Critiques pour l'événement Soyez vous-même
En prologue, une femme sans âge, sèche, racornie dans son perfecto noir, on dirait un insecte, elle porte des lunettes, elle est aveugle, mais tous ses sens sont en alerte. Elle vante les mérites de la Javel, puissant désinfectant, elle vit Javel, elle consomme Javel, elle doit même s’en parfumer !
Elle recrute pour le poste de commerciale.
La jeune femme qui se présente, jolie blonde pulpeuse, rieuse, sûre d’elle.
Nous assistons à un étrange entretien d’embauche, la jeune femme fait ce qu’elle peut, (elle a pris un coach pour l’entretien et se sent prête). Mais voilà, hélas pour elle, la Directrice lui demandera de se mettre à nu, de dévoiler son âme, son intériorité, « soyez vous-même » !
Elle n’a rien à faire des diplômes ou de la compétence, elle veut « casser » cette jeune impertinente qui aime la vie et pense être à la hauteur. Questions personnelles, intimes, tout va y passer, jusqu’aux hobbies de la jeune femme (elle aime chanter et danser) ce qui va donner lieu à une scène pour le moins délirante !
Les entretiens d’embauche, qui n’en a pas eu, et parfois, les questions pouvaient sembler incohérentes et bien maintenant après avoir vu la pièce, on est rassurés...
J’ai adoré la mise en scène et la composition magistrale des deux comédiennes.
De cet auteur, j’avais eu un coup de cœur pour « Eugénie », et je ne suis pas déçue par sa nouvelle pièce !
Elle recrute pour le poste de commerciale.
La jeune femme qui se présente, jolie blonde pulpeuse, rieuse, sûre d’elle.
Nous assistons à un étrange entretien d’embauche, la jeune femme fait ce qu’elle peut, (elle a pris un coach pour l’entretien et se sent prête). Mais voilà, hélas pour elle, la Directrice lui demandera de se mettre à nu, de dévoiler son âme, son intériorité, « soyez vous-même » !
Elle n’a rien à faire des diplômes ou de la compétence, elle veut « casser » cette jeune impertinente qui aime la vie et pense être à la hauteur. Questions personnelles, intimes, tout va y passer, jusqu’aux hobbies de la jeune femme (elle aime chanter et danser) ce qui va donner lieu à une scène pour le moins délirante !
Les entretiens d’embauche, qui n’en a pas eu, et parfois, les questions pouvaient sembler incohérentes et bien maintenant après avoir vu la pièce, on est rassurés...
J’ai adoré la mise en scène et la composition magistrale des deux comédiennes.
De cet auteur, j’avais eu un coup de cœur pour « Eugénie », et je ne suis pas déçue par sa nouvelle pièce !
Cette dernière création de Côme de Bellescize décape avec une malice fracassante les relations dans le monde du travail. L’auteur regarde cet univers aux filtres de la dérision et du rire, d’un onirisme cru et d’un absurde démentiel poussé au délire.
Le texte nous livre des propos saccageurs qui ne peuvent que nous surprendre de leur criante véracité dans cette description des ravages du pouvoir, de ses abus et de ses dégâts, à l'occasion d'un entretien d'embauche pour un poste dans la communication d'une entreprise de javel.
La soumission à un entretien d’embauche, telle qu'elle est montrée ainsi, interroge sur notre rapport au travail, sur la proximité dangereuse de l’espace privé et de l’espace public, sur la confusion entre compétence et performance, entre expertise et créativité, entre conscience professionnelle et engagement personnel.
Rêve ou cauchemar ? Jeu de rôles ou représentation de la vie ? Fable ou pamphlet ? Nous ne sommes pas dupes, il y a de tout cela dans ce réalisme prenant, gênant et troublant où nous pouvons croiser des bribes de nos souvenirs, de nos fantasmes et de nos peurs.
Nous résistons en vain à voir ce qu’il y a de vrai chez cette jeune femme, dans son attente indécente à se livrer tout entière pour son engagement à ce poste. Soumise de la décision, renonçant à sa dignité, elle semble progressivement s’oublier elle-même, sous le joug de la pression cynique et sadique de la directrice. La postulante devenue martyre ira jusqu’à abstraire sa propre personnalité : Plus de sentiment de compétence, plus d’estime de soi, plus d’image de soi. Tout cela est brisé, rompu aux désirs de cette tortionnaire qui ne se voit même plus dans son rôle satanique.
La mise en scène de l’auteur et la direction de jeux rendent crédibles cette incroyable entretien d’embauche, renforçant le réalisme des situations, laissant venir les rires dans les actions ou les répliques qui dépassent le possible entendement. Fin, adroit et bien ficelé, voici du bel ouvrage.
Les comédiennes Éléonore Joncquez et Fannie Outeiro resplendissent. Elles nous cueillent dès le début et ne nous lâchent plus. Elles portent toutes les deux ce texte infernal et déjanté avec une intensité et une sincérité remarquables.
Une pièce étonnante et prenante. Une des belles surprises de la saison.
Le texte nous livre des propos saccageurs qui ne peuvent que nous surprendre de leur criante véracité dans cette description des ravages du pouvoir, de ses abus et de ses dégâts, à l'occasion d'un entretien d'embauche pour un poste dans la communication d'une entreprise de javel.
La soumission à un entretien d’embauche, telle qu'elle est montrée ainsi, interroge sur notre rapport au travail, sur la proximité dangereuse de l’espace privé et de l’espace public, sur la confusion entre compétence et performance, entre expertise et créativité, entre conscience professionnelle et engagement personnel.
Rêve ou cauchemar ? Jeu de rôles ou représentation de la vie ? Fable ou pamphlet ? Nous ne sommes pas dupes, il y a de tout cela dans ce réalisme prenant, gênant et troublant où nous pouvons croiser des bribes de nos souvenirs, de nos fantasmes et de nos peurs.
Nous résistons en vain à voir ce qu’il y a de vrai chez cette jeune femme, dans son attente indécente à se livrer tout entière pour son engagement à ce poste. Soumise de la décision, renonçant à sa dignité, elle semble progressivement s’oublier elle-même, sous le joug de la pression cynique et sadique de la directrice. La postulante devenue martyre ira jusqu’à abstraire sa propre personnalité : Plus de sentiment de compétence, plus d’estime de soi, plus d’image de soi. Tout cela est brisé, rompu aux désirs de cette tortionnaire qui ne se voit même plus dans son rôle satanique.
La mise en scène de l’auteur et la direction de jeux rendent crédibles cette incroyable entretien d’embauche, renforçant le réalisme des situations, laissant venir les rires dans les actions ou les répliques qui dépassent le possible entendement. Fin, adroit et bien ficelé, voici du bel ouvrage.
Les comédiennes Éléonore Joncquez et Fannie Outeiro resplendissent. Elles nous cueillent dès le début et ne nous lâchent plus. Elles portent toutes les deux ce texte infernal et déjanté avec une intensité et une sincérité remarquables.
Une pièce étonnante et prenante. Une des belles surprises de la saison.
Sous le prisme d'un entretien d'embauche, Soyez vous-même montre à quel point il peut être dangereux de se connaître, que ce soit pour les autres ou pour soi-même.
Le décor minimaliste de la pièce est porté par deux comédiennes d'exception dont les énergies contraires (la folle ingénue prête à tout Fannie Outeiro et la patronne castratrice et sadique Eleonore Joncquez) offrent un spectacle à la fois jubilatoire, cynique et qui fait froid dans le dos sur ce qu'on est amené à être et à faire, tant dans le domaine professionnel que dans nos relations personnelles à l'autre.
Sur le même registre, j'ai préféré la bonne nouvelle de Bégaudeau (qui pourrait en être la suite d'ailleurs), plus rattaché à notre contexte social actuel mais Soyez vous-même reste un très bon moment de théâtre contemporain.
Le décor minimaliste de la pièce est porté par deux comédiennes d'exception dont les énergies contraires (la folle ingénue prête à tout Fannie Outeiro et la patronne castratrice et sadique Eleonore Joncquez) offrent un spectacle à la fois jubilatoire, cynique et qui fait froid dans le dos sur ce qu'on est amené à être et à faire, tant dans le domaine professionnel que dans nos relations personnelles à l'autre.
Sur le même registre, j'ai préféré la bonne nouvelle de Bégaudeau (qui pourrait en être la suite d'ailleurs), plus rattaché à notre contexte social actuel mais Soyez vous-même reste un très bon moment de théâtre contemporain.
On attendait avec ferveur la nouvelle création de Côme de Bellescize. Après des sujets délicats (la fin de vie dans Amédée, la décision de garder ou non un bébé handicapé dans Eugénie), le dramaturge s’engouffre dans des sentiers apparemment plus balisés avec Soyez-vous même. Au Théâtre de Belleville, le monde du travail se transforme en entretien d’embauche mystico-philosophique étonnant de jusqu’au boutisme. Porté par un duo de jeunes comédiennes qui se donne sans compter, cet affrontement 100% féminin entre parade et électrochocs mérite qu’on s’y attarde.
Jusqu’à quel point sommes-nous prêts à aller pour décrocher le métier de nos rêves ? La jeune ingénue pleine de détermination qui postule pour un poste dans la communication n’est pas au bout de ses surprises. Il s’agit ici de pousser l’autre dans ses retranchements. De briser le rituel inévitable d’embellissement lorsqu’on doit faire bonne impression. La directrice se livre ici à une entreprise maïeutique aussi vivifiante que traumatisante. Parvenir à son moi intime à travers une succession de tests humiliants, éprouvants, absurdes (mais finalement pas tant que cela).
L’entreprise de de Bellescize joue la carte des métaphores : le poste à pourvoir est dans la javel, il va falloir se mettre à nu dans tous les sens du terme… Le message est bulldozer mais efficace. L’écriture, acérée et cash, se fait plaisir et ne tergiverse pas vraiment. Deux boules d’énergie s’apprivoisent sur le plateau exigu et se déchaînent. Fannie Outeiro se démarque en ingénue fraiche et volontaire qui va progressivement lâcher prise tandis qu’Éléonore Joncquez. L’interaction entre les deux femmes se veut complice car elles se révèlent jumelles de l’extrême. Si l’envie se fait se sentir d’assister à un coaching éprouvant mais fructueux, vous savez ce qu’il vous reste à faire !
Jusqu’à quel point sommes-nous prêts à aller pour décrocher le métier de nos rêves ? La jeune ingénue pleine de détermination qui postule pour un poste dans la communication n’est pas au bout de ses surprises. Il s’agit ici de pousser l’autre dans ses retranchements. De briser le rituel inévitable d’embellissement lorsqu’on doit faire bonne impression. La directrice se livre ici à une entreprise maïeutique aussi vivifiante que traumatisante. Parvenir à son moi intime à travers une succession de tests humiliants, éprouvants, absurdes (mais finalement pas tant que cela).
L’entreprise de de Bellescize joue la carte des métaphores : le poste à pourvoir est dans la javel, il va falloir se mettre à nu dans tous les sens du terme… Le message est bulldozer mais efficace. L’écriture, acérée et cash, se fait plaisir et ne tergiverse pas vraiment. Deux boules d’énergie s’apprivoisent sur le plateau exigu et se déchaînent. Fannie Outeiro se démarque en ingénue fraiche et volontaire qui va progressivement lâcher prise tandis qu’Éléonore Joncquez. L’interaction entre les deux femmes se veut complice car elles se révèlent jumelles de l’extrême. Si l’envie se fait se sentir d’assister à un coaching éprouvant mais fructueux, vous savez ce qu’il vous reste à faire !
Pièce rare où le texte excellent et le jeu des acteurs remarquables se répondent à merveille.
Tout commence par une sorte d’incantation psalmodiée par une étrange bonne femme, toute de noir vêtue. Une sorte d’Olive de Popeye qui aurait soudainement perdu la vue. Bien que totalement aveugle, cette directrice d’une importante entreprise de javel reçoit des candidats en entretien de recrutement.
Très vite, on est dans l’ambiance, car cette dirigeante n’est pas à cours d’arguments lorsqu’il s’agit de vanter les mérites de sa société : « Il n’y a pas de vrai bonheur sans javel », « En plus d’être efficace, la javel est morale »… On a l’impression de se trouver face à un gourou plus qu’à un chef d’entreprise. Et il ne s’agit que de l’intermède. Car à côté de Madame la Directrice, une candidate est en scène, prête à tout (vraiment à tout) pour décrocher le job de ses rêves (« la javel c’est fait pour moi »).
Jusqu’où est-on prêt à aller, à se compromettre, à n’être précisément plus du tout soi-même pour être retenu, sélectionné, choisi, recruté, embauché ? La jeune postulante ira très loin, trop loin, jusqu’à un dénouement qu’on ne dévoilera pas mais qui pourrait (devrait) faire frémir plus d’un recruteur…
La mise en scène de Côme de Bellescize, bien plus épurée que celle de ses précédents spectacles (Amédée, Eugénie…) laisse le champ libre à l’interprétation remarquable des deux comédiennes. Avec tout le talent qu’on lui connait, Eléonore Joncquez campe cette directrice bien plus cabossée par la vie qu’elle n’ose l’avouer (« je me suis lavé les yeux à la javel par amour »). Face à elle, Fannie Outeiro dégage la même dose folle d’énergie, la même puissante audace.
Certaines scènes tellement réussies assurent à elles seules la promotion du spectacle. Eléonore Joncquez swinguant sur un air chantonné par Fannie Outeiro. Fannie Outeiro acceptant de se dévêtir et d’improviser, dans un élan de pudeur, « une danse de la chaise ». Fannie se lançant dans une scène de séduction et amenant Eléonore au paroxysme de l’excitation.
Elles nous font rire, et nous touchent au plus profond, parce qu’elles osent tout. Elles se dévoilent, semblent n’avoir aucune limite dans leur jeu. Pas de doute, sur la scène du Théâtre de Belleville, ces deux-là sont elles-mêmes et c’est tellement réjouissant !
Très vite, on est dans l’ambiance, car cette dirigeante n’est pas à cours d’arguments lorsqu’il s’agit de vanter les mérites de sa société : « Il n’y a pas de vrai bonheur sans javel », « En plus d’être efficace, la javel est morale »… On a l’impression de se trouver face à un gourou plus qu’à un chef d’entreprise. Et il ne s’agit que de l’intermède. Car à côté de Madame la Directrice, une candidate est en scène, prête à tout (vraiment à tout) pour décrocher le job de ses rêves (« la javel c’est fait pour moi »).
Jusqu’où est-on prêt à aller, à se compromettre, à n’être précisément plus du tout soi-même pour être retenu, sélectionné, choisi, recruté, embauché ? La jeune postulante ira très loin, trop loin, jusqu’à un dénouement qu’on ne dévoilera pas mais qui pourrait (devrait) faire frémir plus d’un recruteur…
La mise en scène de Côme de Bellescize, bien plus épurée que celle de ses précédents spectacles (Amédée, Eugénie…) laisse le champ libre à l’interprétation remarquable des deux comédiennes. Avec tout le talent qu’on lui connait, Eléonore Joncquez campe cette directrice bien plus cabossée par la vie qu’elle n’ose l’avouer (« je me suis lavé les yeux à la javel par amour »). Face à elle, Fannie Outeiro dégage la même dose folle d’énergie, la même puissante audace.
Certaines scènes tellement réussies assurent à elles seules la promotion du spectacle. Eléonore Joncquez swinguant sur un air chantonné par Fannie Outeiro. Fannie Outeiro acceptant de se dévêtir et d’improviser, dans un élan de pudeur, « une danse de la chaise ». Fannie se lançant dans une scène de séduction et amenant Eléonore au paroxysme de l’excitation.
Elles nous font rire, et nous touchent au plus profond, parce qu’elles osent tout. Elles se dévoilent, semblent n’avoir aucune limite dans leur jeu. Pas de doute, sur la scène du Théâtre de Belleville, ces deux-là sont elles-mêmes et c’est tellement réjouissant !
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