- Théâtre contemporain
- Ateliers Berthier Théâtre de l'Odéon
- Paris 17ème
France Fantôme

- Ateliers Berthier Théâtre de l'Odéon
- 32, boulevard Berthier
- 75017 Paris
- Porte de Clichy ( l.13, RER C)
C’est un genre rarissime au théâtre et c’est une nouvelle venue de la scène française, auteure et metteure en scène de deux premiers spectacles (La Chanson et Dans le nom), qui s’y essaie.
Une oeuvre de science-fiction : voici ce que Tiphaine Raffier propose avec France-fantôme.
Dans le monde qu’elle invente, grâce à une technologie nationale, il est devenu possible de décharger ses souvenirs dans des coffres-forts numériques reposant au fond de l’océan.
Lorsque la mort advient, il suffit de les injecter dans un autre corps. On réintègre alors le monde des vivants. On appartient à la communauté des « rappelés ».
Pas d’esthétique futuriste, mais plutôt un lieu d’expérimentation philosophique. Dans cette société libérale qui ressemble fort à la nôtre, la résurrection est devenue un marché ; l’incarnation, le stade ultime, tridimensionnel, de l’image. Les effets en sont divers : les visages ne comptent plus, les écrans les brouillent. Les oeuvres d’art tombent dans l’oubli, puisque la représentation humaine est jugée indésirable. Des clivages entre les rappelés et les « originaux » se forment, car les premiers revendiquent un statut d’égalité avec les seconds.
Dans cette « France-fantôme » où le deuil est au centre de la vie, on suit le parcours d’une femme qui perd son compagnon. Son amour pour le disparu, sa douleur, contredisent tous les mécanismes palliatifs. Le système se grippe, chair contre souvenirs.
Avec neuf acteurs et musiciens au plateau, Tiphaine Raffier dévoile ce monde inquiétant pour mieux parler de la grande intimité – la mémoire et le chagrin.
Il fallait oser s’attaquer à un genre peu exploité dans le théâtre français (genre qui commence aussi à revenir, et de belle façon, dans le paysage audiovisuel français grâce à Arte et aux séries Trepalium et surtout Transferts qui a des traits de ressemblance avec France-Fantôme dans son argument principal : le transfert d’une personne d’un corps à un autre, possible ici avant la mort) et Tiphaine Raffier, déjà vue en tant que comédienne chez Julien Gosselin (et j’arrêterai là le jeu des références, même si on peut s’amuser à chercher les points communs assumés entre eux deux), relève haut la main le pari.
C’est bien connu, les oeuvres de science fiction en disent beaucoup sur nos sociétés et France-Fantôme ne déroge pas à la règle. Celle-ci nous prévient même des dérives (idéologiques, religieuses par exemple), qui nous pendent au nez, à coup de sentences déclamées ou écrites en grand sur un écran géant qui peuvent paraître un peu grossières et/ou donneuses de leçons. Mais là sera le seul bémol car Tiphaine Raffier nous présente un spectacle qui ne lasse pas malgré sa durée (2h35 sans entracte), nous immerge dans ce futur lointain (XXVe siècle) mais étonnamment ressemblant à notre présent grâce à un remarque travail musical/vidéographique (je ne sais pas si ce mot existe) /scénographique notamment et aussi surtout grâce à des acteurs et des musiciens hors pair.
La France a un incroyable talent : Tiphaine Raffier. (le pire, c’est que je ne regarde même pas cette émission… pardon pour cette ultime référence indigne)