Il n'y a pas de Ajar

Il n'y a pas de Ajar
  • Théâtre de la Concorde
  • 1 avenue Gabriel
  • 75008 Paris
  • Concorde (L1.8.12)
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L’autrice est conteuse et rabbin, elle manipule l’humour juif avec un raffinement rageur. Delphine Horvilleur, après Réflexions sur la question antisémite et Vivre avec nos morts (éditions Grasset), compose pour le théâtre le monologue éclaté du fils imaginaire de l’écrivain Romain Gary et d’Émile Ajar, lui-même double fictif du premier.

Abraham Ajar, rejeton inventé de l’auteur de La Vie devant soi, alias Gary/Ajar, s’exprime depuis sa cave, son « trou juif ». Il se fait python ou souris blanche, maître ou esclave, femme ou homme, chrétien, juif ou musulman. Il se découvre à la fois lui-même et mille autres, miroir de théâtre planté face à nos inconscients.

Johanna Nizard incarne cet enfant du siècle, être indéfinissable, qui désamorce les tensions identitaires, dans un monde et un temps qui les exacerbent toutes

50

L'AVIS DE LA REDACTION : 9/10

Il est toujours un peu difficile de parler d’un spectacle qui a été un choc et pas seulement théâtral.
Découvert l’an dernier aux Plateaux sauvages, où il a été créé, et revu hier au théâtre de l’Atelier, Il n’y a pas de Ajar est le premier texte de Delphine Horvilleur écrit pour le théâtre.
Sous-titré Monologue contre l’identité, il concentre quelques-uns des principaux sujets humains, politiques et artistiques qui agitent notre époque : la menace identitaire, le repli sur soi, le spectre de « l’appropriation culturelle », le rapport entre réalité et fiction.

L’autrice a écrit que le métier qui se rapproche le plus de son « métier » de rabbin c’est celui de conteur : elle transmet aux gens des récits qui les aident à vivre. C’est cette connexion entre tradition juive et littérature que Delphine Horvilleur explore ; et c’est au travers d’une mystification littéraire, l’invention par Romain Gary d’un écrivain nommé Émile Ajar, qu’elle va décortiquer les obsessions identitaires qui empoisonnent notre société.
Elle imagine qu’Ajar a eu un fils prénommé Abraham et c’est ce fils, doté d’un humour caustique, qui s’adresse à nous. Impossible ? Fiction de la fiction ? Pourtant Émile Ajar s’est bel et bien vu décerner un prix Goncourt, pourquoi n’aurait-il pas eu un fils ? A travers l’ontologie du personnage, c’est notre propre ontologie que Delphine Horvilleur interroge. L’époque est à l’essentialisation. L’humain doit-il vraiment rentrer dans une case qui le définit ?

"Si t’es complètement, immanquablement toi-même, alors y’a rien à dire. C’est le mutisme de la plénitude. Et c’est là qu’elle attaque et qu’elle s’accroche, cette saloperie. Tu sais « l’identité », comme ils l’appellent tous. […] Elle bouffe toute la place : elle fait se sentir « bien chez soi » à la maison et en manque de rien. Et c’est comme ça qu’on devient muet, con, antisémite, et parfois les trois à la fois."

Le sujet de ce texte, magnifiquement mis en valeur par la mise en scène de Johanna Nizard et Arnaud Aldigé et la scénographie de François Menou, c’est ça : nous ne sommes « pas que », pas que ce que nous croyons être. Et pour faire place à l’autre, il faut déjà accepter l’altérité qui est en soi. Nous ne nous réduisons pas à notre religion, notre origine, notre sexe, notre identité de genre ou notre orientation sexuelle, pas plus qu’à notre ADN. Et c’est l’incomplétude, le manque qui nous pousse à créer.

Si, comme le dit Abraham « on est toujours [les enfants] de nos bibliothèques, les fils et les filles des histoires qu’on a lues ou entendues », alors pourquoi Abraham Ajar serait-il moins réel que vous et moi ? Johanna Nizard incarne, au sens fort du terme, Abraham dans tous ses états, se transforme sous nos yeux pour, de mue en mue, revenir à sa forme première. Une interprétation d’une telle virtuosité sur un texte de cette force, avec la scénographie idoine – des miroirs étroits délimitent l’espace de jeu, reflétant nos identités diffractées -, on l’espère vaguement à chaque fois qu’on met les pieds dans une salle de spectacle.

C’était hier 30 septembre la dernière au théâtre de l’Atelier mais il y a une grande tournée (@envotrecompagnie). En attendant une reprise, sans aucun doute, à Paris - la standing ovation de dix minutes de samedi autorise à le croire. Abraham vous attend….

Nathalie Tregouët

Note rapide
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2 oct. 2023
9/10
3
Il est toujours un peu difficile de parler d’un spectacle qui a été un choc et pas seulement théâtral.
Découvert l’an dernier aux Plateaux sauvages, où il a été créé, et revu hier au théâtre de l’Atelier, Il n’y a pas de Ajar est le premier texte de Delphine Horvilleur écrit pour le théâtre.
Sous-titré Monologue contre l’identité, il concentre quelques-uns des principaux sujets humains, politiques et artistiques qui agitent notre époque : la menace identitaire, le repli sur soi, le spectre de « l’appropriation culturelle », le rapport entre réalité et fiction.

L’autrice a écrit que le métier qui se rapproche le plus de son « métier » de rabbin c’est celui de conteur : elle transmet aux gens des récits qui les aident à vivre. C’est cette connexion entre tradition juive et littérature que Delphine Horvilleur explore ; et c’est au travers d’une mystification littéraire, l’invention par Romain Gary d’un écrivain nommé Émile Ajar, qu’elle va décortiquer les obsessions identitaires qui empoisonnent notre société.
Elle imagine qu’Ajar a eu un fils prénommé Abraham et c’est ce fils, doté d’un humour caustique, qui s’adresse à nous. Impossible ? Fiction de la fiction ? Pourtant Émile Ajar s’est bel et bien vu décerner un prix Goncourt, pourquoi n’aurait-il pas eu un fils ? A travers l’ontologie du personnage, c’est notre propre ontologie que Delphine Horvilleur interroge. L’époque est à l’essentialisation. L’humain doit-il vraiment rentrer dans une case qui le définit ?

"Si t’es complètement, immanquablement toi-même, alors y’a rien à dire. C’est le mutisme de la plénitude. Et c’est là qu’elle attaque et qu’elle s’accroche, cette saloperie. Tu sais « l’identité », comme ils l’appellent tous. […] Elle bouffe toute la place : elle fait se sentir « bien chez soi » à la maison et en manque de rien. Et c’est comme ça qu’on devient muet, con, antisémite, et parfois les trois à la fois."

Le sujet de ce texte, magnifiquement mis en valeur par la mise en scène de Johanna Nizard et Arnaud Aldigé et la scénographie de François Menou, c’est ça : nous ne sommes « pas que », pas que ce que nous croyons être. Et pour faire place à l’autre, il faut déjà accepter l’altérité qui est en soi. Nous ne nous réduisons pas à notre religion, notre origine, notre sexe, notre identité de genre ou notre orientation sexuelle, pas plus qu’à notre ADN. Et c’est l’incomplétude, le manque qui nous pousse à créer.

Si, comme le dit Abraham « on est toujours [les enfants] de nos bibliothèques, les fils et les filles des histoires qu’on a lues ou entendues », alors pourquoi Abraham Ajar serait-il moins réel que vous et moi ? Johanna Nizard incarne, au sens fort du terme, Abraham dans tous ses états, se transforme sous nos yeux pour, de mue en mue, revenir à sa forme première. Une interprétation d’une telle virtuosité sur un texte de cette force, avec la scénographie idoine – des miroirs étroits délimitent l’espace de jeu, reflétant nos identités diffractées -, on l’espère vaguement à chaque fois qu’on met les pieds dans une salle de spectacle.

C’était hier 30 septembre la dernière au théâtre de l’Atelier mais il y a une grande tournée (@envotrecompagnie). En attendant une reprise, sans aucun doute, à Paris - la standing ovation de dix minutes de samedi autorise à le croire. Abraham vous attend….
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Texte
Jeu des acteurs
Emotions
Intérêt intellectuel
Mise en scène et décor