- Théâtre contemporain
- Théâtre des Bouffes du Nord
- Paris 10ème
Battlefield, Mahabharata

- Carole Karemera
- Jared McNeill
- Ery Nzaramba
- Sean O’Callaghan
- Théâtre des Bouffes du Nord
- 37 bis, boulevard de la Chapelle
- 75010 Paris
Spectacle en anglais surtitré. Le Mahabharata n’est pas seulement un livre, ou une série de livres, c’est un champ immense, qui couvre tous les aspects de notre existence. On y trouve les questions essentielles qui concernent notre vie, des questions qui sont à la fois contemporaines et urgentes. Le Mahabharata a été écrit il y a des milliers d’années, et pourtant il nous indique toujours, d’une manière inattendue, comment ouvrir nos yeux à ce que la réalité de nos vies demande.
Le texte parle d’une grande guerre d’extermination, une guerre qui déchire une même famille – la grande famille des Bharata. D’un côté se trouvent cinq frères, les Pandavas, de l’autre, leurs cousins, les Kauravas, les cent fils du Roi aveugle Dritarashtra. Des deux côtés des armes de destruction massive sont utilisées. La richesse du langage de cette épopée millénaire, ses histoires toujours étonnantes, nous offrent la possibilité de faire revivre sous une forme théâtrale cette situation qui, bien qu’appartenant au passé, reflète en même temps les très durs et innombrables conflits qui déchirent notre monde aujourd’hui.
La critique de Phane (rédac' AuBalcon) : 6/10. Comme souvent, la scène des Bouffes du Nord est éclairée avant le début du spectacle et je peux admirer le petit nombre d’accessoires qui constituent le décor de Battlefield, inspiré du long poème Mahabharata, sorte d’Iliade et d’Odyssée du peuple hindoue. L’histoire se passe il y a plusieurs millénaires dans la vallée du Gange, et pourtant, on pourrait l'imaginer encore aujourd’hui tant la scène est nue de tous décors, mais aussi de toutes indications temporelles et géographiques (hormis le fleuve Gange qui est mentionné deux fois par les personnages). Les vêtements des personnages sont très sobres, j’irai même jusqu’à dire « épurés » ce qui donne une pleine liberté au spectateur pour imaginer le lieu et l’époque du conte.
Cette épopée raconte les peurs et les doutes de Yudishtira, seul rescapé d’une grande guerre qui a décimé presque toute sa famille, et héritier du trône. Ses inquiétudes sont légitimes puisqu’il est la cause de ce conflit et de tous les morts qu’il a entraîné. Pourtant, ses proches et la « Destinée » lui prédisent un règne calme et juste, qui se terminera à l’aube d’une nouvelle ère ; celle-ci ne pourra malheureusement apparaître qu’après une autre grande guerre, synonyme d’extermination mais aussi de renaissance. Ce cycle ressemble beaucoup à la croyance hindoue qui veut que chaque âme renaisse dans un nouveau corps après sa mort, mais cette réincarnation serait meilleure que la précédente. Ainsi, après chaque bataille, un nouvel âge, meilleur que le précédent, peut commencer.
J’ai pris beaucoup de plaisir à découvrir cette pièce, illustration d’un pan, qui m’était inconnu, de la culture indienne et hindoue. Mais, alors que je m’attendais à voir une pièce de théâtre, j’ai eu plus l’impression qu’on me racontait une histoire (en anglais sous-titré !) dont les protagonistes sur scène n’étaient que les agréables conteurs. Seules certaines saynètes, interprétées par les comédiens au cours de la pièce pour alimenter leurs propos, m’ont pleinement satisfaites au niveau du jeu : les acteurs ne se contentaient plus de raconter mais jouaient, mimaient les voix et les actions de différents humains ou animaux. Ces petits contes, semblables aux fables de notre français La Fontaine, illustraient une morale destinée à aider Yudishtira dans son règne, mais ils donnaient une réelle vitalité à cette courte pièce d’une heure et quart, et provoquaient souvent plusieurs éclats de rire dans la salle !
Une pièce qui ne manque pas d’intérêt, mais peut être un petit peu de jeu, et parfois d’énergie.
Ce spectacle est reposant, calme, relaxant. Le jeu des comédiens était très simple.
J'ai eu la chance de rencontrer Carole Karemera. Elle m'expliqua que Peter Brook avait choisit les comédiens pour qu'il y ait une très grande diversité de cultures et que toutes ces cultures apportent beaucoup de choses au spectacle. Brook laisse une immense liberté aux comédiens. Jamais il ne voudra qu'un comédien qui, pendant une représentation, trouve une façon de dire quelque chose, un geste très bien, le refasse pour une autre représentation. Pour lui chaque représentation doit être unique et les comédiens doivent se trouver dans une sorte de semi-improvisation ce qui leur permet d'être bien plus concentré dans le spectacle et d'avoir un meilleur jeu plus simple. Nous avons demandé à Carole Karemera si ce spectacle avait changé sa façon de penser. Elle nous a répondu que pour elle ce texte du Mahabharata était très fort. Elle aime le Mahabharata et il lui a permis de changer sa vision des choses vis à vis du destin, de la mort, la religion.
Le parti pris de la scène nue et des acteurs très sobrement vêtus crée immédiatement une ambiance aérienne, mais cela retombe ensuite par la pesanteur du jeu et la solennité permanente du propos.
Alors qu'il s'agit d'un conte mi-narré mi-joué, les comédiens déclament plus qu'ils ne nous racontent, et la simplicité de la scénographie qui pourrait créer de la proximité est vite reléguée derrière cette gravité dans le jeu.
Certaines saynètes, qui font appel à l'humour et au jeu des acteurs, constituent une bouffée d'oxygène qu'on aurait aimé avoir plus régulièrement au fil de ce récit, qui à défaut perd en rythme et en intensité.