- Théâtre contemporain
- Théâtre du Rond-Point
- Paris 8ème
Erich Von Stroheim

- Emmanuelle Béart
- Thomas Gonzalez
- Théâtre du Rond-Point
- 2bis, Avenue Franklin D. Roosevelt
- 75008 Paris
- Franklin D. Roosevelt (l.1, l.9)
Cette histoire privée est celle de l’humanité.
Emmanuelle Béart est cette femme qui va droit au but. Elle veut un enfant. Autour d’elle, deux hommes, paumés. Nordey met en scène les troubles tangibles d’individus fissurés qui cherchent réparation.
Elle sait ce qu’elle veut, elle n’est la victime de personne. Elle va droit au but. Elle a quarante ans, elle veut un enfant. Elle travaille. Très affairée, elle sait où elle va. Autour d’elle, deux hommes, plus ou moins paumés. L’Un dit à l’Autre : « Nous sommes interchangeables. » Elle dira d’eux qu’ils sont « des chiens ». Elle est à la fois Célimène et Arsinoé du Misanthrope, Nora la révoltée de Maison de poupée d’Ibsen. Mais Elle est une femme libre.
Et si « le couple égale un mort », Elle veut que naisse, de la mort, un enfant. Erich von Stroheim n’a pas grand-chose à faire dans tout ça, il rôde en fantôme du monde extérieur.
Je suis arrivée enthousiaste je ressors déçue. Je me suis ennuyée, pas de nuance dans la voix, texte crié, texte sans relief, prétentieux tout est tellement théorique et froid.
Rien ne vibre.
Un éphèbe en tenue d’Adam nous accueille, confortablement installé sur un fauteuil. Il semble règner sur le plateau tel le propriétaire des lieux. L’Autre éveille les sens ; les regards convergent vers son corps délicatement sculpté. Des traits virils et affirmés s’opposent à des airs enfantins. Qui est-il ? Restera-t-il nu jusqu’à la fin de la représentation ? La réponse est oui mais loin de là l’idée d’un simple tic à la mode de mise en scène contemporaine. Ici, l’Autre offre continuellement une piqure de rappel : il sera question de corps, d’attirance, de dégoût mais finalement, peu de contacts. Paradoxalement, Erich von Stroheim se révèle une pièce du dire, une analyse de l’interdépendance à l’autre qui régit nos vies. L’incapacité de jouir de l’instant présent pour ne plus considérer le corps que comme le réceptacle de la procréation.
Besoin de rien, envie de toi (ou presque)
L’Autre est rejoint par Elle et L’Un. Elle est une redoutable femme d’affaires, ultra directive et très pressée. Elle aime le sexe rapide, elle prend les initiatives et mène à la baguette les deux mâles dans une relation SM étonnante, noire et tourmentée. L’Un est un acteur porno sur le déclin qui profite de ses dernières années dans le métier pour multiplier les performances. Il se rassure comme il peut mais il sent que son corps se périme. Il a besoin de pilules bleues pour rester dans le coup. Elle, telle une mante religieuse, se partage les deux hommes à l’envi. L’Un et l’Autre entretiennent une liaison. L’Autre est hypnotisé par Elle. Bref, trois personnages pour trois couples.
Les scènes s’enchaînent à la vitesse de l’éclair, tout comme la consommation effrénée de sexe à laquelle se livre le trio. La voix chaude et enveloppante de la Callas sur « Mon coeur s’ouvre à ta voix ». Ce timbre vibrant d’amour contraste avec l’immense décor impersonnel d’Emmanuel Clolus qui évoque furieusement Affabulazione. Un paravent constitué d’un trio de grands murs recèle et dévoile la parade des duos comme un écrin qui s’ouvre pour exhiber les complications des relations amoureuses.
Nordey a réuni une distribution d’habitués qu’il connaît bien et qu’il dirige avec sensibilité. Emmanuelle Béart est impériale en business-woman froide et couillue. Sa présence, très humaine, touche. Elle ne paraît pas jouer, elle est. Victor de Oliveira convainc dans la peau de l’acteur porno désabusé mais encore fougeux. Enfin, Thomas Gonzalez irradie en victime sacrificielle pétrie d’idéal : son retour final au sein d’une nature glaciale, entouré par la chaleur des animaux sauvage, émeut.
Ce huis-clos très bien interprété m'a cependant laissé plutôt froide et je n'ai pas accroché.
Côté public, j'ai noté des départs anticipés et quelques sommeils réparateurs....
A la sortie, plusieurs spectateurs disaient même avoir été choqués.