Critiques pour l'événement Papa va bientôt rentrer
5 mars 2018
7,5/10
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Quand les rires cachent des larmes

« Papa va bientôt rentrer » c’est l’histoire de deux femmes qui attendent que leurs maris rentrent de la guerre. Un quotidien monotone qui se trouve bouleversé par l’arrivée d’un déserteur, ancien petit ami de l’une d’elles.

Le bon fonctionnement de cette pièce repose principalement sur le jeu des deux comédiennes, qui s’appuie sur une belle complicité. L’esprit seventies apporte une ambiance décalée plutôt agréable, avec en filigrane la question de l’émancipation des femmes américaines à l’époque.

Après la mise en situation initiale, l’arrivée surprise de l’ex, qu’il faut cacher par tous les moyens, permet à l’histoire de vraiment démarrer et de prendre toute sa dimension comique. À la fois intrus dérangeant et invité agréable, Benoît Moret joue parfaitement sur les deux tableaux. Parfois gaffeur un peu lourd, souvent séducteur au grand cœur.

Malgré l’apparente légèreté de la situation, la guerre cruelle n’est jamais loin et ses conséquences finiront par être désastreuses pour les trois personnages, offrant un final aussi surprenant qu’émouvant. Tous les papas ne rentreront pas indemnes des combats…

Entre comédie romantique, analyse sociétale et récit historique, Jean Franco livre ici une pièce difficile à classer, mais qui, à mon sens, est assez réussie.
2 mars 2018
7/10
187
Encore une histoire inspirée par une guerre. Ce n'est plus la Première Guerre mondiale comme avec le Petit poilu illustré.

Ç'aurait pu être la guerre d'Afghanistan car l'auteur est parti de l'anecdote des papas plats (flat daddies) que le gouvernement américain faisait parvenir aux familles, comme si posséder une reproduction grandeur nature de son père ou de son mari pouvait compenser l'absence.

Finalement Jean Franco a choisi de situer Papa va bientôt rentrer dans le contexte de la guerre du Vietnam, ce qui permet de voyager dans l'Amérique (conformiste) des années 70, lesquelles ont décidément le vent en poupe. Au moins trois spectacles ont un décor comparable, et les comédiennes semblent avoir la même garde-robe avec des grands motifs orangés, (créés par Juliette Chanaud).

Quoiqu'il en soit cette pièce est une heureuse surprise et on se demande bien pourquoi l'auteur a laissé passer quelques années avant de la proposer à José Paul pour la mettre en scène au Théâtre de Paris, lequel a dû attendre longtemps avant que les trois comédiens soient libres en même temps.

La pièce se déroule sur 24 heures, et 8 mois plus tard. Un drapeau américain en berne dans la cuisine ne laisse pas de doute. Nous sommes aux US, précisément dans l'état du Maine. Il est 13 h 50 et on a compris que la pendule va jouer un rôle important.


Le réfrigérateur fait penser à la cuisine de Sur la route de Madison. On parie qu’on va boire de la bière, on ne sait pas encore laquelle, mais j'ai appris que chaque élément est authentique. L'assistante de José Paul est revenue des US avec une valise pleine de produits ... d'époque bien sur. Le décorateur (Edouard Laug) joue la carte réaliste et c'est parfait.

En l’absence de leurs maris, combattants au Vietnam, deux voisines, Mia (Marie-Julie Baup à gauche), et Suzan (Lysiane Meis à droite), se retrouvent quotidiennement pour bavarder, passer le temps, se soutenir, se serrer les coudes dans le même esprit que celui qui nous rassemblait après les attentats il y a deux ans. Mia engloutit les pots de beurre de peanuts, Suzanne se noie dans l'alcool. La première a une petite fille de 10 mois qui va bientôt marcher et réclamer son papa. Coup de chance les deux femmes pensent que Paul comme Richard vont bientôt rentrer parce que cette guerre absurde (elles le sont toutes) est sur le point de se terminer.

Ce n'est pas le papa officiel qui arrive mais l’ex petit-ami de Mia dont on surprend les acrobaties derrière la vitre avant qu'il n'entre par effraction.

Il est en désertion, donc en danger de cour martiale. Mia a tiré un trait sur ses engagements mais elle demeure attachée à son ancien amoureux et elle n'a pas le coeur de le condamner. La situation est compliquée et tout va se dérouler sous les yeux du mari, brave papa plat silencieux.

La pièce est une vraie comédie romantique, très agréable à suivre. Il y a de l'émotion positive, sans doute parce que l'auteur venait d'être papa quand il l'a écrite. Elle a aussi le mérite de pointer les premières tentatives d'émancipation féminine dans la bouche de la "moderne" Mia. Le personnage de Suzan est plus conformiste mais son amie éveillera sa conscience politique.

L'Amérique conquérante est égratignée par l'auteur et ce n'est que justice. En quoi la guerre du Vietnam pourrait revendiquer une quelconque légitimité ? Elle n'a rien à voir avec la religions ou une quelconque protection. C'est une volonté de conquête par un pays qui n'est pas une démocratie mais un empire.

Les opinions des personnages évolueront au fil du temps. Ils ne sont pas statiques et perdus dans leurs discussions. On les voit vivre, cuisiner (l'odeur de l'omelette chatouille nos papilles et on se demande si ce ne serait pas de la vraie Bud qui est ouverte).

Peut-être deviennent-ils plus matures. Être adulte serait ne plus avoir de certitude, nous a confié Marie-Julie Baup après le spectacle. Les choix musicaux de José Paul sont précis. On entendra le magnifique Saigon Bride de Joan Baez avant de terminer, huit mois plus tard sur les paroles de Lou Reed, Just a perfect day.

La direction d'acteurs est d'une grande justesse. Elle est le résultat de deux mois de répétition (en commençant avec le texte su, le metteur en scène en fait un principe). Mais aussi d'une belle entente de toute l'équipe qui s'appuie chaque soir sur deux principes toltèques (décidément le Mexique gouverne le monde) qui sont ne faites pas de supposition et faites toujours de votre mieux.

On peut voir dans la grande salle une autre pièce mise en scène par José Paul, plus impressionnante en terme de décor, la Garçonnière, qui est une reprise, et qui sera programmée en première partie de la prochaine cérémonie des Molières.

.... petite revanche pour José Paul, souvent nommé, jamais moliérisé.
28 févr. 2018
8,5/10
182
Desperate housewives, 1967

Papa, c’est ou plutôt ce sont ces soldats américains partis au Vietnam : Jean Franco s’est inspiré des Flat daddies des années 2000, des silhouettes à plat sur lesquelles étaient collées des photos des soldats (hommes ou femmes) et offertes à leurs familles, notamment aux enfants pour combler l’absence de l’être cher pendant la guerre en Afghanistan. Mais ici nous sommes en 1967 dans une banlieue un peu cossue dans le Maine. Mia et Suzan sont amies et attendent le retour de leurs maris partis au Vietnam. Deux desperate housewives qui attendent leur retour du héros. Un jour, un déserteur vient se réfugier chez Mia et l’on apprendra vite que s’il vient chez Mia, ce n’est pas par hasard.

Une comédie drôle, mais pas que.

Jean Franco signe ici une comédie ravissante, tout aussi drôle que touchante. Au-delà de l’histoire de ces deux jeunes et désœuvrées épouses viennent affleurer des sujets plus profonds comme le sens que l’on a donné à sa vie, les idéaux que l’on a abandonnés trop facilement ou trop paresseusement, la loyauté amicale et les amours perdues. Bien sûr, le ton reste léger, on rit souvent, mais d’un rire touché, jamais gratuit. Bien sûr, le tout aurait pu être encore plus creusé, fouillé, mais ce n’est pas un souci tant la mise en scène de José Paul, toute en vivacité et sans excès d’énergie ou de volte-face inutiles et gratuits laisse les comédiens s’amuser et amuser le public. En premier lieu, les deux comédiennes se complètent parfaitement : Marie-Julie Baup est une Mia subtile qui, derrière la façade de gentille épouse va dévoiler une facette plus trouble de jeune femme partagée entre ses convictions de jeunesse et son statut de jeune maman. Lisiane Meys réussit à donner à Suzan, la gentille épouse un peu (beaucoup) naïve, une sensibilité et une clairvoyance inattendues. Benoît Moret saura donner à Isaac la couleur nécessaire pour exister face à ces deux personnages féminins et former un trio ultra attachant.

Un vrai moment de plaisir, donc, qui ravit autant qu’il touche. Courez-y, mais courez-y vite : la pièce s’arrêtera le 11 mars, plus tôt que prévu. Faute de spectateurs, parait-il ? C’est bizarre : hier, la salle a beaucoup ri, beaucoup applaudi, beaucoup aimé. Il y avait dans ces rires la spontanéité d’un public qui s’abandonne au plaisir mais savoure la subtilité, des rires émus mais pas gras, des rires sincères, joyeux, touchés. Le mien en faisait partie.
24 févr. 2018
7,5/10
187
Jean Franco est l'auteur de 12 pièces écrites tantôt seul, tantôt en duo avec Guillaume Mélanie.
C'est à ce tandem que l'on doit "Panique au ministère"
qui marqua les débuts sur les planches de Melle Amanda Lear et fut pendant plusieurs mois un grand succès tant à Paris qu'en province.
Ecrite en collaboration avec Jean-Yves Roan,
"Papa va bientôt rentrer", n'est pas une pièce sur la guerre du Vietman mais en marge de celle ci.
Dans une petite ville du Maine aux Etats Unis, la vie de deux amies et voisines Mia et Susan dont les maris sont partis combattre, va être bouleversée par l'arrivée d'Isaac ex amoureux de Mia qui vient de déserter
Le décor, et les costumes sont pimpants très fin des sixties.
Marie-Julie Baup (Mia) tiraillée entre ses révoltes de jeunesse et sa vie actuelle, Lysiane Meis (Susan) beaucoup plus fine et pas si nunuche que ça et Benoit Moret (Isaac) qui déserte parce qu"il refuse de tuer, sont tous les trois excellents.
Le spectacle, qui nous réserve quelques morceaux de bravoure, comme le récit d'une mission d'Isaac façon
Apocalypse now ou une description de la judaïcité très drôle est mis en scène avec efficacité par José Paul.
On rit beaucoup, mais on est ému aussi, particulièrement par la scène finale.
Une des jolies surprises de ce début d'année 2018.
18 févr. 2018
9/10
162
J’ai sauté de joie à l’annonce de ce spectacle. Retrouver Lysiane Meis aux côtés de Marie-Julie Baup, ce sont deux univers théâtraux que j’adore et qui se rencontrent pour mon plus grand plaisir. Ajoutons à cela une mise en scène de José Paul et je n’étais pas loin d’être comblée. Ma seule crainte résidait dans le texte. Je ne connaissais pas l’auteur, l’affiche me rebutait un peu et j’avais peur de me retrouver face à un texte aux résonances trop américaines à mon goût. J’ai découvert en Jean Franco une plume fine au sujet plutôt original, un propos intéressant, un texte tout à fait dramatique et mené de main de maître par ces trois comédiens. Une soirée à ne pas manquer.

Tout est parti de l’anecdote des Flat daddies, reproductions en cartons de leurs maris partis à la guerre d’Afghanistan, que l’on offrait aux épouses restées à la maison afin de pallier la longue absence de l’époux-soldat. Ces « papas plats » ont été offerts à Mia et Suzan, ces deux voisines qui attendent le retour de Paul et Richard, partis combattre au Vietnam. Une excuse pour se retrouver, se serrer les coudes, discuter de tout, de rien, de leur rôle de femme, d’épouse, de la vie, de leurs combats, de leurs attentes. Un train de vie qui va se retrouver chamboulé par le retour d’Isaac, un ex de Mia qui a déserté l’armée et vient se réfugier chez elle.

J’ai été très agréablement surprise par l’écriture éminemment dramatique de Jean Franco. L’histoire se déroule de manière très fluide et aborde de nombreux sujets avec beaucoup de cohérence et d’intelligence. Il faut dire qu’il est merveilleusement servi par les trois comédiens qui portent ce spectacle. Tous trois dans des tons différents et complémentaires, on sent une direction d’acteur au cordeau, mais également sensible et bienveillante. Benoît Moret compose un Isaac aux allures d’homme dans cette enveloppe d’adolescent. A la fois attendrissant et agaçant, il livre son message avec beaucoup d’humanité.

Mais ce sont les femmes qui sont particulièrement mises en lumière dans ce spectacle. On retrouve chez Marie-Julie Baup cette interprétation à fleur de peau, où soudain la réplique la plus banale nous touche au coeur et nous fait monter les larmes aux yeux. Sa sincérité, sa sensibilité sans artifice émeuvent à plusieurs reprises et sous la femme forte qu’elle compose on sent des failles qui pourraient la détruire. Celle qui dit assumer les choix qu’elle a portés a dans les yeux un voile qui semble la démentir aussitôt. En face, Lysiane Meis n’est pas en reste. A cette composition un peu nunuche qui lui va si bien, elle ajoute d’autres facettes : sa loyauté envers Mia est touchante, sa lucidité poignante et l’évolution de son personnage, pleine d’espoir.

La mise en scène de José Paul est impeccable. Dès les premières notes du spectacle, on est happé par un rythme qui ne se tarira à aucun moment. Il s’est débarrassé des effets inutiles qui alourdissent souvent les spectacles aujourd’hui et chez lui, chaque détail compte : très vite, avant même que le noir se fasse, on comprend que l’horloge jouera son rôle dans le spectacle. Les lumières sont également pensées de manière très fine, dupant notre cerveau qui soudain transforme cette ombre provenant d’une simple reproduction en carton en un réel personnage présent autour de la table. Perturbant.
26 janv. 2018
9/10
58
Rentré en France tout récemment, je ne m'attendais pas à être autant dépaysé en remettant les pieds dans un théâtre parisien. Quel bonheur de se plonger au cœur des années soixante américaines avec ce texte original, drôle, percutant, servi par un duo de comédiennes pétillant, tellement juste, piquant et émouvant, accompagnées d'un non moins juste comédien. On se laisse prendre à ces conversations qui semblent futiles et qui ne le sont pas tant que ça, exactement comme on se laisse prendre par un tableau d'Edward Hopper. Et on plisse les yeux de plaisir.

Je conseille très vivement d'aller découvrir si Papa va rentrer.
26 janv. 2018
7,5/10
67
Papa va bientot rentrer est une comédie au ton léger sur un sujet pas vraiment léger.

Nous sommes en 1967 aux Etats Unis pendant la guerre du Vietnam et nous suivons le quotidien de deux femmes, voisines, dont les maris sont partis à la guerre. Leur train train quotidien va exploser avec l'arrivée d'un déserteur qui est bien connu par l'une des deux.

L'histoire dépeint la société américaine (grace à des décors et une atmosphere sonore très soignés) avec une ironie savoureuse et dresse le portrait de ces deux femmes, un peu 'cliché' mais qui nous font rire :
Les épouses au foyer sont donc interprétées par Marie Julie Baup (Mia) d'une part, qui est une ancienne activiste féministe, libre dans sa tête qui a 'choisit' de se ranger et Lysiane Meis, d'autre part, son opposée : femme au foyer dans toute sa splendeur, un peu coincée et nunuche mais pas que ça.

Ces deux là partagent de nombreux moments ensemble, liées par l'absence de leurs époux. Leurs differences donnent un ressort comique agreeable à l'ensemble. Quand Benoit Moret, le déserteur, débarque, le feu d'artifice à base de riz soufflé (là il faut voir la pièce pour apprécier) prend de l'ampleur.. Son jeu est naturel et il nous fait découvrir une nouvelle facette de Mia. Il y a vraiment une bonne interpretation des trois comédiens.

La mise en scène de José Paul donne du dynamisme à l'ensemble, c'est réussi.

Bref, la pièce est sympathique.
20 janv. 2018
8,5/10
67
Une comédie légère et souriante aux allures décalées de la dérision où les répliques fusent et les situations croustillent.

Susan et Mia sont les épouses de soldats partis faire la guerre du Vietnam. Mia s’occupe de son nourrisson mais l’attente l’ennuie et elle s’ennuie d'attendre. Papa va-t-il bientôt rentrer ? Voisines devenues amies, elles passent beaucoup de temps ensemble, le temps que viennent des permissions et que la guerre finisse.

Ce jour-là, le quartier est en effervescence. Un déserteur se cache à proximité, liguant le voisinage, effrayant notre Susan qui vient se réfugier plus souvent qu’à son tour chez Mia.

Qui est ce déserteur ? Que va-t-il déclencher ?

Joliment écrit par Jean Franco et Jean-Yves Roan, le texte dépeint avec un humour décapant, un rien moqueur, l’American way of life des années 60. Mia, l’ancienne progressiste façon Agitprop devenue sage comme une lionne au repos et Susan, conservatrice, plus tu meurs, façon Betty Boop Style désopilante. L’écart entre les deux personnages permettra tous les possibles et les auteurs ne s’en privent pas. Le déserteur viendra lui aussi déranger le bon ordre, comme un nuage de popcorns dans un jeu de quilles.

C’est drôle et touchant, bien ficelé et très efficace.

La mise en scène alerte de José Paul rythme la pièce allegro ma non troppo, ménageant des moments d’émotion parmi les situations parfois totalement barrées.

La distribution très en verve tire la pièce vers le haut. Tout est maîtrisé avec délicatesse et avec une adresse réussie. Les morceaux « de bravoure » fonctionnent à merveille. Marie-Julie Baup est une adorable Mia, caustique et passionnée. Lysiane Meis donne à Susan une vis comica détonante. Benoit Moret joue Isaac, le déserteur qui embobine son monde, avec élégance et sincérité.

Un trio d’enfer pour une pièce où l’on rit beaucoup et on s’amuse franchement mais pas que… ! Un spectacle pour la détente. Du théâtre de plaisir.
14 janv. 2018
7,5/10
96
J'ai passé un bon moment à regarder cette comédie légère ; l'interprétation du trio de comédiens m'a semblé juste.

Les détails du décor visuels comme sonores sont bien restitués ; j'ai apprécié également la mise en scène qui nous fait progresser dans le temps.

Beaucoup de rires dans la salle !