tiphaine Raffier a choisi, suivant l’exemple de Kieslowski, d’imaginer des situations fictionnelles mettant à l’épreuve certaines des normes censées guider l’action. Elle se fondera pour cela sur les sept “œuvres de miséricorde” corporelles de la tradition chrétienne (par exemple : “accueillir les étrangers”; “assister les malade”; “visiter les prisonniers”), auxquelles s’en ajouteront deux autres, qui elles aussi résonnent aujourd’hui avec une acuité toute particulière : “prier pour les vivants et pour les morts ; sauvegarder la Création”.
Neuf “œuvres” comme autant de défis que l’écriture devra relever, afin d’approcher “les dilemmes et les inquiétudes morales archaïques ou contemporaines qui nous habitent”.
Traversant récemment la série filmique du Décalogue de Kieslowski, Tiphaine Raffier y a reconnu une œuvre qui ne cesse de mesurer l’intervalle entre nos actes et nos principes de conduite. Fascinée depuis toujours par les questions que posent de tels écarts, elle voit dans le théâtre un laboratoire où jouer des distances “entre ce que l’on entend et ce que l’on voit, entre l’image et l’écrit, entre le visible et l’invisible, la matérialité du plateau et l’imaginaire du spectateur”.
Il est ce “lieu qui peut à la fois séparer et réconcilier les êtres”, associer la radicalité de la recherche au plaisir simple de raconter des histoires, confronter la réflexion morale aux nécessités et aux urgences de la vie concrète.
La réponse des Hommes nous porte à réfléchir sur le bien, sur l’empathie et sur comment aider l’autre.
Tiphaine Raffier nous propose plusieurs situations différentes parfois reliées par des liens indirects mais cela importe peu. Chaque histoire nous pose des questions sur la définition du bien et sur comment aider l’autre au mieux. Cela pose un cas de conscience permanent au spectateur. Le but est bien sûr de provoquer la réponse de chacun, de s’interroger sur ses propres valeurs.
On reste dans le doute toute la pièce.
J’ai beaucoup aimé le texte qui nous interroge et qui n’amène surtout aucune réponse. Le spectateur reste en lévitation interrogative. Le but est aussi de provoquer le questionnement. C’est intéressant de ne pas avoir de réponse proposée.
L’interprétation est très bonne. Sharif Andoura est excellent. C’est un vrai plaisir de voir ce groupe nous lancer les interrogations par les différentes histoires.
La pièce finit dans un futur de fin du monde qui nous renvoie à une urgence écologique. Ca rappelle un peu le monde de science-fiction de France Fantôme.
Il faut se laisser porter par ces interrogations qui nous accompagneront longtemps après sans espérer de réponse.
Plusieurs petites scènes traitent d’une ou plusieurs œuvres de miséricorde comme nourrir les affamés, donner à boire aux assoiffés, accueillir les étrangers, vêtir ceux qui sont nus, assister les malades, ensevelir les morts, visiter les prisonniers et la quatorzième, sauvegarder la création.
L’ensemble est montré dans des contextes contemporains et montre des personnages confrontés à des dilemmes moraux alors que leur intention première est de faire œuvre de miséricorde déclinée en bonté, compassion, empathie, don, clémence …
La manière clinique de présenter ces scènes est souvent retenue. Citons par exemple les nombreux interrogatoires que ce soient celui d’un juge, d’un policier, d’un médecin ou d’un psy. Parfois s’y infuse également un certain cynisme comme la roulette (identique à celle du casino) qui s’arrêtera sur « ce » dossier médical et permettra à « ce » patient d’obtenir le rein qui lui manque, à condition qu’il réponde à l’appel téléphonique l’informant de cette bonne nouvelle. Sinon, au suivant …
Qui sauver ? On ne peut pas sauver tout le monde …
La mise en scène et les décors sont excellents. Cependant l’utilisation abusive de la video, même si elle apporte une émotion en direct, n’est pas convaincante. Elle est trop « sur scène » . Le jeu des acteurs tend à la perfection avec l’utilisation d’un sublime clair-obscur, comme la scène du parloir.
Un reproche pourtant : on se perd durant 3h20 dans cette boulimie de jeux obsédés par l’empathie et ses revers. On se perd à explorer trop de pistes de ce labyrinthe qui, au final, nous mène à une impasse. La désolation annoncée est vertigineuse. Nous restons sur notre faim/sur notre fin. « Qui trop embrasse, mal étreint ».
Ce spectacle que je recommande pour se nourrir de création contemporaine, se joue au TNP à Villeurbanne jusqu ‘au 12 février et sera ensuite en tournée à Lorient, Toulouse, Tours, Valenciennes, Vire et Lille-Tourcoing.