- Théâtre contemporain
- Théâtre national de la Colline
- Paris 20ème
Elle Brûle

- Boutaïna El Fekkak
- Margaux Fabre
- Alexandre Michel
- Ruth Nüesch
- Jean-Claude Oudoul
- Pierric Plathier
- Théâtre national de la Colline
- 15, rue Malte-Brun
- 75020 Paris
- Gambetta (l.3)
L’Emma d’Elle brûle doit quelque chose au personnage d’un célèbre roman, lui-même inspiré d’une histoire vraie...
Le fait divers en tant qu’il est chargé d’imaginaire, la littérature en ce qu’elle lance des coups de sonde dans le réel, la porosité entre vie et fiction: tels sont les matériaux de prédilection de Caroline Guiela Nguyen, jeune metteure en scène qui a travaillé sur Racine et Duras avant de réaliser avec sa compagnie les Hommes Approximatifs Se souvenir de Violetta, variation contemporaine autour du personnage de Marguerite Gautier.
Selon le même processus de création, Elle brûle se construira en va-et-vient entre improvisations et écriture : Mariette Navarro, auteure, est associée au projet. Les répétitions feront dialoguer le théâtre comme machine à fiction et le théâtre comme événement réel, personnes réelles, espace réel.
En écho à l’autre Emma, Elle brûle parlera d’amour, c’est sûr, mais aussi de l’endettement, du besoin d’argent – de ce qu’il comporte de désir de participer au monde, d’y exister enfin, d’y jouir. Et en face d’Emma, il y aura celui qui l’aime et ne voit rien de ce qui se passe – tant le déni de réalité est inhérent à la passion, autre machine à fiction.
Le décor sur le plateau confirme la tendance, un hyper-réalisme, autour d’une famille contemporaine, multi-ethnique.
Les dialogues également, sonnent « quotidien », la langue de tous les jours, des petits déjeuners plus vrais que nature… un parti pris de montrer le quotidien dans ses moindres détails pour mieux en révéler les failles… car ces personnages (qui gardent certains secrets) révèlent bien des problèmes.
Du couple qui se fissure au surendettement, des relations parents-enfant-grand-mère malade, aux patientes du docteur… tout explose sous le joli verni de cet intérieur qui se décompose peu à peu …et autour de cette femme qui sombre, personne ne voit rien…
Et comme ces personnages nous cachent à nous aussi beaucoup de choses, c’est à chacun de se faire sa propre petite histoire sur tout ce qui a pu conduire Emma à en arriver là.
Après un temps d’adaptation au début de la pièce face à cet hyper-réalisme, les marques par exemple qui font irruption dans les dialogues, cela surprend, mais aussi s’y retrouver dans les flash – backs et autour de ce fantôme (?) blanc m’a laissée un peu sans réponse , je me suis prise au jeu de cette « enquête », guettant les indices révélateurs du mal-être d’Emma. Les scènes s’enchaînent, le temps remonte – ré-avance- recule, saisissant à chaque fois quelques instants du quotidien de cette famille, qui, mis bout à bout, finissent par nous conduire à comprendre ce suicide.
A noter également l’efficacité du travail des lumières, qui soulignent en particulier les ellipses temporelles.
Autour de Boutaïna El Fekkak dans le rôle d’Emma, l’ensemble de la distribution est à saluer, j’ai trouvé vraiment intéressant ce choix de conception du spectacle et cette écriture particulière qui en est le cœur, bref, une compagnie à suivre!.